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Critiques de Michaël Ferrier (82)
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Scrabble



Très grand coup de cœur ❤️ ❤️ ❤️ pour un livre étourdissant, renversant de beauté. Une plongée dans une sorte de conte et légende....

Ne gardons nous pas une part d'enfance en nous....malgré les années qui passent..... Vaste question existentielle.

Quel beau roman initiatique, un récit personnel, un autoportrait intense et bouleversant.

Tout pourrait commencer par O temps suspend ton vol....une tragédie est imminente et se prépare. Une langue poétique et musicale... Une écriture sensorielle....un livre construit à partir du plateau du Scrabble et de son étoile... Une main qui plonge dans un sac de toile vert et prend

des lettres une par une....

Le destin est en marche...



Michael Ferrier va nous faire vivre ses derniers jours d'enfance au Tchad à N'Djamena.

Un récit teinté de nostalgie.

Le scrabble est le fil rouge du roman.... Tout commence avec lui... Tout finit avec lui... De l'émerveillement à l'horreur... Les mots se superposent au souvenir, et l'écrivain à l'enfant.



Une histoire qui va grandir par onde spirale....

Un écrivain en construction qui évoque son enfance en faisant abstraction de l'espace temps et de l'oubli....

Une très belle scènique,

certaines scènes évoques des fresques du XIX ème siècle..., un contraste entre cette berceuse de l'enfance au goût sucré.... Et la violence qui fait son chemin, prémice de la guerre civile...



Un livre basé sur les cinq piliers des sens... Une enfance où l'odorat, l'ouïe, la vue, le goût et le toucher sont mis en éveil.

Les couleurs, les odeurs se font échos.

Ce livre n'est pas seulement celui de Toumai qui signifie "espoir de vie" , mais aussi celui de Saleh, le "boy", l'homme à tout faire, le confident... Celui qui veille sur la maison.... Des voix féminines alternent...

A l'innocence, l'insouciance, les armes, les cris vont répondre.. Une enfance foudroyée par les balles, le sang, les animaux blessés.

L'enfant sera témoin de tout, jusqu'à la découverte de son ami Youssouf blessé à terre perdant son sang. Une vision d'un monde idyllique qui passe soudainement à son antithèse. Un excellentissime livre que je vous conseille.

Finaliste prix fémina 2019
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François, portrait d'un absent

Voici un récit - hommage bouleversant, entre France et Japon, une sorte d'élégie , d'éloge à l'ami de l'auteur trop tôt disparu : François Christophe, mort noyé à l'âge de 47 ans avec sa petite fìlle Bahia, au large des Canaries ....

" Tous les deux emportés, engloutis par la vague " .....

Une voix blanche , surgie au coeur de la nuit annonce à Michaël, la disparition de cet ami Trés cher..

Au coeur de la sidération, de la dévastation, même si la souffrance laisse sans voix, et que l'on dise que les grandes douleurs sont muettes l'auteur reprend la parole : "J'ai le souffle coupé , je suis atteint de cette morne , muette et sourde stupidité qui nous transit, lorsque les accidents nous accablent , surpassant notre portée .....comme le disait Michel-de-Montaigne , Ma Langue s'engourdit, un liquide noir et glacé court dans mes membres, mes oreilles bourdonnent , une double nuit couvre mes yeux ...."

Ce livre est un tombeau littéraire à l'ami qui n'est plus là, l'événement tragique fait revenir les souvenirs , la rencontre au lycée Lakanal, où ils s'écoutent et se répondent, leurs échanges sur fond de consommation d'alcools et de drogues douces, les années d'études , d'internat, la passion commune du cinéma , de la radio, de la la litterature ....autour de la musique baroque, de Rimbaud et de Monk...



Maintes réflexions philosophiques, des références littéraires nombreuses et cinematographiques magnifient cet ouvrage à l'écriture extrêmement élégante où la mémoire se déploie: l'irréversibilité du temps , la commémoration nostalgique, le souvenir qui passe trop vite ,...comme un reflet et confére aux choses et aux êtres une beauté sombre, celle de la passion.

