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Citations de Martin Winckler (760)


C'est ce qu'on ressent lorsqu'on passe toutes ses journée sans personne à qui parler, sans personne qui s'approche et se penche et met ses bras autour de vos épaules pendant que vous lisez assis dans un canapé, sans une main à effleurer lorsqu'elle ne fait que passer, sans un sourire à donner ou à saisir.
L'absence de l'autre est un enfer aussi.
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J’ai vu passer des milliers de personnes, mais en cet instant même, je ne pourrais spontanément en évoquer qu’une douzaine […]… Alors, je crois qu’écrire, pour un médecin comme pour n’importe qui, c’est prendre la mesure de ce qu’on ne se rappelle pas, de ce qu’on ne retient pas. Écrire, c’est tenter de boucher les trous du réel évanescent avec des bouts de ficelle, faire des nœuds dans des voiles transparents en sachant que ça se déchirera ailleurs. Écrire, ça se fait contre la mémoire et non pas avec. Écrire, c’est mesurer la perte.
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3. UNE CONSULTATION

- Eh bien, je ne sais pas par où commencer...

Tu hoches la tête, Mmmhh. Tu pivotes vers les étagères, tu fouilles dans une des boîtes grises. Tu en sors une enveloppe brune. Tandis que je t'explique le motif de ma venue, tu sors de l'enveloppe un bristol quadrillé au format carte postale et tu le poses sur le plateau de bois peint ; tu tires un stylo plume noir de la poche de poitrine de ta blouse, tu dévisses le capuchon, tu l'ajustes sur le corps du stylo, tu tires un trait sur le bristol, tu marques la date près du bord gauche.

- Eh bien, voilà...

Penché sur le bristol quadrillé, tu écris.

*

Quand tu écris, tu te tiens voûté au-dessus du plateau de bois peint. Derrière toi, à travers les rideaux de voile jaunissants et les feuilles de plastique opaque mais translucide qui recouvrent les vitres, la grande fenêtre déverse une vive clarté. Sans lâcher ton stylo, tu tournes la tête vers moi. Les verres de tes lunettes sont légèrement teintés, je ne sais si tu regardes ma bouche ou mes yeux. De temps à autre, tu baisses les yeux vers le bristol quadrillé et tu traces quelques mots. Tu interromps parfois mon récit pour poser des questions :

- Quand est-ce que ça a commencé ? C'était la première fois ? Tous les jours ? Pendant ou entre les repas ? Y a-t-il des jours où vous ne sentez plus rien ? Et la nuit ? Et aujourd'hui, par exemple ? Est-ce que vous avez pris quelque chose contre la douleur ?

Tu commentes mes réponses d'un Mmmhh, ou d'un Je vois. Tu écris sur le bristol quadrillé, tu hoches la tête, Oui, ce doit être très pénible... Finalement, tu reposes le stylo.

Tu tournes le dos au plateau de bois peint et tu désignes le lit bas placé à deux mètres de nous, contre la cloison qui sépare le cabinet médical de la salle d'attente.

- Eh bien nous allons voir ça. Je vais vous demander de vous déshabiller et de vous allonger, si vous le voulez bien.

