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Critiques de Marina Tsvetaieva (86)
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Insomnie et autres poèmes

Marina Tsvetaieva, une vie insomniaque.



“Ainsi dans ma nuit splendide

une scie me passe sur le coeur.”



Son coeur nu, son épuisement électrique, son arrachante détresse, sa rébellion enflammée et fière qu'aucun blizzard ne peut refroidir, les châteaux de cendres qu'elle laisse derrière chacune de ses fiévreuses éruptions romantiques, sont autant de fardeaux partagés avec ses lecteurs par le biais d'une poésie décapante où l'on devine le flot ardent du sang en fusion sous l'épiderme volcanique.



“crisse la glace. Grincent des gonds :

La Taïga gronde et s'engouffre.”



Malgré les choix cornéliens entre le rythme et le sens auxquels sont confrontés les différents traducteurs et face au mur de l'intraduisible qu'oppose parfois le russe au français (Sophie Benech, Eve Malleret, Elsa Triolet, René Char pour n'en citer que quelques uns) le caractère singulier de la poésie de Tsvetaieva nous parvient indéfectiblement et notamment son rythme, saccadé, haletant, altier, effréné parfois, ses plaintes, ses reproches, ses cris, son abandon et ses silences aussi.

Nous sentons tantôt la tiède buée sortie de la bouche de cette poétesse, fragile hermine immaculée dans l'aube prédatrice des plaines sibériennes, et tantôt elle se mue en Chimère, les fumées âcres du Zilant draconique jettent toutes leurs flammes dans la bataille des mots pour conjurer, en un instant de raison, la froideur des neiges et des coeurs slaves.



“Dans le relent du lit

Boire goutte à goutte la nuit,

c'est s'étouffer ! Bois”



“Comme embrasser l'âbime”. Cette grande amoureuse des poètes de son temps d'Akhmatova à Pasternak ou encore Rilke et Mandelstam avec lequel, d'après Véronique Lossky, elle eu une liaison, préférait néanmoins les relations en rêves ou par lettres. Sa vie dans l'indigence en banlieue parisienne, sa relation complexe à la maternité, tout cela ne se retrouve qu'à peine dans ses textes. La passion idéalisée, fictionnelle y tient au contraire une place importante.



"Nos poèmes, ce sont nos enfants. Ils sont plus âgés que nous parce qu'ils vivront plus longtemps que nous. Plus âgés que nous depuis l'avenir. Voilà pourquoi ils nous sont aussi parfois étrangers."



Pourtant Tsvetaieva ne s'économise pas dans la vie réelle. Son suicide dans la misère matérielle et affective la plus totale, dans l'impitoyable hiver de la liberté soviétique, n'est pas sans rappeler celui de Maïakovski, mais aussi les morts d'autres écrivains de Gary à Kleist, de Kawabata à Plath en passant par Pavese, Hemingway ou Arenas, qu'ont-ils tous en commun, tous ces poètes que la littérature a perdus autant qu'elle a sauvés ? Peut-être ces quelques vers de Marina esquissent un début de réponse :



“Il y a au monde des hommes en trop

des superflus, pas dans la norme (…)

il y a au monde des gens creux, muets

on les rejette comme du fumier.”



Ces gens là, et c'est peut-être leur abîme, racontent des histoires, certes, mais, dans leur extra-lucidité, insupportable au commun des vivants, ne se racontent jamais d'histoires à eux-mêmes. Que faire de ces êtres, de ces poètes, ces phares ? Que peuvent-ils espérer du corps social ?



Qu'en pensez-vous ?
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Insomnie et autres poèmes

Une poésie vibrante qui se glisse dans les failles du sommeil illuminant les nuits blanches. Impossible pour moi de tourner, de me retourner, chorégraphie étoilée bien vaine, lorsque je me débats avec cette ingrate insomnie. Non, la nuit je lis, je lis effrontément, et m'en lave les mains… tandis que d'autres, comme Marina Tsvétaïéva, trouvent dans ces heures somnambules les ressources pour écrire ce qu'il y a de plus profond en eux, pour écrire la beauté. La nuit comme creuset de la vie. Je me nourris de ces poèmes, à « l'heure des sources dénudées ». Je bois des litres d'encre noire, me brûle à ce magma toujours incandescent malgré leur ancienneté. Et voilà de quoi je me suis abreuvée cette nuit : « Insomnie et autres poèmes » de Marina Tsvétaïéva dont je connaissais déjà le manifeste lesbien « Mon frère féminin ». « Insomnie » est un recueil qui regroupe les poèmes de l'auteure de 1914 à 1941.



Chaque poème révèle des facettes de cette grande poète russe, qui vécut entre 1892 et 1941, période particulière durant laquelle les femmes russes réclament et obtiennent le droit de vote (en 1917 !). Période durant laquelle elle entretient une relation avec Sonia Parnok. Les premiers poèmes lui sont dédiés et font justement penser à son manifeste lesbien. Choquant, vous imaginez, pour les moeurs de l'époque. Chaque poème met en valeur les paradoxes de cette femme, aujourd'hui reconnue comme l'un des plus grands poètes du 20ème siècle, femme à la fois sombre et lumineuse, croyante et athée, passionnée et accablée, exaltée… Intègre.



Sa vie est marquée par l'exil, suite à la révolution bolchévique, puis par un suicide en 1941, deux ans après son retour sur la terre natale. Une de ses filles meurt de faim en 1920. Ecorchée comme beaucoup de poètes. Ces drames se retrouvent dans sa poésie.



Le livre démarre par des poèmes pour Sonia, « l'amie » s'intitule la première partie, l'amie aimée, l'amoureuse :



Là, par les galets, gorgée de vase

Pour une gorgée de passion !

Je t'avais si hautement aimée :

Je me suis dans le ciel inhumée !



