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Zéno Bianu (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070358748
256 pages
Gallimard (01/05/2010)
4.07/5   92 notes
Résumé :
Marina Tsvétaïéva (1892-1941) est aujourd'hui reconnue comme l'un des grands poètes du XXe siècle. Femme de tous les paradoxes, à la fois russe et universelle, prosaïque et sublime, elle commence très jeune à écrire et à publier. Prise dans la tourmente révolutionnaire après l'écrasement de l'Armée blanche dans laquelle son mari s'est engagé comme officier, elle vit un douloureux exil de dix-sept ans à Berlin, à Prague, puis à Paris. De retour dans son pays natal en... >Voir plus
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Marina Tsvetaieva, une vie insomniaque.

“Ainsi dans ma nuit splendide
une scie me passe sur le coeur.”

Son coeur nu, son épuisement électrique, son arrachante détresse, sa rébellion enflammée et fière qu'aucun blizzard ne peut refroidir, les châteaux de cendres qu'elle laisse derrière chacune de ses fiévreuses éruptions romantiques, sont autant de fardeaux partagés avec ses lecteurs par le biais d'une poésie décapante où l'on devine le flot ardent du sang en fusion sous l'épiderme volcanique.

“crisse la glace. Grincent des gonds :
La Taïga gronde et s'engouffre.”

Malgré les choix cornéliens entre le rythme et le sens auxquels sont confrontés les différents traducteurs et face au mur de l'intraduisible qu'oppose parfois le russe au français (Sophie Benech, Eve Malleret, Elsa Triolet, René Char pour n'en citer que quelques uns) le caractère singulier de la poésie de Tsvetaieva nous parvient indéfectiblement et notamment son rythme, saccadé, haletant, altier, effréné parfois, ses plaintes, ses reproches, ses cris, son abandon et ses silences aussi.
Nous sentons tantôt la tiède buée sortie de la bouche de cette poétesse, fragile hermine immaculée dans l'aube prédatrice des plaines sibériennes, et tantôt elle se mue en Chimère, les fumées âcres du Zilant draconique jettent toutes leurs flammes dans la bataille des mots pour conjurer, en un instant de raison, la froideur des neiges et des coeurs slaves.

“Dans le relent du lit
Boire goutte à goutte la nuit,
c'est s'étouffer ! Bois”

“Comme embrasser l'âbime”. Cette grande amoureuse des poètes de son temps d'Akhmatova à Pasternak ou encore Rilke et Mandelstam avec lequel, d'après Véronique Lossky, elle eu une liaison, préférait néanmoins les relations en rêves ou par lettres. Sa vie dans l'indigence en banlieue parisienne, sa relation complexe à la maternité, tout cela ne se retrouve qu'à peine dans ses textes. La passion idéalisée, fictionnelle y tient au contraire une place importante.

"Nos poèmes, ce sont nos enfants. Ils sont plus âgés que nous parce qu'ils vivront plus longtemps que nous. Plus âgés que nous depuis l'avenir. Voilà pourquoi ils nous sont aussi parfois étrangers."

Pourtant Tsvetaieva ne s'économise pas dans la vie réelle. Son suicide dans la misère matérielle et affective la plus totale, dans l'impitoyable hiver de la liberté soviétique, n'est pas sans rappeler celui de Maïakovski, mais aussi les morts d'autres écrivains de Gary à Kleist, de Kawabata à Plath en passant par Pavese, Hemingway ou Arenas, qu'ont-ils tous en commun, tous ces poètes que la littérature a perdus autant qu'elle a sauvés ? Peut-être ces quelques vers de Marina esquissent un début de réponse :

“Il y a au monde des hommes en trop
des superflus, pas dans la norme (…)
il y a au monde des gens creux, muets
on les rejette comme du fumier.”

Ces gens là, et c'est peut-être leur abîme, racontent des histoires, certes, mais, dans leur extra-lucidité, insupportable au commun des vivants, ne se racontent jamais d'histoires à eux-mêmes. Que faire de ces êtres, de ces poètes, ces phares ? Que peuvent-ils espérer du corps social ?

