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Critiques de Max Aub (53)
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La Véritable Histoire de la mort de Francisco..

Vous connaissez Nacho ?

Nacho du Café espagnol ?

Le serveur de café qui devint une institution à Mexico ?

Ce Nacho qui fit son éducation politique grâce à son ouïe fine, et " avec les années et ses oreilles", finit par se faire "une culture" ?

Ce Nacho qui perdra les pédales à l'arrivée des réfugiés espagnols en 1939, qui de "leurs conversations" feront fuir tout autochtone du café, lui causant un ulcère ?

Et ce Nacho qui finalement décidera de passer à l'acte pour résoudre leur problème, afin de se libérer de "ces conversations" pour calmer son ulcère ?

Eh bien si non, et que vous êtes curieuse ou curieux de le connaître vu le rôle qu'il jouera dans l'Histoire, ce petit livre de 66 pages écrit par l'écrivain espagnol Max Aub durant son exil mexicain, vous attend. C'est truculent, et j'ai adoré la fin......mmmmm une friandise littéraire comme je les aime, piochée chez ma copine Pecosa.



"C'est parce que je ne savais pas parler que j'ai choisi au début d'être garçon de café: là au moins je pouvais écouter. Mais écouter vingt ans la même chose, encore la même chose et toujours la même chose, avec cette façon de prononcer les c....."

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Je vis

Vingt-quatre heures dans la vie d'un homme. Je vis. Enrique vit. Hédoniste, les sens aux aguets, heureux de chaque instant passé à manger, aimer, nager, danser, curieux de tout ce qui l'entoure, le jeune homme se laisse porter par les choses que la vie lui offre.

Difficile de mettre des mots sur ce texte d'une soixantaine de pages, rythmé par 21 très courts chapitres. Je vis ne se prête pas à l'analyse, il se lit, se savoure, plus encore à haute voix, poème en prose, dont la musicalité nous frappe. Aub est un maître du langage, attentif à chaque détail, aussi ténu soit-il, qui, sous sa plume, s'inscrit dans le grand cycle de la vie.



En dehors de la beauté formelle, et de la célébration sensuelle de l'existence, une dimension plus symbolique frappe le lecteur. Ecrit en 1936, quelques temps avant le coup d'état, perdu dans les Limbes, il n'est publié qu'en 1953. Max Aub a fui en France, a connu les camps du Vernet, et de Djelfa en Algérie, puis a trouvé refuge au Mexique. Il note dans le colophon « Je le regarde avec tendresse parce que c'est le livre qui aurait pu mais n'est pas. le monde m'a alourdi d'autres choses. C'est peut-être dommage, probablement non. Et je me le dédie à moi-même, in memoriam. »



Je vis, hymne à la vie, marque la fin de l'innocence, celle d'un pays, celle d'un homme, celle de son oeuvre. Avec la guerre, Aub, n'imaginera plus seulement, il évoquera ce qu'il verra, ce qu'il vivra, en témoigne sa grande oeuvre le Labyrinthe magique, ancrée dans L Histoire, tournant ainsi le dos à l'Art pour l'Art. Je remercie les Editions La Reine Blanche et Babelio pour l'envoi de ce titre dans le cadre d'une opération Masse Critique.

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Je vis

Les éditions de La Reine Blanche rendent aujourd’hui disponible en langue française ce texte charnière dans l’oeuvre de Max Aub. Je les remercie, ainsi que notre bonne vieille plateforme, pour l’envoi de ce livre, auquel j’associerai Pecosa, elle qui m’a fait découvrir à travers ses critiques et ses listes l’univers de ce grand écrivain cosmopolite, indissociable de la Guerre d’Espagne.



Charnière donc, car présenté comme son dernier texte « innocent », poésie en prose hédoniste, amorce d’une oeuvre qu’il aurait considéré comme sa meilleure, si seulement il avait pu la terminer.

L’auteur nous l’explique dans un bref colophon, probablement la partie la plus émouvante de ce livre, dont l’état d’ébauche ne permet pas vraiment d’entrevoir ce que l’auteur y projetait de si « important », lui qui nous a livré entre autres oeuvres majeurs ce vaste cycle du Labyrinthe Magique, six volumes comme autant de voix nous contant sa Guerre Civile.



Difficile donc, pour un texte qui se place sur le ressenti, d’entrer en résonance avec les frissons d’aise parcourant notre personnage ; les deux photographies assorties n’aidant pas davantage, à part nous rappeler que la saison des asperges est encore loin ( on est en novembre ), et que les bains de mer restent un but indéfectible dans la vie ; elles permettent toutefois d’apprécier le soin apporté à l’édition de ce petit livre, sans qu’il soit fait mention de son lieu d’impression.



Et si le simple bonheur n’était tout bêtement un bon matériau de création, à côté de la tragédie… ?

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Le zopilote et autres contes mexicains.

Max Aub avait 39 ans à son arrivée au Mexique en 1942, après un bref exil à Paris en 1939 (où il collabora avec Malraux sur Sierra de Teruel), un internement au Camp de concentration de Roland Garros, au camp du Vernet, puis au camp de Djelfa en Algérie.

En embarquant sur le Serpa Pinto qui mit le cap sur Veracruz, Aub, Espagnol depuis 1914, né d’un père allemand et d’une mère française, devint un écrivain mexicain.

Ce recueil de 18 nouvelles, témoigne de sa connaissance du pays qui l’a accueilli, lui comme un grand nombre d’exilés espagnols. Même si le « récit mexicain » le plus connu reste le très caustique La Véritable histoire de la mort de Francisco Franco, le Zopilote s’inscrit dans l’histoire politique et sociale du pays, à l’exception peut-être de 5 nouvelles à la dimension plus universelle ( La véritable histoire des poissons du lac de Pátzcuaro, La branche…).

Hommage à Prosper Mérimée , Memo Tel, évoquent les dernières années du régime de Porfirio Díaz et de la Révolution mexicaine, Les Voraces, La Vieillesse, Juan Luis Cisniega,, la vie quotidienne dans la campagne mexicaine. Mais au détour d’une nouvelle, l’Espagne réapparait, celle d’avant et d’après la guerre, avec sa petite musique lancinante de l’exil auxquels certains font face alors que d’autres se languissent: « « Tu n’arriveras à rien comme ça. Il faut s’adapter. Qu’est-ce que tu crois? Que tu es encore à Valence? »

L’écriture est sèche, parfois abrupte, Aub, très à l’aise dans le format bref de la nouvelle, maitrise parfaitement le temps limité, l’univers restreint, le nombre réduit de personnages, d’évènements. Cette concision lui permet de faire éclater la violence, de montrer l’absurde, de dire la brutalité de la vie. «Il est arrivé avec un groupe d’enfants dont les parents étaient morts dans un bombardement à Valence ou à Barcelone, pendant la guerre d’Espagne. Deux jours après son arrivée ici, il a découvert les zopilotes et s’est mis à courir comme un fou vers le sommet de la montage. Il a dû tomber et rester inconscient sur le coup. Les animaux l’ont laissé comme vous le voyez aujourd’hui. »

Ça claque comme un coup de fouet, c’est Aub nouvelliste.
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La Véritable Histoire de la mort de Francisco..

