AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Nakajima Atsushi (18)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
L'iris fou - Odieuse vieillesse - Le Maître -..

Avant le bombardement d’Hiroshima, alors que tous savent à quoi s’en tenir, la population ayant été avertie par des tracts américains, un aubergiste refuse de vendre une jarre qui pourtant est vouée à la destruction. Ainsi dans L’Iris fou d’Ibusé Masuji à côté de la grande tragédie de la guerre, la vie continue et certains s’accrochent aux choses quotidiennes, pensant peut-être repousser de cette façon l’inéluctable.



Plus que la réalité des choses, l’essentiel est semble-t-il l’idée que l’on s’en fait. Il en est ainsi du Tableau d’une Montagne à la saison d’automne dont on ne sait si la trace indélébile qu’il laisse dans les esprits dépend de la qualité de l’imaginaire et du talent de celui qui le décrit ou de l’œuvre elle-même, réelle ou imaginée.



Dans le même ordre d’idées le plus merveilleux tireur à l’arc du Maître de Nakasima Ryunosuké n’était-il pas celui dont la réputation est telle qu’arc et flèches lui sont désormais inutiles, puisque ce qui compte c’est précisément cette réputation, répandue par un autre maître, bien plus que ses capacités réelles.



« Les gens devraient bien s’éteindre comme une musique, en laissant derrière eux une belle mélodie. » Ce qui est sûr c’est que l’Umé d’Odieuse vieillesse de Niwa Fumio est une aïeule qui empoisonne son entourage et qui de fait ne laissera derrière elle qu’un soulagement après qu’elle a disparu. Eh oui, certaines vieilles personnes par leur comportement ne sont que charge et désagréments pour ceux qui s’en occupent...



La dernière nouvelle de ce formidable petit recueil, Le crime de Han de Shiga Naoya, pose la question de la culpabilité. Han, le lanceur de couteaux, sera-t-il jugé coupable d’avoir tué sa femme alors que lui-même ne sait s’il l’a fait intentionnellement ? La réponse est dans le livre. Une chose est sûre, une fois encore on aurait tort de se fier aux apparences...



Commenter  J’apprécie          714
Le mal du loup

Je ferme les yeux, j’embarque pour le Japon, mon guide Nakajima Atsushi, un type féru de littératures chinoise et française, Voltaire et Montaigne sont ses références. A peine attablés autour d’une bière locale qu’il m’embarque pour les îles Palaos, Pacifique sud. Le soleil et le sable qui caressent ma peau, cette chaleur enivrante, cette odeur de noix de coco… et Mariang, une autochtone qui enseigne là-bas le japonais. Certains diront qu’elle est trop ilienne, d’autres trop japonisées. Difficile de trouver sa place là-bas ou ici, dans un pays colonisé, qu’on appartient au colonisateur ou au colonisé. D’ailleurs, Nakajima a vécu là-bas, lui-même en tant qu’enseignant avant de revenir au pays, le climat subtropical n’était pas vraiment favorable à son asthme. En fait, j’ai le sentiment qu’à traves Mariang, il me parle un peu de sa vie.



Je lui offre la seconde tournée, j’en envie qu’il me parle encore, et on parle mieux autour d’une bière. Et le voilà qu’il m’embarque à nouveaux vers d’autres contrées. Je me retrouve en Corée, sous l’occupation japonaise bien entendu. Toujours cette même ambiance malsaine due à la colonisation d’un territoire, d’un peuple. Mais là point de soleil. Hiver 1923, le vent est glacé, la bave des bœufs gèle aussitôt de leur gueule. Les pèlerins cheminent vers probablement le bout de la route, de toute façon, ils vont gelés sur place, tout bleu, des morts le long des routes. Jamais vu un froid aussi intense, j’ai les doigts qui tremblent, le cœur bleu. D’ailleurs là-bas même la lune est bleue. C’est dire…



Je demande à ce qu’on nous apporte un flacon de saké chaud, pour se réchauffer un peu l’âme et continuer à discuter ensemble. Et lorsque ses souvenirs l’amènent loin d’ici, j’y sens beaucoup de mélancolie. Ramené à la réalité, il a le regard triste à travers ses grosses lunettes. Il se demande ce qu’il doit faire. En tant qu’écrivain ou en tant que japonais. Qu’est-ce qu’un écrivain est sensé faire en temps de guerre. S’enrôler ou continuer à écrire, mais pour dénoncer ou propagander… Nakajima ne se posera pas longtemps la question il est mort en 1942 à 33 ans…

Commenter  J’apprécie          395
Histoire du poète qui fut changé en tigre

Nakajima Atsushi (1909-1942) est une légende de la littérature japonaise. Elevé dans une famille de lettrés confucéens, il était d'une érudition extraordinaire tant chinoise qu'occidentale, classique ou moderne. Il vécut en Corée colonisée, enseigna en Micronésie occupée. Il écrivit ses contes qui tentent de répondre à des questions existentielles, dans les six mois précédant son décès. Atteint de la tuberculose, il mourut à 33 ans.