En redonnant vie aux souvenirs , aux absents , aux disparus l'auteur élabore un mémento du temps et de la mémoire , une réflexion à propos de la richesse de l'amitié indéfectible .....

Un portrait lumineux qui se lit comme un hymne à la joie autant qu'un récit de deuil !

Une chronique douce amère , poétique , silencieuse, forte , émouvante qui permet de garder l'ami vivant , de le faire exister encore et encore dans les vagues du temps !...

Où que vous soyez , je serai, tant que je le pourrai , je vous porterai ....

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François, portrait d'un absent

C'est un récit poignant dédié à l'ami, un récit débuté par la sidération de l'annonce,atroce , du décès de François et de sa fille Bahia.C'est un cri retenu, une douleur indicible et un hommage extrêmement émouvant au disparu.

C'est Lakanal,la rencontre,les soirées dans les paradis artificiels ,l'amour de l'art,de la musique,du cinéma, de la radio,la brouille et cette terrible vague dans un Eden de tragédie.. ..

L'écriture dégage force et sincérité et sonne comme un ultime adieu à cet ami qui ,grâce à l'écriture restera là, toujours bien vivant jusqu'à. ...

L'auteur nous emmène sur des chemins parcourus avec François,nous fait partager cette indéfectible amitié et c'est là ,à mon sens, que les limites sont atteintes.Nous ne pouvons pas être amis avec François, cette relation ne serait qu'artificielle et utopique mais peut être ces belles citations,ces belles remarques littéraires sur l'amitié nous feront elles ouvrir les yeux sur le merveilleux bonheur qui est nôtre si nous possédons,dans notre entourage,un ou une amie ,voire une petite bande.

Certains passages sont d'une incroyable finesse,dégagent une émotion intense,d'autres sont un peu moins convaincants, parfois même un peu lassants .Ce que l'on sait c'est qu'une très belle amitié unissait le narrateur et François et que l'absence est venue....terrible,désespérante. ...jeter un voile blanc sur le temps du bonheur.
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Fukushima : Récit d'un désastre

Je commence ce billet par un avertissement : ne lisez pas ce livre avant de vous endormir, car les images que sa lecture feront naître vont hanteront dans votre sommeil. C’est dire la puissance évocatrice de ce texte.

En lisant le quatrième de couverture, je m’attendais à lire un documentaire précis, peut-être un peu froid. Fukushima est un livre qui raconte avec précision ce qui s’est passé mais pas du tout de la manière dont je m’y attendais. L’auteur nous raconte d’abord son expérience personnelle de la catastrophe à laquelle il a assisté. Il analyse avec finesse ce qu’il a ressenti. Ensuite, il choisit de s’effacer au profit des différents témoignages qu’il a recueillis, ou plutôt de ne pas fermer les yeux devant ce qui l’entouraient, de ne pas se boucher les oreilles devant ce qu’il entendait : la boue, les habitations dévastés, les logements d’infortune, les cadavres, les animaux mourants de faim car laissés à l’abandon, dans des zones « contaminés ».

Et il est impossible de ne pas penser à Hiroshima ou à Tchernobyl. Le silence. La rétention d’information, volontaire ou non (difficile de communiquer sur quelque chose qu’on ignore). La mise à l’écart des victimes, comme s’ils étaient coupables de ce qui leur arrivaient. Comme s’ils étaient plus effrayants que la catastrophe elle-même.

J’arrête ici mon compte rendu, car il me serait impossible d’égaler la poésie du style de Mickaël Ferrier.