Les Espagnols et les Mexicains parlent la même langue, mais cela ne suffit pas à en faire des amis à la vie à la mort. Demandez donc à Ignacio Jurado Martínez, né en 1918 dans l'Etat de Sonora au Mexique, et éminent mais discret garçon de café dans un bar de Mexico depuis 1938. Modèle du genre, il aime tellement son métier qu'il renonce à son jour de congé hebdomadaire, juste pour le plaisir du service et pour parfaire ses connaissances en écoutant les conversations de ses illustres clients mexicains. Oui mais, que viennent faire les Espagnols dans cette histoire, me direz-vous ? Eh bien figurez-vous qu'Ignacio (Nacho, pour les amis) leur doit son ulcère d'estomac. Tout ça parce qu'en 1939, des flots de républicains espagnols fuyant le franquisme se sont réfugiés au Mexique, et qu'un certain nombre d'entre eux ont pris l'habitude de se retrouver – je vous le donne en mille – au café de Nacho pour y tirer bruyamment des plans sur la comète commençant invariablement par "quand Franco tombera…". Tellement bruyamment qu'ils font fuir les autres clients et qu'on ne parle plus au café que de politique espagnole, passée-présente-future, à longueur de journées, de mois, d'années, puisqu'en 1959, les choses n'ont toujours pas bougé d'un pouce, les exilés espagnols non plus d'ailleurs. La seule évolution pendant cette période, c'est celle de l'exaspération et de l'ulcère de Nacho. Qui décide de prendre les choses en mains et des vacances... en Espagne, histoire d'y résoudre une bonne fois pour toutes le problème des exilés, et par extension, le sien.

Publié en 1960, écrit par Max Aub depuis son exil mexicain, ce très court texte a été considéré par les services de renseignement espagnols comme un appel à l'attentat contre Franco. Mais ce conte burlesque et cynique est bien plus subtil que cela. Max Aub avait compris que les exilés espagnols au Mexique étaient restés figés en 1939 et resteraient des exilés quoi qu'il advienne, tandis que l'Espagne continuerait d'évoluer sans eux. Plutôt qu'une incitation au meurtre, ce texte irrévérencieux dresse avec sagacité le tableau des relations entre Mexicains et exilés espagnols, les premiers forcés d'accueillir les descendants de leurs colonisateurs, les autres ne regardant que leur nombril de réfugiés tournés vers le passé et la Mère-Patrie.

Une petite perle de fantaisie et de lucidité, découverte grâce aux copines babeliotes Pecosa et Bookycooky. Merci les filles !
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Crimes exemplaires

Rendons grâce à Pecosa, nous sommes probablement quelques-uns à avoir découvert Max Aub par son intermédiaire. Mes fleurs ne sont pas là pour faire joli, j'en fait parti.



C'est ce tout petit livre que l'on trouve le plus facilement, première approche, mais cela n'empêche pas de le déguster lentement.

L'avant-propos de l'auteur est essentiel, sa relecture à postériori sème astucieusement le doute sur ce que l'on vient de lire. La quatrième de couverture évoque une piste alternative à ces récits, celle d'une prise à son compte de ces meurtres par l'auteur (enfin le « narrateur », ou en tout cas le récipiendaire de ces confessions), nous faisant douter du caractère multiple de ces assassinats, un possible « serial-killer » sans mobile autre que la possibilité de les commettre.



Primé et salué pour son humour noir et absurde, ce livre me rappelle cette crissante blague du Journal des Nuls de 1988 (le J.T.N.) dont je vous en fait ici la transcription:

« Délit de sale gueule »

(Bruno Carette) : « A Castres, deux parachutistes s'en prennent à un immigré, Zoumali Khrafi, qu'ils tuent parce que, déclarent-ils, « il avait une sale gueule ». Alors, dans l'état actuel de Zoumali, on ne peut savoir s'il avait réellement une sale gueule, mais d'ici quelques heures, les experts devraient avoir fini de remodeler et de reformer son visage afin de savoir si oui ou non, il avait une sale gueule (…)

Et puis je l'apprend à l'instant avec cette dépêche, les experts ont réussi leur travail, et il avait effectivement une sale gueule, les deux paras ont été relaxés, finalement une affaire qui fini bien… »

...

En attendant de dénicher son "Manuscrit Corbeau"...
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La Calle de Valverde

La rue de Valverde est une île, ou un isthme, et c'est à l'âge de 58 ans que Max Aub ancre son nouveau roman sur cette étroite bande de terre, entre deux rues madrilènes, au numéro 32. Trois années après le début de la dictature de Primo de Rivera, dans un immeuble où cohabitent femmes, hommes et enfants, ouvriers, concierges, médecins, aspirants écrivains, les jours s'égrainent. Nous sommes en 1926. L'Espagne est un pays en pleine mutation. La capitale se modernise, le paysage urbain se modifie et la vie intellectuelle est en pleine effervescence. Des Républicains convaincus débattent dans des cafés, et rêvent d'un nouveau régime politique pour le pays.



Pour faire revivre ses années de jeunesse, rythmées par les échanges sans fin dans les cafés, les salons littéraires, dans la presse libérale, les théâtres, Max Aub multiplie les personnages. Se détachent quelques jeunes aspirants intellectuels, parmi lesquels Victoriano Terraza, qui vient d'obtenir un poste de correcteur. Il mêle à ces personnages de fiction si emblématiques de l'intelligentsia des années 20 des personnalités comme Manuel Azaña, le président de la République espagnole qui décédera à Montauban en 1940, Ramón María del Valle-Inclán (dit le « pontificador gallego »!), Juan Negrín, le metteur en scène Cipriano de Rivas Cherif  …



Si La Calle de Valverde était une toile, elle serait cubiste. L'auteur oeuvre à la manière d'un Braque ou d'un Picasso, avec le procédé des papiers collés, des vies et des idées. Aub, figure emblématique de la Diaspora Républicaine, exilé depuis de nombreuses années au Mexique, fait renaître une sorte d'âge d'or du Madrid d'avant-guerre, marqué par une grande vitalité intellectuelle au sein de l'espace public. le lecteur doit accepter de le suivre dans un véritable labyrinthe, circonscrit par les quartiers de Gran Vía et de la Marga, assister aux multiples interactions entre les nombreux protagonistes, pour saisir comme un fil d'Ariane, le cheminement intellectuel de la jeunesse progressiste.



La Calle de Valverde est un hommage à toute une génération qui sera frappée par l'exil, et ensevelie sans pitié par la censure et la propagande franquistes. Max Aub rend leur dignité perdue à ces femmes et hommes des années 20 qui connurent au pire, la mort, au mieux, l'opprobre. Mais point de nostalgie larmoyante chez Aub. L'homme de 58 ans est toujours aussi mordant, voire ironique. le roman sera d'ailleurs interdit dans la Péninsule.

La Calle de Valverde est un autre grand roman écrit par un homme qui arriva en Espagne à l'âge de onze ans, y fit sienne la langue et jamais ne l'oublia.
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La Véritable Histoire de la mort de Francisco..

La véritable histoire de la mort de Francisco Franco ou les déboires d'un garçon de café mexicain. Ces 30 pages d'un conte pétri d'humour noir sont le symbole du « Je t'aime moi non plus » entre le Mexique et l'Espagne.

