La catastrophe de Fukushima est un événement qu'on a suivi il y a deux ans à travers les actualités. Et puis, on est passé à autre chose, guerre, crise, élections, etc. Et puis, c'est loin, le Japon. Et pourtant, il suffit de taper Fukushima dans Google pour voir que ça continue et que c'est flippant.
Il fallait un écrivain pour que je prenne conscience de la réalité du désastre. C'est le 11 mars 2011 que ça commence. Michaël Ferrier, universitaire français enseignant au Japon, est avec sa compagne, Jun. Il décrit sur plusieurs pages les deux minutes du tremblement de terre (vertical, les plus terribles.) sur un ton presque fantaisiste (sarabande des livres qui tombent).
Ensuite, les événements se sont enchaînés à une cadence folle, «... telle qu'aucun scénariste de film catastrophe n'aurait pu l'imaginer: tremblement de terre de magnitude 9, tsunami sur une centrale nucléaire, fonte des coeurs, explosions dévastatrices dont au moins une a propulsé à près de quinze mètres de hauteur des blocs de béton conçus pour résister au feu nucléaire....»
Un temps, Michaël Ferrier et Jun se réfugient à Kyoto ( La ville est l'une des plus belle du monde, avec ses temples à chaque coin de rue), il font l'amour (l'immense trépidation qui s'est emparée du monde a sa charge mortelle, mais aussi une vertu érotique.) Dans un Japon soumis aux répliques, aux économies d'énergie, nous voyons une métropole dont tous les écrans sont éteints...Il y a pénurie, comme en temps de guerre. Les 7 produits les plus demandés dans l'ordre: le papier toilette, les bouteilles d'eau minérale, les nouilles instantanées , les piles électriques , le nattô (soja fermenté) , l'essence , les produits laitiers ...
Puis le couple part dans les régions sinistrées dans une camionnette de location remplie de vivres et de médicaments. Et c'est là que l'écriture est essentielle, plus forte que toutes les images, toutes les vidéos. La description par les mots, par les métaphores nous rapproche du réel. Il décrit le paysage dévasté, l'odeur, le son du vent qui est étrange car l'air n'est plus arrêté par rien. Il fait revivre le tsunami car il a interrogé nombre de survivants, l'hésitation des habitants quand ils voient l'énorme masse d'eau arriver. Il le personnalise (le monstre, le flot de la peur ). Il note que le mot "hallucinant" reprend tout son sens, car ce qu'il voit est irréel.
Il s'y ajoute l'accident nucléaire. Il se rend dans la zone interdite, dans les nouvelles villes fantômes du Japon. Il interroge un liquidateur qui lui décrit le réacteur. Voici un témoignage sobre et puissant pour nous montrer ce qui s'est passé là-bas, à l'autre bout du monde. Et nous préparer à ce qui peut se passer ici. Nous sommes prévenus. Quand la catastrophe se déclenche, les forces en jeu sont tellement immenses que les moyens humains paraissent dérisoires.
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