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Critiques de Michaïl Lermontov (59)
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Un héros de notre temps

Je n'ai pas les connaissances suffisantes pour placer Lermontov dans la littérature russe, et surtout voir l'importance de son personnage. Mais je peux le situer par rapport à la littérature européenne. Il est "de son temps", mais un peu anachronique aussi, entre le XIX ème romantique et le XVIII ème siècle libertin.

Petchorine ressemble en effet beaucoup à de nombreux personnages - et à de nombreux auteurs eux-mêmes - du romantisme. Ces auteurs souffrent du "mal du siècle", ils se considèrent comme nés trop tard, dans un monde où les armes semblent s'être tues. C'est la génération de Musset, Hugo, Vigny, Dumas... Leurs pères ont fait la guerre, leurs pères ont servi l'Empereur, mais, pour eux, seule la littérature peut être un moyen d'acquérir la gloire.

Ainsi, Petchorine peut sembler avoir des prétentions à l'écriture. Après tout, on lit son journal. Il le dit, il écrit pour lui, comme simple souvenir - mais il s'analyse beaucoup trop, il réfléchit trop à ses actes et à ses sentiments, pour n'écrire que pour lui. Petchorine pourrait se rêver poète. Petchorine manie ainsi l'ironie voire le cynisme de lord Byron, il se sent incapable d'aimer vraiment et multiplie les conquêtes comme Julien Sorel - tout en ayant une passion au coeur. Il séduit sans s'attacher, tel un comte de Valmont un peu anachronique. Il mène une carrière militaire, mais sans véritablement se battre ; en tout cas, il accorde plus d'importance au brillant de ses épaulettes, à la blancheur de son uniforme et au vernis de ses bottes qu'à ses entraînements et à ses armes.

Il pourrait sembler fat, et vite insupportable. Après tout, il est beau, riche, vaniteux et imbu de lui-même, persuadé que toutes les femmes sont folles de lui, ayant des prétentions de séduction et d'esprit. Il nous est d'ailleurs présenté en premier par un récit externe, par les mots de son ancien officier. Il apparaît alors très antipathique, froid, calculateur, individualiste. Il séduit une femme parce qu'il s'ennuie et la désire, mais que pour un temps.

En lisant son journal, avec une focalisation interne donc, il se révèle plus complexe. C'est un homme qui s'ennuie, qui ne vit pas par passion mais par curiosité. Il se révèle à nouveau comme un homme "de son temps", le romantisme, par ses voyages, aux du monde civilisé. Pour Byron, c'était la Grèce qui représentait déjà une forme d'exotisme. Pour un Russe du XIX ème siècle, c'est le Caucase, la Mer Noire et ses villes d'eaux. On sent que ce n'est pas tout à fait Saint-Pétersbourg et Moscou, mais un autre monde, moins civilisé - les modes ne sont pas les mêmes, les moeurs non plus. Ce sont les descriptions de ces sociétés et de ces peuples de marge que j'ai appréciées, même si trop rapides à mon goût. J'aurais aimé en savoir plus sur cet aveugle contrebandier, ou sur le mode de vie des Caucasiens.

Dommage finalement, la forme même de l'oeuvre, plusieurs chapitres comme plusieurs fragments de vie, ne permet pas de développer en profondeur les cadres des récits successifs.

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Un héros de notre temps

UN HÉROS DE NOTRE TEMPS de MICHAÏL LERMONTOV.

Lermontov a eu une vie bien courte, 1814/1841, poète et romancier, officier de hussards, il porte sur le monde un regard distancié, ironique et il s’ennuie beaucoup. Les duels vont l’occuper et il finira par y laisser sa vie, tout comme Pouchkine dont il est contemporain, qui mourra en 1837 et pour lequel Lermontov écrira un poème célèbre qui lui vaudra d’être envoyé sur le front du Caucase. Et c’est justement sur ce front que l’on retrouve le héros de ce roman, Petchorine. Voyageant dans le Caucase pour rejoindre son régiment, le narrateur rencontre un capitaine qui va lui parler de Petchorine, de la façon dont il va tenter de séduire une Tcherkesse, Bella, puis, une fois marié, l’abandonnera. Dans la seconde partie du roman, c’est l’aspect psychologique de Petchorine que l’on découvre à travers son journal intime. Fin dramatique pour le héros qui, de façon prémonitoire peut être, périra très exactement comme Lermontov.

Écriture assez traditionnelle de cette époque mais aussi un des premiers romans psychologiques qui annoncent les Dostoïevski, Gontcharov et Tolstoï entre autres. Un autre intérêt de cette lecture est l’histoire en filigrane du Caucase et de ses républiques montagnardes, Tchétchénie, Ossètie, Ingouchie ou Daghestan dont on parle très régulièrement de nos jours. C’est la période pendant laquelle la Russie a voulu soumettre tous ces peuples caucasiens, histoire qui a perduré une cinquantaine d’années.

L’édition que j’ai eu la chance de lire, est illustrée de dessins de Jean Traynier. Superbe.
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Un héros de notre temps

Roman composé de plusieurs histoires autour du personnage de Petchorine, le héros "romantique?".