Ignacio Jurado Martinez était un paisible garçon de café, sobre, consciencieux, fier de son métier -le service, et non la servitude- apprenant chaque jour mille choses en écoutant parler les prestigieux clients qui fréquentent son établissement.

La douce quiétude de son existence est bouleversée en 1939 par l'arrivée massive de réfugiés républicains espagnols qui investissent les lieux, font fuir les habitués sauf les intellectuels et les clients très matinaux (à cette heure-ci les exilés dorment). Tous parlent fort, se déchirent, refont le monde, refont la guerre, et répètent inlassablement « Cuando caiga Franco ». Exaspéré, Ignacio devient vite incollable sur la guerre civile et les différentes factions. Etourdi par les clients, las des joutes verbales entre anarchistes, socialistes, communistes, catalans, aragonais, galiciens et j'en passe, insomniaque, souffrant de son ulcère qui semble s'être réveillé à l'arrivée des envahisseurs, le serveur décide de passer à l'offensive. Pour que le café retrouve son calme, et les exilés le premier bateau pour l'Espagne, il n'y a qu'une solution. Abattre Franco. Ce qu'aucun anarchiste espagnol n'a osé tenter, lui le Mexicain natif de Sonora, va le faire…

Quand le texte parait en 1960, les services espagnols y voient un appel à l'attentat alors que ce conte cynique n'est qu'un témoignage sur la vie quotidienne des réfugiés dans un pays qu'ils pensaient être un refuge temporaire. Lucide, caustique, et subversif, La véritable histoire de la mort de Francisco Franco est un ouvrage incontournable dans la bibliographie de Max Aub, une autre manière d'appréhender la vie des quelques 20 000 exilés accueillis par le pays de Lázaro Cárdenas del Río. Car trente pages enlevées et brillantes suffisent à Max Aub pour croquer deux univers, celui des Mexicains plus que méfiants envers les Espagnols depuis la guerre d'Indépendance, et celui des exilés vivant en Amérique avec les yeux rivés sur l'Europe. La fin, drôlatique, de cette inclassable politique-fiction, nous enchante et nous fait regretter que le grand Max Aub soit si peu lu en France.
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Jusep Torres Campalans

Qui était Jusep Torres Campalans ? Un jeune séparatiste catalan d' origine modeste, devenu ami avec Picasso à Barcelone au début du siècle? Un peintre méconnu, figure de la Bohème parisienne, anarchiste, ami de Francisco Ferrer et de Sébastien Faure? Un artiste cubiste majeur qui a fui la France en guerre pour s'installer au Chiapas en 1914 et qui ne peint plus depuis des décennies?

Max Aub fait sa connaissance de manière fortuite alors qu'il donne une conférence à Tuxtla Gutierrez en 1955. L'année suivante, Aub est à Paris. Il évoque avec son ami Jean Cassou ce peintre catalan rencontré à l'autre bout du monde. Cassou s'étonne, s'exclame: « Pas possible! Jusep Torres Campalans! Mais c'est incroyable! » Et de lui montrer un cahier annoté de sa main, ainsi qu'un catalogue autrefois dressé par Henry Richard Town, qui a répertorié toutes les toiles de Campalans.

Aub, qui connait Picasso à qui il commanda autrefois Guernica pour le pavillon de la République espagnole, et qui a fréquenté les mêmes cercles, décide de sortir l'artiste de l'oubli en lui consacrant une biographie très complète, enrichie d'une chronologie, de lettres, d'entretiens et d'articles, sans oublier ses longues conversations avec le principal intéressé, ainsi qu'un catalogue très complet des oeuvres du peintre, soit 68 reproductions.



L'ouvrage est publié en 1958, et Aub ne manque pas d'organiser une exposition des travaux de Campalans.

Mais voilà, Jusep Torres Campalans n'a jamais existé que dans l'imagination du romancier. C'est un canular, et quel canular….Le faux biographe pourrait donner des leçons à de nombreux hagiographes qui sévissaient à l'époque et sévissent encore aujourd'hui, allant jusqu'à créer un très sérieux appareil critique, de belles notes de bas de pages, ainsi que toutes les toiles et dessins reproduits dans le livre qu'il a peints lui-même au Mexique…Campalans n'a certes jamais existé, mais il aurait pu puisque le génial Max Aub l'ancre dans le siècle naissant, dans des évènements bien réels, vérifiables. Il est un virtuose. Et que dire de sa chronologie dans laquelle sa créativité et sa malice s'expriment et se nichent dans les détails.

Verve, humour, intelligence, culture, il y a tout Aub dans ce double, l'auteur mêle habilement le vrai et le faux, les citations authentiques et les personnages fictifs, il dresse des tableaux plus vrais que nature de la Catalogne du début du siècle et du Paris artistique et anarchiste d'avant-guerre, et peut compter sur la complicité de ses amis, Cassou et surtout Malraux pour lancer son canular, si délicieux à lire. Dans la préface, Yves Pagès nous apprend que l'imposture avait bien fait marrer Picasso, « photographié » avec Campalans, ce vrai peintre « de papier » ou dessiné par Aub.

Mais nul n'est prophète en son pays. Aub, né à Paris est de manière absolument incompréhensible très peu lu en France . Quant à moi la lecture onctueuse comme une crème de cette supercherie à la manière surréaliste (et bien antérieure aux Sir Andrew Marbot de Wolfgang Hildesheimer et de Nat Tate : Un artiste américain (1828 - 1960) de William Boyd, Max Aub l'a pensé AVANT❤️) n'a fait que conforter mon admiration pour cet homme, et mon amour pour ses livres.
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Manuscrit corbeau

Occupe par d'autres interets, d'autres taches, je consacre moins de temps a la lecture-plaisir, et je me resous a reposter d'anciens billets. Celui-ci date de 2016 et je me rappelle qu'il avait pousse au moins une bonne amie a ouvrir et recenser ce livre, la regrettee ClaireG.





C'est le manuscript laisse par un corbeau lettre qui essaie d'expliquer les comportements et les croyances des humains a ses congeneres ailes. Pas n'importe quel corbeau. Un qui survolait le camp de concentration du Vernet en 1940-41. Quand Max Aub y etait interne. Aub a fait deux sejours au camp du Vernet, avant les deportations vers les camps de Pologne. Chanceux, il a ete transfere au camp de concentration de Djelfa en Algerie, d'ou il a reussi a s'enfuir ou a se faire exfiltrer en 1942 pour rejoindre finalement le Mexique.



Eternel exile, Aub est ne a Paris de pere juif allemand et de mere francaise, et passe en Espagne quand eclate la 1ere guerre mondiale. La guerre civile le renvoie en France. Il mourra en fin de compte au Mexique, après un essai infructueux de revenir en Espagne.





Avec ce corbeau Aub survole quant a lui ses souvenirs du camp et nous les transmet couleur du corvide, en un humour noir de noirs, 90% cacao, le reste ironie. J'en resume brievement quelques exemples:



Les internes sont tries sur le volet, pas n'importe qui peut y loger. du piston aide a y entrer, si on a des connaissances politiques en haut lieu, comme les espagnols, ou si on a une excellente reputation, comme les juifs. Des fois il suffit d'un bon motif: deux frères polonais ont reussi a s'infiltrer, l'un parce qu'il s'etait engage dans l'armee polonaise, l'autre parce qu'il avait fui l'enrolement.



