AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782714312068
87 pages
José Corti (03/05/2018)
3.78/5   9 notes
Résumé :
« L’oiseau de proie était tellement figé que, de loin, il avait semblé au garçon une motte de terre, et l’oiseau était tellement faible qu’il laissa s’approcher le garçon sans réagir, et, quand le garçon fut proche, il vit que l’oiseau avait une aile blessée et qu’elle pendait sur un côté, et c’était un oiseau au ventre blanc avec beaucoup d’aiglures, et au dos brun avec de fins liserés clairs qui dessinaient comme des écailles, et son oeil était terne, nullement vi... >Voir plus
Que lire après Le SacretVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Une simple scène du Moyen-Âge devient épopée par la grâce de la langue de Marc Graciano : le rapace de chasse y engendre tout un monde de beauté et de cruauté.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/04/17/note-de-lecture-le-sacret-marc-graciano/

Un château-fort anonyme, au Moyen-Âge. Un enfant du peuple qui y traîne ses menues besognes tombe non loin de là sur un oiseau blessé, bien mal en point. Pas n'importe quel oiseau : il s'agit d'un puissant rapace, un faucon sacre mâle (un sacret, donc, selon le terme précis consacré), affolé et désormais quasiment mourant. Pourtant le petit garçon ne renonce pas un seul instant : à force de patience et de soins d'un dévouement quasiment amoureux, le sacret reprend de la plume de la bête, jusqu'à ce que l'autoursier – le maître des oiseaux de proie – du château, ayant autorisé le garçon à utiliser ses lieux, finisse le travail réparateur et confie l'oiseau, redevenu une véritable bête de proie, identifiée comme probablement perdue par un lointain propriétaire (car rien de la sorte n'a été rapporté chez les seigneurs des environs), au gamin, puisqu'il l'a non seulement trouvé mais aussi sauvé, de fait, par son extrême attention. Et bientôt, la grande chasse à venir sera l'occasion de mesurer la qualité et la force du nouvel arrivant à celles de ses congénères officiels, appartenant au château et à ses nobles invités.

Simple en apparence (comme le soulignait Sébastien Omont dans sa belle chronique pour En Attendant Nadeau, ici), cette scène moyenâgeuse, cette historiette pour ainsi dire, pourrait sembler banale – insignifiante sans doute – si l'on s'en tenait à sa seule description. Mais la longue phrase unique conçue par Marc Graciano, phrase que l'on connaît déjà dans ses grandes lignes par ses quatre textes précédents, s'étend ici sur 80 pages, et crée une épaisseur magique et insidieusement beaucoup plus politique que dans ses deux textes également situés dans cette époque ancienne et indéfinie, revivant par la langue, « Liberté dans la montagne » et « Une forêt profonde et bleue ».

Publié en 2018 chez José Corti, comme les quatre textes précédents de Marc Graciano, « le Sacret » appartient de facto – on l'apprendra incidemment à l'occasion – à une oeuvre beaucoup plus vaste et demeurant jusqu'ici fragmentaire, oeuvre à laquelle prendront part aussi le moment venu « le Soufi » (2020), « le Charivari » (2022), mais aussi « La nacelle (précédé de) L'oiseleur » (2024).

On parlera sans doute davantage sur ce blog de ce dessein d'ensemble au moment, prochain, de chroniquer ces lectures ultérieures, mais il est certain que « le Sacret » (« exercice de haut vol », notait joliment Claro dans son feuilleton du Monde des Livres en 2018, à lire ici) constitue une rampe de lancement idéale pour un tel projet, en même temps qu'un choc à part entière et par lui-même.

