Citations de Martin Winckler (760)
N'hésite jamais à dire NON quand on t'impose une sale besogne. Si elle est vraiment importante, ton patron doit pouvoir la faire lui-même.
Je tordais déjà mon mouchoir trempé, en voyant les flots de larmes tu t’es levé, tu as traversé la pièce, tu as rapporté une grande boîte de mouchoirs en papier et tu l’as déposée sur le plateau de bois peint, près de moi.
Pendant un long moment, je n’ai rien dit. Tu m’as regardée, tu n’as rien dit non plus. Mes larmes ont fini par se tarir.
Enfin, j’ai soupiré, j’ai fait un effort pour sourire, je me suis redressée, j’ai dit :
- Je ne vais pas vous embêter plus longtemps, il faut que je rentre. Mon petit garçon est chez la voisine… Son fils et le mien sont dans la même classe… Je… Je voulais vous remercier de m’avoir écoutée, mais je… je suis un peu gênée…
- Gênée ? Pourquoi ?
- Je… Je suis venue vous prendre votre temps… Alors que je ne suis pas malade…
- Non, mais vous souffrez.
Quand je sors dans la cour, je me rends compte que ma main est crispée autour de la feuille de sécurité sociale, et je réalise que tu n’as pas fait de dossier, que tu n’as pas pris de notes, que tu ne m’as même pas demandé mon nom.
Les médecins qui veulent le pouvoir font tout pour l'obtenir.
Les médecins qui veulent soigner font tout pour s'en éloigner.
Après l’école, Franz ne rentrait pas tout de suite. Quand il tardait vraiment beaucoup, Claire envoyait sa fille à sa recherche. Luciane savait toujours où le trouver : le vendredi et le samedi à la bibliothèque ; le lundi et le jeudi chez le marchand de journaux, occupé à éplucher les illustrés perchés sur les tourniquets métalliques ; du mardi au samedi à la librairie, pelotonné entre deux étagères, une pile de livres à portée de la main. Roland Blier, le libraire, tolérait très bien sa présence.....
... ceux qui te laissaient entendre que si on baisait avec eux "ça ferait du bien à ta carrière et ça te ferait peut-être du bien tout court" (et là, c'était simple, il suffisait de répondre : "pourquoi pas, mais j'attends le résultat de ma sérologie trimestrielle, j'ai plusieurs partenaires et je suis allergique au latex", pour avoir la paix)...
N'hésite jamais à interpeller tes enseignants. Leur ignorance est plus grave que la tienne, car ils n'ont pas l'excuse de ton inexpérience.
Traduit dans une autre langue ou joué sur scène, un texte change avec la personne qui l'interprète.
Abraham aurait préféré ne rien avoir à expliquer. Il était pourtant de ceux qui croient, dur comme fer, qu'on doit la vérité à ceux qu'elle concerne. Il avait souffert, dans son enfance, qu'on lui mente « parce qu'il ne pouvait pas comprendre ». Il avait détesté, à l'adolescence, qu'on le soupçonne de ne pas vouloir comprendre. Et il avait haï, pendant ses études de médecine, qu'on le traite comme s'il était indigne de comprendre.
Mais, quand il s'agissait des vérités à dire ou non à son fils, il était très partagé. D'un côté, il ne savait pas comment lui expliquer ce qui était arrivé à sa mère. De l'autre, il s'en voulait de l'avoir maintenu dans le silence et ne voyait plus comment le justifier.
(p. 268)
Il suffit d'une seconde pour faire une rencontre, ou pour qu'elle n'ait pas lieu. Toutes les vies ne sont qu'une suite de hasards. Postuler ce qui aurait pu ne pas être est tout aussi gratuit qu'inventer ce qui n'arrivera pas.
(...) depuis toujours en Amérique, la sitcom sert de porte-voix aux revendications féministes ('I love Lucy', la toute première sitcom, met en scène une femme au foyer qui veut cesser de dépendre financièrement de son mari), à la satire sociale, à la critique des institutions, à la lutte antisexiste et antiraciste, aux conflits entre adultes et mineurs, majorités et minorités, etc. Et les questions qui y sont abordées ne sont pas du tout spécifiques de l'Amérique. (p. 90)
[site internet interactif de gynécologie]
J'ai eu un rapport le 16 décembre avec mon copain et le 24 décembre avec le meilleur ami de mon copain parce que j'avais rompu et je croyais que c'était pour de bon et je me sentais seule et je n'ai pas eu de règles quand je les attendais le 1er janvier et depuis mon copain est revenu il veut faire sa vie avec moi et hier je me suis mise à vomir et j'ai fait un test je suis enceinte. De qui est l'enfant ?
