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Citations de Michel Butor (408)


Dimanche 30 août. Il ne me reste plus dans cet effondrement que ce dérisoire amoncellement de phrases vaines, semblables aux ruines d'un édifice inachevé, en partie cause de ma perte, incapable de me servir de refuge contre la torrentielle pluie sulfureuse, contre l'inondation de ces eaux bitumeuses au clapotement vrombissant, contre le perpétuel assaut de ce ricanement grondant qui se propage de maison en maison jusqu'aux papiers peints de ma chambre.
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L'écrivain n'a pas en général d'abord des personnages , et ensuite des structures narratives . Il met au point peu à peu des structures narratives , et c'est l'évolution de celles - ci qui commande l'apparition des personnages .
En particulier un personnage romanesque est constitué par des façons de parler . Le grand romancier est celui qui est capable de donner une voix à ses personnages , qui est capable de faire reconnaitre leur timbre , leur façon de parler .
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"Lorsqu'on étudie la poésie classique française ou autre , on est immédiatement confronté aux problémes de la versifcation et de ses régles .
À quoi servent - elles ? Premiérement à rendre la poésie plus facile à apprendre . Elles ont une valeur musicale qui permet non seulement une incantation dans despratiques de sorcellerie ou de religion , mais aussi d'apprendre beaucoup plus facilement un texte . "
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Une Oldsmobile blanche, conduite par un jeune Blanc très brun en chemise ananas à poids café (55 miles), « combien de temps faut-il encore ? deux heures ? » – Les monts de l’Indien-Mort et Chapeau-Chinois.

La neige éclatante .

SPRINGFIELD… Et trois heures à

SPRINGFIELD, temps de montagnes, sur la pleine déserte de la rivière du Serpent, près des champs de lave,…

déjà quatre heures à

SPRINGFIELD, temps central, où vous pourrez demander, dans le restaurant Howard Johnson, s’ils ont de la glace au cassis.
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Le livre que Montaigne veut faire, et qui deviendra le premier des Essais, doit être entre autres choses un monument à La Boétie, son tombeau. Les livres dont il voit les dos sont en bonne partie ceux de son ami. Il habite ainsi son esprit.
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programme que j'ai suivi je ne sais combien de soirs sans autres résultat, rôdant à la surface de la ville comme une mouche sur un rideau, que de commencer à me familiariser avec son réseau compliqué de transports, avec les noeuds majeurs des canaux de sa terne lymphe, bière étendue d'eaux de lavage, de sa lasse foule somnambule aux corps de boue blanchâtre ou lilas, de telle sorte que, peu à peu, ma malchance m'a paru l'effet d'une volonté mauvaise, toutes ces propositions des mensonges, et qu'il m'a fallu de plus en plus lutter contre l'impression que mes démarches étaient condamnées d'avance, que je tournais autour d'un mur, mystifié par des portes en trompe-l'oeil ou des personnages en trompe-l'oeil.
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De plus en plus souvent, l'épaisseur des broussailles l'empêchait de voir le cygne céleste, mais chacun des pas ou des battements d'ailes de celui-ci déposait une flaque lumineuse qui permettait au loup non seulement de se désaltérer, mais de se voir et de se réconcilier peu à peu avec son apparence.
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Ce doit être de la neige qui tombe sur la mer grésillante.
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In Memoriam Paule Thévenin *
extrait 3
  
  
  
  
Impossible donc de penser
à lui sans penser aussitôt
à vous sa fille d’élection
à vous sans que ce grand fantôme
se dresse en agitant ses chaînes
éclairant de son rougeoiement
le château d’incarcération
qu’il promenait autour de lui

Nietzsche disait philosopher
à coups de marteau oui mais quand
on vous a privé de marteau
que reste-t-il pour éviter
de se casser la pauvre tête
contre les murs de la prison
quand les bourreaux qui vous possèdent
s’extériorisent en espions

Comme la langue fait défaut
tous les mots se révélant traîtres
on frappe désespérément
aux portes de la surdité
qui se durcissent s’épaississent
se couvrent de clous et tranchants
si bien qu’on a les mains en sang
dans le vertige du refus

Seigneur que j’aurais bien voulu
révérer comme mes parents
et professeurs me l’enseignaient
si vous existez dites-moi
comment avez-vous pu créer
vous qu’on déclarait tout-puissant
un monde où la souffrance est telle
et moi dans un tel désarroi