La précision de la langue, son appropriation signifiante de la technique et de ce qui serait, ailleurs, perçu comme seul archaïsme, produit une poésie essentielle : mots traduisant eux-mêmes des actes au sens artisanal, ethnographique du terme (peut-être celui de Marcel Jousse et de son « Anthropologie du geste »), ceux de la langue de Marc Graciano tissent doucement et méticuleusement (en ne nous laissant reprendre notre souffle que par virgules et conjonctions de coordination dans l'océan d'observations et d'affects qui constitue ce quotidien toujours submergé) une toile serrée où la tendresse possible et la cruauté avérée du monde ne font décidément peut-être qu'un (comme l'avait aussi affirmé avec une telle force son troisième texte, le magnifique et monstrueux « Au pays de la fille électrique »).
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          20
C'est le magnifique récit un peu onirique et atemporel du sauvetage d'un oiseau de proie blessé et d'une chasse au héron.

Il est constitué d'une seule phrase, mais quelle phrase ! Ample, rythmée, toute brodée de termes anciens, ou inusités, ou appartenant au vocabulaire de la fauconnerie.

S'exprime dans ces pages l'amour respectueux et noble de l'homme pour l'oiseau et de l'oiseau pour l'homme.

Il y a de la sauvagerie aussi, celle intrinsèque à la vie et à la la nature qui exigent la mort de la proie.

Dommage pour moi que Marc Graciano ait choisi le thème de l'affaitage.

Je reconnais qu'il est riche et a permis au prosateur poète de former sur sa palette les plus subtiles nuances, de suggérer les plus délicates émotions. Les personnages du jeune sauveteur et de l'autoursier sont resplendissants de générosité et la dernière page est un zénith.

Il n'en reste pas moins que je me suis sentie brimée pendant toute la lecture, faute de partage et d'affinité vraie. C'est un sentiment bien contemporain que de ne pas aimer la chasse, je le sais bien. Mais justement l'auteur est un contemporain : j'échappe donc à l'accusation d'anachronisme en ne lui attribuant que trois étoiles.

Si ce texte avait été écrit dans la première moitié du 20 ème siècle, j'en aurais mis cinq !
Commenter  J’apprécie          80
Le Sacret est un livre dans le plus pur style de ce que l'on peut désormais appeler le "style de Marc Graciano".
Des phrases interminables, un certain goût pour les mots désuets voire moyenâgeux, des descriptions longues.
On se retrouve encore une fois dans un monde médiéval mais pas précisément situé. Un jeune homme de basse extraction trouve un oiseau de proie très affaiblit, tellement que l'oiseleur du châtelain lui prédit la mort.
Mais le jeune garçon à force de soins et de prévenance sauve l'oiseau (un faucon sacre -d'où le titre du livre), qui se remplume (aha !) et se fait connaître dans les environs. le seigneurs l'invite alors à une chasse avec toute sa cour...

Très court, justement, se livre se distingue à la fois par la sobriété de son histoire -un sauvetage et une chasse- et par la complexité de son style, avec des mots anciens, usés, et des phrases inhabituellement longues.
Il faut aimer, je crois que cette façon d'écrire est très clivante (pour user d'un mot à la mode), ou détester car ce style est pour le moins inhabituel. Pour ma part, j'aime beaucoup car cela me rappelle par certains aspect la science des mots d'Hemingway...
Commenter  J’apprécie          50
Nous sommes à l'époque médiévale, un jeune garçon apporte à l'autourserie du château, un oiseau de proie blessé. L'autoursier, après un examen, donne son verdict. L'oiseau a été blessé sûrement pendant une partie de chasse et a perdu une rémige ce qui l'empêche de se stabiliser pendant les vols stationnaires.
Petit-à-petit, l'oiseau et le jeune garçon s'apprivoisent et, ensemble, ils vont participer à une partie de chasse à l'autour, avec tout le tralala seigneurial.
Un fil très simple. Ce n'est pas là que réside le talent de Marc Garciano, mais dans son écriture dans ses tournures de phrases. Je devrais dire de la phrase. Oui, ce livre très court n'est qu'une seule phrase. J'ai mis plusieurs pages avant de m'en apercevoir car le style de l'auteur m'a pris dans ses rets. J'ai aimé la précision du langage (j'ai dû chercher certains termes dans mon dictionnaire), sa poésie, sa façon de poser les mots, la sensualité qui en émane. Marc Graciano utilise des mots anciens, les fait revivre avec simplicité. « C'était un oiseau au ventre blanc avec beaucoup d'aiglures », « oiseau éclamé » « le garçon enleva son bliaud » « Il jeta le chainse sur l'oiseau »
Oui, dans ce court récit, presqu'un conte, il n'y a pas de points, seulement des virgules suivi du mot et. Pourtant ce texte n'a rien de lourd, je ne m'y suis pas perdue.
La naissance de la vocation d'autoursier du garçon est expliquée avec précision. L'auteur connait le déroulement d'une chasse à l'autour, c'est précis, ciselé, un livre à raconter à voix haute pour en magnifier le rythme.
Si vous voulez un livre hors des sentiers battus, n'hésitez pas, c'est beau et bien écrit.
Très curieuse de lire les livres précédents de Marc Graciano
Superbe