J'ai beaucoup aimé les premières parties, entre roman d'aventures et conte oriental se déroulant dans les montagnes caucasiennes. Chevaux, chevauchées, coutumes circassiennes ou tatares....montagnes enneigées qui me font rêver. Petchorine n'intervient que peu.

Puis il se dévoile, très antipathique, cynique, peu fidèle en amitié. Caricature?

La suite du roman se passez dans une ville d'eaux. Mondanités et ragots. Certes l'analyse psychologique a fait que ce roman soit qualifié de "premier roman psychologique russe". mais mondanités et ragots m'nnuient. Attitude cynique envers les femmes. La princesse sera-t-elle séduité? La vieille maîtresse regagnera-t-elle son amour? même lu au deuxième degré, celui de l'ironie ou de la satire, il n'a pas le carme du début et je me suis un peu ennuyée avec ce Byron (cité à plusieurs reprises) de garnison.
Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Un héros de notre temps

Ce livre "un héros de notre temps" (Герой нашего времени) a la réputation d'être le premier roman psychologique russe. C'est le seul roman de fiction que son auteur, Lermontov, ait mené à son terme. Ecrit de 1837 à 1839, c'est un recueil de cinq nouvelles, dont chacune peut se lire de manière autonome. Trois narrateurs différents interviennent dont le dernier est le héros de l'histoire: Petchorine, (dont le nom est formé à partir du nom de deux rivières du nord de la Russie: l'Onéga et la Petchora); Petchorine est un officier en exil dans le Caucase, au moment où cette région s'embrase, tout comme Lermontov lui-même a été exilé dans le Caucase. Ce récit nous permet de découvrir toute une mosaïque de peuples décrits par un connaisseur.

Le thème qui revient au fil de ces nouvelles est celui de la prédestination, du destin inéluctable, qui accompagne chaque rencontre, chaque coïncidence, chaque action du héros. Un héros complexe, ambigu et dans la lignée romantique: sa cruauté et son cynisme vont de pair avec un grand courage et il peut être capable d'attendrissement et d'amour authentique. Lumière et ombre, Petchorine est un personnage très intéressant , dédoublé et tiraillé entre deux extrêmes. Un héros qui séduit mais pour assurer la domination de l'âme..

Un grand classique à découvrir et redécouvrir..
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Oeuvres

Alexandre Griboïedov

Le Malheur vient de l'esprit, 1824

Comédie



Quand on parcourt en diagonale ou dans le sens japonais la bio de Griboïedov Alexandre, on voit mort, jeune, en 1829, ainsi que sa femme.., alors c'est quoi ? c'est un suicide familial, comme chez Modigliani : ben non, c'est simple, enfin simple, c'est simple dans une ambiance compliquée .. et c'est bien loin d'être en rapport avec les farces auxquelles nous invite le cher Alexandre. Il y eut une guerre russo-persanne en ces années là . Oui nous sommes sous Nicolas 1er, qui a succédé à Alexandre 1er, tout grand seigneur des arts, évidemment patriote - autres temps, autres moeurs - était tôt ou tard en guerre à l'époque. C'est Zakhar Prilepine, la coqueluche actuelle des russes , le baroudeur écrivain, qui dans son livre Officiers et poètes russes, nous parle excellemment de ça.



Le théâtre français commençait à lasser en Russie quand apparut Boris Godounof. Du côté de la comédie, la pièce immanquable qui mit tout le monde d'accord fut : Le Malheur vient de l'esprit de Griboïedof, juste un peu connu pour des légèretés déclamées en vers, une pépite pour le moins inattendue qui n'eut rien à envier à ce qui va suivre comme le Revizor de Gogol.



Pouchkine repéra ce coup de génie et prédit que les nombreux vers proverbiaux que contenait la pièce passeraient à la postérité.



Griboïedov était un vieux croyant de la littérature, il s'en tenait au classicisme français, et en observait strictement les règles. Les scènes du monde moscovite représentées firent mouche, mais la femme de chambre Lise ressemble plus à une soubrette à la française qu'à une servante russe.







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Oeuvres

Le malheur d'avoir de l'esprit - Alexandre Griboïédov (dans la Pléiade)



Après 3 ans d'absence à l'étranger, Tchatski revient à Moscou et se précipite chez son amie d'enfance, Sophie, dont il est toujours amoureux. Mais Sophie s'est éprise du secrétaire de son père, Moltchaline, un jeune sot ambitieux qui ne cherche qu'avancement et honneur, et s'intéresse davantage à Lise, la femme de chambre de Sophie...

Tchatski, esprit brillant mais si railleur qu'il en devient stérile, va rapidement déchanter, en découvrant que Sophie n'éprouve plus rien pour lui, et en se mettant à dos tout un chacun à force de les critiquer. Sophie, sans vraiment le vouloir, tiendra sa vengeance en le faisant passer pour fou...



