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EAN : 9782070725304
546 pages
Gallimard (23/01/1992)
4.31/5   8 notes
Résumé :
« Respirez l'air de 50 États !
De ville en ville, de frontière en frontière, de la côte Atlantique à la côte Pacifique !
Des centaines de fleuves, des centaines d'oiseaux, des centaines de voix !
Les Européens, les Noirs, les Indiens !
Vivez aujourd'hui avec votre famille la rigolade, l'aventure, le drame du passé, du présent et du futur de l'Amérique ! [...]
Mobile !
Une orgie de surprise et de frissons ! ».
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
C'est avant tout un immense abécédaire, large comme un continent, qu'on ne traverse ni d'est en ouest ni de haut en bas mais de A à Z.

Il faut bien apprendre à lire les ÉU.

Il y a les interminables routes sur lesquelles roulent d'interminables automobiles, d'incroyables bagnoles - où vont-elles toutes ? - quand arriveront elles ?
Il y a les trains en partance, les chemins de fer qui sillonnent le pays, le tracent et le transcendent.
Il y a les annonces à la radio, les magazines, les catalogues illustrés…
Il y a les recettes venues du monde entier à votre table.
Il y a Howard Johnson et, dans chaque ville, ces bars laitiers où commander une crème glacée au parfum inattendu.
Il y a les fuseaux horaires, les décalages horaires, le temps qui reste avant d'arriver, hâtons-nous !
Il y a les rivières, les lacs, le réseau hydraulique qui franchit/ déchire les frontières.
Il y a les peuples, les premières nations et leurs longues marches à travers l'espace et le temps.
il y a les oiseaux qui survolent les frontières, il y a tous les oiseaux du continent assemblés dans ce bestiaire.
Il y a les noms de lieux qui se répètent, se disséminent sur tout le territoire, se répondent .
Il y a un pays et tant de couleurs, tant de mots qui nous sont chuchotés ou criés à tue-tête.

À quoi ressemblera la poésie de demain ? Sinon à un grand mobile pendu au plafond du langage ?
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Selon Michel Butor, les Etats-Unis sont à la fois le lieu d'une nature magnifique et celui d'une construction politique problématique. Alors pour rendre compte d'un territoire fascinant, d'un espace de rencontres interethniques (Amérindiens, Européens et Africains) et de l'émergence d'un système politique basé sur une pluralité de discours, Butor invente ce récit de voyage en forme d'agencements incomplets : Mobile (1962).

Si l'on en croit les multiples parcours auxquels ces agencements nous invitent, on peut déceler l'idée que l'idéologie politique qui fonde le modèle américain est à trouver dans les idéaux des Lumières, mais que ces idéaux sont constamment obscurcis par des tendances tout aussi fortes au rejet de l'autre, au dogmatisme et au sectarisme.

Bienvenue au Kansas

Le chapitre (si l'on peut parler de chapitre) qui commence par « BIENVENUE AU KANSAS » (p.104), décline de plusieurs manières le thème de la couleur noire, celui de la religion et celui des Indiens. Cela commence par des phrases sans connexion et sans explication : « Même quand ils n'ont pas l'air noir, ils sont noirs… Ils sont encore plus noirs que le noir » (p.104). Ce noir se révèle être celui des hommes d'église chrétiens (« Leurs pasteurs noirs à Bible noire… Leurs prêtres noirs à soutane noire »), et le narrateur de ces phrases est essentiellement mobile, car tantôt extérieur (leurs pasteurs), tantôt intérieur à la religion, renversant alors la perception colorée des mêmes phénomènes (Notre religion si blanche).

Le thème du noir fait écho à la mention constante de la nuit : « Les bois la nuit… Les lacs la nuit… La nuit sur toutes les églises » (pp.109-112), et à l'importation d'esclaves venus d'Afrique, esclaves qui servent d' « écran noir » entre les Européens et les Indiens. Dans le chapitre, d'autres couleurs apparaissent timidement, mais le noir s'impose comme une obsession : « Les couleurs ont commencé à fleurir sur leurs chemises, mais le mot couleur s'était mis à vouloir dire noir » (p.112). Cet usage mélodique du mot « noir », résonnant dans celui de « nuit », réapparaît quelques pages plus loin avec des extraits d'un grand classique américain de la pensée politique, Notes sur l'Etat de Virginie (1781) de Thomas Jefferson.