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
Commenter  J’apprécie          22

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L’ oiseau de proie était tellement figé que, de loin, il avait semblé au garçon une motte de terre, et l’oiseau était tellement faible qu’il laissa s’approcher le garçon sans réagir, et, quand le garçon fut proche, il vit que l’oiseau avait une aile blessée et qu’elle pendait sur un côté, et c’était un oiseau au ventre blanc avec beaucoup d’aiglures, et au dos brun avec de fins liserés clairs qui dessinaient comme des écailles, et son œil était terne, nullement vif et acéré, comme habituellement chez les rapaces, et l’oiseau éclamé, qui n’avait vraisemblablement pu chasser et s’alimenter depuis longtemps, était tellement fatigué, qu’il se laissa prendre sans résistance, et, afin de s’emparer de l’oiseau, le garçon enleva son bliaud, puis il ôta son chainse, puis il remit son bliaud sur son torse nu, et il jeta le chainse sur l’oiseau qui eut seulement un petit sursaut avorté pendant sa capture, et le garçon se saisit de l’oiseau à travers le chainse, l’y emmaillotant, afin d’empêcher tout débattement, même s’il était peu probable que l’oiseau en eût, tellement il paraissait exsangue, et le garçon plaça l’oiseau chemisé contre la peau de son ventre, sous son bliaud, et il rentra vitement au château, et beaucoup de ceux qu’il croisa ou qui le virent de loin, empressé et penché, et tenant son ventre comme s’il avait été meurtri, l’interpellèrent et lui demandèrent si tout allait bien, et, sans interrompre sa marche, et sans même se tourner vers eux, il fit avec la main un bref signe affirmatif, comme un homme absorbé par un projet important ou une tâche urgente se déplace avec l’attention toujours intérieurement dirigée, ou comme un homme sérieusement méhaigné quitte définitivement le combat, déformant sa stature pour mieux supporter sa douleur, et éminemment concentré sur elle, et le garçon alla directement à l’autourserie du château, et l’autourserie était un bâtiment avec une première salle où était gardé, mais aussi confectionné et entretenu, l’équipement des oiseaux, et c’était aussi l’endroit où étaient confectionnés et gardés les différents remèdes pour les oiseaux, tandis que venait ensuite une deuxième salle qui était la chambre où les oiseaux étaient mis au bloc, puis se tenait un préau qui était une espace libre entre le bâtiment de l’autourserie et le mur d’enceinte du château, et qui, par le système d’un vaste filet disposé en coupole, à l’aide d’un mât mitan d’où partaient des filins radiaux, constituait une immense volière qui faisait jardin, elle- même compartimentée en plusieurs volières d’espace plus réduit, et, entre la chambre et la volière, se tenait une petite pièce où le pât des oiseaux était préparé, et où régnait toujours une très faible, une très douce et fade odeur de putréfaction, et ce fut dans la première salle, où, là, régnait une forte et agréable odeur de plumes et d’herbes médicinales, et de cuir, et de cirage, que le garçon trouva l’autoursier qui réparait du vieux matériel, et l’autoursier lui dit que l’oiseau était un mâle de sacre, et il lui dit que c’était un grand oiseau de chasse, un oiseau de bonne aire, même s’il n’en paraissait plus rien maintenant qu’il était tellement décharné par la faim, et rendu piteux de plumage, et l’autoursier lui dit que l’oiseau s’était certainement blessé un jour de chasse, mais non tant qu’il ne puisse voler, et l’autoursier lui dit que l’aile n’avait été brisée, mais seulement atteinte d’une plaie, et affligée de la perte d’une rémige, et que l’oiseau effrayé et albrené s’était perdu, et avait longuement erré, son vol empêché par