Contemporain du grand Pouchkine, Alexandre Griboïédov est beaucoup moins connu que lui, sans doute parce qu'il est mort très jeune, en 1829 à l'âge de 35 ans, massacré lors d'une attaque antirusse de l'ambassade de Téhéran où il avait été exilé pour y exercer un mandat diplomatique, mais surtout parce qu'il ne nous a laissé qu'une seule oeuvre, une comédie maintes fois censurée en son temps en raison de l'esprit critique de la société et des idées proches de celles des décembristes que l'on y trouve.



Cette comédie classique raille la société moscovite sous bien des aspects : la gallomanie toujours présente chez les nobles russes qui consistait, depuis Pierre le Grand, à utiliser des mots français dans la conversation courante ou à s'inspirer de la mode occidentale, le cynisme et la lâcheté des officiers qui recherchent un avancement rapide tout en se ménageant, la servilité des nobles qui sont prêts à s'abaisser pour quelques honneurs, le conservatisme de la vieille noblesse, etc. Achevée en 1823, la comédie ne fut autorisée dans son intégralité par la censure que bien des années après la mort de Griboïédov : elle rencontra un tel succès que bien des vers de la pièce sont devenus des proverbes russes.



Écrite en vers libres afin de garder à la pièce un ton naturel et parlé, la comédie est ici traduite en vers blancs, privilégiant le rythme à la traduction littérale : il en résulte un ton vif, primesautier et d'une grande concision qui en font une lecture facile et très agréable.
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Un héros de notre temps

A mon avis cette histoire dont le héros se nomme Petchorine est curieusement agencée. Elle est divisée en deux parties très différentes.

La seconde partie, qui dans la chronologie de l’histoire se situe juste avant la première, est la meilleure. Petchorine raconte dans son journal une histoire de rivalité et de séduction entre lui et une princesse, une mauvaise plaisanterie qui tourne au tragique. L’histoire se passe dans une station balnéaire du Caucase, dans le milieu clos et formel de l’aristocratie, avec des bals, des hypocrisies et un dénouement à la russe. Tout cela est passionnant à lire et typique de la littérature russe du dix-neuvième siècle, mais c’est surtout dans cette partie qu’on apprend à faire la connaissance de Petchorine, alors qu’il était resté énigmatique et plutôt inintéressant jusque-là. La perception qu’on avait de lui change complètement.

La première partie est plus originale, mais elle ne capte pas suffisamment l’attention. L’originalité c’est que le point de vue n’est pas le même, avec un narrateur qui raconte des épisodes de la vie de Petchorine, toujours dans le Caucase, postérieurs à la seconde partie. Il y a de quoi se demander pourquoi le narrateur est curieux de connaître ce personnage fat et brutal, qu’il ne fait que croiser à la fin, alors qu’il s’échappe encore plus loin de sa Russie natale, vers la Perse. L’ambiance est plus sauvage que la seconde partie, avec de très belles descriptions des paysages montagneux et le milieu social n’est pas celui de l’aristocratie mais des peuples du Caucase, bien moins civilisés.

L’épilogue, la morale de l’histoire, est très intéressante à lire sur la fatalité et la prédestination ; la roulette russe trouve-t-elle ses origines dans cet épilogue ? Associé au fait que Lermontov a voulu créer un personnage romantique atteint du « vague des passions », matérialiste et cynique, tout cela fait réfléchir quand il écrit à la fin de la préface que « la maladie est indiquée, mais comment la guérir ? Dieu seul le sait. » Non, c’est un excellent roman en fin de compte, et je pèse mes mots, il faut le lire si on aime la littérature russe, malgré tout je trouve la première partie superflue et bien inférieure à la seconde.
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Un héros de notre temps

En voyant la couverture de ce livre, je sens que les visiteurs réguliers de ce blog vont s'exclamer : « Quoi ! Encore une histoire de soldat ! Elle s'est entichée de l'armée ou quoi ? ». Malgré les apparences trompeuses, je ne savais absolument pas que ce livre parlait de la vie d'un soldat car je n'avais pas lu le résumé. Mon choix s'est basé sur deux éléments : le titre, un peu mystérieux et qui invite à la découverte ; et le fait que ce soit un auteur russe.

Et là, ce fut encore et une fois de plus une très belle découverte dans la littérature russe : loin de la vie de garnison monotone de Joseph Roth (cf. La marche de Radetzky), on suit un personnage atypique nommé Petchorin. C'est un être égoïste, désabusé et méprisant, qui parfois choisit volontairement la méchanceté et la cruauté : il n'hésite pas à enlever une jeune fille pour ensuite la délaisser une fois la passion éteinte ; il séduit une fille que courtise un de ses camarades pour le provoquer un duel ; il ignore ses anciens amis et se soucie peu de ce que les gens pensent de lui.

Je ne sais pas comment vous l'expliquer mais je l'ai apprécié : c'est vrai que dans ma description, je n'arrive pas à rendre le personnage en entier et pire, j'ai l'impression de le caricaturer. Mais il m'a plu, peut-être parce que son comportement atypique représente des morceaux de caractère de gens que je connais et que de ce fait, son attitude ne m'a pas choqué mais au contraire m'a paru très concrète. Il m'a plu aussi car il me rappelle les héros tortueux de Dostoïevski ainsi que l'Eugène Onéguine de Pouchkine.