*

Pendant que j'enlève mes chaussures, tu traverses la pièce. De
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— Ils ont droit au secret.
— Le secret de leur identité. Mais tu changeras les noms. Et tu omettras tout ce qui peut les faire reconnaître. Ce ne sont pas des confessions écrites: tout sera transcrit de ta main, D’ailleurs… toi seul sait ce que tu as entendu. Pour qui voudrait le lire, tu aurais très bien pu tout imaginer!
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Comme beaucoup, [ce jeune praticien] avait fait sienne l'idée que tout patient qui refusait son aide se mettait dans un grave danger, et surtout le mettait sciemment en échec. Les patients qui n'obéissaient pas à ses prescriptions allaient mourir et, bien entendu, ce serait de sa faute. Il devait tout faire pour éviter ça, coûte que coûte.
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Et y en a marre d'entendre que le seul avenir envisageable pour une fille c'est de pondre. Merde !
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Soigner, c'est donner à manger à quelqu'un qui tremble trop pour tenir sa cuillère.
Soigner, c'est retourner trois fois en un quart d'heure dans la même chambre pôur retaper un oreiller.
Soigner, c'est passer une compresse d'eau sur le front ou un glaçon sur les lèvres.
Soigner, c'est caler une jambe cassée sur un brancard avec un petit sac de sable.
Soigner, c'est tenir la main pendant que quelqu'un d'autre suture, ponctionne, arrache, incise, cautérise, injecte, sonde, aspire, accouche celui ou celle à qui on tient la main.
Soigner, c'est hocher la tête pour dire je suis avec vous.
Soigner, c'est avoir envie de prendre dans ses bras sans pouvoir le faire, mais trouver tout de même un geste qui voudra dire la même chose.
Soigner, c'est porter, soutenir, guider, écouter.
Soigner, c'est être là.
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Un soignant ça ne doit pas se comporter comme un juge...Ou comme un flic. Quel genre de médecin voulez-vous être ? Un soignant ou un flic ?
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–Il faut coucher ensemble combien de fois pour avoir un enfant ?
Là, ses yeux s’ouvrent grand, sa bouche aussi, et sa cigarette tombe par terre. J’aime voir sa cigarette tomber par terre. Ça me fait rire.
–Qu–quoi ?
T’as pas l’air de comprendre ma question…
-Pour faire un enfant, il faut qu’un homme et une femme couchent ensemble, non ?
–Ou–oui. Comment tu sais ça ?
–Luciane parle tout le temps de ça avec ses copines, quand elles viennent goûter avec elle dans le jardin. Moi je lis, mais je les entends parler. Je ne sais pas comment on fait des enfants, et elles n’ont pas l’air de le savoir très bien non plus, mais je sais qu’il faut coucher ensemble… Seulement, je me demande, est-ce qu’il faut le faire plusieurs nuits de suite, ou bien est-ce qu’il suffit de le faire une fois.
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Je ne veux pas mourir en voyant ma poitrine se soulever contre ma volonté, je ne veux pas voir la machine respirer à ma place. Je veux pouvoir dire au revoir à ma famille, avec ma bouche, avec mes lèvres, avec ma gorge (P. 74)
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- Son médecin, c'est toi. Tu ne lui imposes pas la vérité : elle te la demande.
- Est-ce que je vais avoir la force...
- C'est elle qui meurt. S'apitoyer sur soi devant quelqu'un qui meurt, c'est indécent. [...] Va lui parler.
(p. 550)
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Je me trouve dans un autre couloir, long de quelques mètres seulement, au bout duquel une seconde porte vitrée donne sur un escalier extérieur. Un rayon de soleil éclaire le lino. À ma droite, deux portes fermées. L’une est celle des toilettes. La seconde porte un panonceau disant : « La conseillère sera de retour à 10 heures. » À ma gauche se trouve un petit secrétariat, séparé du couloir par un comptoir surmonté d’un volet mobile. Le volet est ouvert, une femme d’une quarantaine d’années – sans doute la silhouette que j’ai aperçue par la vitre – pose son sac sur le comptoir, le fouille et en tire une petite carte verte, qu’elle tend à une femme en blouse blanche assise derrière le comptoir.
Derrière le secrétariat, j’aperçois, à travers la demi-cloison surmontée d’une vitre, une salle d’attente sans fenêtre. Elle est vide.
À mon entrée, les deux femmes tournent la tête.
La quadra me salue de la tête sans ouvrir la bouche.
– Bonjour, fait la secrétaire en levant un sourcil.