Car ce frisson – là – se peut-il

Qu'il ne soit, lui qu'un rêve ? –

Car, par une délicieuse ironie,

Vous – vous n'est pas lui.



Ta robe – noire carapace de soie,

Ta voix, un peu rauque, à la tzigane,

J'ai mal tant j'aime tout en toi

Et même que tu ne sois pas une beauté.



Il se poursuit avec « Insomnie », coeur du livre :



Elle m'a entouré les yeux d'un cercle

D'ombre – l'insomnie.

L'insomnie a ceint mes yeux

D'une couronne d'ombre



Les poèmes s'égrènent, comme les années…si le recueil démarre en 1914, il se termine en 1941. Il est intéressant de noter l'évolution de l'écriture, des thèmes abordés. Nous sentons un vrai changement de ton dans les poèmes de l'exil, ceux à partir de 1918, l'absurdité, le non-sens, l'abattement prenant le dessus :



Ma journée est absurde de non-sens

Je demande au pauvre une aumône

Je donne au riche généreusement

J'enfile dans l'aiguille un rayon

Je confie ma clé au brigand

Et je farde mes joues de blanc

Le pauvre ne me donne pas de pain

Le riche ne prend pas mon argent,

Dans l'aiguille le rayon n'entre pas…

Il entre sans clé le brigand

Et la sotte pleure à seaux

Sur sa journée de non-sens



La guerre, la mort ne font pas exception, voyez ce poème que je trouve magnifique :



Tout rangés en rang

Sans partage

A bien voir les soldats

Où sont les nôtres ? Et les autres ?

Il était Blanc – le voilà rouge

Rouge de sang.

C'était un Rouge – le voilà blanc

Blanc de mort.



L'année 1920, marquée par la mort de sa fille, transparait en filigrane, de façon poignante et s'entremêle avec ce poème « chanson » dédié à la fin de l'amour :



Hier encore ses yeux cherchaient les miens

A cette heure son regard est ailleurs

Hier encore chez moi jusqu'aux oiseaux :

L'alouette à cette heure m'est corbeau



Jusqu'à ses derniers vers avant le suicide :

Il est temps

D'ôter l'ambre,

De changer les mots

Et d'éteindre la lampe

Au-dessus de ma porte



De l'amour à la mort, du rouge au blanc, ce recueil aura été un voyage nocturne, une pensée émue pour cette femme russe au lyrisme nostalgique…De tout ce recueil, deux vers qui me hantent et resteront gravés en moi : « tu m'as appris à vivre au coeur du feu, et tu m'as jetée dans la steppe glacée »…comme un message adressé à la vie. Poignant.









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Le ciel brûle

Comment ai-je pu attendre aussi longtemps avant de lire Tsvetaïeva ? Ce recueil m'a secoué, ébranlé et émerveillé...

Quelle force dans ces vers, qu'il m'a fallu parfois lire et relire tant je voulais en ressentir le souffle...

Une mention d'autre part pour la préface, les notes et la postface qui m'ont aidé à découvrir la vie de Marina Tsvétaïeva.

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Insomnie et autres poèmes

Sa famille décimée, Marina Tsvétaïéva s'est donnée la mort dans une ville perdue de l'URSS en 1941.

Elle avait seulement 24 ans lorsqu'éclata la guerre civile de 1917, année qui verra la Russie basculer après la révolution d'Octobre vers des décennies de dictature. La marche tragique de l'Histoire n'avait que faire de ce petit bout de femme, fût-elle une immense poétesse.



Telles de petites notes de musique, les vers de Marina Tsvétaïéva tintent agréablement à l'oreille. Deux courts poèmes lus à haute voix pour goûter à cette douce musicalité ! Le premier de 1918 s'inscrit dans une série thématique sur l'inspiration et le travail du poète :



“J'ai dit. Un autre l'a entendu

Doucement l'a redit. le troisième l'a compris.

Avec son gros bâton de chêne le quatrième est parti

Dans la nuit, accomplir un exploit,

Et le monde en a fait une chanson.

J'avance avec aux lèvres cette chanson,

Au devant de la mort, ô ma vie !”



Le second de 1920 est une sorte de lamentation sur les morts de la guerre civile :



“Tous couchés en rangs

Sans partage.

À bien voir les soldats,

Où sont les nôtres ? Et les autres ?

Il était Blanc - le voilà rouge

Rouge de sang.

C'était un Rouge - le voilà blanc

Blanc de mort.”



La préface de Zéno Bianu, intitulée ‘' Le chant magnétique”, introduit avec passion ‘'Insomnie et autres poèmes''. Le poète et essayiste français, subjugué par le talent impétueux de son aînée, met en exergue la soif de vivre de la moscovite, son lyrisme profondément nocturne et insomniaque, sa façon inimitable d'empoigner l'univers.



Le cauchemar soviétique a duré 69 ans.

La poésie de Marina Tsvétaïéva est éternelle !

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Le diable et autres récits

Décidément, Marina Tsvétaeva me fascine...



J’avais été emballé par son recueil de poésie Le ciel brûle qui me l’avait fait découvrir.

Ce livre-ci est en prose mais tout autant empli de poésie.

Il contient trois récits autobiographiques.



Le premier, Le Diable, décrit Marina, petite fille, et ses rencontres avec le diable, personnage qu’elle seule voit, et qu’elle ne voit que dans la chambre de sa sœur aînée, lieu qui pour elle est aussi l’endroit où elle peut lire des livres interdits.

La description du diable nous montre un être au sexe indéterminé à qui l’auteure voue une grande admiration, il l’attire bien plus que Dieu. Elle se sent proche de lui, élue par lui, est amoureuse de lui.

Elle sera toujours reconnaissante de cette rencontre.