On sent dans l'écriture de Lermontov les prémisses des chefs-d'oeuvre qui ont façonné la littérature russe du XIXème siècle. Ces descriptions sont magnifiques et rendent parfaitement l'ambiance du Caucase. Son style est riche, soutenu, avec des phrases poétiques mais il n'y a pas de longueurs, pas de mot en trop. Tout est à sa juste place et le rythme est agréable. Je n'ai pas mis le 4ème coeur car les remarques désobligeantes et condescendantes que le narrateur et Petchorin avaient envers les autochtones m'ont agacé. On sent encore la domination impérialiste et le mépris des peuples vaincus dans ces écrits.

Bref, je recommande ce livre exclusivement aux amoureux et familiers de la littérature russe ! Pour les débutants, essayez de commencer par quelque chose de plus doux et ensuite revenez vers Lermontov.
Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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Un héros de notre temps

Si moins connu que ses illustres pairs, Michel Lermontov, l’auteur du roman adapté par Céline Wagner, est un écrivain important de la littérature Russe. Dans ce Héros de notre temps, il nous présente Petchorine, un personnage cynique et désabusé, à mi chemin entre un Julien Sorel et un Vicomte de Valmont, dans une aventure romanesque et romantique où il va séduire par jeu et ennui une jeune princesse aimée par l’un de ses amis. Du décor aux protagonistes en passant par les thèmes, on retrouve dans ce récit à tiroir le souffle des écrits de Boulgakov ou de Dostoïevski. L’artiste, grâce à un dessin en noir et blanc dans un style épuré sur les visages et détaillé sur les décors, délicieusement faussement suranné, donne vie de la meilleure des façons à cette œuvre qu’il est fort agréable de (re)découvrir.

Et voici de quoi écouter avec: http://bobd.over-blog.com/2014/07/russie-romanesque-un-heros-de-notre-temps-vs-symphonie-concertante.html


Lien : http://bobd.over-blog.com/20..
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Un héros de notre temps

Que faire de soi et de sa vie quand tout ennuie à force d'être prévisible, jusqu'à nos propres sentiments, quand le bonheur est une chimère et qu'on n'est plus capable de passion, alors qu'on ne vit que de passions ?... Eh bien, on peut, par exemple, comme ce « héros de notre temps », Pétchorine, s'ingénier à abuser les passions des autres, travailler sans relâche à leur malheur, faire de soi un maître de la perversion qui bafoue l'amitié, qui brise le coeur des femmes et des jeunes femmes. On pourrait se retenir de faire le mal, mais on ne se retient pas et de cela on s'étonne, et on y pense, on y réfléchit, on creuse la question dans son journal intime. Quand la vie n'a plus de sens, blesser, détruire, est encore une manière de sens pour ce « héros » errant… la dernière passion possible.



L'intérêt de cet ouvrage, premier roman russe psychologique, réside dans les débats intérieurs chez Pétchorine, un dialogue avec lui-même causé par les sursauts du reste d'humanité qui subsiste chez lui malgré qu'il a vendu son âme au cynisme et à la cruauté morale. Ce dialogue fait apparaître dans la conscience du lecteur (doué de morale) que ne pas faire le mal n'est pas une passion supplémentaire, une passion qui, elle aussi, comme toute passion, peut s'éteindre : ne pas faire le mal est un choix moral ! Mais voilà, Pétchorine, lui, est un être de passion, un être presque totalement amoral. Et dans ce « presque » crépusculaire palpite le coeur égaré du livre.

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La princesse Ligovskoï

Court texte de Michel Lermontov, La Princesse Ligovskoï est un roman inachevé. Assez frustrant donc de ne pas savoir ce qu'il advient des deux héros, mais un pari que l'on prend en ouvrant ce livre. Difficile donc d'en dire beaucoup sans trop dévoiler l'intrigue.

La plume est très fluide et se lit avec aisance. Les phrases, longues, très ponctuées et souvent très imagées, invitent à la rêverie. Le narrateur nous entraîne avec malice dans cette histoire.

Une plongée dans la société pétersbourgeoise des années 1830 très agréable, portée par l'étiquette et les conventions de l'époque. Une intrigue bien menée, prélude à un roman qui aurait pu être très prometteur...

Un très bon moment de lecture, très rapide...
Lien : http://bouquinbourg.canalblo..
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Un héros de notre temps

Grigori Petchorine, personnage principal du roman, est un jeune homme impudent, peut-être amoral. C’est surtout qu’il est tout à fait désillusionné et infiniment insatisfait de ce que la vie lui offre. C’est aussi un homme tourmenté par son passé, par d’anciennes erreurs d’amour qu’il ne regrette pas tant mais qui ne sortent pas de lui et l’envahissent tant qu’il les raconte au narrateur. Amours complexes, embrouillées, si sophistiquées qu’elles ne peuvent aboutir favorablement. Si tordues qu’elles le conduisent toujours à se saboter dangereusement.