Si vous voulez en savoir bien plus sur cette catastrophe, mais aussi sur le Japon, si vous voulez lire une véritable œuvre littéraire et non un bouquin opportuniste, lisez Fukushima.
Lien : http://deslivresetsharon.wor..
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Kizu : (La lézarde)

68 pages lues quasiment d'une traite. L'auteur nous entraîne dans ce monde japonais qui nous semble si parfait, si bien huilé. Mais justement, Kizu est le petit grain de sable dans le rouages. Kizu, c'est la faille, la brisure, qui va se manifester par une lézarde, un lézard qui remet en question tout ce petit monde où tout et tout le monde semble à sa place. Et puis un jour, la faille s'agrandit. Jusqu'au point de rupture et de non retour. Et enfin surgit une prise de conscience du problème. Il est fait référence à Kafka dans un passage. Effectivement, il y a quelque chose de kafkaïen dans ce récit. Michaël Ferrier sait de quoi il parle. Il vit à Tokyo et enseigne la littérature.

Je vous laisse découvrir cette petite pépite.
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Fukushima : Récit d'un désastre

Le 11 mars 2011, Michaël Ferrier réside à Tokyo. Accompagnée de son amie japonaise, il apporte aux réfugiés, cantonnés dans les régions les plus touchées par le séisme, des médicaments et de la nourriture.

Dans un style très personnel, usant toujours du mot juste, ce Français d’origine et Japonais d’adoption décrit avec précision et minutie le tremblement de terre, le tsunami, l’accident nucléaire et leurs conséquences.

Si le récit de la catastrophe suffirait à nous intéresser, son style très personnel, alliage d’une érudition proposée avec légèreté et d’une maîtrise parfaite de la langue, nous fait approcher de l’abîme étourdissant au bord duquel se penche le Japon (comment continuer à vivre dans des régions dévastées et contaminées pour des milliers d’années ?) et nous permet d’approcher, de percevoir, l’âme du peuple japonais en un moment de grande détresse.

Magistral.
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Fukushima : Récit d'un désastre

J'ai presque honte de dire que j'ai beaucoup aimé ce livre puisqu'il raconte l'enfer que des milliers de gens ont vécu, il y a un peu plus d'un an maintenant de cela. C'est atroce de se dire que l'on a aimé un livre, tout en sachant que l'on lit la vie de ces êtres humains, japonnais ou étrangers, qui ont vécu l'Enfer et qui, pour la plupart, continuent à la vivre.



Dans cet ouvrage, l'auteur, Mickaël Ferrier raconte son périple sur les routes du Japon avec sa compagne Jun afin d'apporter des vivres et des médicaments aux personnes sans abri et qui ont été évacuées dans des refuges ou tout abri de fortune.

La première partie de ce livre se concentre essentiellement sur la terrible tremblement de terre qui a été ressenti en ce 11 mars 2011 au Japon, suivi d'un terrible tsunami qui a rayé certaines villes de la carte.

La seconde partie, elle, nous narre le désastre nucléaire qui s'en est suivi à la centrale de Fukushima.

Sont présents non seulement l'expérience de l'auteur dans ce pays peu de temps après le séisme mais également des témoignages qu'il a pu récolter dans les villes où il est passé.



Un livre extrêmement bien écrit mais qui fait terriblement peur car le pire, ce n'est pas ce que les médias ont bien voulu nous dire mais plutôt ce qu'il n'ont pas voulu nous dire. Ferrier, lui, fait des études, se renseigne et ne peut émettre que des suppositions mais, même celles-ci sont terrifiantes.

A découvrir !
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Kizu : (La lézarde)

Éveillée par un enthousiasme généralisé des critiques du Masque et la Plume, je me suis mise en quête de “ Fukushima ” de Michaël Ferrier. Ne l’ayant point trouvé dans les rayons de ma médiathèque adorée, je me suis rabattue sur ce dernier.



Kizu a de grandes similitudes avec “ Le peintre d’éventail ” de Hubert Haddad. Une puissance humble et discrète servie par une belle écriture – précision du mot, finesse du dit, portraits délicats – menant à une sidération finale qui élargit le champ.