Pour que les hotes ne soient pas importunes, des assistants uniformes comme les portiers des meilleurs hotels gardent les entrees.



Les hommes font ce qu'ils ne veulent pas. Sur ordres d'une force obscure, un dieu invente par eux, loge surement a l'exterieur de l'enceinte des choisis: la Burocratie. Ils aiment ce qu'ils n'ont pas, surtout des denrees non comestibles, comme celle qu'ils nomment liberte.



Les hommes se deteriorent rapidement. Pour les rafistoler ils ont des techniciens appeles medecins. Ceux-ci ont un remede miracle: ils envoient tous leurs visiteurs en geole pour cause de consultation immotivee, sauf ceux qui peuvent montrer leurs papiers. Les hommes appellent ces papiers argent, bien qu'ils soient generalement d'une autre couleur. La couleur preferee est le vert. Il existe d'autres sortes de papiers, ou les hotes ont colle leurs portraits, qui sont – parait-il – utiles a l'exterieur de l'enceinte, mais dedans ne servent a rien.



Les hotes sont surement durs d'oreille. Leurs assistants sont donc forces de vociferer quand ils s'adressent a eux. Pourtant, entre eux, dans les spacieuses chambres ou ils aiment s'agroupper, s'agglomerer par dizaines, on n'entend que murmures et chuchotements.



Les hommes aiment se differencier. Ils se partagent en fascistes et antifascistes. Les fascistes sont racistes et ne permettent pas que les juifs mangent avec les aryens. Les antifascistes ne sont pas racistes et ne permettent pas que les noirs mangent avec les blancs. Les fascistes mettent des etoiles jaunes sur les manches des juifs. Les antifascistes ne mettent rien sur les noirs, leur figure suffit. Les fascistes internent les antifascistes dans des camps. Les antifascistes internent les antifascistes dans des camps. Les fascistes peuvent vivre dans des pays antifascistes. Les antifascistes ne peuvent vivre dans des pays fascistes ni dans certains pays antifascistes.





Tout est dans cette veine. Pour les corbeaux ca doit etre tres instructif, ou meme tres rigolo. Pour les lecteurs humains d'aujourd'hui c'est aussi instructif. J'en conseille la lecture a ceux qui n'ont pas peur de sentir leur sourire se transformer en rictus.

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Manuscrit corbeau

Voici un étrange récit sur les comportements d'hommes rassemblés dans des camps, en France et en Algérie, entre 1940 et 1942.



Etrange parce que l'histoire est racontée par un corbeau bien noir à l'humour de la même couleur, Jacobo, qui, de son perchoir, observe ce qui se passe sur le site concentrationnaire. Est-ce un récit, une biographie ou un conte ? Les trois sans doute.



Encore un livre sur les camps de concentration, me direz-vous ? Oui mais traité avec originalité, à hauteur d'oiseau, toujours prêt à s'envoler vers la liberté.



Etrange aussi le destin de Max Aub, né à Paris de père allemand et de mère française, pour s'exiler en Espagne en 1914. Devenu espagnol, Max Aub écrira toujours dans cette langue « parce que personne ne naît en parlant ». Alors qu'il écrit des pièces de théâtre, des nouvelles, des essais, des articles de presse et est inscrit à l'Alliance des écrivains antifascistes pour la défense de la culture, il rencontre André Malraux et prépare avec lui un film de propagande pour le gouvernement espagnol puis, plus tard l'aidera à diriger le tournage de Sierra de Teruel tiré du roman L'Espoir. En 1936-37, Max Aub revient en France comme attaché culturel des Républicains. En 1939, après la guerre civile espagnole, il se réfugie en France où il ne tarde pas à être considéré comme communiste, juif et Allemand alors qu'il se dit socialiste, laïc et républicain.



Il est envoyé au camp du Vernet (Ariège) sur dénonciation, placé dans le quartier C, celui des preuves inexistantes ou insuffisantes. Quand il n'était pas de corvée « tinettes », il écrivait inlassablement sur ce qu'il voyait, entendait et observait dans le camp « un des centres culturels les plus renommés… où les gardiens portent un uniforme, comme les portiers des meilleurs hôtels ». Jacobo le corbeau a le bec dur envers le totalitarisme et la bêtise du monde. Il profite de sa forme animale pour relever les absurdités et les contradictions des hommes qui « désirent d'autant plus la liberté qu'elle est hors de leur portée ».



Ce petit livre est bourré d'observations fort instructives en des chapitres de tailles variées sur quantités de sujets : de leurs dieux, de la nourriture, de la propreté, du travail, des médecins, de l'espèce, des emblèmes, de l'excellence des camps, des hiérarchies, de l‘argent, des papiers, des frontières, du fascisme, du plus grand des écrivains, du salon de coiffure,… Il y en a vraiment pour tout le monde. Parfois c'est amusant. Lorsqu'on connaît les conditions de détention de ces prisonniers, cela devient grinçant et sarcastique.



Max Aub a été interné deux fois en un an au Vernet puis relâché sous surveillance et finalement envoyé au camp de Djelfa dans le sud marocain où il apprit à fabriquer des espadrilles. Un gardien gaulliste l'aida à s'échapper et après bien des tribulations, il aborda au Mexique où il vécut jusqu'en 1972.



Il ne cessa jamais d'écrire et de correspondre avec ses amis parmi lesquels André Malraux, Franz Kafka, Pablo Casals, Jose Ramon Arana, André Gide. Son oeuvre est méconnue parce que peu ou pas traduite. Grand tort.



Une quarantaine de pages sont consacrées à une biographie détaillée de Max Aub par José Maria Naharro-Calderon, professeur à l'université du Maryland (USA), spécialiste des auteurs littéraires exilés.



Un grand merci à DanD qui par sa chronique m'a donné l'envie de découvrir cet auteur atypique qui a « consacré sa vie et son écriture à défendre sa morale basée sur les principes de la dignité de l'être humain ».





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Las buenas intenciones

Las buenas intenciones débute comme un vaudeville. En 1924, à Madrid, une jeune lavandière, Remedios, déboule dans une demeure bourgeoise comme un chien dans un jeu de quilles. Elle veut qu'Agustín Alfaro reconnaisse leur enfant. Malheur! Déshonneur! La dame de la maison attend son fils de pied ferme. Mais voilà, le rejeton, jeune homme discret, représentant de commerce de son état, jure qu'il ne la connaît ni d'Eve ni d'Adam. Et de se rendre chez cette Remedios, pour avoir une explication. Il ne tarde pas à découvrir que le coupable n'est autre que son père, qui en plus de taire son mariage, a courtisé et séduit la jeune fille en utilisant le nom de son fils…La situation se complique lorsque la mère, sous le charme de son « petit-fils »,exige des épousailles. Afin d'épargner à sa génitrice la cruelle vérité sur son mari infidèle, Agustín épouse Remedios, et va désormais vivre une existence qu'il n'a pas choisie.