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Une poésie vibrante qui se glisse dans les failles du sommeil illuminant les nuits blanches. Impossible pour moi de tourner, de me retourner, chorégraphie étoilée bien vaine, lorsque je me débats avec cette ingrate insomnie. Non, la nuit je lis, je lis effrontément, et m'en lave les mains… tandis que d'autres, comme Marina Tsvétaïéva, trouvent dans ces heures somnambules les ressources pour écrire ce qu'il y a de plus profond en eux, pour écrire la beauté. La nuit comme creuset de la vie. Je me nourris de ces poèmes, à « l'heure des sources dénudées ». Je bois des litres d'encre noire, me brûle à ce magma toujours incandescent malgré leur ancienneté. Et voilà de quoi je me suis abreuvée cette nuit : « Insomnie et autres poèmes » de Marina Tsvétaïéva dont je connaissais déjà le manifeste lesbien « Mon frère féminin ». « Insomnie » est un recueil qui regroupe les poèmes de l'auteure de 1914 à 1941.

Chaque poème révèle des facettes de cette grande poète russe, qui vécut entre 1892 et 1941, période particulière durant laquelle les femmes russes réclament et obtiennent le droit de vote (en 1917 !). Période durant laquelle elle entretient une relation avec Sonia Parnok. Les premiers poèmes lui sont dédiés et font justement penser à son manifeste lesbien. Choquant, vous imaginez, pour les moeurs de l'époque. Chaque poème met en valeur les paradoxes de cette femme, aujourd'hui reconnue comme l'un des plus grands poètes du 20ème siècle, femme à la fois sombre et lumineuse, croyante et athée, passionnée et accablée, exaltée… Intègre.

Sa vie est marquée par l'exil, suite à la révolution bolchévique, puis par un suicide en 1941, deux ans après son retour sur la terre natale. Une de ses filles meurt de faim en 1920. Ecorchée comme beaucoup de poètes. Ces drames se retrouvent dans sa poésie.

Le livre démarre par des poèmes pour Sonia, « l'amie » s'intitule la première partie, l'amie aimée, l'amoureuse :

Là, par les galets, gorgée de vase
Pour une gorgée de passion !
Je t'avais si hautement aimée :
Je me suis dans le ciel inhumée !

Car ce frisson – là – se peut-il
Qu'il ne soit, lui qu'un rêve ? –
Car, par une délicieuse ironie,
Vous – vous n'est pas lui.

Ta robe – noire carapace de soie,
Ta voix, un peu rauque, à la tzigane,
J'ai mal tant j'aime tout en toi
Et même que tu ne sois pas une beauté.

Il se poursuit avec « Insomnie », coeur du livre :

Elle m'a entouré les yeux d'un cercle
D'ombre – l'insomnie.
L'insomnie a ceint mes yeux
D'une couronne d'ombre

Les poèmes s'égrènent, comme les années…si le recueil démarre en 1914, il se termine en 1941. Il est intéressant de noter l'évolution de l'écriture, des thèmes abordés. Nous sentons un vrai changement de ton dans les poèmes de l'exil, ceux à partir de 1918, l'absurdité, le non-sens, l'abattement prenant le dessus :

Ma journée est absurde de non-sens
Je demande au pauvre une aumône
Je donne au riche généreusement
J'enfile dans l'aiguille un rayon
Je confie ma clé au brigand
Et je farde mes joues de blanc
Le pauvre ne me donne pas de pain
Le riche ne prend pas mon argent,
Dans l'aiguille le rayon n'entre pas…
Il entre sans clé le brigand
Et la sotte pleure à seaux
Sur sa journée de non-sens

La guerre, la mort ne font pas exception, voyez ce poème que je trouve magnifique :

Tout rangés en rang
Sans partage
A bien voir les soldats
Où sont les nôtres ? Et les autres ?
Il était Blanc – le voilà rouge
Rouge de sang.
C'était un Rouge – le voilà blanc
Blanc de mort.