Jefferson, sa maison et les hommes noirs

La question qui se pose alors à l'écrivain voyageur est de savoir quelle attitude adopter vis-à-vis de la question raciale en Amérique. L'équilibre à sauvegarder est celui qui esquive l'écueil du jugement de valeur ou de la discussion politique, qui transformerait le récit en essai, et qui évite en même temps le relativisme absolu qui justifierait toutes les idéologies. Butor tranche cette question en faisant jouer ces agencements et, par le jeu des pièces du mobile qui se retrouvent contigües à d'autres pièces très éloignées, il met la pensée de Jefferson en présence de la couleur noire, elle-même en résonnance avec le thème de l'architecture. Pour ce travail de collage mouvant, Butor (et le lecteur, tout autant) fait preuve de patience et de construction méthodique : Jefferson est d'abord introduit au début de Mobile par une citation de la Déclaration d'Indépendance dont Jefferson est l'auteur : « … Nous tenons pour évidentes ces vérités : que tous les hommes ont été créés égaux… », puis en la faisant suivre d'une citation célèbre sur la nécessité d'exclure les Noirs d'Amérique, pour éviter les conflits qui, d'après Jefferson, « ne se termineraient que dans l'extermination de l'une des deux races… » (p.43).

A strictement parler, les deux propositions ne sont pas contradictoires ; il est possible de stipuler l'égalité des hommes et la déportation d'une partie d'entre eux, même si l'idée est choquante. Mais c'est dans la réapparition de Jefferson au centre de Mobile que l'ironie du collage de Butor prend tout son sens. Après avoir traité de la couleur noire, les détails apportés par Jefferson sur l'infériorité naturelle des hommes noirs créent un sentiment de malaise, non seulement à cause du racisme de l'idée, mais à cause de la contamination par le racisme de l'ensemble de l'idéologie des pères fondateurs des Etats-Unis. Homme des Lumières, présenté comme tel, instruit et humaniste, le troisième président des Etats-Unis est montré comme prenant un soin égal à parler d'architecture pour sa maison de Monticello qu'à distinguer entre les races humaines leurs mérites respectifs. le rapprochement entre les deux types de discours crée un sentiment de scandale intellectuel qui mène à penser que ce sont les idéaux des Lumières eux-mêmes qui sont contaminés, par contigüité et capillarité, par une forme de racisme transcendantal. Butor rejoint par là les travaux des sciences sociales des années 60, qui avaient introduit le soupçon dans l'idéal humaniste européen, et avaient repéré l'idéologie technocratique et hégémonique derrière les idéaux démocratiques et républicains.

C'est à la fin de Mobile que les différents éléments évoqués ici, la couleur noire, les hommes venus d'Afrique, les travaux intellectuels de Jefferson, l'architecture de Monticello, se nouent et forment un tableau ouvert à toutes les interprétations :

« Thomas Jefferson,

à Monticello, fit installer les logements de ses esclaves sous la terrasse du Sud, de telle sorte que leurs allées et venues ne gênassent point les regards. » (Mobile, p.314)

En une seule phrase, et sans prononcer le moindre jugement, Butor ramasse l'ignominie de la culture occidentale, incarnée dans l'utopie américaine, et exprimée dans le raffinement urbanistique qui symbolise la bonne conscience bourgeoise : organiser la disparition des pauvres en les soustrayant à la vue, par une construction complexe, fruit d'une longue éducation. Il est inutile de souligner, par une voix supplémentaire, la collaboration effective entre arts libéraux, logements sociaux et idéologie raciste que l'on peut lire dans ce passage. Butor a trouvé l'équilibre entre différents fragments apparemment incompatibles. Cet équilibre est celui de la contigüité passagère, furtive et presque imperceptible – ce développement sur Jefferson et la question raciale n'a pas été relevé par les critiques que j'ai lus sur Mobile de Butor, car aucune thématique de ce livre ne s'impose comme étant incontournable.
Lien : https://gthouroude.com/2011/..
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"Regardez les américains, vivez avec les américains, roulez dans leurs voitures, survolez leurs aérodromes, déchiffrez leurs enseignes lumineuses, flânez dans leurs grands magasins, plongez-vous dans leurs immenses catalogues, étudiez leurs prospectus, arpentez leurs rues, dormez sur leurs plages, rêvez dans leurs lits !
Mobile !
Une orgie de surprises et de frissons !"

Moins de 350 pages pour parcourir tous les Etats, la polyphonie utilisée par Michel Butor dans cette "Etude pour une représentation des Etats-Unis" nous entraîne dans mille lieux pour des rencontres surprenantes.
Un voyage dans tous les sens du terme
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Sunoco,-les lacs de la Ravine, Grandiose et Vert.
L'image de la lune.
- la Danse des Pléiades,

CLINTON, Roc.

- la Danse des Ratons Laveurs,

La nuit sur les réserves.