l’absence de la plume, dit l’autoursier qui parlait comme s’il connaissait intimement cet oiseau, ou comme s’il l’avait suivi pendant son voyage égaré, et l’autoursier dit que l’oiseau errant n’avait pu chasser et s’alimenter correctement, et qu’il avait donc connu l’inanition en surcroît des conséquences de sa blessure, et que, dans sa dérive, dit l’autoursier, comme s’il avait assisté à la scène, l’oiseau avait perdu ses grelots et ses jets, et, surtout, ses vervelles, et que, par cette dernière cause, dit l’autoursier, il était désormais impossible de déterminer qui était son propriétaire légitime, mais l’autoursier dit que c’était sans doute un oiseau échappé qui venait de très loin, car il n’avait entendu mot parler de la perte d’un tel oiseau précieux chez les seigneurs locaux, à moins, dit l’autoursier, qu’il se fût agi d’un oiseau authentiquement sauvage, un oiseau hagard, et que l’oiseau fût provenu des terres originelles où usuellement on capturait ceux de son espèce pour les exporter vers le septentrion, c’est-à-dire venu de lointaines terres orientales, et que, pour une raison que lui, l’autoursier, ignorait, l’oiseau se fût détourné de son couloir migratoire, ce qui aurait expliqué son inhabituelle présence dans les parages, et l’autoursier dit que l’oiseau extravagant était si faible désormais, tellement abattu, qu’il ne pourrait survivre, n’ayant même plus la force de dévorer le pât frais qu’on lui présenterait, et que le mieux qu’ils pussent faire pour cet oiseau était de l’abandonner, mais l’autoursier dit que, nonobstant, c’était un oiseau qui appartenait au garçon désormais, un bien que le garçon devait considérer comme sien, puisque c’était le garçon qui l’avait trouvé, pour autant qu’un oiseau de proie appartînt à quiconque, dit l’autoursier, et l’autoursier affirma que les oiseaux de proie étaient des êtres libres que l’on ne pouvait garder près de soi qu’après les avoir abaissés ou, inversement, à force de soins curieux, l’autoursier dit que, sur cette question, les avis et les pratiques différaient, mais, quoiqu’il en fût, c’est-à-dire qu’ils eussent été abaissés ou qu’ils eussent été apprivoisés à force de soins, que les oiseaux de proie restaient tels qu’ils avaient toujours été, des êtres francs, des êtres essentiellement libres, dit l’autoursier
Commenter  J’apprécie          10
et, quand l’autoursier revint voir l’oiseau, l’oiseau avait recouvré sa parfaite santé, et ses yeux accipitrins avaient retrouvé leur parfaite brillance, et son plumage tout son éclat resplendissant, et l’autoursier eut un sifflet admiratif devant la beauté retrouvée de cet oiseau de race, mais aussi en signe de respect devant la qualité des soins dont l’oiseau avait eu le bénéfice, et l’autoursier félicita expressément le garçon, et ils entrèrent ensemble dans la volière, et l’autoursier, qui avait pris son gant et de la chair fraîche pour affriander l’oiseau, fit venir l’oiseau sur son gant, et flatta l’oiseau, et admira longuement l’oiseau, et l’autoursier observa subrepticement l’aile blessée et la plume manquante, puis l’autoursier dit que cet oiseau avait déjà été affaité puisqu’il venait si docilement sur le gant, et que l’on pouvait donc conjecturer définitivement que son comportement hagard n’avait été que le résultat de sa blessure, et l’autoursier décida que l’oiseau, ainsi définitivement relevé, fût entravé et mis au bloc avec d’autres de grande race dans la chambre de l’autourserie, mais, avant ce transfert, et en un pur esprit de prophylaxie, ils poivrèrent l’oiseau, ceci afin de le débarrasser d’une éventuelle vermine dont ils n’auraient point déceler la présence, et qui aurait pu infester les autres oiseaux, et, à cette fin, après