L'année 1920, marquée par la mort de sa fille, transparait en filigrane, de façon poignante et s'entremêle avec ce poème « chanson » dédié à la fin de l'amour :

Hier encore ses yeux cherchaient les miens
A cette heure son regard est ailleurs
Hier encore chez moi jusqu'aux oiseaux :
L'alouette à cette heure m'est corbeau

Jusqu'à ses derniers vers avant le suicide :
Il est temps
D'ôter l'ambre,
De changer les mots
Et d'éteindre la lampe
Au-dessus de ma porte

De l'amour à la mort, du rouge au blanc, ce recueil aura été un voyage nocturne, une pensée émue pour cette femme russe au lyrisme nostalgique…De tout ce recueil, deux vers qui me hantent et resteront gravés en moi : « tu m'as appris à vivre au coeur du feu, et tu m'as jetée dans la steppe glacée »…comme un message adressé à la vie. Poignant.




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Sa famille décimée, Marina Tsvétaïéva s'est donnée la mort dans une ville perdue de l'URSS en 1941.
Elle avait seulement 24 ans lorsqu'éclata la guerre civile de 1917, année qui verra la Russie basculer après la révolution d'Octobre vers des décennies de dictature. La marche tragique de l'Histoire n'avait que faire de ce petit bout de femme, fût-elle une immense poétesse.

Telles de petites notes de musique, les vers de Marina Tsvétaïéva tintent agréablement à l'oreille. Deux courts poèmes lus à haute voix pour goûter à cette douce musicalité ! Le premier de 1918 s'inscrit dans une série thématique sur l'inspiration et le travail du poète :

“J'ai dit. Un autre l'a entendu
Doucement l'a redit. le troisième l'a compris.
Avec son gros bâton de chêne le quatrième est parti
Dans la nuit, accomplir un exploit,
Et le monde en a fait une chanson.
J'avance avec aux lèvres cette chanson,
Au devant de la mort, ô ma vie !”

Le second de 1920 est une sorte de lamentation sur les morts de la guerre civile :

“Tous couchés en rangs
Sans partage.
À bien voir les soldats,
Où sont les nôtres ? Et les autres ?
Il était Blanc - le voilà rouge
Rouge de sang.
C'était un Rouge - le voilà blanc
Blanc de mort.”

La préface de Zéno Bianu, intitulée ‘' Le chant magnétique”, introduit avec passion ‘'Insomnie et autres poèmes''. Le poète et essayiste français, subjugué par le talent impétueux de son aînée, met en exergue la soif de vivre de la moscovite, son lyrisme profondément nocturne et insomniaque, sa façon inimitable d'empoigner l'univers.

Le cauchemar soviétique a duré 69 ans.
La poésie de Marina Tsvétaïéva est éternelle !
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Quatre heures du matin. La machine à rêves s'est arrêtée. Panne de courant dans la fabrique à songes. Je soulève une paupière comme on hélitreuille une masse inerte hors de l'eau. Qui diable ose m'extirper de ce sommeil ? Personne, c'est le calme plat dans la chambre. Commence alors la ritournelle d'une danse à l'horizontale. Flanc droit, sur le dos, flanc gauche et soupir avant de faire repartir le mouvement. Comme si le fait de changer de positions avait déjà été efficace face à l'insomnie. Cette chorégraphie d'une fin de nuit précipitée aurait pu s'appeler “À la recherche du sommeil disparu” mais c'eût été trop charmant face à l'agacement bien réel de ces heures éveillées, … jamais vraiment récupérées !

Il existe une poignée de personnes qui mettent la nuit à profit pour dérouler le tapis rouge à l'écriture. Quand les uns ronflent à l'unisson et les autres se débattent avec l'insomnie, eux font couler d'une traite des litres d'encre. Leur imagination se déverse sur des pages entières alors que le soleil n'a pas encore montré un signe de vie. D'après les correspondances retrouvées et les poèmes qu'elle écrivit, Marina Tsvétaïeva fut de ces écrivains-là. Voici une petite analyse de son recueil de poésie Insomnie et autres poèmes.

