Marcela Iacub

Mais j’étais persuadée d’au moins une chose : ce n’était pas aux dominés de révolutionner nos sociétés démocratiques. La crise économique les avait rendus trop conservateurs. Ils avaient été à tel point happés par les idéaux de la petite bourgeoisie qu’ils les pensaient désormais les seuls concevables pour l’humanité

L’argent était à leurs yeux aussi désirable, impersonnel et substituable qu’un beau cul. Leur attitude aurait sans doute été différente si j’avais gagné ma fortune en travaillant. Cela aurait suscité chez eux le même sentiment d’infériorité ou de castration que mon esprit, mon éducation ou ma culture. Alors qu’une riche héritière était pour eux aussi peu respectable qu’une misérable qui aurait gagné au Loto

Pour réussir à s’appartenir il faut savoir d’abord se donner entièrement à autrui. On devient son propre maître une fois que l’on a appris à être l’esclave d’un autre. Cela vaut aussi bien pour le plaisir sexuel que pour la vie entière.

Les femmes qui ne jouissent pas sont des demi-sujets et elles s’incluent dans une triste chaîne politique qui lie toutes les créatures de la terre dont on asservit les plaisirs sexuels aux intérêts de ceux qui les dominent : les fous, les imbéciles, les animaux domestiques. Et peu importe au fond que dans le cas des femmes ce soient elles qui gèrent leur propre asservissement et non pas les chefs des institutions psychiatriques ou les maîtres des bêtes.

Chez une femme, le fait d’atteindre les sommets du plaisir sexuel est avant tout un événement politique de la plus haute importance. Car le misérable sujet que la société voudrait que nous soyons ne se conçoit que dans un renoncement total ou partiel à de telles jouissances. Alors que chez les hommes, ce plaisir-là est censé être une nécessité vitale et une évidence, les femmes sacrifient le leur dans un horrible échange avec eux.

Chez une femme, le fait d’atteindre le plaisir maximal n’est pas seulement un dû, le minimum pour rendre son existence plus douce car plus orageuse. Si tu prends les enseignements que je vais te donner de cette manière-là il vaut mieux ne jamais les commencer. Le plaisir pour le plaisir, même à un degré très intense, peut être obtenu de mille manières et aucune n’est supérieure à une autre.

Les femmes ne sauraient atteindre leur salut que grâce au vice.

J’étais persuadée que lorsque les offensés arrivent à échanger leur place avec les offenseurs leur malheur disparaissait.

Se venger est un art qui nécessite tant d’intelligence, et parfois tant de patience, que ceux qui ne savent pas s’y prendre ne font rien d’autre que renforcer leur sentiment d’humiliation. Ils agissent dans un désordre si complet qu’ils font penser aux petits enfants qui punissent la chaise contre laquelle ils se sont heurtés.

Ces traîtresses à leur genre qui, même lorsqu’elles ne baisent pas contre de l’argent, font semblant de jouir pour faire plaisir.Mais parfois, on vénère tout ce qui vient de l’autre, même une queue désastreuse.

Rester cantonnée aux débats de société tels qu'ils se posaient dans les médias pour proposer une analyse différente n'était pas à la hauteur de ma promesse d'aller à contresens. Il était indispensable de monter d'un cran. Car ces débats étaient souvent des pièges de la pensée. On nous demande si l'on est d'accord avec tel impôt pénalisant les riches afin d'éviter la discussion sur l'inégalité des richesses. On nous contraint à prendre position sur le mariage pour tous pour que nous ne discutions pas de la pertinence de la survie du couple comme seul cadre pour l'amour. On critique l'inégalité des enfants des couples homosexuels pour ne pas penser à celles dont sont victimes les enfants qui vivent dans des familles hétérosexuelles.

"La cage d'escalier est si terrifiante, si belle et si énigmatique que les gens adorent s'y suicider"

L'intellectuel est un malade [...] S'il a un désir, il préfère le retarder pour être sûr qu'il ne ressentira plus rien lorsqu'il s'autorisera à l'assouvir. [...] Parce qu'il aime détruire tout ce qui le sort de la nuit interminable dans laquelle il vit.

Quand un livre me plaît, je dois le terminer dans la journée, quitte à ne pas dormir.

Écrire c’est pour moi la manière que j’ai trouvé d’exister, de me dépasser, de ne pas devenir folle, de ne pas mourir.

Que les riches nous demandent de travailler pour eux sans être payé me semble immoral.

Après avoir compris la situation dans laquelle je me trouvais, j'ai décidé de ne plus chercher de partenaire. Ma vie amoureuse était définitivement close.

Je crois que tout le monde a à gagner à séparer la souffrance de la victime du châtiment du coupable, et à sortir du cercle vicieux de ce raisonnement qui fait de l'un le motif de l'autre et les oblige à se renforcer sans cesse l'une l'autre dans une surenchère déplorable.
C'est encore plus vrai pour les enfants: en prétendant punir au nom de leur souffrance, on leur dit ce qu'ils doivent ressentir désormais par rapport à ce qui leur est arrivé. [...]
Et que dire du fait que, au nom de la gravité supposée des dommages subis par des enfants et de la necessité de briser la loi du silence, on en vienne à justifier la possibilité des erreurs judiciaires? En prétendant faire la chasse aux pédophiles, on en est veni à imaginer des complots secrets, à interroger les enfants pour leur suggérer les pires images, à mettre en doute leur parole quand ils disent qu'ils n'ont été l'objet d'aucun geste (alors qu'on explique par ailleurs qu'il faut toujours les croire...) à les supposer dans la dénégation quand ils ne disent pas ce qu'on attend d'eux... Les enquêteurs font pression sur eux en les interrogeant, les experts psychiatres, eux aussi à priori convaincus, même quand ils n'ont aucune preuve, cherchent à leur faire dire la vérité en affirmant vouloir les libérer...

La liste de tes maitresses, de tes conquêtes d'un jour, de tes victimes, de tes putes successives et concomitantes dont la presse ne cessait de s'horrifier et de se régaler montrait un autre aspect émouvant de ta vie de cochon. Ces femmes étaient laides et vulgaires.

un soleil frais qui m'a fait penser aux joies lointaines de ma jeunesse