Elle semble avoir la trentaine, à peine. Ses cheveux noirs sont retenus par des couettes de chaque côté de sa tête. Elle porte des bagues à chaque doigt ou presque, de grandes boucles et plusieurs piercings aux oreilles, un autre au-dessus de l'œil, un maquillage outrancier et un horrible tatouage en forme de toile d’araignée dans le cou. Elle me fait irrésistiblement penser à un personnage de je ne sais plus quelle série télé.
– Bonjour… dis-je de ma voix la plus grave et la plus ferme. Je suis le docteur Atwood, interne en gynécologie obstétrique. Je dois prendre mes fonctions… Ici.
Elle me lance un drôle de regard, mâchouille un chewing-gum et dit :
– Ah. O.K. Moi, chuis Aline, la secrétaire. Le docteur Karma m’a prévenue que vous veniez aujourd’hui. Il ne va pas tarder. Je vous fais patienter un peu pendant que je m’occupe du dossier de cette dame ?
– D’accord…
Il fait chaud dans ce couloir. J’ôte mon imperméable.
– Il y a une penderie dans le bureau, dit la secrétaire en me désignant la pièce contiguë au secrétariat.
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Mais c'est évident, réfléchis : qui va voir les médecins ? les nanas. Qui consomme le plus de soins ? Les nanas. Qui vit le plus longtemps ? Les nanas. Qui emmène, tire, accompagne, dépose ou pousse ses filles, ses parents et ses mecs, surtout ceux qui ne veulent pas se soigner, chez le médecin, ou font appel au médecin pour qu'il vienne les voir ? Les nanas.
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Pour faire ce boulot jusqu’au bout, il faut être cinglé. Il n’y a que des cinglés pour vouloir sauver la vie des gens, sans se rendre compte que c’est impossible. Ceux qui font semblant de croire le contraire sont des salauds.
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Les gens causent, ils disent qu'il ne faut pas trop dépenser , que la sécurité sociale n'a plus d'argent, mais moi je ne vois pas les choses comme ça, la santé c'est important ou alors c'est pas la peine qu'on ait travaillé toute sa vie pour ne pas se soigner.
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…il plongera la main dans le tiroir, sortira une ordonnance, ouvrira le grand livre rouge, demandera : "Qu'est-ce que vous prenez comme pilule d'habitude? Minibaise? Ah, pas étonnant que vous ne la supportiez pas, moi je prescris Maxinique qui est la dernière sortie et toutes mes patientes en sont toujours très con…", mais non, je le vois poser ses avant-bras sur le bureau, se pencher vers elle, croiser les doigts et je l'entends dire,
- Racontez-moi...
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Tout cela pour dire qu'à mes yeux les séries ont la même importance et la même qualité que les romans, les ouvrages de sciences humaines, le cinéma, le théâtre, les expositions et les conférences. Regarder une série n'est pas une activité exclusivement récréative, c'est une manière d'appréhender le monde.
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(...) Les dernières fois que je suis allée le voir, l'autre... crétin, j'avais vraiment le sentiment que je l'emmerdais. Mais bon dieu, quand on a mal comme ça et qu'on ne tient pas en place, on ne va pas passer une heure sur un siège inconfortable de salle d'attente uniquement pour emmerder un professionnel ! Et puis c'est son putain de métier et je le paie, nom de dieu ! (...)
Les dernières fois, cet abruti n'a même pas voulu m'examiner, soi-disant qu'il m'avait déjà trop regardée et la dernière fois il a été carrément insultant, il m'a fait un sourire entendu, il a dit que si je continuais à venir lui montrer mes fesses comme ça à tout bout de champ, sa secrétaire allait se poser des questions et comme elle est copine avec sa femme, ça chaufferait pour lui à la maison ! Mais pour qui il se prend, ce trou du cul ? Il croyait vraiment que ça m'intéressait de me foutre à poil devant lui ? Moi je voulais qu'il m'e-xa-mine ! Pas qu'il se rince l'oeil !
(p. 301-302)
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- (...) Je... je suis désolée, je ne voulais pas...
- Quoi ?
- Etre irrespectueuse.
- En pensant que je suis gay ? Ce n'est pas irrespectueux. C'est juste erroné. Et ça n'a aucune importance.
(p. 88)
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Ecrire, c'est tenter de boucher les trous du réel évanescent avec des bouts de ficelle, faire des noeuds dans des voiles transparents en sachant que ça se déchirera ailleurs. Ecrire, ça se fait contre la mémoire et non pas avec.
Ecrire, c'est mesurer la perte.
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