Voilà là notre héros romantique, officier de l'armée russe, présenté en cinq parties décrivant chacune une étape différente de sa vie. La première partie est composée de trois expériences qu’il raconte lui-même au narrateur. La seconde partie est racontée par le narrateur et décrit une rencontre ultérieure avec Petchorine. Cette partie montre la chute finale de Petchorine alors qu'il est impliqué dans une conspiration contre le gouvernement.

Le roman, ainsi découpé, explore non seulement l’amour mais aussi la solitude, la mort et la trahison, le tout de manière sombre ou plutôt extrêmement acerbe - ou bien réaliste, lucide- et dépeint la société russe de l’époque avec sarcasme et causticité.

Petchorine, personnage aussi complexe que fascinant parce que puissant et impétueux, évolue dans cette Russie pourrie de corruption et ébranlée par les inégalités sociales. Est-il immoral ? Et sur quels critères ? Est-ce qu’un jeune homme considéré comme incompétent à s’adapter dans une société faite de conventions bêtes n’est pas plutôt un homme pur, un intègre, un vrai ? Une vie immorale est peut-être la seule existence digne lorsque l’on n’a vu dans la morale commune qu’une suite de codes absurdes et infondés. Non, Petchorine est bien un héros, car il lui coûte probablement plus de suivre ses propres penchants et sa propre nature que d’obéir à des règles établies, de se conformer, de se bien marier et d’accumuler quelque richesse. Ces plats projets sont réservés aux esprits trop simples, aux fades, aux frileux et aux bourgeois. Est-il inutile ? Assurément, dans une société ainsi faite. Cependant le sentiment de se « sentir utile » n’est-il pas lui aussi un leurre, une façon de se justifier dès lors que l’on n’a rien accompli de grand pour soi-même. Petchorine, au fond, n’est pas tant ce paresseux fougueux et irresponsable, pas plus que tous les autres qui se conforment. Il a eu l’audace au moins, il a pris le risque de vivre quand ses « semblables » répètent à l’infini la même existence depuis des générations : études, carrière, mariage, profits, confort. Finalement il est bien moins frivole et oisif qu’eux tous. Qu’est-ce que le mariage noble sinon une frivolité admise, qu’est-ce que le sentiment sinon une façon de se désennuyer ?

Il possède également cette rare qualité qui est la pure franchise. N’importe ses erreurs, ses failles, il les raconte. Voilà là un homme qui a finalement peu à se reprocher. Ceux qui ont beaucoup de torts inavoués se vantent et se montrent vertueux et bons. Ou confessent stupidement de petites idioties sans importance afin de se montrer droits. Souvent ils s’en convainquent, même.

C’est aussi un homme intelligent. Aurait-il pu utiliser cette intelligence et la mettre à profit d’une vie bien plus commode ? Non. Utiliser le système jusqu’à son paroxysme et en tirer tous les bénéfices jusqu’à s’y perdre est environ un défaut d’intelligence, du moins une déchéance. Quelle différence, au fond, entre l’homme intelligent qui agit comme un sot et le sot de naissance ? Plus aucune après quelques temps, ou si peu. Petchorine est plus haut, il survole et écrase ses semblables en ne leur ressemblant pas. Il manipule les gens parce qu’ils sont manipulables et parce qu’ils ne lui sont rien. Aurait-il tort de s’en priver ? Devrait-on s’anoblir de bonté et d’éternelle condescendance jusqu’à se mettre à leur niveau ? Lui embobine les femmes qui lui plaisent, se joue d’elle (d’une certaine manière seulement, car enfin lorsqu’il est passionné il est sincère) et puis se lasse. Qui ne se lasse pas de l’amour ? On aime un temps et on desaime, voilà un élan de vie, une vitalité intègre. On se divertit d’amour et puis l’objet d’amour devient quelconque. Et après ? On quitte logiquement, quand on n’a aucune attache matérielle et aucun engagement formel. D’ailleurs, Maxime, le romantique, le sentimental, celui qui se vautre dans des simulacres d’amour, meurt en duel. Voilà l’absurdité de l’amour fantasmé : il tue l’individu. Bela aussi meurt. Et après ? Ne faut-il pas être une femme stupide pour se morfondre d’amour ? Elle meurt d’avoir été abandonnée par lui et Petchorine repart en quête. Quête incessante et toujours insatisfaite au demeurant. Il n’a qu’une seule passion : sa liberté. Cependant il est tenté un temps de chercher le bonheur. Seulement un homme comme lui ne peut être heureux. Il sait que tout est faux, que les sentiments ne durent pas, qu’ils sont conventions et jeux. Il sait que les mots d’amour mentent. Il a vingt ans et il en a cent. Il a du moins l’âge du grand mépris, pour tout le monde et finalement pour sa propre existence. Petchorine n’est pas mauvais, il est sans doute le seul bon dans une société tout à fait corrompue et stupide.

Notre héros est finalement tué lors d'une bataille dans les montagnes du Caucase. N’importe, il méprise finalement aussi sa propre vie. Rien n’est grave. On ne tient à la vie que parce qu’on est lâche ou parce que l’on est lié à des individus, ce qui revient au même.