Formidable incursion dans le Madrid des années 20 et 30, des quartiers populaires aux maisons bourgeoises, Les Bonnes intentions est un feu d'artifice aux accents « perez galdosiens ». Max Aub décrit avec habileté les destinées de personnages, tantôt falots ( Agustín ), tantôt piquants (Tellina), qui vont et viennent et peuvent paraitre incongrus, mais ils lui permettent de tisser en second plan une toile politique et sociale qui dans les dernières pages les prendra dans les rets de la guerre et de la chute de la République. On y trouve le Max Aub que l'on aime, son réalisme, sa finesse psychologique et surtout son piquant. Max la Malice manie l'humour et l'ironie comme personne. Il se paie même un petit clin d'oeil aux Campos (Luis Salomar et de Bosch prenant un verre à côté d'un des protagonistes). le lecteur se délecte. Et s'interroge. Pourquoi la publication en France des Bonnes intentions en 1962 fut un bide retentissant? Pour ceux qui ont vu l'adaptation cinématographique, Soldados, de Alfonso Ungría, elle ne s'inspire que des dernières pages du roman.
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Luis Buñuel

Quand un grand des Lettres rencontre un grand du Cinéma, cela donne cette oeuvre hybride qu'est Luis Buñuel, roman, oeuvre inachevée de Aub, dont on avait pu avoir un aperçu via les Entretiens avec Max Aub. Constitué d'une biographie avec prologue avant chaque conversation entre les deux hommes pour éclairer le lecteur, et d'une seconde partie consacrée à « L'Art aujourd'hui », qui présente les avant-gardes et la manière dont elles ont influencé le cinéaste, Luis Buñuel, roman, n'est ni une étude exhaustive, ni un panégyrique.



« Si dans le titre de ce livre, il y a le mot roman, c'est parce que je veux être au plus près de la vérité. (…) Connaîtrez-vous mieux Buñuel, si je décide de dévoiler son extrait de naissance au lieu de rapporter certaines espiègleries de jeunesse, certes pas aussi réelles qu'une photocopie tirée d'un livre paroissial où sont reproduits date de naissance et nom des parrains? L'histoire peut aspirer au meilleur en se métamorphosant en une oeuvre littéraire de qualité. »





Les deux hommes se connaissent bien. Aub, né à Paris de père allemand et de mère française a dû quitter la France lors de la première guerre mondiale pour se réfugier en Espagne, pays dont la langue deviendra sienne. Rallié au Républicains lors du soulèvement nationaliste, il commande un tableau à Picasso (Guernica) pour le Pavillon espagnol de l'Exposition universelle de 1937, participe à l'écriture et à la réalisation du film d'André Malraux Espoir, sierra de Teruel , comme il collaborera durant toute sa vie à l'écriture d'une trentaine de films (notamment avec Adolfo Fernández Bustamante, et une assistance non créditée sur les dialogues de Los olvidados). Lors de la Retirada, il se réfugie en France, où il est d'abord interné au camp de Roland Garros, puis dans le terrible camp du Vernet en Ariège et enfin au non moins terrible camp de Djelfa en Algérie. En 1942 , il parvient à embarquer pour le Mexique, où s'installera plus tard son ami Buñuel, qui a quitté son Aragon natal pour Madrid, Paris, Hollywood, puis Mexico.



L'intérêt des échanges entre les deux hommes tient au fait qu'ils sont de la même génération, ont fréquenté les mêmes cercles, en Espagne, comme au Mexique, sont amis, et leurs échanges sont marqués par une grande complicité. Jamais le lecteur ne se sent exclu, il se délecte plutôt de ces conversations toujours passionnantes sur la vie, la littérature, l'amitié , le cinéma, la politique…Dommage cependant que cette édition conséquente (631 pages) ne reproduise pas les entretiens que réalisa Max Aub avec les collaborateurs et amis de Buñuel qui auraient pu encore enrichir le portrait du cinéaste. Les lignes que consacre Aub à la situation politique et culturelle de l'Espagne sont pertinentes et indispensables si l'on veut mieux cerner la personnalité de Buñuel dont cet extrait dit toute la complexité :



« Finalement, tous les films de Buñuel (les moins commerciaux) ne sont que l'expression de sa pensée, la réalisation de ses désirs, la cristallisation de son subconscient et curieusement tout cela a beaucoup à voir avec les faits quotidiens. Buñuel a toujours vécu deux vies, la sienne, normale, paisible, bourgeoise, sans soucis économiques ou sentimentaux- la vie d'un fils de famille dans le monde occidental-; l'autre, tout aussi réelle que la première, celle de cet homme convaincu de l'iniquité de notre société, de la présence du mal chez l'homme, de la non existence de Dieu. Sade a eu et continue d'exercer sur lui une influence fondamentale. C'est une vérité incontournable.

Cela étant dit, c'est l'union de ces deux mondes, de ces deux façons de construire sa vie, qui fait que son existence soit d'un intérêt majeur et qui fait de lui, un personnage. »



J'arrête ici ce billet sur cet ouvrage dont il y aurait encore tant à dire, il mériterait une thèse. Il y a le François Truffaut sur Hitchcock, il y a le Aub sur Buñuel. Indispensable pour comprendre le cheminement personnel et intellectuel du cinéaste, il est aussi indispensable si l'on veut comprendre la première moitié du siècle, l'histoire de l'Espagne, La Génération de 98, le bouillonnement des Années Folles à Paris, et l'exil républicain.

Aub n'érige pas une statue au Commandeur, il montre l'homme tel qu'il est, avec beaucoup de tendresse. L'ouvrage, inachevé, remonté sans cesse par Aub, puis par les éditeurs, finit par ressembler à un documentaire toujours en préparation dans la salle de montage, ce qui donne du sel à l'ensemble.

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Impossible Sinaï

Impossible Sinaï, publié dix ans après la mort de Max Aub, est considéré comme son testament poétique.

Invité à donner des cours de littérature et de culture espagnoles et latino-américaines en 1967 à l'Université Hébraïque de Jérusalem, Aub se rend pour la première fois en Israël et décide de consacrer une oeuvre à la Guerre des Six Jours, sans mentionner ni bataille, ni autre fait de guerre.

Impossible Sinaï se présente comme un recueil de textes et poèmes trouvés dans les poches et les sacs de soldats tombés au cours de ce conflit. La première partie de l'ouvrage est composée de six textes rédigés à la manière d'articles de presse sobres et factuels, relatant les évènements survenus du 05 au 10 juillet 1967.

La seconde partie, et la plus conséquente, est consacrée aux 28 poèmes rédigés par des soldats retrouvés morts, des soldats israéliens, séfarades ou ashkénazes, et des soldats arabes, nés en Egypte ou sur le Mont Ararat…Dans cet ouvrage antimilitariste ressort ça et là la mordante ironie de Max Aub que l'on aime tant, et son goût pour les jeux littéraires.

