A l’instar du marin qui aime se perdre dans l’immensité des océans, le bibliothécaire recherche l’ivresse de vivre parmi des milliers de livres, partagé entre l’orgueil de l’expertise de son conseil pour en avoir lu beaucoup et la modestie de savoir qu’il ne pourra jamais lire tous les livres. Pensez donc ! On peut estimer que chaque année plus d’un million de nouveaux livres sont publiés à travers le monde !
Considérées comme étant des concurrentes déloyales car mettant à disposition les livres sans engendrer pour les éditeurs de chiffres d’affaires, les bibliothèques ne se ressemblent pas à travers le monde. Alors qu’en France elles se distinguent par leur politique d’animation culturelle, elles proposent dans les pays anglo-saxons de nombreux services palliant à l’insuffisance de nombreuses administrations, en particulier dans le social.
Modeste, curieux, ordonné, le bibliothécaire a une sagesse inhérente à sa fonction, l’incitant à ne pas faire l’acquisition de "Suicide. Mode d’emploi" mais des "Versets sataniques", quitte à ne pas être à l’abri d’éventuelles représailles !
Pour classer ses livres, il lui faut aussi choisir dans quelle tranche du savoir il va placer tel livre. Cruel dilemme en général !
Démocratiques, les bibliothèques sont tolérantes en se refusant au maximum à la censure, laissant une diversité d’opinions s’exprimer. Elles ne survivent pas aux dictatures…
Alors, le bibliothécaire est-il une espèce en voie de disparition ? Sera-t-il noyé par le flot de livres ou par une Babel virtuelle ne nécessitant plus d’espace physique ?
Politique d’acquisition, indexation systématique, désherbage, logique de conservation ou logique de communication, différenciation entre les bibliothèques à travers le monde, entre bibliothèque municipale et centre de documentation et d’information, entre le libre arbitre du citoyen anonyme et l’obligation scolaire, aberrations architecturales (la bibliothèque nationale de France) symptomatiques d’une totale méconnaissance en bibliothéconomie, tout y est, ou presque.
Et s’il est vrai que peu connaissent les bibliothécaires qui ont marqué l’évolution de leur profession (Callimaque, Gabriel Naudé, Antonio Panizzi, Eugène Morel, l’Américain Melvil Dewey, l’Indien Shiyali Ramanrita Ranganathan, le Belge Paul Otlet,) nous connaissons bon nombre d’écrivains qui embrassèrent cette carrière par amour des livres :
Georges Bataille à Orléans, Anatole France au Sénat, Leibniz, Lessing, Goethe, et surtout Jorge-Luis Borges, directeur de la Bibliothèque nationale d’Argentine… aveugle.
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