- la Danse de la Guerre,

La rivière de la Mauvaise-Hache, affluent du père des fleuves.
L'apparition des premières étoiles.
- la Danse du Pow Wow,
CLINTON.
- la Danse du Broiement du Mais,

Le bleu du ciel qui s'approche du noir.

- la fameuse Danse des Dons,

MONTICELLO.

- «Chant d'Amour indien»,

MONTICELLO, Etat du chardonneret oriental.

- Cérémonie auprès d'un Chef à P Agonie!... »

Ah, dès les premiers débarqués, comme ils attendaient la révolte!..

Le lac de l'Épervier-Noir,- ou le costume de Maître-de-la-Lune: « l'homme
de demain. Toute d'une pièce, satin de rayonne jaune avec dessins stencilés rouge,noir et gris, capuchon et masque spatial en plastique ».
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LEBANON.

Ainsi ils nous ont servi à nous masquer ces yeux indiens, le regard indien, le scandale indien. Entre cette terre qui nous disait : non, vous n'êtes pas en Europe, et nous qui voulions que ce füt l'Europe, nous avons étendu cet écran noir...
Leurs prêtres noirs à soutane noire.
Le lac Taneycomo.
LEBANON.
La nuit sur Chicago.
Les trains qui s'en vont à Baltimore.
Les trains qui viennent de Wichita.
Chez Paul, canard rôti.
Le lac Carlinville.
LEBANON.
Les bois la nuit.
Le lac de la Fleur-de-Haricot.
LEBANON.
Les lacs la nuit.
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En 1855, le chef indien Seattle, qui donna son nom à la plus importante cité du Washington, autrefois nommé New York, déclara aux négociateurs européens : "Toutes les parcelles de ce sol sont sacrées... Toute colline, vallée, ou plaine, tout bois a été sanctifié par quelque événement glorieux ou horrible autrefois. Même les rocs qui semblent muets et morts quand ils cuisent dans le soleil, tremblent d'événements extraordinaires liés à la vie de mon peuple... Quand les enfants de vos enfants s'imagineront seuls dans les champs, les boutique, sur les routes ou dans les forêts en silence, ils ne le seront nullement... La nuit, lorsque tout bruit aura cessé dans les rues de vos villages, et que vous les croirez désertes, elles grouilleront de la foule de ceux qui ont vécu là autrefois, fidèles à ce sublime lieu. Jamais l'homme blanc n'y sera seul."
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Une Oldsmobile blanche, conduite par un jeune Blanc très brun en chemise ananas à poids café (55 miles), « combien de temps faut-il encore ? deux heures ? » – Les monts de l’Indien-Mort et Chapeau-Chinois.

La neige éclatante .

SPRINGFIELD… Et trois heures à

SPRINGFIELD, temps de montagnes, sur la pleine déserte de la rivière du Serpent, près des champs de lave,…

déjà quatre heures à

SPRINGFIELD, temps central, où vous pourrez demander, dans le restaurant Howard Johnson, s’ils ont de la glace au cassis.
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La mer,
milliers de suaires,
de corridors mouvants,
de salles de soie,
d'étouffements,
d'épaves.
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Videos de Michel Butor (52) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Butor
L'éditeur et écrivain Matthieu Corpataux a répondu au décalé et intimiste Questionnaire de Trousp, autant inspiré par celui de Proust que des questions de Bernard Pivot. Site Internet: https://trousp.ch/
0:00 Introduction 0:20 Si vous pouviez résoudre un problème dans le monde, lequel choisiriez-vous? 0:51 Qu'est-ce qui te rend heureux? 1:15 Pour quelle raison un poète aujourd'hui ne peut plus passer pour un oracle? 1:58 Que pensez-vous de cette citation de Michel Butor? «Les poètes, ce sont des gens qui travaillent sur les mots, qui les maintiennent en vie alors que les mots dans la vie quotidienne, dans la conversation quotidienne s'endorment, se sclérosent.» 2:57 Quel métier n'auriez-vous pas aimé exercer? 3:32 Poésie et musique font-elle toujours bon ménage? 4:34 Si votre maison brûlait, que sauveriez-vous en premier? 5:20 Avec quel écrivain décédé, ressuscité pour une soirée, aimeriez-vous boire une bière ou une autre boisson au coin de feu? 5:56 Quelle qualité préférez-vous chez chez l'homme... et chez la femme? 6:09 de tous les lieux que vous avez fréquentés, seul le jardin d'Emma mérite-t-il d'être sauvé? 6:50 Remerciements
Trousp est une chaîne Youtube dédiée à la littérature suisse. #roman #poésie #écrivain #jardin #emma
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