Il créé de toutes pièces ces soldats, leur attribuant une origine, un patronyme, un passé. Il remercie étudiants et universitaires pour leur aide apportée à la traduction des textes recueillis. Dans Impossible Sinaï, des personnages "plus vrais que nature", si justement esquissés grâce au talent de voleur d'âme d'Aub, des figures de fiction, militants de la cause arabe, juifs de Salonique parlant ladino, sabras ou ressortissants européens..- , la multiplicité des voix qui parlent de la guerre, s'inscrivent dans des évènements réels et deviennent des témoins de l'Histoire. Une grande oeuvre assurément, comme tous les écrits de Max Aub.
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Manuscrit corbeau

"Manuscrit corbeau" semble être la thèse de doctorat de Jacobo, un noir corbeau résidant dans un camp d'humains, aux environs de ces années de grâce 1939-40. Maître Corbeau, sur son grillage perché, observe donc l'espèce humaine et ses agissements étranges. Il la compare à la sienne, la tellement supérieure race corvine. Au fil de chapitres plus ou moins courts, il s'épate, s'étonne, s'interroge, s'agace, s'énerve de l'absurdité et de l'inconséquence des hommes, espèce ô combien méprisable. Tout y passe : la nourriture, le travail, les maladies, la guerre, les hiérarchies, les lunettes, l'argent, les espadrilles, les frontières et les nationalités, de l'individuel à l'universel. Dit comme cela, ce texte apparaîtrait simplement cocasse et ironique. Mais le "camp d'humains" que fréquente Jacobo est en réalité le camp de concentration du Vernet, en Ariège. Un camp que Max Aub a "bien" connu, puisqu'il y a été interné en 1940-41 après avoir fui la dictature franquiste (avant d'être déporté au camp de Djelfa en Algérie en 1942 puis de s'exiler définitivement au Mexique). Ce sont donc les prisonniers du camp et leurs geôliers que Jacobo observe, et sous cet angle, son ramage est caustique et persifleur.

Avec ces observations à hauteur de corbeau, Max Aub livre un petit traité de la condition humaine en milieu concentrationnaire. C'est piquant, noir et glaçant.



PS : "Manuscrit corbeau" vient d'être réédité en 2019 par les éditions Héros-Limite.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Le Labyrinthe magique, tome 2 : Campo abierto

1936 - Guerre civile d'Espagne

« A côté de l'amitié, de la solidarité et de l'effort commun, il y a l'égoïsme, la lâcheté et surtout la trahison » (Claude de Frayssinet – traducteur,

p. 13). Cette ellipse donne le ton au livre qui a pour toile de fond la guerre civile, sans parler de tactiques ou de stratégies militaires.



Les nombreux protagonistes sont de parfaits inconnus, aux biographies parfois très détaillées et aux traits physiques inventés. De temps à autre, quelques noms connus sont cités mais Max Aub ne se veut pas historien, il écrit une fresque historique en six volumes (celui-ci est le deuxième) et se place clairement du côté Républicain. Après la guerre civile, alors que les nationalistes de Franco ont gagné, la vindicte du dictateur le fera rechercher au-delà de la frontière. Max Aub sera interné dans le camp de concentration du Vernet par le gouvernement de Vichy où il écrira l'étrange et passionnant « Manuscrit Corbeau ».



Le 18 juillet 1936, le coup d'Etat manqué du général Mola face au gouvernement républicain regroupant socialistes, anarchistes et communistes, signe le début de la guerre civile. Le Frente Popular compte un nombre important de mouvements de gauche en lutte constante et depuis des années, contre les nationalistes, militaires, haut clergé et riches propriétaires terriens. Peu ou pas de cohésion entre les différentes factions sauf leurs animosités réciproques.



Le livre de Max Aub comprend trois parties :



La première se passe à Valence où un groupe de jeunes communistes, étudiants et ouvriers, a mis sur pied une troupe théâtrale. La déclaration de guerre civile va les confronter à leurs idéaux, à leur conscience, à leurs parents, à leur engagement politique. L'un part au front, l'autre se heurte mortellement aux idées paternelles, un couple se trouve et doit se quitter, tous ont des discussions acharnées sur ce qu'il convient ou non de faire. La ville est en plein chaos, les nouvelles d'assassinats et de tueries défilent à un rythme effréné. Bientôt, ce sera leur tour. Les habitants se préparent, ils s'arment et souvent agissent sur ordre de leurs partis respectifs qui ont leur propre police et leurs propres tribunaux plutôt expéditifs.



La deuxième partie se passe à Burgos et est un court volet sur l'esprit nationaliste et sur la Phalange.



La troisième partie se passe à Madrid, au cours de la première semaine de novembre 1936, lorsque les Regulares Indigenas de Franco tentent, sans succès, d'occuper la capitale. le 7 novembre, arrivent en renfort pour les Républicains, les Brigades internationales. La troupe théâtrale de Valence a fait le déplacement en espérant jouer pour ceux du front. Les acteurs ont répété « le siège de Numance » de Cervantès où il est question d'un peuple qui résiste désespérément face aux Romains !



Max Aub a vécu les premiers mois de la guerre civile parmi ces jeunes qui espéraient un changement radical des conditions de vie de leurs parents et un autre avenir pour eux. Toutes les idées s'affrontent, progressistes ou non, réalistes ou non, anticléricales ou plaçant Dieu au centre du débat, philosophiques et artistiques. Ce qui intéresse l'auteur, c'est de donner la parole au peuple, c'est de faire vivre au jour le jour ces équipes de défense, par quartiers ou par corporations, c'est de révéler des natures humaines fortes et inventives que le quotidien laborieux gardait dans l'ombre. le peuple a peur, il côtoie la mort, il attend, il sait qu'il va devoir défendre chèrement sa liberté, sa ville et malgré tout, il garde espoir. Cet espoir maintient la vigilance et la détermination.



Il faut voir ces quatre cents coiffeurs madrilènes creuser des tranchées, élever des murets, s'entraîner vaille que vaille avec un fusil pour trois et dix cartouches par personne, ratiboiser les troupes marocaines solidement entraînées. le mot d'ordre des assiégés est le célèbre NO PASARAN répété avec force pour la victoire, forcément pour la victoire.



Pourquoi ce titre « le labyrinthe magique » ? Parce que « l'Homme est un noyau tellement compliqué que nous ne pourrons jamais prévoir toutes ses réactions. Loué soit-il pour cela. Parce que, sinon, il n'y aurait pas de progrès possible car nous atteindrions une limite » p. 423.



Lecture exigeante, riche en réflexions, creuset inépuisable de sujets de dissertations ou d'épreuves Bac philo.

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Crimes exemplaires

Sur un ton naturel, innocent même, chacun y va de sa petite histoire, ne cherchant aucune justification puisque tous les crimes qu'ils ont commis n'ont, pour eux, rien que de normal. Ils sont dans la logique des choses, les différentes victimes les gênaient, c'est tout mais c'était insupportable, il fallait que cela cesse. Ou alors ils avaient dans les mains un couteau, un revolver et le geste fatal est advenu comme par inadvertance, par surprise, parce que l'autre les agaçait.



« Elle sentait l'ail. Elle reconnaissait elle-même qu'il n'y avait rien à faire… »



Ce pourrait être vous ou moi, cela ressemble à certains témoignages que l'on peut lire dans les faits divers.

Ce recueil de courts textes à l'humour très noir, parfois juste une phrase lancée comme une remarque, en passant, se laisse déguster sans effroi car ils se succèdent comme une joute, des phrases ou des histoires que peuvent se lancer différents protagonistes, tous gens ordinaires que l'on pourrait croiser chez le coiffeur, dans le métro, au cours d'une balade :



« Il m'avait mis un morceau de glace dans le dos. le moins que je puisse faire était de le refroidir ».



Et la dernière remarque du recueil :

« Si pour vivre il est nécessaire de penser, c'est que nous sommes lucides. Mais enfin si vous êtes convaincu qu'il en est ainsi, je suis innocent, totalement innocent, puisque je ne pense pas ni ne veux penser. Donc si je ne pense pas je ne suis pas, et si je ne suis pas : comment pourrais-je être responsable de cette mort ? »



Nous sommes tous « innocents » même des pensées les plus noires qui nous traversent mais que, bien sûr, nous nous gardons de concrétiser !!!