(p. 388)
"Celui qui ne cherche pas la vérité est lâche ou imbécile [...]
Mais celui qui tait sciemment la vérité est un criminel."
« Pourquoi venez-vous me voir ce soir ? […]
Parce que je n’ai que trente ans mais j’ai déjà mal partout.
Parce que j’ai déjà quarante ans et je commence à m’inquiéter.
Parce que j’ai passé la cinquantaine et il serait temps.
Parce que j’ai presque soixante ans et je voudrais que ça continue.
Parce que j’ai soixante-dix ans passés et que mon fils se fait du souci.
Parce que j’ai bientôt quatre-vingts ans et je veux mourir chez moi.
Parce que j’ai quatre-vingt dix ans et vous savez, j’en ai marre de vivre. »
Les médecins qui veulent le pouvoir font tout pour l’obtenir. Ceux qui veulent soigner font tout pour s’en éloigner.
[ fin des 60's - classe de Première D ]
A présent, elle inscrit au tableau les mots 'Reproduction sexuée'. Toutes les têtes se baissent religieusement pour noter.
[...]
- Bon, qui peut me dire à quoi sert la sexualité ?
La classe pouffe et murmure.
- A faire des enfants ! lance une voix.
- Pas seulement, mais oui. Le sexe est la méthode de reproduction de la majorité des êtres vivants y compris des humains. Qui peut me dire COMMENT on fait des enfants ?
- Vous savez pas, alors vous voulez qu'on vous explique, M'dame ? demande la même voix.
Plusieurs garçons éclatent d'un rire tonitruant. L'enseignante s'approche de l'un d'eux.
- Comment t'appelles-tu ?
- Qui, moi ?
- Oui, toi. La prochaine fois, ne mets pas la main devant ta bouche avant de faire le malin. Ça se remarque. Comment t'appelles-tu ?
- J... Jean-Claude Aumont.
- Eh bien, Jean-Claude, toi qui sais si bien comment faire les enfants, sais-tu comment NE PAS en faire ?
Jean-Claude rougit comme une pivoine.
(p. 330-331)
Tout le monde ment. Les patients mentent pour se protéger ; les médecins mentent pour garder le pouvoir.
" Pourquoi est-ce que certains médecins nous donnent toujours l'impression qu'on les embête quand on leur pose une question ? C'est pas leur boulot, de répondre questions et de aux rassurer ?"
- Mon père à moi est mort quand j’avais onze ans. Un accident du travail. Il est tombé d’un toit. Il était algérien et il n’avait pas de papiers. Son patron ne l’avait pas déclaré, et quand il est arrivé aux urgences, on l’a laissé sur un brancard pendant une journée entière avant de s’occuper de lui. Et chaque fois que je demandais à quelqu’un de s’occuper de lui, on me disait : « On ne peut pas, il n’a pas de papiers, on est en train de chercher une solution, mais c’est compliqué. »
Il est difficile de ne pas porter de jugement. Tu es un être humain. Mais ça ne t'autorise ni à condamner ni à appliquer des peines.
- Chaque fois que vous interrompez une patiente, vous l'empêchez de dire ce qui est essentiel pour elle. Chaque fois que vous remettez en question la véracité de ce qu'elle dit, vous la faites douter.
- Mais si elle dit quelque chose de faux ?
- D'abord, ce n'est pas "faux", c'est ce qu'elle ressent. Son interprétation n'est peut-être pas conforme aux acquis de la science, mais elle lui permet d'appréhender la situation d'une manière intelligible, de ne pas se laisser gagner par la panique. Notre boulot, ça n'est pas de lui dire que ce qu'elle ressent est "vrai", ou "faux", mais de chercher pour son bénéfice, et avec son aide, ce que ça signifie. Si tu veux que les patientes respectent ton avis, il faut d'abord que tu respectes leur perception des choses...
- Même si elle repose sur une vision complètement fantasmatique ?
- Bien sûr. Respecter, ça ne veut pas dire adhérer. Ça veut dire : plutôt que de perdre ton temps dans un bras de fer (j'ai raison, tu as tort), essayons de trouver un terrain commun. Une relation de soin, ce n'est pas un rapport de force.