Le style de Lermontov est admirable, poétique, gracieux. Il frappe par son implacable franchise, par une sorte de réalisme poussé à son paroxysme. Son héros est si « vrai » qu’il parait faux. Est-ce si crédible qu’un homme n’éprouve pas plus de scrupules et méprise aussi ouvertement son prochain ? C’est un style lourd, aussi. Les mots portent une telle violence, un si beau et sain mépris du monde, une si grande désillusion que le tout est puissant, exaltant, enlevé et finalement magnifiquement austère. Lermontov est avant tout un poète, un véritable poète, de veux qui, laborieux, élisent leur mots et frappent fort en peu de termes précis. Travail que l’on retrouve même dans sa prose.
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Un héros de notre temps

Je n’avais jamais entendu parler de cet auteur jusqu’à ce que je découvre son nom dans la liste des principaux acteurs de russes. Oeuvre de jeunesse (ou de maturité puisqu’il fut tué dans un duel à 26 ans), l’auteur nous conte les aventures de Petchorin, membre de la noblesse de Saint-Pétersbourg lors de ses séjours dans le Caucase à l’armée. Dandy négligent et fortuné (le champagne coule à flots), désabusé et sadique, il joue de son charisme pour torturer tant ses relations que ses conquêtes. Il joue avec sa vie (comme lors d’un duel) et celle des ses ennemis. On a l’impression (comme dans les romans français,çais de l’époque que trois sociétés coexistent : ceux qui profitent de la vie (comme notre héros), ceux qui travaillent (les bourgeois) et les âmes (les serviteurs, les paysans). C’est un roman un peu désabusé sur cette noblesse qui cherche un but ou un piment dans la vie et se partage entre étourdissement (fêtes) et mélancolie. Le livre est bien écrit et est plaisant à lire, mais un peu ennuyeux à la fin, même si les différentes histoires parlant du héros sont vues sous des angles différents.
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Un héros de notre temps

De prime abord, ce roman apparaît comme un patchwork, un collage de plusieurs nouvelles. On peut regretter le manque de cohérence ou saluer l'art de l'écrivain, qui utilise trois narrateurs différents pour faire tenir l'ensemble. Tout tourne autour de l'antihéros Petchorin, qui apparaît comme un double de Lermontov : un homme d'action qui ne trouve pas le bonheur dans celle-ci et qui ne peut s'empêcher de faire naître des inimitiés par ses remarques blessantes.

Pourquoi en est-il ainsi? Est-ce la nature de Petchorin, un concours de circonstances qui a forgé sa personnalité actuelle, la prédestination ?

Il me semble que chacune des nouvelles apporte un éclairage différent et met en avant l'une de ces raisons. L'allure décousue de l'ouvrage ne serait alors qu'une apparence.

De toutes les nouvelles, "La princesse Marie" me semble la plus intéressante. Lermontov décrit de l'intérieur, à travers le journal de Petchorin, la société russe en cure dans les stations thermales du Caucase. L'évocation des peuples autochtones des autres nouvelles est assez extérieure et correspond à la vision d'un militaire russe en garnison. Honnêtement, je n'y ai pas trouvé un grand intérêt, pas plus qu'à la description de la nature caucasienne qui me semble être surtout une toile de fond. Dans la princesse Marie, Petchorin s'explique sur son caractère et semble en rejeter la faute sur les autres, qui ne l'ont pas compris dès l'enfance et l'on contraint à se replier dans la fausseté. On ne saura jamais si Petchorin croit à ces explications. C'est en tous cas un type psychologique intéressant, dans lequel Lermontov s'est projeté et qui contredit par avance les conclusions du personnage des carnets du sous-sol de Dostoïesvski. Petchorin est-il le portrait d'une génération et de ses vices comme l'annonce l'auteur ? Il faudrait demander à un spécialiste de la période.

Évidemment, on est frappé par le parallèle entre la destinée de Lermontov et certains des éléments présents dans le roman. Cet être supérieurement intelligent mais égocentrique aurait-il pu écrire sur quelqu'un d'autre que lui-même s'il avait vécu plus longtemps ?

J'ai envie de me pencher sur la vie de Lermontov maintenant et de savoir ce que les spécialistes ont pensé d'"un héros de notre temps".

Pas un immense plaisir de lecture en ce qui me concerne, mais un livre qui est plus qu'un divertissement.
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Un héros de notre temps

Le cadre pittoresque de ce livre, la région du Caucase colonisée par la Russie, m'a immédiatement ramené aux histoires de Pouchkine et aux premiers travaux de Tolstoï. Mais l'approche unique de Lermontow est la manière ingénieuse dont il présente son protagoniste, l'officier russe amoral Pechorin : d'abord à travers des histoires de tiers, puis à travers une courte rencontre personnelle et enfin à travers des fragments de journal intime de Pechorin lui-même. Cela donne une dynamique à l'histoire qui vous aspire dans le roman et ne vous lâche pas. Bravo, pour un livre publié en 1840, donc avant l'apogée du Grand Roman Européen.