Là où Hubbert Haddad distillait sa poésie, Michaël Ferrier cultive un humour distancié irrésistible. Sous le regard indifférent des coquillages roses du rideau de douche de sa salle de bain, le narrateur entre dans une “ sarabande de la débandade ” adroitement observée et décrite. Un court livre pour une expérience humaine largement partagée et rarement si bien exposée.
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Fukushima : Récit d'un désastre

Vendredi 11 mars 2011. Une date qui est entrée dans l'Histoire.

Mais pour le pire.

Fukushima, l'accident nucléaire qui a remis en cause bien des stratégies en matière d'énergie.



Fukushima, "île de la Fortune", en japonais. Lieu d'un désastre sans nom..

Michaël Ferrier vit à Tokyo où il enseigne la littérature; Il connaît bien le Japon et dans ce livre, il revient sur les heures et les jours qui ont suivi cette catastrophe..



Il a parcouru les zones à la limite de la zone interdite, a recueilli divers témoignages et nous relate ici les moments de panique et de désolation qui ont suivi la catastrophe: depuis les réactions de stockage et la pénurie qui s'ensuit, les dégâts matériels, le relief des côtes bouleversé, les pertes humaines, les réactions de panique... et l'attitude du gouvernement japonais et des gouvernements occidentaux.



Une analyse très fine de cette situation de crise; et aussi du rôle joué par les media ainsi que de la stratégie d'information ou de non-information qui a prévalu.

Un livre bouleversant qui nous montre que rien n'est résolu. Le désastre est toujours là et les conséquences nous touchent encore.. et pour combien de temps?
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Scrabble

Une magnifique écriture. Précision incroyable des descriptions. Et puis tout à coup l'horreur de la guerre.

C'est très fort.
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Fukushima : Récit d'un désastre

Les fissures et les lézardes de “Kizu” reprennent leur course zigzagante sur les murs des maisons. Avec plus d’ampleur et de déchirement.



“Il est assez rare, dans sa vie, de pouvoir marcher dans un désastre” (127)



Sons, odeurs, sensations physiques, Michaël Ferrier aborde le tremblement de terre par tous les sens. Et en restitue une description majestueuse. Petite chose secouée et malmenée par une puissance qui le dépasse, l’homme retrouve le savoir animal, la science de Lascaux. La réalité est bouleversée, le trivial côtoie le tragique.

Un trivial, qui loin de reprendre son cours, une fois les grands bouleversements passés, est lui-même amputé. Michaël Ferrier met en exergue avec une grande justesse la demi-vie imposée aux gens de la région de Fukushima, une demi-vie présentée comme nouvelle normalité.



“Car les morts de Fukushima ne sont plus des morts : ce sont des déchets nucléaires.” (232)



Il fallait une grande habileté pour restituer une telle expérience avec finesse et force. Michaël Ferrier a fait son boulot d’écrivain avec noblesse et élégance.
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Fukushima : Récit d'un désastre

« Le tremblement de terre est un boxeur : il en a la ruse, la patience, et le punch. »

« Le séisme a suspendu le temps, l’a renversé, amplifiant démesurément le désir de vivre. »

Récit à la fois sobre pour le ton, et d’une précision d’horloger dans le vocabulaire, et la description des lieux et des ressentis, Fukushima, représente un témoignage précieux du séisme qui secoua le Japon en mars 2011 et de ses terribles conséquence de la part d’un homme qui d’une part à vécu les évènements sur le terrain et d’autre part a une parfaite connaissance du pays et de sa culture puisqu’il y vit et travaille depuis une vingtaine d’année. Ainsi, tout en évoquant le côté technique ou scientifique des, Michaël Ferrier n’en oublie pas pour autant d’instiller à son récit la poésie, et la mythologie, pour lui donner une fluidité, et une hauteur de vue particulièrement intéressante.

L’ouvrage commence par une vision plus technique de ce que représentent les séismes pour la population japonaise : un phénomène, hélas, bien connu, pour lequel elle est entrainée, et dont les pouvoir publics ont tirés les leçons du passé … Hélas, pas toutes !!Les autorités avaient tout prévu, sauf…l’imprévisible.