Le recueil est composé de huit histoires très denses qui demandent une lecture attentive. Toutes ne m'ont pas procuré un égal plaisir. Je vous parlerai donc uniquement de mes préférées.



-Monts et Lune. Atsushi reprend une très vieille légende chinoise et s'amuse à broder dessus. C'est la fameuse histoire du poète qui fut changé en tigre. Un poète raté trop orgueilleux est transformé en tigre. Enfin il peut se faire entendre ! Sous forme de rugissement sauvage. Mais l'histoire ne s'arrête pas là ! Même transformé en tigre farouche, couché dans sa caverne, il se rêve encore en poète délicat.



-Le fléau des lettres. le conte se déroule sous le règne du grand roi Assubarnipal en Assyrie. Chaque soir dit-on dans les ténèbres de la bibliothèque se tiennent d'étranges conciliabules. Il ne s'agit pas d'une conjuration, non, mais bel et bien de conversations entre esprits. le grand roi Assurbanipal convoque alors le vénérable savant Nabu-ahhe-eriba, oeil saillant, barbe cannelée et lui confie l'étude de cet esprit inconnu. le conte est très réussi, à suspense et présente une réflexion sur l'écriture.



-La momie. le roi de Perse Cambyse a envahi l'Egypte. Un de ses officiers Pariskas qui est aussi un doux rêveur se sent mal à l'aise en présence des prisonniers égyptiens. Il se rend compte qu'il comprend le sens de leurs propos. A la même époque le roi Cambyse a fait assassiner le roi d'Egypte en lui faisant boire du sang de boeuf et il ordonne de trouver la sépulture du père. Pariskas est engagé dans cette expédition profanatoire…



-Le maître fabuleux. Conte drôle et pittoresque qui raconte comment le jeune freluquet Ji Chang, habitant de Handan, apprend à maîtriser l'arc. le grand maître Gan Ying lui enseignera alors l'accomplissement ultime de l'agir dans le non-agir : le tir qui ne tire pas.



-le Bonheur : les esprits ont parfois très mauvais esprit. Un pauvre larbin humilié cruellement rêve chaque nuit qu'il est le maître. Et le maître chaque nuit rêve qu'il est cruellement humilié comme le pauvre valet.



Un grand merci Batlamb !

Commenter  J’apprécie          3914
Trois romans chinois

Dans ces trois récits l'auteur japonais, Nakajima Atsushi, s'inspire de la Chine, d'œuvres telles que "La pérégrination vers l'Ouest", les "Mémoires historiques" de Sima Qian, grand astrologue et annaliste sous la dynastie Han, lesquelles comportent notamment une biographie de Confucius, et le "Livre des Han".

Le premier récit est consacré à un monstre des "Sables Mouvants". Tourmenté par un questionnement incessant, il se met en route, vêtu comme un moine, en quête de sagesse. Dans ce fleuve des sables Mouvants il rencontre toutes sortes de monstres, à la réputation de maîtres et aux théories les plus diverses. Il s'agit d'un conte philosophique aussi érudit que fantaisiste.

Le deuxième est consacré à Confucius et à l'un de ses disciples, un jeune et intrépide adepte de la chevalerie errante, impressionné par la personnalité de Confucius.

Dans le troisième nous nous retrouvons à la cour des Han, une cour pleine de courtisans et d'intrigues. Sima Qian a été castré pour avoir été le seul à défendre un général vaincu par des barbares du Nord dont on découvre en même temps les coutumes. Un récit épique.

Commenter  J’apprécie          342
L'iris fou - Odieuse vieillesse - Le Maître -..

Le recueil est paru chez Stock en 1957 et a été réédité en 1997. Il contient six nouvelles de thèmes et d'époques variés mais toutes très intéressantes. L'anthologie donne envie de lire d'autres livres et c'est là l'essentiel. Cependant la traduction, qui semble avoir transité par l'anglais, gagnerait à être rafraîchie.



1) Ibuse Masuji (1898-1993) : L'Iris fou (1957). 28 pages.