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Le labyrinthe magique, tome 6 : Campo de lo..

EL LABERINTO MAGICO, tomo 6: CAMPO DE LOS ALMENDROS





Campo de los almendros (= Champ des amandiers) met fin au Labyrinthe magique de Max Aub. Fin d'une aventure litteraire que j'estime grandiose. Pour moi aussi ca a ete une aventure. J'ai interrompu de nombreuses fois ma lecture, sans jamais pouvoir l'abandonner, sans jamais pouvoir couper court. J'en sors bouleverse, repu mais tripes brouillees.





Ce sixieme et dernier tome rend compte de la fin de la guerre civile espagnole, quand Franco annonce: "La guerre est finie". C'est la debandade de tout ce qui reste comme armee republicaine dans le centre-est de la peninsule. Des rumeurs (des promesses?) courent que des bateaux francais et anglais vont venir embarquer les combattants les plus impliques, et tout le monde se rue vers le port d'Alicante, ou les consuls etrangers corroborent ces promesses. Des jours passent dans l'anxiete, beaucoup se suicident, et en fin de compte du seul bateau qui amarre debarquent des soldats franquistes qui pointent leurs mitraillettes vers la foule. Ultime trahison des puissances democratiques! Plus de 15.000 personnes sont parquees dans un grand champ, connu sous le nom de Champ des amandiers (d'ou le titre) qui devient un camp de concentration ou l'on execute par centaines, avec ou sans jugement sommaire. Elles seront ensuite transportees dans d'autres camps de fortune, dans d'autres prisons ou un long (ou court si on les execute rapidement) calvaire commencera pour elles, comme pour nombreux d'autres. le franquisme naissant est vengeur et cruel.





Comme ailleurs dans la serie du "Labyrinthe", Aub eleve les faits a une echelle cosmique (je me suis essaye a traduire): "C'est le lieu de la tragedie: face a la mer, sous le ciel, sur terre. C'est le port d'Alicante, le 30 mars 1939. Les tragedies surviennent toujours en un lieu determine, a une date precise, a une heure qui n'admet pas de retard. le ciel est couvert parce qu'il a honte de ce qui va arriver. Dieu est le responsable des malheurs humains, meme si dans son indifference il ne veuille pas le reconnaitre". Et ailleurs: "Je ne sais pourquoi vous blessent tellement les exclamations comme 'Loin de moi la funeste manie de penser!' ou 'Meure l'intelligence!'. En fin de compte cela prouve seulement que Dieu parlait l'espagnol. N'est-ce pas lui qui a dit, au debut des debuts 'Tu ne mangeras pas de l'arbre du bien et du mal'? Ce n'est pas une et meme chose?". (Ces phrases, comme "viva la muerte!" et autres, devenues celebres, avaient ete prononcees – criees par des generaux franquistes).





Dans ce tome Aub se permet d'introduire ce qu'il appelle des pages bleues, ou il analyse son rapport a ce qu'il ecrit. Desabuse, un peu amer. Je cite (dans ma traduction, encore): "L'auteur quitte, il suppose que pour toujours, la guerre civile espagnole. Ce qu'il voudrait c'est fouler de nouveau le sol des villes qu'il a connues il y a un demi siècle. Mais on ne le lui permet pas parce qu'il a essaye de conter a sa facon – et comment autrement? – la verite". Plus loin il fera dire a un de ses personnages: "Les seuls documents fiables: les romans". Des romans, comme le sien, qui edifient la memoire des vaincus: "Ceux que tu vois maintenant defaits, endommages, furieux, aplatis, non rases, non laves, sales, harasses, detruits, sont, ne l'oublie pas mon fils, ne l'oublie jamais quoi qu'il arrive, sont le meilleur de l'Espagne, les seuls qui se sont leves, sans rien, avec leurs mains, contre le fascisme, contre les militaires, contre les puissants, pour la seule justice; chacun a sa maniere, comme ils ont pu, sans que leur importe leur commodite, leur argent, leur famille. Ceux que tu vois, espagnols rompus, defaits, blesses, amonceles, a moitie morts, esperant encore s'echapper, sont, ne l'oublie pas, ce qu'il y a de meilleur au monde. Ce n'est pas beau. Mais c'est le meilleur du monde. Ne l'oublie jamais, fils, ne l'oublie pas".





Je ne l'oublierai pas, Aub, comme je ne pourrai oublier ton Labyrinthe Magique. Il m'a fallu de la perseverance, de l'entetement pour en venir a bout. J'ai du m'accrocher pour franchir tes preciosites, pour avancer contre les courants des dialogues et des monologues – insenses nombre de fois – qui ont failli noyer ma volonte. Je me suis perdu dans la foule de personnages que tu as mis en scene, me demandant toujours qui est historique et qui fils de ton imagination. Mais tes principaux personnages ne sont pas humains, ce sont des idees. Et la facon dont on les porte. Et tes themes, quels sont tes themes? L'engrenage d'affrontements humains? le deroulement d'une guerre? C'aurait ete trop facile pour toi. Tu m'as coince dans un labyrinthe dont je ne voyais par moments – panique – aucune porte de sortie sinon l'abandon pur et simple. J'ai ete atterre par ta demesure. Mais tu as reussi a me forcer a continuer, a errer, jusqu'au point final de ton oeuvre. Je sais maintenant qu'elle m'a marque. Que je continuerai a temoigner d'elle, comme j'ai essaye de le faire dans mes billets pour les babeliotes depuis quelques mois. J'y ai vu, comme d'autres critiques dont je crois avoir retenu l'essentiel, de grands themes, presque mythiques: la trahison, la confusion du labyrinthe, la degradation de causes heroiques. Tu m'as rappele, s'il le fallait, la necessite du temoignage, fut-il romance. C'est le devoir de tout rescape d'une tourmente humaine ou d'un cataclysme naturel, en fait de tout vivant. Tu l'as ecrit a ta maniere: "Un labyrinthe l'est parce qu'en fin de compte quelqu'un en sort, de quelque maniere. Si personne n'en sortait, qui connaitrait son existence? Qui est revenu de la mort? Lazare? Qu'a-t-il raconte? Bah! Ca c;est vraiment un conte".





Ave, Aub. Un lecteur te salue. Il te remercie d'avoir revendique une histoire et une memoire qui avaient ete niees, caviardees par le franquisme au pouvoir. Il t'octroie cinq etoiles pour Campo de los almendros, en fait cinq etoiles pour l'ensemble du Labyrinthe Magique. Repose en paix, meme si c'est en terre d'exil.





P.S. 2.11.2020. Avec ce billet toute la serie du Labyrinthe est repostee (je n'ai rien change au texte ecrit a l'epoque). Une action qui se voulait a ses debuts panacee contre une certaine defaillance, dont je suis en fin de compte content. Content d'avoir rendu a Aub ce qui appartient a Aub. Il reste le Manuscrit Corbeau, mais ce livre n'a pas besoin de mes mots, il a deja quelques belles critiques sur ce site. J'engage a les lire.