«Tu n’assistes pas non plus aux célèbres « messes noires » - ces réunions choisies où des gens accomplissent une sottise - celle de t’adorer tous ensemble - toi dont le premier et le dernier hommage est la solitude. S’il faut te chercher, c’est dans la cellule du prisonnier de la Révolte et dans les greniers de la Poésie lyrique... »





Le second, Ma mère et la musique, nous relate sa relation avec sa mère.

Celle-ci est pianiste et tient à faire de Marina une grande musicienne.

Cette relation est difficile, comme l’est celle de Marina avec la musique.

Elle est manifestement douée mais dès la mort de sa mère, elle délaissera immédiatement cet art pour la poésie.

Marina reconnaît toutefois l’importance qu’eut cette éducation dans sa formation.



Le troisième récit, La Maison près du vieux Pimène, nous confronte avec la mort. Dans la famille recomposée de son aïeul, tous meurent hormis ce dernier. L’auteure nous entraine dans les relations compliquées dues à un remariage, nous fait part de sa douleur devant la perte de ses proches.



Cette prose est emplie de poésie, mais aussi de sentiments, de sensibilité. On y décèle des trouvailles d’association d’images. Elle m’a touché.











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Mon Pouchkine

Dernier écrit de Marina Tsvetaïeva, « Mon Pouchkine » a été rédigé en l’honneur du centenaire de la mort du grand poète russe en 1937.

« Mon Pouchkine »…Ce n’est pas un essai, ce n’est pas un récit, ce n’est pas un poème, c’est tout cela à la fois, l’essai dans le récit, enrobé de poésie, tout cela mêlé, emmêlé, torsadé en une longue corde de mots qui traiterait, de façon très orale, comme un long poème en prose et rimes alternées et dans une fusion ardente, du grand poète russe ainsi que de l’enfance de Marina Tsvetaïeva dans le giron fantasmagorique du grand homme.



Un texte dont on a l’impression, non pas qu’il a été écrit mais plutôt qu’il a jailli, d’un seul jet, comme poussé sous une dictée intérieure, dans une sorte d’obligation impérieuse de faire sourdre les mots du plus profond de soi en les laissant émerger sans liens et sans contrainte.

On sent comme une fièvre, comme une effervescence dans ces lignes animées ; c’est le feu dévorant de la passion pour la poésie, et avant cela, pour Pouchkine. Un feu qui brûle et qui attise Marina depuis l’enfance, depuis le tableau représentant le duel de Pouchkine avec D’Anthès dans la chambre maternelle, depuis la grande armoire où était caché le gros livre de poèmes, depuis la statue-Pouchkine des promenades au parc…Depuis toute la vie en fait ! Pouchkine n’a cessé d’accompagner Marina Tsvetaïeva. Tout, dans sa vision de petite fille - les gens, la cour de la maison, le traineau bleu en hiver - tout renvoie aux mots du poète.

Pouchkine est également le Guide dont les œuvres contiennent les principes qui forgeront la personnalité de Marina adulte : antiracisme, goût des amours malheureuses, « leçon de courage. Leçon de fierté. Leçon de fidélité. Leçon de destin. – Leçon de solitude. »



Dans « Mon Pouchkine » il y a aussi le côté fou-fou, qui dénote l’enfance et ses manifestations, la légèreté, l’immaturité, l’espièglerie… Ce n’est plus Marina l’adulte se souvenant de Marina l’enfant, c’est, au fil des mots, Marina qui redevient l’enfant qu’elle était, Marina enfant écrivant, ressuscitant l’engouement éprouvé pour le poète, retrouvant avec ses mots d’enfant, avec sa compréhension instinctive d’enfant, avec ses joies d’enfant, les mots qui faisaient vibrer la corde sensible de tout son petit être ingénu et naïf.

Tout le texte est empreint de cet enthousiasme ressenti dès le plus jeune âge, est baigné de cette excitation, de ce saisissement qu’inspirent les mots tressés entre eux et qui provoquent une commotion extatique, un bouleversement de l’âme et des sens, un trouble inaltérable, inoubliable.

Et c’est dans une sorte de transe que Marina libère les pensées et les souvenirs d’enfance que lui inspire l’homme Pouchkine, le poète Pouchkine, celui des mots qui troublent et aiguillonnent.



L’ensemble offre ainsi un texte étonnamment juvénile, agité, vif, sémillant, plein d’ardeur, d’admiration, et pénétré d’un lyrisme enjoué et rieur. C’est un hommage fougueux au « géant noir », à la poésie et à l’enfance.

Marina s’accapare le poète ; il devient sien. Il n’est plus le Pouchkine que se disputent les Russes blancs et les Russes rouges, les orthodoxes et les tchékistes, il est son Pouchkine, le sien, celui de ses années d’enfance, il est celui qui trône dans le parc du boulevard Tverski, immense et noir cavalier de bronze, il est statue-Pouchkine !



Il n’est pas toujours évident de maîtriser l’excentricité des mots de la poétesse et de les faire siens, car ce sont des mots qui refusent d’être domptés ou contenus ; des mots si libres qu’ils s’envolent, stimulés, galvanisés par une Marina Tsvetaïeva qui verse parfois dans une sorte de surréalisme où le vers est sans entraves, devient un espace ouvert dans lequel il est parfois ardu de se projeter.

Mais qu’importe, il y a une telle vie, une telle intensité dans ces lignes d’enfant amoureuse qu’on s’y laisse porter comme sur une mer, la mer si chère à Pouchkine…

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Est-ce que tu m'aimes encore ?

Une courte correspondance entre deux célèbres poètes : Marina Tsetaieva et Rainer Maria Rilke.



Je connais les vers de l'un mais ignorait ceux de l'autre. Cette lecture était donc un bon moyen de les découvrir et de les redécouvrir autrement.



Les premières lettres sont assez chastes. On y découvre deux poètes passionnés par leur métier et qui en débattent. Deux amoureux des langues car tous deux sont polyglottes. Et deux personnes qui ont du mal à se positionner et définir leur relation à cause de Boris Pasternak, le mari de Tsetaieva.