que le garçon eut saisi et bloquer l’oiseau, l’autoursier, dans une pipe en terre, dont il avait bourré le fourneau avec certaines herbes séchées prises à sa pharmacie, et qu’il avait allumée avec un tison avant de venir à l’autourserie, aspira de grandes bouffées d’une capiteuse fumée qu’il s’abstint d’inspirer, et qu’il souffla partout sur le corps de l’oiseau, à la racine des plumes que le garçon, à mesure, rebroussait pour lui, puis, le jour d’après, ils revinrent vers l’oiseau, et, afin de l’abattre parfaitement, ils le placèrent dans une chemise spéciale qui, plutôt qu’une poche sur chaque côté, avait une fente latérale, par l’une desquelles ils déployèrent l’aile anciennement blessée afin d’examiner la blessure, et constater qu’elle avait bellement cicatrisé, et il y avait une petite croûte sur la blessure maintenant, et l’autoursier enleva la croûte du bout de l’ongle, et la peau régénérée sous la croûte apparut en une petite pastille lisse et rose, puis l’autoursier examina longuement la penne cassée qui était un moignon de plume aux barbes hérissées, puis l’autoursier sortit un minuscule couteau à lame falciforme et parfaitement effilée, et, d’une seule pression sur le gras d’un pouce, il sectionna nettement la plume un peu plus haut que le calamus, après la naissance des barbes, là où les barbes font comme les cils vibratiles d’un organisme vivant, puis l’autoursier s’appliqua à tailler la section en biseau double et formant coin, puis l’autoursier sortit une mince aiguille en bronze de la poche de son pourpoint, de laquelle les deux extrémités étaient également éffilées, puis l’autoursier plongea une extrémité de l’aiguille dans une petite fiole de vinaigre qu’il avait sur lui, escomptant sur l’oxydation induite par le vinaigre pour renforcer la fixation de l’aiguille dans la plume, puis l’autoursier ficha l’extrémité de l’aiguille dans la moelle de la penne cassée bien au milieu du biseau, puis l’autoursier sortit délicatement un sachet de plumes d’une autre poche de son pourpoint, c’étaient les mues d’autres oiseaux de la volerie, et il choisit parmi elles celle qui lui parut le mieux coïncider avec la plume manquante, c’était la penne d’un laneret, l’un des oiseaux les plus précieux de la volerie, et pour lequel la plume que l’autoursier allait utiliser aurait pu faire un jour défaut, puis l’autoursier amputa cette plume de son calamus, puis l’autoursier confectionna un biseau double rentrant, puis l’autoursier plongea le biseau de cette plume morte dans un petit récipient de glu qu’il avait également emporté avec lui, engluant ainsi le tuyau de la plume, puis l’autoursier enfila cette plume nouvelle sur l’autre extrémité de l’aiguille, entant soigneusement la plume morte sur la racine de la plume restée à demeure dans la peau de l’oiseau, ajustant bout à bout les deux pennes taillées, puis, avec un très mince fil, afin de renforcer l’entement, l’autoursier enserra les deux sections de plume, puis l’autoursier approcha son visage de la plume, et, avec les dents, sectionna le fil, puis l’autoursier empoissa le fil, ainsi l’autoursier avait créé une ente quasi indéfectible, puis ils replièrent l’aile de l’oiseau et firent tourner un peu la chemise, pour que les fentes se retrouvassent sur le dos et le ventre de l’oiseau, et que l’oiseau fût bien immobilisé des deux ailes, et que la prothèse pût bien se fixer tandis que la colle sécherait, et l’oiseau fut laissé dans la quiétude pendant un jour, puis, quand l’ente fut bien sûre, ils sortirent l’oiseau, et ils l’équipèrent avec d’anciens grelots, et d’anciens jets que l’autoursier possédait, et desquels il n’avait plus l’utilité, et, mêmement, d’un vieux chaperon de rust, et les