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Le Labyrinthe magique, tome 1 : Campo cerrado

AVANT-PROPOS JUSTIFICATIF



En attendant force et courage, je poste un vieux billet exhume par hasard. Pour rester present sur le site. N'ayez pas peur, je n'en trouve pas beaucoup et je ne compte pas en abuser. Mais c'est Max Aub. Il merite un regime de faveur.





EL LABERINTO MAGICO, tomo 1: CAMPO CERRADO.



Juif allemand ne a Paris, Max Aub émigre avec ses parents en Espagne a l'age d'onze ans. Il apprendra vite l'espagnol, aimera cette langue, la dominera et ne pourra ecrire qu'en elle. Il dira plus tard, après de longues annees d'exil: "On est d'ou on a passé le Bac". Republicain convaincu, legerement socialiste, il est force de s'exiler vers la France a la fin de la guerre civile. Il fera plusieurs sejours dans des camps de concentration, au Vernet puis a Djelfa en Algerie, d'ou il reussira a sortir (a s'enfuir?) pour finir par rejoinder le Mexique, ou il terminera sa vie.



Il a beaucoup ecrit, dans tous les registres: theatre, nouvelles, romans, poesie. Son oeuvre la plus importante est sans doute "Le labyrinthe magique", cycle de six romans sur la guerre civile, dont je vais m'efforcer de rendre compte peu a peu.





"Campo cerrado" (= "Camp ferme", ou "Champ ferme") est le premier volume du cycle. Aub l'ecrit a Paris, frenetiquement, de mai a aout 1939. Il couvre les annees 30, jusqu'au 18 juillet 1936, premier jour de l'insurrection franquiste. Les premiers chapitres ont pour cadre un village des environs de Valence, ou le principal personnage, Rafael Serrador, passe son enfance et sa jeunesse. le reste du livre est centre dans Barcelone, ou Rafael est parti chercher travail et avenir.

Ce sont les annees de la republique. A Barcelone les connaissances de Rafael se divisent en partis, en factions, en fractions de factions. Il assiste a des discussions interminables, ecoute les uns et les autres, ne sait de quel cote pencher. Il chaumera de longues periodes, car les employeurs ne demandent pas seulement l'assiduite et l'application au travail, mais aussi l'assentiment aux idees. Il collera de nuit des affiches pour les fascistes (les phalangistes), s'entrainera meme au tir avec eux, mais se retrouvera, le jour de l'insurrection venu, du cote des anarchistes et luttera (en fait assistera, regardera lutter) pour une Barcelone republicaine.



Aub a voulu rendre l'effervescence politique de l'Espagne des annees 30 (je suppose; je ne le lui ai pas demande). le livre est donc plein de dialogues, de discussions, de confrontations ideologiques, qui annoncent, expliquent et aboutiront a la confrontation physique. C'est un peu lassant. C'est comme s'il ecrivait les differents manifestes de tous les partis. En plus chaque "orateur", chaque personnage qui prend la parole nous est decrit en long en large et en travers. Son entourage, son allure, ses habitudes, son accent, ses manies, ses gestes, ses rots et ses pets, meme si son apparition dans la trame du livre est fugace et pas vraiment importante.



Autre aspect qui rend la lecture difficile, et qu'on a beaucoup reproche a Aub: sa preciosite. Nombreux sont les mots, les vocables tombes en desuetude, qu'on ne peut trouver que dans d'excellents dictionnaires specialises. Plus nombreux encore les mots et les expressions qu'il invente; les vocables qu'on n'a jamais use; on les comprend mais il faut y mettre une attention sans relache (je l'ai lu en v.o. et j'admire le courage du traducteur). C'est comme si ce juif republicain exile voudrait en remontrer aux espagnols qui l'ont ignore jusqu'a la mort de Franco (en fait jusqu'apres sa propre mort). Mais ce foisonnement lexical donne tout de meme un certain plaisir. Et les plaisirs les plus intenses ne sont-ils pas ceux qu'on atteint avec plus de difficultes?



Tout cela a amene certains critiques a affirmer qu'Aub a ete un grand conteur, un virtuose de la langue, mais un mauvais romancier. Moi je ne dirais pas cela si peremptoirement. Le long de Campo cerrado, comme de tout le cycle du Labyrinthe magique, se croisent les vies de personnes un peu confuses, desorientees, cherchant leur verite et leur route en plein chaos (oui, dans un labyrinthe). Des personnages que j'ai dit fugaces, mais qui reapparaitront peut-etre dans les prochains livres ( et si ce n'est eux, ce seront leurs frères…). Les veritables heros du cycle (je m'avance peut-etre trop après un premier volume; nous verrons…) ne sont pas les individus mais les collectifs, les groupes, ou se sont noyees a mon avis toutes les individualites en ces annees d'affrontements extremes. Pour mieux cerner ces groupes Aub rend la parole a chacun de leurs composants. Les meneurs et les suiveurs, les bons et les mauvais, les loyaux et les traitres, les courageux et les peureux. Tout ce peuple qui se divise et s'affronte.



Ma conclusion: Lecture ardue. Grande oeuvre. Merite de s'accrocher.





APRES-PROPOS

Pour rester present? J'ai du bien changer. Il faut croire qu'il n'y a pas d'age pour changer.

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Sauf votre respect

Pour ceux qui ne voudraient pas découvrir Max Aub via le monumental Labyrinthe magique (que l'on a comparé à Vie et Destin de Vassili Grossman), le recueil de vingt contes intitulés Sauf votre respect offre une belle porte d'entrée sur son oeuvre.

Destinées de personnages ordinaires ancrés dans toute l'Espagne, en Afrique (Uba-Opa), en Asie (Le sourire), du début du siècle à la post-guerre, d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards, issus des campagnes ou des villes s'entrelacent. Max Aub laisse libre cours à sa fantaisie folle, sa créativité, flirte avec le fantastique tel qu'on pouvait le lire au XIXème siècle (L'ingratitude), devient « maupassien » lorsqu'il croque la famille (« Le couple), émeut lorsqu'il laisse transparaître la blessure de la guerre civile (Reverte de Huelva).



Deux contes semblent emblématiques de son oeuvre.

« Reverte de Huelva » se rapporte à la guerre d'Espagne. Aub y montre de manière extrêmement cruelle dans son apparente simplicité et dans sa mélancolie l'impasse dans laquelle se trouve l'opposition républicaine en exil, incapable de mettre de côté ses différences pour avancer de concert.

« La confession de Prométhée N. », délicieuse et burlesque relecture du transmetteur de feu, est devenue sous sa plume un conte cruel. Prométhée, épris de liberté, est un homme emprisonné aux Etats-Unis pour avoir dérobé la formule de la bombe atomique et l'avoir offert à l'URSS dans le but d'équilibrer les forces.



Max Aub né à Paris de père allemand et de mère française d'origine allemande, a grandi en Espagne lors de la première guerre mondiale, et a eu à cause des guerres, quatre nationalités au cours de sa vie, française, allemande, espagnole et mexicaine. Mais la langue et la littérature semblent être sa seule patrie. Républicain, démocrate, humaniste, romancier, conteur, génial imposteur, poète, féru d'humour noir, attaché à la France, on se demande pour qu'elle raison il est si peu lu ici. Espérons que la réédition prochaine de Jusep Torres Campalans (en avril chez Verticales) permettra à de nouveaux lecteurs de faire enfin connaissance avec lui.
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