L'action se situe dans un village à cent cinquante kilomètres d'Hiroshima, peu après la bombe et avant la capitulation du Japon. La nouvelle est remarquable dans sa construction. Elle fait alterner le motif allégorique de l'iris fou, des dialogues du quotidien, triviaux, dérisoires dans l'attente du prochain bombardement et puis l'irruption des rescapés atteints d'une étrange maladie.



2) Nakajima Atsushi (1909-1942) : le Maître (1942). 15 pages.

C'est un conte, avec beaucoup d'humour, des rebondissements et une chute qui illustre un précepte tao. Chang veut devenir le roi du tir à l'arc, il va trouver Fei le plus grand des archers. Celui-ci le soumet à des épreuves difficiles et très pittoresques qui font râler sa femme...

Ce conte apparaît sous le titre le maître fabuleux dans le recueil @Histoire du poète qui fut changé en tigre et autres contes.



3) Akutagawa Ryunosuke (1892-1927) : le Tableau d'une Montagne à la saison d'automne. 15 pages.

C'est une malicieuse histoire autour d'un chef d'oeuvre mystérieux que plusieurs témoins prétendent avoir vu. Une nouvelle sur la fragilité du témoignage, sur le pouvoir des mots plus vrais que la réalité, sur la vantardise et l'arrogance des critiques d'art. Un petit bijou du grand Akutagawa.



4) Niwa Fumio (1904-2005) : Odieuse vieillesse ( 1948). 48 pages

Une nouvelle cruelle, dérangeante car bien rigolote aussi sur une grand mère qui encombre ses petits enfants qui en ont la charge. La vieille Umé quatre-vingt six ans est insomniaque, gémit, réclame depuis son lit mais dès qu'on a le dos tourné trotte comme un lapin...Et puis elle fouille dans les affaires, chaparde, calomnie et se plaint de la nourriture. Bref c'est un fléau. Il faut refiler la vieille bique à l'autre petite fille...

"Odieuse vieillesse" est une expression entrée dans le vocabulaire courant au Japon.

La nouvelle est intitulée @L'âge des méchancetés en Folio.



5) Shiga Naoya (1883-1971) : L'artiste. (1913) 9 pages.

Un petit garçon collectionne les coloquintes, les sélectionne et en prend le plus grand soin comme s'il s'agissait d'objets d'art. Cette passion "efféminée" n'est pas du goût de son instituteur...

Le récit est charmant, concis, simple et donne un aperçu des mentalités de l'époque.



6) Shiga Naoya (1883-1971) : le crime de Han (1913). 17 pages.

Au cours de son numéro de lancer de couteaux , Han tranche la carotide de sa femme qui meurt sur le coup. Est-ce un accident ou un crime prémédité ? On suit les interrogatoires du juge d'instruction qui donnera son verdict à la fin. Cette petite enquête policière est d'une grande finesse psychologique.





Commenter  J’apprécie          337
Histoire du poète qui fut changé en tigre

On ne soupçonne pas voyager autant sur le globe et dans l’Histoire en ouvrant naïvement un si petit recueil de contes. On pense plonger dans une suite de contes traditionnels japonais, et on se retrouve aspiré en Chine sous la dynastie des Tang ou plus loin encore dans le passé à l’époque des Royaumes combattants, en Assyrie dans la bibliothèque du roi Assurbanipal, dans l’Égypte envahie par Cambyse roi de Perse, dans un petit village lacustre des Scythes, ou au cœur des îles de Micronésie. Cette collection syncrétique de huit contes originaux, façonnés par la plume habile et érudite de Nakajima Atsushi, s’inspire des Classiques chinois et des Humanités gréco-latines, puise dans les références pascaliennes comme dans l’expérience personnelle de l’auteur parmi le peuple des îles, avec une aisance et une simplicité admirables.



On y rencontre des poètes maudits, l’un métamorphosé en tigre et l’autre comme possédé par l’âme de son frère défunt, un officier perse chargé de retrouver la momie du roi Amasis, un savant assyrien enquêtant sur un mal étrange transmis par les lettres, un homme-buffle aux deux visages, un maître du tir à l’arc en quête de l’ultime perfection de son art, un homme rompu à la servitude et devenant seigneur en rêve, ou un vieil îlien à la personnalité ambivalente. Le fantastique s’immisce dans nombre de ces histoires, par petites touches presque lovecraftiennes, mais ce sont toutes ces références érudites qui insufflent leur âme à ces histoires parées d’une élégante philosophie.