jours suivants, avec des leurres volants ou sur traîneau, ils firent travailler plusieurs fois l’oiseau retenu par une filière dans la cour du château, ceci afin de l’entraîner à chasser de nouveau, et de juger de son état de vigueur, puis ils lui donnèrent du vif, puis, quand il fut bien certain que l’oiseau avait retrouvé toute sa santé, et recouvré un peu d’esprit de domesticité, ils le sortirent à l’extérieur du château, et le firent voler sur des pigeons d’escape, puis ils allèrent aux champs, et, chassant à la billebaude, le firent voler sur des perdrix
Commenter  J’apprécie          10
avec les deux bols, un dans chaque main, il alla d’un air pressé vers l’oiseau dans la volière, et il s’assit au sol sur la vieille croûte de fiente séchée envahie d’herbes folles qui constituait le sol de la volière, et il posa les deux bols près de lui, puis il prit l’oiseau avec lui, contre son torse, et, avec une main, il prit et il bloqua la tête de l’oiseau en même temps qu’il lui ouvrait de force le bec, plaçant la pince de son index et de son pouce un peu avant l’endroit de la cire, aux commissures, et ce fut sans difficulté, eu égard au degré de faiblesse de l’oiseau, puis, avec l’autre main, il approcha de sa cuisse le bol contenant le jus carné, puis, après qu’il eut sorti un coin de son chainse des braies, et qu’il l’eut tordu, il le trempa dans le bol posé à côté de sa cuisse afin d’imbiber le coin de tissu du jus rosé, puis il porta le coin de tissu au bec de l’oiseau, et il épreignit le tissu avec la pince de ses doigts, faisant couler du jus dans le gosier de l’oiseau débile qui se défendit nullement, déglutissant par force à temps réguliers, puis il attendit longtemps, toujours avec l’oiseau dans ses bras, puis il reprit plusieurs fois du jus nutritif que, par la même méthode, il fit goutter dans le bec entr’ouvert de l’oiseau, puis il attendit encore longtemps avant de renouveler l’opération, et l’oiseau, après plusieurs fois, eut un mouvement de résistance et se dégagea de la prise tandis que le jus coulait et se répandait sur sa tête, et l’oiseau sursauta, et ébroua sa tête, et ces mouvements étaient preuve que l’oiseau avait regagné de la vigueur, ce que constatant, le garçon cessa de désaltérer l’oiseau, puis le garçon attendit un moment que l’oiseau se raccoisât, puis il prit l’aile blessée et l’étira par force, mais très doucement, avec l’aile déployée reposant sur son avant-bras, et il inspecta minutieusement la plaie que l’aile portait, et il constata que, si une plume manquait, ce n’était intégralement, et que la plume brisée était toujours vive, et restait fermement implantée dans le derme, et continuait de porter un moignon de barbes, et il trempa un autre coin de son chainse dans le bol d’eau salée, et, avec ce bout de tissu imbibé, il nettoya très délicatement la plaie sur l’aile de l’oiseau, et l’oiseau se mit aussitôt à réagir, tentant de rétracter son aile déployée, ce que le garçon lui laissa faire pendant qu’il trempait à nouveau le coin de son chainse dans l’eau salée, puis il développa à nouveau doucement, presque tendrement, l’aile blessée, puis il fit s’égoutter de la liqueur saline sur la plaie, puis il libéra définitivement l’oiseau éclamé qu’il laissa au sol, et, plusieurs fois dans la journée, il revint à la volière pour observer et surveiller l’oiseau, et, deux autres fois dans la journée, il nourrit l’oiseau tout en le désaltérant, puis il soigna une dernière fois l’oiseau, puis il laissa l’oiseau dans la volière pour la nuit, veillant à bien raccommoder les accrocs dans le filet de la volière désaffectée, non qu’il craignît que l’oiseau s’évadât, parce que l’oiseau était trop faible encore pour s’échapper, mais