Au fil des pages pourtant, à mesure que des photos s'échangent et la parole se libère on sent que Cupidon ne tardera pas à se pointer.... Jusqu'à la mort de Rilke.



Des lettres qui montrent l'attachement profond que l'on peut développer sans "passer à l'acte".

Des lettres qui aident à passer un bon moment de lecture.
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Insomnie et autres poèmes



La poésie de Marina Tsvétaïeva est comme elle: passionnée, changeante, aérienne. D'ailleurs les nombreux points d'exclamation qui jalonnent ses poèmes témoignent de son âme exaltée.



Il faut dire que sa vie a été tumultueuse: les deuils, l'exil, la pauvreté, mais aussi les rencontres amoureuses des deux sexes, les amitiés fortes, les échanges épistolaires avec d'autres écrivains . La mort qu'elle s'est donnée , peu de temps après être revenue en Russie, aura pourtant eu raison de son appétit de vie...



J'ai trouvé ses textes très rythmés, tourbillonnants souvent, à son image, comme ces mots dédiés à sa fille Ariadna:



" Nuages autour.

Coupoles autour.

Par-dessus Moscou

De toutes mes mains!

Je te hisse au ciel, mon radieux fardeau,

Mon beau petit arbre

Qui ne pèse rien! "



Tout est élan, feu, pulsion de vie, dans sa poésie, et le lecteur se sent comme entraîné dans une danse. Mais l'angoisse et le spectre de la mort s'invitent aussi. Et ce poème inédit, retrouvé dans ses papiers, après son suicide, résonne comme une préfiguration de sa mort et se révèle fort émouvant:



" Il est temps

D'ôter l'ambre,

De changer les mots

Et d'éteindre la lampe

Au-dessus de ma porte"



Une femme poète à ne pas oublier, à lire et relire!
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Averse de lumière (édition bilingue)

Marina Tsvetaeva arrive à Berlin le 15 mai 1922. C’est là qu’elle découvre le recueil de poèmes « Ma soeur la vie » de Boris Pasternak, paru en 1917.



« Ma Soeur la Vie ! — Mon premier geste, après l’avoir subie toute entière : du premier choc au dernier — ouvrir les bras tout grand : à m’en faire craquer les jointures. Elle m’est tombée dessus comme une averse.

— Averse : le ciel entier se déverse droit sur ta tête : averse d’abat, averse de biais — averse qui transperce — rayonnante ruisselantes rivalités de pluie et de lumière — tu n’y es pour rien : puisque cela t’est tombé dessus — pousse !

— Averse de lumière. »



Elle en est éblouie, bouleversée et c’est avec passion et exaltation qu’elle publie alors, en juillet 1922, « Averse de lumière » un texte où elle exprime toute son admiration pour celui dont elle fait son semblable ou plutôt son complémentaire. Elle lui dira dans une de ses lettres de 1927 citée par Ariadna Efron dans ses « Souvenirs » : « Tu transformes le visible en invisible (l’évident en secret). Moi je transforme l’invisible en visible (le secret en évident). »

Ils se sont reconnus, elle en lui et lui en elle quand il a lu pratiquement au moment où elle ouvrait « Ma soeur la vie », « Verstes » de Marina Tsvetaeva : « Je fus tout de suite conquis par la puissance lyrique de la forme, une forme intimement vécue, qui n’avait rien de frêle, mais possédait une vigueur concise et condensée…. Je me trouvai avec elle je ne sais quelles affinités… Il lui écrit le 14 juin 1922, elle répondra le 29 et leur correspondance se poursuivra jusqu’en 1936 avec comme point d’acmé la plus belles des correspondances, celle-là à trois, avec Rilke à partir de 1926.

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La tempête de neige - Une aventure

Ces textes de jeunesse de Marina Tsvétaïeva sont extraits de Romantika volume contenant six petites pièces en vers.

Ce volume à 2 euros seulement contient deux courtes pièces de théâtre, ces pièces romantiques, décrivent des saynètes où la rencontre amoureuse est la vedette.

D’une plume fine, légère et poétique Marina Tsvétaïeva campe une ambiance romantique. Le soir, au clair de lune des personnages sont submergés par l’émotion et le trouble créés par une rencontre « coup de foudre ». J’ai beaucoup aimé « La tempête de neige » et sa musique poétique si délicate.

Une très belle découverte un moment de tendresse !



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Le ciel brûle

Les mots qui s'imposent à l'issue de la lecture de ce recueil ne peuvent être que sous forme d'exclamation : que d'ardeur ! que de fougue !

C'est la meilleure façon de rendre compte de l'écriture déstructurée et enflammée de cette poétesse.



Toutefois il y a une différence assez nette entre les poèmes réunis dans les deux "parties". Dans Le ciel brûle (la "1ère partie"), les sentiments sont exaltés et où un immense souffle de vie se dégage des vers.

A l'inverse, dans la seconde "partie" , "Tentative de jalousie", les poèmes qui sont écrits une dizaine d'années après Le ciel brûle, le lecteur voit clairement plus d'angoisse qu'avant. Il n'y a plus ce qui s'apparentait à l'insouciance des premiers "émois". Ici, ils ont place au tourment d'une femme adulte toujours aussi passionnée et frustrée par le réel qui s'impose de plus en plus brutalement dans sa vie.

Il y a aussi plusieurs références bibliques. Peut-être attendait-elle de voir un signe divin qui lui aurait annoncé la délivrance d'une vie qui 'étouffait ? Il faut dire que le durcissement politique qui suit la révolution d'octobre (les fameuses années 1930) n'est sans doute pas étrangère à cette angoisse et cette recherche effrénée d'un messie. On voit aussi que la nature qui l'entoure (que ce soit en Vendée, en Allemagne ou en Russie) se fait l'écho de tous ses tourments, enfonçant Marina Tsvétaïeva un peu plus profondément dans un cycle manico-dépressif. Sans être psy, c'est bien la sensation que donnent ces vers déstructurés, extrêmement syncopés , avec de brusques accélérations suivis parfois de grandes chutes. Que peut-on y voir, si ce n'est l'instabilité de la passion elle-même ?