La seconde partie décrit le voyage jusqu’aux lieux du drame, puisque l’auteur et sa compagne n’ont pas souhaité s’enfuir, mais au contraire aller sur le terrain, et rendre compte lui-même de la catastrophe tant sur le plan humain, écologique, sanitaire, logistique, que technologique. Il y a beaucoup de dignité dans ce récit, à l’image de celle des japonais en de telles circonstances.

De retour à Tokyo, Michaël Ferrier, se livre à un plaidoyer anti-nucléaire débarrassé de toutes passions, ou revendications outrancières qui ne mènent à rien ou presque. Avec recul, et cohérence, l’auteur montre la manière dont a été traité la catastrophe, la manipulation des chiffres, des normes, les silences, et surtout sur l’acceptation progressive des choses, et sur le fait de s’habituer à vivre avec, et surtout à vivre autrement.

Un récit qui ne laisse pas indifférent, en apprend beaucoup, et très bien conduit tant sur le plan littéraire, que dans sa construction.

« Les morts de Fukushima ne sont plus des morts : ce sont des déchets nucléaires. »




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Tokyo : Petits portraits de l'aube

Auteur de romans et d’essais, Michael Ferrier vit à Tokyo depuis 1994, où il enseigne la littérature. Ce petit livre, ce petit bijou oserais-je dire … mais je vais encore me faire engueuler pour usage de vocabulaire perverti :-), est paru en 2004, réédité en 2010 aux éditions Arléa. Michael Ferrier a aussi publié en 2012 le remarqué «Fukushima, récit d’un désastre», dans ma pile à lire.



Après l’introduction – un départ vers Tokyo, à l’aube bien sûr -, ces quatre nouvelles nous conduisent dans les revers de la ville nippone, au gré de ses pulsations. Le narrateur, guidé par ses amis japonais, déchiffre la syntaxe de Tokyo, en particulier entre crépuscule et aube, décrivant les endroits ou les gens que l’on rencontre dans les interstices de la ville : une femme rendue folle par sa compréhension intime du Japon, et son impossibilité à la faire partager ; les nuits avec Yo, le linguiste le plus célèbre de Tokyo, animal nocturne qui lui fait découvrir une ville souterraine inattendue, scientifique, agricole ; l’immense agitation, la féerie nocturne puis la rencontre d’un bloc de silence, un maître en calligraphie, trésor national vivant.



Des souvenirs remontent, la résolution des incompréhensions linguistiques par le saké, ou une nuit dans un bar minuscule sous la voie ferrée.

J’aimerais revoir l’aube à Tokyo en compagnie de Michaël Ferrier.



«Les fantômes de Kwaidan et de Kurosawa tournoyaient dans la pièce au-dessus de ses cheveux, les ombres noires des marionnettes et du folklore, les masques rouges du nô. Depuis qu’elle était venue dans cette ville – connaissance par les gouffres – elle avait été happée par sa tonalité particulière, cette qualité de noir, cette couleur si spécifique de bitume calfeutré. Maintenant, la capitale de l’ombre la broyait sans retour : issues de son délire dans un étrange assemblage de mangas et d’estampes, munies d’antennes et de mandibules, coiffées de casques cybernétiques prolongés de tentacules métalliques, toutes les bêtes de Tokyo venaient lui manger la cervelle. Elle affirmait qu’elle se voyait vivante dans ce célèbre tableau d’Hokusai où un poulpe géant violente une jeune femme sur le tatami. Ce n’était plus qu’un corps aveugle, aux prises avec l’éclatement, la dispersion.»