* PauleThévenin est l’éditrice des œuvres compètes (en 28 volumes) d’Antonin Artaud (Editions Gallimard)
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Quant à vous, dans l'immobilité soudain totale, vous retournez entre vos doigts ce livre que vous n'avez pas lu, mais par la présence duquel commence à s'imposer si fortement à vous un autre livre que vous imaginez, ce livre dont vous désireriez tant qu'il fût pour vous, dans les circonstances présentes, ce guide bleu des égarés à la quête duquel court, nage et se faufile ce personnage embryonnaire qui se débat dans un sous-paysage encore mal-formé, reste silencieux devant le douanier Janus dont le double visage est surmonté d'une couronne de corbeaux, chacune de leur plume noire bordée d'un liseré de flammes, qui s'élargit de telle sorte que toutes leurs ailes bientôt sont en flammes, puis tout leur corps, puis leur bec et leurs pattes semblables à du métal chauffé à blanc, seuls leurs yeux demeurant comme des perles noires froides au milieu de cet embrasement.
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LE LAC DES ORAGES



Quelque bleu que soit le ciel
chaque jour au crépuscule
les nuages vont s’amassant
en une tour qui dépasse
les sommets les plus aigus
pour s’effondrer en tonnerre
dans l’éclair d’une émeraude
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Vous l'aviez reconquise; tout semblait s'être effacé.
Jamais vous n'en avez reparlé, et c'est à cause de ce silence que maintenant la blessure est inguérissable, à cause de cette fausse cicatrisation prématurée qu'une gangrène s'est développée dans cette plaie intérieure qui suppure si fort, maintenant que les circonstances de ce voyage, ses heurts, ses mouvements, ses aspérités l'ont écorchée.
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Paysages planétaires
(11-16)



14
(LABRA D’OR)

Le blizzard vient fustiger
le village des igloos
où les caribous s’endorment
sous une vague de neige
les chiens tirent les traîneaux
jusqu’aux ports de la banquise
où fument les cheminées
des fabricants de conserves

     Le vent file sur la banquise en soulevant des tourbillons de neige fine et soudain des blocs se détachent et tombent dans des chenaux en éclaboussant. Les hommes remontent leurs kayaks et organisent leurs campements autour de grosses lampes à huile de phoque, taillées dans la pierre tendre.

Toutes les peaux nettoyées
sous une vague de neige
les loups hurlant sous la lune
jusqu’aux ports de la banquise
en quittant les entrepôts
des fabricants de conserves
le trappeur vient visiter
le village des igloos

     Ils s’installent très loin les uns des autres, de telle sorte qu’ils n’aperçoivent leurs lueurs que d’horizon à horizon, juste pour garder le contact. Une jeune anthropologue courageuse dans ses fourrures dispose ses appareils pour enregistrer les improvisations qui aident à passer la longue nuit.

Les chiens tirent les traîneaux
jusqu’aux faubourgs des cités
où fument les cheminées
des trafiquants de fourrures
le blizzard vient fustiger
la cabane de rondins
où les caribous s’endorment
dans la lumière des flammes

     Dans les bras du fleuve difficile à repérer sous la blancheur, un brise-glace laboure son passage. Parvenu dans une espèce de lac assez bien dégagé, l’équipage arrête les machines pour quelques heures de détente et beuveries bien au chaud, puis dormir un peu.

En quittant les entrepôts
des trafiquants de fourrures
le trappeur vient visiter
la cabane de rondins
toutes les peaux nettoyées
dans la lumière des flammes
les loups hurlant sous la lune
jusqu’aux faubourgs des cités
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I - la couleur des yeux



extrait 3

        C’est de l’autre côté de ces yeux dans lesquels il
avait si passionnément plongé (amoureusement, hai-
neusement, fidèlement, curieusement), qu’il la décou-
vrait en train d’apparaître en son œuvre, comme
l’alchimiste penché sur son athanor, qu’il s’émer-
veillait de son émergence, toute neuve, unique so-
lution d’une équation dont les termes étaient tout
ce qu’il connaissait de l’homme et ce qu’il avait dé-
jà peint.


p.18
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PÉNÉTRATION
pour Gregory Masurovsky


Le cap s'enfonce à gauche dans le lac transparent
où nous plongerions délicieusement
si nous pouvions nous arrêter véritablement
et non seulement dans cette suspension de l'instant
que nous procure la gravure
Le temps d'une respiration
et l'automotrice nous aura transportés
bruyamment de l'autre côté
de cette porte rocheuse
semblable à celle des enfers

Alors nous découvrirons quoi?
vignes ou forêts moissons
ou désolations vergers ou inondations
village faubourg les tours d'une ville
ou d'une forteresse ou leurs ruines?