Pour ma curiosité intellectuelle, je suis ravie d'avoir lu cette prose blessée, vociférante, saturée et excessive (pour gloser les termes de Zéno Bianu). Mais j'aime quand même davantage la poétique d'Anna Akhmatova.
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Insomnie et autres poèmes

Quatre heures du matin. La machine à rêves s’est arrêtée. Panne de courant dans la fabrique à songes. Je soulève une paupière comme on hélitreuille une masse inerte hors de l’eau. Qui diable ose m’extirper de ce sommeil ? Personne, c’est le calme plat dans la chambre. Commence alors la ritournelle d’une danse à l’horizontale. Flanc droit, sur le dos, flanc gauche et soupir avant de faire repartir le mouvement. Comme si le fait de changer de positions avait déjà été efficace face à l’insomnie. Cette chorégraphie d’une fin de nuit précipitée aurait pu s’appeler “À la recherche du sommeil disparu” mais c’eût été trop charmant face à l’agacement bien réel de ces heures éveillées, … jamais vraiment récupérées !



Il existe une poignée de personnes qui mettent la nuit à profit pour dérouler le tapis rouge à l’écriture. Quand les uns ronflent à l’unisson et les autres se débattent avec l’insomnie, eux font couler d’une traite des litres d’encre. Leur imagination se déverse sur des pages entières alors que le soleil n’a pas encore montré un signe de vie. D’après les correspondances retrouvées et les poèmes qu’elle écrivit, Marina Tsvétaïeva fut de ces écrivains-là. Voici une petite analyse de son recueil de poésie Insomnie et autres poèmes.



Difficile d’évoquer cette poétesse russe en faisant fi de l’Histoire du féminisme en Russie. Tsvétaïeva vécut entre 1892 et 1941, c’est-à-dire durant cette période particulière où les femmes russes revendiquent et obtiennent une série de droits civils dont le droit de vote en 1917 — alors que la France n’accordera le droit de vote à ses concitoyennes qu’en 1944. De par sa vie où elle entretint une relation avec Sonia Parnok, et par ses poèmes, dont certains sont en totale rupture avec les mœurs de l’époque,on pense notamment au manifeste lesbien Mon frère féminin, elle entre peu à peu dans la littérature mondiale féministe. À l’heure où la condition de la Femme est entrain de patauger en Russie, on se demande ce qu’en aurait pensé Tsvétaïeva, elle qui connu ce pan de l’Histoire où les femmes russes se rapprochaient, en considération, des hommes.



Le recueil commence, d’ailleurs, par une série de poèmes en l’honneur de Sonia Parnok, l’amie. Quelques lignes versifiées et c’est déjà le cœur de l’écriture de Tsvétaïeva qui se met à découvert. C’est doux tout en étant désenchanté. Les mots sont à fleur de peau sans être virulents et le sens des textes est clairement compréhensible. Un des merveilleux pouvoirs de l’écriture, et à plus forte raison en poésie, est de créer des images sans aucun support visuel. À ce titre, la poétesse russe n’a aucun mal à laisser son empreinte :



« Vous aviez la flemme de vous habiller, et



Vous aviez la flemme de quitter vos fauteuils.



— Mais chacun de vos jours à venir



Serait gai de ma gaîté.



Vous n’aimiez surtout pas sortir



Si tard, dans la nuit, dans le froid.



— Mais chacune de vos heures à venir



Serait jeune de ma gaîté.



Vous l’avez fait sans penser à mal,



Innocemment, irrémédiablement.



— J’étais votre jeunesse,



Qui passe. »



Et puis il y a le cœur du recueil, celui dédié à l’insomnie. Marina Tsvétaïeva fut une poétesse de la nuit. Elle y trouva une énergie créatrice où l’encre coula à flot sur des milliers de feuilles. Intarissable ! Oui, c’est l’adjectif qui colle aux baskets de cette auteure russe tant sa plume ne cessait d’écrire dans l’obscurité. Tsvétaïeva rime avec un nom claqué contre les quatre murs d’une chambre et dont l’écho revient continuellement. Il y a, certes, une douceur dans ses textes somnambules mais il y a surtout une tempête intérieure qui se traduit par ce genre de vers écrits en 1916 « Qui dort chaque nuit ? – Personne ne dort ! L’enfant crie dans son berceau – le vieillard est face à la mort – le jeune homme parle avec son amie – le souffle, à ses lèvres, les yeux dans ses yeux ». Il y a chez cette poétesse russe quelque-chose d’instantané et d’épidermique. Ce n’est pas pour rien que ses poèmes sont très appréciés de la jeune génération russe. Même si certains textes se heurtent au poids des années, il n’en reste pas moins que la majorité des poèmes publiés dans Insomnies et autres poèmes sont d’une modernité bien vivante.



Que retenir de ce recueil ? Une belle introduction au monde de Marina Tsvétaïeva où la réalité d’une vie se lit à travers la voix d’une des plus grandes poétesses du XXème siècle. L’auteure russe fut une amoureuse, une amie, une expatriée, une croqueuse d’instants ou encore une féministe ! Ses poèmes sont parmi les plus beaux de ce qu’on appelle en Russie l’Âge d’argent de la littérature. Et ce qui ne gâche pas le plaisir, c’est qu’ils se lisent très bien en français puisque Tsvétaïeva parlait couramment la langue de Voltaire. 😉
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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L'offense lyrique et autres poèmes

J'ai apprécié cet ensemble de poèmes qui donne un vaste panorama de l'oeuvre de Marina Tsvétaïeva, que je ne connaissais pas du tout, et que j'ai découverte grâce à la belle critique de @HordeduContrevent.