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Fukushima : Récit d'un désastre

Tout simplement bouleversant, une écriture magnifique qui rend le désastre plus palpable encore que des images vues et revues à la TV.
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Fukushima : Récit d'un désastre

En exergue:

"Ainsi nous traversâmes l'affreux mélange de pluies et d'ombres,

En marchant à pas lents, et touchant un peu la vie future"

Dante (Enfer )



C'est avec un Chinois, Zhang Heng, que débute et se clôt le récit. Il a inventé en 132 après J-C le premier appareil à détecter les tremblements de terre, un vase sismographe qui fut enterré avec lui, exhumé un peu plus tard lors d'une invasion mongole et détruit. Cet homme, parait-il ( Michael Ferrier a traduit en japonais une de ses biographies chinoises) se levait encore quelques heures avant sa mort pour aller interroger la nuit en contemplant ses milliers d'étoiles.



Donc, ce vendredi 11 mars 2011 , M. Ferrier et sa compagne June, un personnage très lumineux, se trouvaient à Tokyo quand est survenu ce tremblement de terre , puis tsunami et catastrophe atomique dont nous avons tous été abreuvés d'images et de commentaires de toute sorte. Très vite, il va penser à écrire. Enfin, au début, il a surtout pensé aux consignes , mettez vous sous une table. Et attendez.. Et voyez votre bibliothèque se disperser dans la pièce:

"Mais c'est aux arêtes de votre bibliothèque que le séisme atteint son paroxysme…un à un, ou par groupes , par paquets, les livres sont précipités vers la terre , et les phrases à l'intérieur des livres, et les lettres dans les mots, phonèmes, syllabes, syntagmes, segments de sons par saccades. Grammaire perdue , syntaxe suspendue, c'est tout l'ordre du monde qui est en train de se défaire, paragraphe par paragraphe, verset par verset, alinéa par alinéa. Toute la poésie française se casse la gueule. Seul Baudelaire résiste, là-haut, tout là-haut, pour je ne sais quelle raison, éternel récalcitrant."



Dans les Annales des trois règnes , une des six grandes chroniques officielles de l'Empire du Japon, compilée en 901, le chroniqueur écrit sur le tremblement de terre de 868 du 8 au 29 juillet , tous les jours:" Nawi furi-ki, la terre tremble."

Là, c'est la même chose avec ces répliques incessantes . Et Michaël Ferrier, , chroniqueur de 2011 écrit:

"J'aime la disposition sur la page de ce texte qui tremble. A un moment, il n'y a plus rien d'autre à dire: la terre tremble. Elle tremble encore. Et nous dessus. Bientôt dessous peut être. Nawi furi-ki donc, comme on dit en vieux japonais. Mais en même temps, l'écriture devient un moyen de saisir le phénomène et, sinon de lui assigner une place, du moins de comprendre son rythme, pour remporter sur lui une victoire d'autant plus précieuse qu'elle est précaire et provisoire."



Ecrire, oui, mais écrire comment?

Le choix va s'imposer en constatant par lui-même l'ampleur de la catastrophe dans les régions dévastées par le tsunami:

"Le désir de dire, le souci impérieux de porter témoignage, se trouve immédiatement confronté à toute une série de réticences et de résistances, née de la disproportion entre ce que les gens ont vécu et le récit qu'il est possible-ou impossible- d'en faire. A peine commence-t-on à raconter qu'on suffoque: nous avons affaire à l'une de ces réalités qui font dire qu'elles dépassent l'entendement ou l'imagination. Je songe à Robert Antelme, au tout début de L'espèce humaine, quand il évoque le sentiment de l'insuffisance ou de l'inutilité du langage pour ces hommes qui ont vu " ce que les hommes ne doivent pas voir" ".

C'est en arrivant à Matsushima et en constatant que les nombreuses petites îles en face de cette ville ont protégé cette ville en empêchant le tsunami de la frapper frontalement , qu'il a la réponse à la question :

"Ecrire, donc, par îlots ou par estuaires, par petites notes déferlantes, pointues, blanches ou noires, tout à la fois sauvages et soignées."