Les cheminées d'une usine d'antan
les grues d'un port une autre porte
derricks autoroutes aéroports
montagnes mer solitudes
ou déjà la nuit?

Comme il n'y a qu'une seule voie
nous savons déjà
le temps d'une respiration
qu'il n'y aura pas de retour
avant la prochaine éternité

Et ce paysage qui nous faisait signe
comme la promesse d'une autre vie
nous nous demanderons bientôt
si nous l'avions jamais entrevu
avant de l'oublier dans l'envahissement
par les broussailles du quotidien
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Paysages planétaires
(6 - 10)



10
(MONGOLIE TROPICALE)

extrait 4

L’installation des cabanes
les murmures de la nuit
sur les rives des marais
les étendards des roseaux
dans le froissement des feuilles
le feulement des panthères
l’envol des oiseaux moqueurs
le clapotis des rivages
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PORTRAIT D'UN AUTOPORTRAIT

in memoriam Vincent Van Gogh

La main à plume s'interpose
entre la brosse et la toile
comme la peinture et ses empâtements
entre l'encre et le papier
Le jardin de Daubigny
avant-plan d'herbe verte et rose
à gauche un buisson vert et lilas
et une souche de plante à feuillage blanchâtre

A l'intérieur de l'oeil dans le miroir
pénètre un autre oeil avec un autre temps
retournant les spirales vertigineuses des cyprès
entre les nuages de l'enfance
et l'huile des Soleils déchiquetés

Comme vous le dites justement
il est très nécessaire pour la santé
de travailler au jardin
de voir les fleurs pousser

Il n'existe pas d'autoportrait de la période d'Auvers
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Michel Butor
"J’écris parce que le langage est, disons, un des aspects les plus essentiels de notre humanité.
Tout nous vient - non pas tout, mais presque tout nous vient - par l’intermédiaire du langage. C’est pourquoi je pense que la solution de beaucoup de nos difficultés est dans le travail sur le langage."
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Michel Butor
"J’agite mes mots dans mes paragraphes comme un pinceau dans un godet. J’ai mis en branle autour de ces images une agitation irradiante, et chacune appelle ses voisines à l’aide pour retrouver mieux leur énergie commune."
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« votre vie qui est en train de s’accomplir, de se dérouler implacablement sans qu’y soit pour rien votre volonté, cette métamorphose obscure dont, vous le sentez bien, vous ne percevez qu’une minime zone, dont les tenants et aboutissants vous demeurent en grande partie inconnus et sur lesquels il vous serait si nécessaire de projeter quelque lueur, les plus dures études, la plus minutieuse patience n’étant certes point trop payer pour faire reculer un tant soit peu l’ombre, pour vous donner un tant soit peu plus de prise et de liberté sur ce déterminisme qui pour l’instant vous broie dans la nuit, ce grand labeur qui se poursuit en vous, détruisant peu à peu votre personnage, ce changement d’éclairage et de perspective, cette rotation des faits et des significations, issue de votre fatigue et des circonstances, issue de cette décision que vous imaginiez vous appartenir, de votre situation dans l’espace des conduites humaines, et se traduisant en fatigue qui est comme son bruit et son halètement, et vous enduisant de cette sueur presque sèche qui fait coller votre linge à votre peau, vous creusant de cette espèce de vertige, de ce désarroi de votre système digestif et respiratoire, de ce malaise, de cette faiblesse soudaine, de cette titubation qui vous fait vous tenir au chambranle, de cet appesantissement de vos paupières et de votre tête qui vous fait non pas vous asseoir à proprement parler mais vous effondrer à votre place sans même avoir pris la peine d’en retirer le livre que vous y aviez laissé et que vous sortez de sous vos cuisses péniblement, vous appuyant au coin, allongeant vos jambes entre celles du vieil Italien en face de vous, le seul qui ait peut-être les yeux ouverts, vous ne pouvez pas le savoir derrière ses lunettes rondes qui brillent au milieu de la pénombre bleue, repliant votre menton sur votre col et le caressant de votre main pour sentir toute cette barbe qui y est poussée depuis ce matin, »
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