Je peux très bien m’imaginer pourquoi Dostoïevski était si enthousiaste à propos de cette œuvre : Lermontov a fait de Pechorin presque la même figure cynique, amorale et en même temps double, séduisante et faible que nombre des protagonistes du futur grand maître, un vrai ‘bad-ass’. Les pages introspectives du journal de Péchorine, en particulier, témoignent d'une profonde perception psychologique d'une âme damnée. Certes, Lermontov n'a pas encore atteint le niveau diabolique de Dostoïevski, mais il s'en rapproche. L'orientation romantique précoce de son histoire, avec l'accent mis sur les descriptions lyriques de la nature et les émois dramatiques de l'âme, pourrait nous rebuter un peu maintenant, mais cela n'empêche pas que ce roman soit impressionnant. Je suis même enclin à le noter plus haut que Pouchkine.
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Un héros de notre temps

portrait d'un journal traduisant le regard de son auteur, d'un simple personnage de roman ou bien, encore celui que le lecteur va se faire au fur et à mesure des personnages et situations que l'auteur va lui faire découvrir ?



Sous une apparence de textes pas nécessairement structurés comme on peut en avoir l'habitude en bon occidentaux, le personnage principal avec son cynisme et sa désinvolture emmènera le lecteur à la découverte d'une société du dix neuvième siècle quelque peu surprenante parfois, peut être….

Petite balade à ne pas hésiter à faire pour se dépayser et s'initier à es déclinaisons d'ailleurs et d'alors.
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Récits fantastiques russes

C'est dans la longue nouvelle "Le Cosmorama" de Vladimir Odoïevski que réside l'essentiel de l'intérêt de ce recueil puisque la nouvelle de Mikhaïl Lermontov est inachevée et que le texte de Vladimir Titov est plutôt mal construit et sans grand intérêt. Ce Cosmorama rejoint par contre les grands textes romantiques et mériterait bien une édition à part. le personnage central s'y voit comme happé par des forces dont la nature lui échappe totalement et derrière le fantastique apparent, c'est bien une véritable inquiétude existentielle qui s'exprime et qui résume, d'une certaine manière, toute une époque et le sentiment d'impuissance qui l'accompagne.
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Un héros de notre temps

Michel Lermontov est un poète romantique russe du 19ème siècle. Son oeuvre la plus connue est en prose, il s'agit d'« Un héros de notre temps » écrit en 1840 qui est considérée comme un chef d'oeuvre.

Céline Wagner l'a adapté en bande dessinée mais je trouve que ce n'est pas très réussi. Elle propose un roman graphique en noir et blanc pour mettre en avant le récit mais efface le contexte historique. Je ne trouve pas son graphisme très beau et les personnages manquent d'expression.

« Un héros de notre temps » est un recueil de cinq nouvelles autour d'un jeune homme, Grigory Alexandrovitch Petchorine, âme à la fois passionnée et froide, capable de générosité et de cruauté, surtout envers les femmes. Il est assez détestable.

Pourtant le début commençait bien avec une sorte de mise en abyme car le narrateur de la première nouvelle (chapitre 1 Béla), va reprendre le journal de Petchorine qu'il a récupéré après sa mort au cours d'un duel, pour raconter la suite et le faire renaître en quelque sorte.

Mais si la construction est intéressante, les histoires sont un peu simplettes et semble tourner en rond avec un Petchorine orgueilleux et hautain qui s'éprend malgré lui de jolies jeunes filles pauvres ou riches, ondine ou princesse, mais qui au final est bien seul.





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Un héros de notre temps

Ah Lermontov, des souvenirs d'adolescents pour moi. Pour chaque ressortissant de l'ex URSS c'est un auteur indispensable et surtout ce livre qui fait partie du programme scolaire de chaque enfant russe, ukrainien, biélorusse, kazakh...

C'est avec ce livre que j'ai découvert et appris à aimer les mœurs des caucasiens, de "ces gens des montagnes" qu'on appelle parfois chez nous. A mon âge adolescent, ce livre m'a fait découvrir la valeur de l'honneur et du courage. Ainsi que les beaux paysages de cette magnifique région.
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Un héros de notre temps - Le Démon

Michel Lermontov,



Un Héros de notre temps.



Attention, chef-d’œuvre.

Duel au sommet, beuveries épiques, paysages pittoresques et sauvages, chassé-croisé amoureux, désillusions de jeunesse, cavalcade dans les steppes, cœurs déchirés entre l’honneur et la passion, entre le bonheur est le désir, bref ! Tous les thèmes chers à nos amis russes sont présents dans l’ouvrage, un héros de notre temps. Michel Lermontov aurait pu avoir la renommée d’un Tolstoï, d’un Dostoïevski si sa vie avait duré quelques années de plus. Et pourtant, il est aujourd’hui un des pères fondateurs de la littérature russe grâce à deux œuvres : Le Démon (poème) et Un héros de notre temps.