Difficile d'évoquer cette poétesse russe en faisant fi de l'Histoire du féminisme en Russie. Tsvétaïeva vécut entre 1892 et 1941, c'est-à-dire durant cette période particulière où les femmes russes revendiquent et obtiennent une série de droits civils dont le droit de vote en 1917 — alors que la France n'accordera le droit de vote à ses concitoyennes qu'en 1944. de par sa vie où elle entretint une relation avec Sonia Parnok, et par ses poèmes, dont certains sont en totale rupture avec les moeurs de l'époque,on pense notamment au manifeste lesbien Mon frère féminin, elle entre peu à peu dans la littérature mondiale féministe. À l'heure où la condition de la Femme est entrain de patauger en Russie, on se demande ce qu'en aurait pensé Tsvétaïeva, elle qui connu ce pan de l'Histoire où les femmes russes se rapprochaient, en considération, des hommes.

Le recueil commence, d'ailleurs, par une série de poèmes en l'honneur de Sonia Parnok, l'amie. Quelques lignes versifiées et c'est déjà le coeur de l'écriture de Tsvétaïeva qui se met à découvert. C'est doux tout en étant désenchanté. Les mots sont à fleur de peau sans être virulents et le sens des textes est clairement compréhensible. Un des merveilleux pouvoirs de l'écriture, et à plus forte raison en poésie, est de créer des images sans aucun support visuel. À ce titre, la poétesse russe n'a aucun mal à laisser son empreinte :

« Vous aviez la flemme de vous habiller, et

Vous aviez la flemme de quitter vos fauteuils.

— Mais chacun de vos jours à venir

Serait gai de ma gaîté.

Vous n'aimiez surtout pas sortir

Si tard, dans la nuit, dans le froid.

— Mais chacune de vos heures à venir

Serait jeune de ma gaîté.

Vous l'avez fait sans penser à mal,

Innocemment, irrémédiablement.

— J'étais votre jeunesse,

Qui passe. »

Et puis il y a le coeur du recueil, celui dédié à l'insomnie. Marina Tsvétaïeva fut une poétesse de la nuit. Elle y trouva une énergie créatrice où l'encre coula à flot sur des milliers de feuilles. Intarissable ! Oui, c'est l'adjectif qui colle aux baskets de cette auteure russe tant sa plume ne cessait d'écrire dans l'obscurité. Tsvétaïeva rime avec un nom claqué contre les quatre murs d'une chambre et dont l'écho revient continuellement. Il y a, certes, une douceur dans ses textes somnambules mais il y a surtout une tempête intérieure qui se traduit par ce genre de vers écrits en 1916 « Qui dort chaque nuit ? – Personne ne dort ! L'enfant crie dans son berceau – le vieillard est face à la mort – le jeune homme parle avec son amie – le souffle, à ses lèvres, les yeux dans ses yeux ». Il y a chez cette poétesse russe quelque-chose d'instantané et d'épidermique. Ce n'est pas pour rien que ses poèmes sont très appréciés de la jeune génération russe. Même si certains textes se heurtent au poids des années, il n'en reste pas moins que la majorité des poèmes publiés dans Insomnies et autres poèmes sont d'une modernité bien vivante.

Que retenir de ce recueil ? Une belle introduction au monde de Marina Tsvétaïeva où la réalité d'une vie se lit à travers la voix d'une des plus grandes poétesses du XXème siècle. L'auteure russe fut une amoureuse, une amie, une expatriée, une croqueuse d'instants ou encore une féministe ! Ses poèmes sont parmi les plus beaux de ce qu'on appelle en Russie l'Âge d'argent de la littérature. Et ce qui ne gâche pas le plaisir, c'est qu'ils se lisent très bien en français puisque Tsvétaïeva parlait couramment la langue De Voltaire. 😉
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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La poésie de Marina Tsvétaïeva est comme elle: passionnée, changeante, aérienne. D'ailleurs les nombreux points d'exclamation qui jalonnent ses poèmes témoignent de son âme exaltée.

Il faut dire que sa vie a été tumultueuse: les deuils, l'exil, la pauvreté, mais aussi les rencontres amoureuses des deux sexes, les amitiés fortes, les échanges épistolaires avec d'autres écrivains . La mort qu'elle s'est donnée , peu de temps après être revenue en Russie, aura pourtant eu raison de son appétit de vie...