afin que des rats ne pussent s’y introduire et attaquer l’oiseau affaibli, et le dévorer, et, le lendemain, quand il revint à la volière, alors qu’il s’était éveillé à l’aurore et qu’il était sorti de la chambre en cachette de sa mère, il vit l’oiseau branché sur la grande perche traversière dans la volière, à la vue de quoi, il alla à la cuisine du château et y reprit le plat avec les dés de viande amollie, puis il retourna à la volière, et posa le plat sur le sol de la volière, puis il s’avança pour s’emparer de l’oiseau, ce qui fut une action plus difficile que la veille parce que l’oiseau revigoré se débattit davantage, et le garçon s’assit sur le sol avec l’oiseau contre lui, et il prit un dé de viande molle dans le plat, et il le porta à sa bouche, et il le mâcha bien consciencieusement, et il l’humecta de beaucoup de salive, puis, quand il eut obtenu comme une parfaite bouillie, il ouvrit le bec de l’oiseau en s’aidant de la pince de ses deux mains, avec laquelle il exerça une pression forte à la base du bec, un peu avant les commissures jaunes cireuses, ce qui fit cracher de colère et battre des ailes l’oiseau efforcé, et il porta sa bouche au bec de l’oiseau, comme s’il voulait délivrer un baiser à l’oiseau, et il donna une becquée à l’oiseau qui resta d’abord surpris et interloqué, puis l’oiseau déglutit la becquée tandis que le garçon l’aidait en massant son jabot, puis l’oiseau secoua un peu la tête, puis le garçon prit un nouveau dé de viande qu’il mastiqua, puis il redonna la becquée à l’oiseau qui, cette fois, l’avala spontanément, puis il produisit une nouvelle becquée qu’il offrit à l’oiseau, ainsi cinq fois en tout, puis le garçon laissa l’oiseau remonté et seul, et tranquille, puis, au soir, il appâta de nouveau l’oiseau et il nettoya à nouveau l’aile blessée avec de l’eau saline, puis, le lendemain, il donna beccade à l’oiseau avec les derniers dés amollis et les viscères qu’il avait réservées l’avant-veille, et l’oiseau les prit dans la main du garçon sans faire aucune difficulté, et les avala seul
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Marc Graciano (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marc Graciano
Avec Marc Graciano, Maylis de Kerangal, Christine Montalbetti & Martin Rueff Table ronde animée par Alastair Duncan Projection du film d'Alain Fleischer
Claude Simon, prix Nobel de Littérature 1985, est plus que jamais présent dans la littérature d'aujourd'hui. Ses thèmes – la sensation, la nature, la mémoire, l'Histoire… – et sa manière profondément originale d'écrire « à base de vécu » rencontrent les préoccupations de nombreux écrivains contemporains.
L'Association des lecteurs de Claude Simon, en partenariat avec la Maison de la Poésie, fête ses vingt ans d'existence en invitant quatre d'entre eux, Marc Graciano, Maylis de Kerangal, Christine Montalbetti et Martin Rueff, à échanger autour de cette grande oeuvre. La table ronde sera suivie de la projection du film d'Alain Fleischer Claude Simon, l'inépuisable chaos du monde.
« Je ne connais pour ma part d'autres sentiers de la création que ceux ouverts pas à pas, c'est à dire mot après mot, par le cheminement même de l'écriture. » Claude Simon, Orion aveugle
À lire – L'oeuvre de Claude Simon est publiée aux éditions de Minuit et dans la collection « La Pléiade », Gallimard. Claude Simon, l'inépuisable chaos du monde (colloques du centenaire), sous la direction de Dominique Viart, Presses Universitaires du Septentrion, 2024.
+ Lire la suite
autres livres classés : FauconnerieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (23) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3666 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..