Sa vie, comme sa production littéraire, est somme toute assez courtes mais d’une extraordinaire densité. Soldat de la garde, rébellion contre Alexandre 1er, exil, inspiration loin de la ville de Pierre, et retour triomphal, mort romanesque, inscription au panthéon des grands. Finalement, une certaine impression de déjà-vu : une sorte de Pouchkine militaire.

Tout d’abord, l’originalité d’Un héros de notre temps se trouve dans sa narration volontairement décousue. Les péripéties de Pietchorine, jeune lieutenant de l’armée russe, nous sont contées de la manière la plus originale. Deux voyageurs parlent de lui et évoquent ses faits d’arme, puis ils se séparent et l’un donne à l’autre le journal intime dudit Pietchorine que l’on va lire pour connaître un second pan son histoire pathétique. Cette narration donne de l’ampleur au personnage central qui est donc décrit dans un premier temps via le regard critique mais admiratif d’un ancien frère d’arme, puis dans un second temps, de l’intérieur, via l’expression de ses propre sentiments, couché avec brio sur un brouillon qui nous est livré.

Le contexte du livre : début du 19ème siècle, alors que la contagion des idées européennes a atteint la jeune intelligence russe à tendance dangereusement gauchisante, le Tsar fait le ménage et expulse à tour de bras aux quatre coins du vaste empire. Un de ces quatre coins est perdu dans le Caucase entre sa steppe et ses monts. Là-bas, la jeunesse gâtée et rebelle se retrouve exilée : officiers déchus après d’hasardeux duels, officiers à la réputation sulfureuse, conspirateurs, ils sont loin de tout et leurs énergiques velléités révolutionnaires se sont transformées en passions amoureuses avec les Tcherkesses, en fumée de pipe et eau-de-vie, en rivalités fatales et en combats héroïques contre un ennemi qui ne semble là que pour la gloire de se battre. Au final, quelle riche idée d’exiler ces jeunes gens et de les envoyer poursuivre des chimères dans un décor dont l’immensité dépasse leur radicalisme ! Notre héros est bringuebalé entre ces paysages somptueux et la ville des eaux ou les officiers désœuvrés côtoient les jeunes filles désespérées aux milieux des montagnes.

Soyons honnête : « Héros » n’a pas l’acception que vous connaissez. Pietchorine n’a pas grand-chose d’héroïque si ce n’est un certain courage qui relève plus d’un mépris de la vie que d’une force morale. Il est prétentieux et misogyne, amoral et solitaire, il n’a pas de but, ne construit rien et ne croit en rien à part une ridicule idée de la « destinée ». Il joue des sentiments des autres et abandonne sciemment son bonheur pour son plaisir. Il est un enfant du 19ème siècle russe : celui des nihilistes. Mais hors de tout matérialisme, notre Pietchorine est juste un égoïste fini. Alors pourquoi un « héros » de notre temps ? Eh bien parce que les temps sont mauvais : les femmes s’ennuient du classicisme et cherchent la passion, la jeunesse est désœuvrée, elle conspire contre le « vieux monde », elle a lu Schiller et Byron, chefs de file d’un romantisme aux tendances libérales. Et Pietchorine est l’enfant de ce siècle perdu, terreau fertile de l’apocalypse inévitable. Pietchorine est l’anti-héros symbolique, le fruit pourri d’une époque trouble.

Un héros de notre temps est aussi le premier roman psychologique russe. On connaît le talent de Dostoïevski pour avoir popularisé le genre, on sait désormais le nom du précurseur de cette fine et profonde description des cœurs et des esprits. L’analyse est si juste que vous vous surprendrez inévitablement à penser à votre propre entourage en découvrant l’authenticité et le réalisme des différents personnages. Cet aspect du roman vient probablement du fait qu’une bonne part des récits qui le composent est autobiographique.

Et puis que serait la littérature russe sans ses attachants défauts clairement assumés ? Que de hasards ! On parle du loup et comme par hasard, il sort du bois. On complote contre Pietchorine et comme par hasard Pietchorine passe sous la fenêtre et déjoue le nœud majeur de l’intrigue. Un homme gagne à la roulette russe et le soir même il prend un grand coup de sabre généreusement octroyé par un cosaque ivre qui « passait par-là », jouant surement le rôle de la « destinée » et donnant au texte l’aspect d’une parabole plus que d’un récit. Ces raccourcis ou ces coïncidences n’ont sans doute aucune espèce d’importance à l’époque où la superstition côtoie en permanence la réalité. Au fond, qu’importe tant le talent narratif de Lermontov inonde chacune des pages du livre. On oublie, amusé, ces petits coups de pouce du destin que l’auteur s’envoie allègrement.

Au final, on ne peut s’empêcher de penser que la littérature nous offre toutes sortes d’écrivains. Lermontov appartient à la catégorie des étoiles filantes dont la fin est aussi brutale que romanesque et mystérieuse. Plus le talent est grand et plus la carrière est courte ! Regardez Gogol est Pouchkine. En un si petit livre, Michel Lermontov offre un héritage incommensurable à la Russie littéraire et ouvre la porte à travers laquelle tant vont s’engouffrer.

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