@Marina Tsvetaïeva a commencé à écrire très tôt - ici, les premiers poèmes datent de 1913, elle avait 21 ans. La poétesse a connu des jours sombres, durant la révolution russe (alors que son mari avait rejoint le parti des Blancs), puis durant la seconde guerre mondiale, pour se suicider en 1941, à 49 ans. Il n'est toutefois pas nécessaire de connaître sa vie dans les détails pour entrer dans ce recueil, sinon qu'elle adopte de multiples destinataires, le "tu" étant dans ses poèmes la personne naturelle qu'elle utilise pour les adresser.



Marina Tsvetaïeva a connu de nombreuses relations amoureuses, autant avec des femmes (Sofia Parnok par exemple, à qui elle dédie un groupe de poèmes) que des hommes ; ses poèmes rendent souvent compte de la passion, du déchirement des séparations, parfois de la déception amoureuse, de l'incompréhension, et souvent de la solitude qui devait résulter de ces échecs amoureux. Je me suis même fait la réflexion, en lisant un poème écrit alors qu'elle allait perdre sa petite fille, Irène, âgée de 3 ans, qu'elle était plus amante qu'aimante, et notamment mère aimante. Je me suis demandé si entre son coeur déchiré par les amours, réelles ou imaginaires, qu'elle vivait successivement, et son travail de poète, elle avait pu trouver de la place pour ses enfants.



Il est assez difficile d'entrer de manière continue dans ce corpus de poèmes, car si les thèmes sont universels, et si L Histoire rend certains ensembles particulièrement intéressants, sa poésie très symboliste, voire épurée, peut être malaisée à suivre ; parfois, les mêmes images reviennent et usent un peu le sens (les ailes des poètes, comme des anges, ou encore Carmen et don Juan)... Toutefois, il se produit au fil du temps un effet d'habituation, comme si, étranger dans une demeure, alors que les volets battent et que la tempête de neige prend possession de la nuit sur la plaine, on pouvait y entrer se rapprocher du feu, qui nous chuchoterait des paroles amies dans une langue oubliée. Elle recrée des moments vécus, cette langue, et les étincelles en sont les intuitions fulgurantes de l'âme, nue face à elle-même. Il est facile alors de se rappeler des souvenirs personnels, de penser à nos êtres chers, et à notre tour, de leur parler, par le fil tendu de cette langue exigeante, par le rythme et la respiration égale insufflée au vers par un usage bien particulier de la ponctuation (les tirets, notamment).



J'ai trouvé que la plupart de ces poèmes, souvent assez courts et écrits en quatrains, s'ils avaient une forme originale, non conforme à la poésie classique, étaient très évocateurs, dressaient sous nos yeux des tableaux, des vignettes instantanées, de jour comme de nuit, posaient des jalons au cours de cette vie ponctuée d'amours, d'amitiés, d'admirations, de regrets. C'est finalement une somme qui implique davantage le lecteur qu'un seul recueil thématique ; on en ressort essoré, en se disant que si la vie est difficile, et que la tentation du vide, de la fin, du tombeau (tentation présente tout au long de sa vie poétique) reste obsédante, la poésie peut être une lumière qui guide l'âme errante et sans repos, et qui se partage.
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Correspondance à trois : Eté 1926

Entre ces trois êtres, trois poètes aux âmes incandescentes, il suffira d'une simple étincelle, de quelques mots échangés par écrit, pour qu'une flamme emporte leur imagination, vers de nouveaux rivages, abolisse les distances, et installe une correspondance qui va transfigurer leurs perceptions de l'amour.



Marina Tsvétaïeva, est à st Gilles-sur-vie, Boris Pasternak vit à Moscou.

Rainer Maria Rilke publie depuis le château de Muzot en Suisse. Ce dernier répond enfin le 14 mars 1926 au père de Boris Pasternak pour lui dire combien sa lettre expédiée depuis Berlin l'a touché. La nouvelle parvenue à Moscou fait sur Boris un effet foudroyant. Son amour épistolaire pour Marina devient un amour absolu, elle a 33 ans, elle a quitté la Russie.





De ce chassé-croisé, c'est le duo Marina-Rilke qui va tout emporter. le 3 mai 1926 la première lettre de Maria Rilke à Marina Tsvétaïeva est reçue comme l'incarnation suprême de la poésie..

Marina reçoit ses Élégies et dès le neuf répond dans la langue du poète Rilke en allemand, le tutoie sans plus attendre, elle écrit « je t'aime ».





Dans cette correspondance Rilke s'exprimera beaucoup sur sa solitude, sur sa fragilité, sur son incapacité à créer une famille, sur la maladie qui le ronge, comme s'il trouvait par les mots de Marina, la douceur nécessaire à une confession. Étrangement il livre sa mélancolie, et plus encore sa propre conscience aux mains de Marina, son chant alors devient celui de la douleur à mots feutrés, comme si une fissure s'était enfin ouverte.

Il lui écrit ces mots page 58 : je t'ai reçu dans mon coeur, dans toute ma conscience qui tremble de toi, de ta venue, comme si ton grand compagnon de lecture, l'océan, avait avec toi, Ô marée du coeur déferlé sur moi.



C'est l'océan qui offre au poète Rilke la plus belle des métaphores. Les digues sont rompues et ses aveux comme les vagues glissent vers Marina. Elle a dessiné un grand 7 son chiffre fétiche.

Chacun des mots choisis par Marina Tsvétaïeva, devient alors comme un bourgeon prêt à s'ouvrir.

Ces lettres offrent un balancement entre un optimisme démesuré de l'espoir d'une rencontre, et le rappel à peu plus loin des discordances du corps.