J'ai trouvé ses textes très rythmés, tourbillonnants souvent, à son image, comme ces mots dédiés à sa fille Ariadna:

" Nuages autour.
Coupoles autour.
Par-dessus Moscou
de toutes mes mains!
Je te hisse au ciel, mon radieux fardeau,
Mon beau petit arbre
Qui ne pèse rien! "

Tout est élan, feu, pulsion de vie, dans sa poésie, et le lecteur se sent comme entraîné dans une danse. Mais l'angoisse et le spectre de la mort s'invitent aussi. Et ce poème inédit, retrouvé dans ses papiers, après son suicide, résonne comme une préfiguration de sa mort et se révèle fort émouvant:

" Il est temps
D'ôter l'ambre,
de changer les mots
Et d'éteindre la lampe
Au-dessus de ma porte"

Une femme poète à ne pas oublier, à lire et relire!
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(...)
Je suis passée sur terre d'un pas de danse ! --- Fille du ciel !
Un tablier plein de roses ! --- sans écraser les jeunes pousses !

Je le sais, je mourrai au crépuscule, ou le matin ou le soir !
Dieu n'enverra pas une nuit d'épervier pour mon âme de cygne !

D'une main douce, j'écarterai la croix sans l'embrasser,
Je m'élancerai dans le ciel généreux pour un dernier salut.

La faille du crépuscule, ou le matin ou le soir --- et la coupure du sourire...

---- car même dans le dernier hoquet je resterai poète !

Décembre 1920
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Les collines des environs de Moscou sont bleues,
Poussière et goudron – dans l’air à peine tiède.
Tout le jour je dors et je ris tout le jour, - je suis,
Probablement, en train de guérir de l’hiver….

Je rentre chez moi le plus doucement possible :
Je ne regrette pas – les poèmes non-écrits !
Le bruit des roues et les amandes grillées
Me sont plus chers que tous les quatrains.

Ma tête est vide, et c’est charmant :
Le cœur – lui - est trop plein !
Mes jours sont de petites vagues
Que je regarde du port.

De trop tendres regards
Dans l’air tendre à peine tiède,
À peine guérie de l’hiver, déjà
Je suis malade de l’été.
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Le coup étouffé sous les années de l'oubli,
Années de l'ignorance.
Le coup qui vous arrive comme un chant de femmes,
Comme un hennissement,

Comme passe un vieux mur le chant passionné —
Le coup qui vous arrive.
Le coup qu'étouffe le fourré silencieux
D'ignorance, d'oubli.

Vice de la mémoire — rien, ni yeux ni nez,
Rien, ni lèvres ni chair.
De tous les jours l'un sans l'autre, nuits l'un sans l'autre,
La terre d'alluvion.

Le coup étouffé, comme de vase couvert.
C'est ainsi que le lierre
Mange le cœur et transforme la vie en ruines...
— Couteau dans l'édredon !

...Le coton des fenêtres bouche les oreilles,
Comme l'autre, au-delà :
De neiges, d'années, de tonnes d'indifférence
Le coup est étouffé...

Entre le 26 janvier et le 8 février 1935
Vanves

p.206-207
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Insomnie


Qui dort chaque nuit ? Personne ne dort !
L'enfant crie dans son berceau,
Le vieillard est face à sa mort,
Le jeune homme parle avec son amie,
Le souffle, à ses lèvres, les yeux dans les yeux.

On s'endort ~ s'éveillera-t-on ici encore ?
On a le temps, le temps, on a le temps de dormir !

Un gardien vigilant, de maison en maison
passe, un fanal rose à la main,
et grondements saccadés par-dessus l'oreiller,
sa crécelle violente va gronder :
- Ne dors pas ! Résiste ! Je dis vrai !
sinon, c'est le sommeil éternel !
sinon, c'est la maison éternelle !
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Tous les yeux sont ardents -- sous le soleil,
Chaque jour est un jour différent.
Je te le dis pour le cas
Où je te tromperais: quelles

Que soient les lèvres
Que j'embrasse, à l'heure d'amour,
Á la mi-nuit noire, à qui que ce soit
Que je jure furieusement de vivre

Comme une mère á son enfant,
Comme fleurit une fleur,
Sans jamais promener mon regard
Sur qui que ce soit d'autre...

Tu vois, cette petite croix en cyprès ?
Car -- tu la connais --, tout
S'éveillera -- à ton premier signe --
Sous ma fenêtre.
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