Des notes.. comme Kenzaburō Ōe dans les Notes d'Hiroshima, dont Ferrier parle ainsi:

"Petite tactique subreptice , aux interstices, d'une écriture éclatée, semi-improvisée, ancrée dans le réel. Notes de lectures, notes de voyages, souvenirs et même notes de musique s'agencent, s'entremêlent , procédant alternativement par juxtaposition, croisements ou superpositions sans jamais perdre de vue la progression de l'ensemble: le mélange des genres qu'elles permettent, et même qu'elles appellent irrésistiblement, fait que l'on pourrait presque y discerner , par éclats, le mouvement même de la vie; Ce faisant,Ōe crée un genre où la poésie, l'écrit personnel et l'essai se retrouvent inclus dans une même forme, vaste et ténue à la fois Un roman? Pourquoi pas.

Le mot nôto , par lequel Ōe choisit d'intituler son livre, a en japonais deux significations presque contradictoires; il désigne d'une part une notation prise sur le vif, fragmentaire et rapide, et d'autre part le cahier qui les contient et les regroupe, leur donnant au bout du compte une cohérence énigmatique. Comme un carnet, donc: quelque chose s'ouvre, se déploie, se replie. Au lecteur maintenant de savoir ce qu'il veut en faire."



Avec ses notes si travaillées sur le plan littéraire, notes dans lesquelles, en ce qui concerne le nucléaire-il le dit lui même dans un entretien , il ne dénonce pas, nul besoin, il se contente d'énoncer, ça suffit, Michael Ferrier a construit un livre très beau et très fort.







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Le goût de Tokyo

Quelle bonne (très bonne) surprise que ce petit ouvrage qu'on avait retenu sans même trop savoir de quoi il retournait, croyant peut-être à un recueil de nouvelles ?

Pas du tout : Le goût de Tokyo est un petit opuscule d'une centaine de pages à mi-chemin entre le florilège et le guide de voyages.

Une trentaine de textes très courts (2 ou 3 pages) sélectionnés et présentés avec beaucoup de justesse et de finesse par Michaël Ferrier et accompagnés d'une petite introduction et d'une courte analyse.

Michaël Ferrier a également la bonne idée d'agrémenter les textes d'adresses, de sites, de temples, ... tous lieux qui viennent judicieusement "illustrer" les propos.

Que du bonheur : plaisir de la lecture et intelligence des textes.

En fait c'est bien simple, à peine ce petit recueil refermé, on n'a qu'une seule envie : se précipiter sur un site de voyage et trouver un avion au plus tôt pour découvrir ou re-découvrir cette étrange ville qu'est Tokyo.

... et lire ou re-lire les bouquins dont sont extraits les petits textes !

On y croise les auteurs les plus célèbres et les plus divers.

Y sont épinglés, le racisme arrogant de Pierre Loti :



[...] Comme nous sommes loin de ce peuple japonais, comme nous sommes de race dissemblable !



ou encore la suffisance stéréotypée de Marguerite Yourcenar :



[...] Onze millions de robots impressionnent toujours ...



Heureusement d'autres auteurs portent des analyses plus fines sur le Japon et les Japonais en général, et Tokyo en particulier.
Lien : http://bmr-mam.blogspot.fr/2..
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Sympathie pour le fantôme

Michaël, le narrateur, professeur d’université , animateur d' une chronique dans une émission culturelle sur la France à la TV japonaise, alors que l’université se passionne pour un colloque, doit faire une émission spéciale pour la TV. Un même sujet occupe les esprits, attise les convoitises, et met en évidence les narcisses : l’Histoire de France et l’identité française. Lui choisit de présenter et de mettre an avant 3 personnages atypiques depuis quelques siècles (un vendeur art., une prostituée métisse, maîtresse de Beaudelaire, et un esclave inventeur). Outre la forme particulière, l'écriture est poétique, humoristique et ce roman se moque gentiment de la société actuelle et du milieu des universitaires. Très drôle.....
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Fukushima : Récit d'un désastre

Extrêmement documenté, cet ouvrage qui rentre immédiatement au coeur des événements, retrace la chronologie du tremblement de terre et du tsunami vus à hauteur d'homme. Avant d'aborder la catastrophe nucléaire à travers des témoignages glanés patiemment.