Marina lui répondra le 12 mai, toi tu es l'ami qui rend plus profonde et plus haute la joie d'une grande heure entre deux âmes. Elle veut écrire en allemand pour ne pas céder à trop de facilités dans son expression écrite pour que ses mots s'affirment avec plus de profondeur encore.





Leur correspondance ne durera que quelques mois, 4 mois . Car tout se tait, Maria Rilke est mort. Rilke est mort le 30 décembre, nous n'irons jamais visiter Rilke dira t-elle à Pasternac.

Ils étaient tous les deux mariés à la solitude. Ils se seront aimés comme l'envol des oiseaux, à distance, mais dans le même ciel. Marina mettra un terme à sa vie le 31 août 1941.



Mieux qu'un certain abandon, c'est une communion, elle écrit page 126 : "si je veux aller te voir, c'est aussi à cause de la nouvelle Marina, celle qui ne peut naître qu'avec toi, en toi, je veux dormir avec toi m'endormir et dormir, la merveilleuse locution si profonde si vraie si dépourvue d'équivoque qui dit si bien ce qu'elle dit simplement dormir c'est tout non ! En plus la tête enfouie dans ton épaule gauche, et en plus, écouter comment sonne ton coeur ? Et embrasser ton coeur.



Les lettres s'enchaînent se répondent dans une écriture qui est celle de la communion où les lettres pourraient s'inverser.



C'est une partition d'une émotion palpable et brûlante, plus profonde que celle de la lettre à un jeune poète, Maria Rilke se sent proche de la mort, écrire à Marina est une sur-vie.

J'ai ressenti comme le prélude à une piéta, et doucement une longue descente, vers un espace créé pour deux amants libérés enfin de leurs corps douloureux.

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Insomnie et autres poèmes

"La tanière pour la bête,

Le chemin pour le pèlerin,

Le corbillard pour le mort.

A chacun son bien (...) "

Écrit Marina Tsvétaïéva en 1916. Effectivement, à chacun son bien, à chacun sa vie. De 1914 à 1941, les poèmes contenus dans ce recueil retracent une partie des émotions de cette poétesse, une des plus importantes du XXe siècle, qui a connu une vie très mouvementée à travers l'Europe et la Russie.

"Je ne crois pas que nous ayons besoin, en poésie, d'une exacte relation des faits... l'exercice de la poésie a progressivement broyé, puis passé au tamis l'existence", peut-on encore lire en exergue de la chronologie de sa vie. Sa poésie exprime les tourments de sa vie et de son époque. Peu importe les exactitudes avérées, ce qu'il faut relever, c'est la manière dont elle a utilisé le matériau brut de sa vie pour la mettre en vers. Une vie faite de pleins et de déliés. La richesse de sa poésie tient à ce qu'elle a su sublimer cette existence tour à tour faite de bonheur intense et de défaites. Ses poèmes témoignent de ces fulgurances de l'époque. J'avais déjà lu les poèmes de sa congénère Anna Akhamatova, pour qui elle a d'ailleurs composé quelques vers. Bien que leurs poésies soient différentes et ne traitent pas exactement des mêmes points de vue, elles restent toutes deux à travers leurs vers les témoins d'une époque mouvementée, où la Russie et l'Europe basculent dans l'horreur.

"Âme, tu ignores toute mesure,

Âme fustigée, âme mutilée,

Tu as le languir du fouet.

Âme qui accueille son bourreau,

Comme le papillon s'arrache à la chrysalide ! (...)"

Ecrit-elle en 1921. C'est une poésie de l'âme, du cœur, de l'émotion qui suinte à chaque mot. On peut sentir la violence sourde qui émane de ces textes. La violence de son époque qu'elle doit porter, retranscrire dans ses vers.

"Il n'est pas mort, il vit,

Le démon, dans mon corps

Comme, à fond de cale,

En soi, comme en prison.

Le monde n'est que murs.

Pour seule issue : la hache. (...)"

Vous aurez compris qu'il faut absolument lire ce recueil bouleversant de cette grande dame de la poésie qu'est Marina Tsvétaïéva.

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Insomnie et autres poèmes

Passionnante Marina Tsvetaieva. Comme j’ai aimé parcourir sa poésie brûlante, fougueuse et grouillante de vie. Marina Tsvetaieva, tellement vivante que j’avais l’impression de l’entendre me chanter ses poèmes. Des poèmes tranchants comme l’aurore, bien loin de la mièvrerie et des bonnes convenances, puisqu’elle assume sa bisexualité « ni femme, ni garçon, mais / quelque chose de plus fort que moi », une jalousie féroce et des joutes amoureuses où il n’y a ni vainqueur ni vaincu.



Mais Marina est aussi une enfant de son siècle, nullement coupée de la réalité. Que du contraire, car elle prendra en pleine figure toutes les grandes catastrophes du XXème siècle, étant née Russe en 1892 et suicidée en URSS en 1941. Une vie faite de drames et de révolte, car ici aussi elle aura l’audace d’apostropher « le Seigneur : Pourquoi trouer les poitrines ? », en 1916. Un exemple parmi d’autres.



Marina se consume, entre amours ravageurs et tragédies du siècle. Un siècle qui « met les rêves en conserves » et laisse très peu de place aux poètes :



« Qu’ai-je à faire moi, chanteuse de métier

Sur un fil, glace, soleil, Sibérie !

Obsessions, danses et chants sur les ponts

Moi légère, dans ce monde de poids et de comptes ? »



Peut-être est-ce pour cela que la poète trouve refuge dans la nuit, cette heure de l’âme, et se lie d’amitié avec l’insomnie ?



Dans ce recueil, Tsvetaieva rend aussi hommage aux autres poètes russes comme Anna Akhmatova – complice égarée de la nuit blanche où elle nait - , Blok qui passe à l’ouest du soleil tandis que la neige efface sa trace, Maïakovski, Pasternak, … Elle nous lance comme une invitation à les découvrir toutes et tous. Et cette invitation, vous l’aurez compris, je l’accepte avec énormément de plaisir.