C'est à la fois effarant et instructif.

La dernière partie propose une réflexion sur nos sociétés apathiques devant les dangers qui les menacent, apathie qui se transforme en complicité muette des décisions malsaines prises par nos dirigeants.

A lire absolument.
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Mémoires d'outre-mer

Michaël Ferrier parti à Madagascar à la recherche du passé de son grand-père Maxime qui y émigra, retrouve sa tombe et deux autres tombes qu'il a fait construire, dont celle de son ami chinois Arthur...Qui occupe donc la troisième restée anonyme et que signifie l'étrange épigraphe sur la tombe de Maxime : "pourvu qu'elle soit vivante et non anéantie".....?

Il découvre, au hasard de rencontres et de lectures, que son grand-père était un homme qui connut une vie passionnée dans cette ile de Madagascar, successivement artiste de cirque, "Maxime et tous ses saltimbanques sont donc des demi-dieux tout autant que des malandrins, quel beau mot entre le marin et le mandarin. Pendant trois ans, ils vont régaler les habitants de la région de leurs acrobaties et de leurs facéties magnétiques" mais aussi pêcheur en mer, professeur de boxe et gestionnaire de salle de sport, commerçant, ...une vie bien remplie et riche. Une découverte du passé de son grand-père qui lui permet, et à nous lecteurs également, de découvrir la petite et la grande histoire de cette île de l'Océan Indien, vie d'une colonie, et attitudes de ses petits et grands colons, mais aussi de tous les colons des colonies françaises.... sous la tutelle de la Métropole..Racisme, immigration, rien de nouveau sous le soleil.

Au détour de nombreuses pages on découvre des anecdotes de la grande et de la petite histoire ...la mémoire plus ou moins glorieuse, plus ou moins avouable de la France coloniale du XXème siècle, donnant un intérêt certain à cet ouvrage...épidémie de peste, régime de Vichy qui envisageait de déporter les juifs à Madagascar, résistance dans les colonies...Ces derniers points semblent à la lecture de la 4ème de couverture constituer l'essentiel de l'ouvrage...ne vous y fiez pas...encore une 4ème de couverture accrocheuse. Vous y découvrirez peut-être, comme moi, un petit film d'Hitchcock

Si le contenu m'a séduit, j'ai été cependant moins sensible et parfois lassé par l'emphase de certaines descriptions, par cette recherche à tout prix de grandiloquence de quelques pages qui n'apportent rien au récit....une envie de lecture en diagonale...Dommage

Une découverte malgré tout à ne pas négliger


Lien : https://mesbelleslectures.wo..
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Fukushima : Récit d'un désastre

Ne pas se fier au bandeau racoleur. Ce livre est une description haletante, précise, documentée et vivante du séisme, puis du tsunami et de leurs conséquences, enfin dans le dernier tiers de l'ouvrage est abordée la tragédie du cauchemar nucléaire et sa totale incontrôlabilité. Par un récit d'une grande force lyrique, poétique qui fait référence à la sagesse d'un savant des temps anciens, aux films d'Imamura ou Kurosawa ou aux textes prémonitoires, aux poèmes de grands auteurs de différentes époques, il démontre que notre société n'est pas plus avancée qu'au début de notre ère, qu'elle persévère dans l'aveuglement, le déni et le mensonge et considère l'individu comme négligeable.

Il restitue la sonorité musicale du séisme et de la multitude de ses répliques, les images qui vont hanter les rescapés, les maladies dues à la déshydratation, les chagrins insurmontables. Puis peu à peu, des surgissements de vie, de lumière, de générosité, des résistances face au cynisme des dirigeants et à la désinformation. Il a vécu en direct le chaos, apporté son aide aux sinistrés, interrogé les survivants, les liquidateurs, pour essayer de rétablir une réalité et une vérité différente du discours officiel et du foisonnement d'images rendu par les médias.

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