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Insomnie et autres poèmes

Grâce à ce recueil de poésie, publié dans la collection Poésie/ Gallimard, j'ai découvert une poétesse russe dont la vie fut tragique.

Il est le complément d'un précédent volume, et commence par L'Amie, publiée en 1914. Il suffit de consulter régulièrement sa biographie tout en lisant les poèmes dans l'ordre chronologique (tels qu'ils sont proposés), pour confirmer qu'aux premiers poèmes d'allégresse, d'effronterie face à la vie, d'amour exalté, succèdent des textes beaucoup plus sombres. Petit-à-petit, la guerre puis l'exil et la disparition de nombreux proches, l'amènent vers une écriture lucide, plus froide, où le thème de la mort apparaît de plus en plus souvent.

Le recueil se termine par un très court poème émouvant et sans espoir, écrit quelques mois avant son suicide:



Il est temps

D'ôter l'ambre,

De changer les mots

Et d'éteindre la lampe,

Au-dessus de ma porte



Cette femme qui disait "ma spécialité à moi, c'est la Vie" sombre littéralement par l'écrit dans tout ce que la vie lui a apporté comme souffrance, née artiste dans un pays et une époque hostile à ce milieu.



Je trouve qu'il est difficile de vraiment apprécier, entrer dans ces poèmes si on ne s'intéresse pas à la biographie de Marina Tsvétaïéva tant ils peuvent paraître obscurs et mystérieux. Non moins de 19 traducteurs ont participé à ces traductions - notamment René Char et Elsa Triolet - apportant, je suppose, chacun leur patte, et d'autant plus quand il s'agit de poésie, on peut se demander jusqu'à quel point on reste proche de l'original, en particulier quand ils ont ce caractère.
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Insomnie et autres poèmes

De Marina Tsvetaïeva, je ne connaissais que sa vie tourmentée et tragique, son exil en France et son suicide en Union Soviétique durant la deuxième guerre mondiale, et ne connaissais pas son œuvre.



C’est donc sur le tard que je lis une petite partie de ses poèmes rassemblés dans ce recueil intitulé Insomnie et autres poèmes, un recueil qui parcourt toute sa vie créatrice.

J’ai mis du temps à tous les lire et les relire à haute voix, pour bien m’en imprégner. Et ce recueil, qui est sur ma table de chevet depuis plus d’un mois, est là pour y rester longtemps, car je suis loin d’en avoir fait le tour.



Que c’est beau, passionné, terrible, bouleversant, magique!

Je sors bousculé, chamboulé par cette poésie incandescente, impétueuse, à fleur de peau, parfois cruelle et impitoyable, parfois si tendre.

Et puis, il y a le mystère du choix de tous ces mots (grâce soit rendue à toutes ces traductrices et traducteurs, parfois prestigieux :Elsa Triolet, René Char), et ce rythme souvent heurté, absolument magnifique.



Mention spéciale pour le long, merveilleux et énigmatique poème « Le Poème de l’air», un prodigieux voyage magique de libération vers un autre monde.



Marina Tsvetaïeva m’a donné, plus tout autre poétesse ou poète, le sentiment de vouloir chanter le monde dans toute son horreur et sa beauté comme si sa vie en dépendait, de vouloir saisir le monde dans son entièreté, dans sa magie et ses cauchemars.



En conclusion, sûrement la poésie la plus extraordinaire qu’il m’ait été donné de lire depuis longtemps.
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Insomnie et autres poèmes

S’il m’arriva parfois de lire des extraits de poésie de Marina Tsvetaïeva, et d’en être subjuguée, les poèmes regroupés dans le présent recueil n’ont produit qu’un effet dilué dans une forme de torpeur anti insomniaque. Est-ce que nous lisons de la poésie pour ses effets ? Je ne sais pas. La littérature pose des questions qui ne se présentent pas dans la philosophie ou dans la science, qui conviennent donc mieux aux simples d’esprit auxquels j’appartiens.





Alors quoi ? faut-il lire ces poèmes jusqu’à s’en imbiber de force ? Est-il possible de les aimer par la sympathie que m’inspirent la vie et la personne de Marina ? N’est-ce pas le bon moment, ni la bonne personne ? Puis-je trouver des bonnes raisons justifiantes ? Il paraît par exemple que la traduction de ces poèmes a sollicité la collaboration de 19 personnes. Sacré foutoir. Mais ceci dit, rien n’est dit.





Peu importent les raisons, d’autres sauront apprécier ce recueil à sa juste valeur, et j’en lirai d’autres.

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La tempête de neige - Une aventure

Petite curiosité à 2 euros avec une jolie couverture trouvée par hasard à la librairie, je connaissais la poésie de Marina Tsvétaïeva, qui n'est pas celle que je préfère mais j'étais curieuse de voir comment elle pouvaits'exprimer dans l'écriture du théâtre.



J'ai été totalement charmée par la première pièce, La tempête de neige, tout en délicatesse (à l'image de a danse de la fée dragée dans Casse-noisette) qui capture l'essence de l'instant d'une rencontre amoureuse dans tout ce qu'il a d'évanescent et de beau. En quelques mots, elle parvient à créer une ambiance féérique, comme dans un conte de fée. De quoi charmer les lecteurs en toute saison !

En revanche, la seconde pièce, plus longue et avec plus de personnage dans une ambiance façon Le Songe d'une nuit dété m'a laissée vraiment indifférente à ce Casanova qui rencontre un personnage androgyne que le marquera même des années après leur rencontre.

Un sur deux, c'est déjà pas mal, et j'ai été assez conquise pour me dire que j'en garderai un bon souvenir de lecture !





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