« La parole suprême rompt avec la parole, le tir suprême ne tire pas. » Nul doute que Nakajima Atsushi parvient en si peu de mots à toucher sa cible. Le titre de ce recueil est celui du premier conte, certainement le plus connu de l’auteur et originellement intitulé Sangetsuki (山月記), Monts et Lune. Ce poète changé en tigre est « un rêveur délicat (…) qui découvre que la réalité est aussi incertaine, et demeure aussi incompréhensible, qu’un songe où l’on se dit : il me semble que je rêve. » Cette phrase résume bien, je trouve, tout l’esprit de ces contes.
Commenter  J’apprécie          190
Histoire du poète qui fut changé en tigre

La postface de ce recueil présente Nakajima Atsushi comme un cousin japonais de Marcel Schwob. Et on comprend pourquoi en lisant ces récits où une érudition extrême s'efface derrière le plaisir du conte. Spécialiste de la culture chinoise, l'auteur s'amuse à en reprendre une vielle légende, qui contient une morale explicite : l'orgueil mal placé provoque un retour à l'état animal. Comme si le cycle karmique, devenu kafkaïen, n'attendait plus qu'un simple endormissement pour se mettre en action. Mais on peut tout de même s'interroger : le poète fut-il vraiment changé en tigre, ou bien s'agissait-il d'un tigre paranoïaque et doté de parole, rêvant qu'il avait été poète ?



Atsushi retranscrit malicieusement la doctrine taoïste, allant jusqu'à frôler la parodie avec « Le maître fabuleux », où un archer apprend de façon extrême à faire le vide dans son esprit en vue d'atteindre la perfection dans son art.



Egalement féru de lectures occidentales, Atsushi s'appuie sur les dialogues de Platon… et semble même préparer le terrain pour Borges. Dans « Le Fléau des lettres », les caractères gravés sur les anciennes tablettes babyloniennes deviennent l'incarnation de démons bien réels, qui fracturent le monde en des signes disjoints. Puis « La momie » d'un roi égyptien fait basculer un profanateur perse vers une réminiscence infinie de ses vies antérieures.



Quant à l'inspiration divine décrite dans l'Ion de Platon, elle devient ici une prétendue « Possession » par des esprits, sous le regard d'un narrateur faussement naïf qui raconte l'étrange apparition du besoin de déclamer des histoires au sein du peuple Scythe. Notre poète pré-homérique se taille malgré lui un destin à la Achille… ou à la Atsushi (dont la période de création fut brève mais intense).



L'héritage kafkaïen devient encore plus visible lors de la seule histoire vraiment horrifique du recueil : « L'homme-buffle », théâtre d'un rapport monstrueux entre père et fils. Là où Gregor Samsa était le souffre-douleur de sa famille, le monstre de cette histoire inverse totalement les rôles. Il est aidé par des rêves mensongers, que la réalité renvoie en négatif.



Les jeux de miroir oniriques continuent de troubler le réel dans « Le bonheur », afin de brouiller les rapports entre maître et serviteur. Rêve et vie matérielle jouent à cache cache.



Cette fin de recueil évoque aussi le folklore des îles pacifiques où Atsushi enseigna le japonais au début de la seconde guerre mondiale. Dans le même cadre, mais sans éléments fantastiques, « La poule » continue de décrire le réel comme une entité double, aussi compréhensible et incompréhensible que le tao. Sous la plume d'Atsushi, cela peut s'avérer à la fois drôle et inquiétant.
Commenter  J’apprécie          184
Le mal du loup

Vous reprendrez bien un peu de Nakajima Atsushi ? Avec ce recueil, nous revenons là où « Histoire du poète qui fut changé en tigre » s'était arrêté : dans les « Atolls » du sud-Pacifique, où un professeur de japonais (très semblable à Atsushi) découvre la vie ensoleillée et les beautés envoutantes de ces îles, parmi lesquelles l'imposante Mariang. Atsushi a bel et bien exploré les archipels micronésiens vers la fin de sa courte existence, mais je ne sais pas s'il rencontra rencontra vraiment cette femme forte et insouciante, dont la vitalité semble inspirer une honte secrète à un narrateur loin de se gargariser d'appartenir au peuple colonisateur de ces îles.



Au contraire, il s'avère tiraillé entre ses ruminations abstraites et le lâcher-prise dans « la torpeur des mers du Sud ». Atsushi hésite entre la satisfaction de cette vie et la crainte de ne pas pouvoir en profiter pleinement, déjà trop déformé par sa vie antérieure et son imagination. La moindre pensée dégénère chez lui en réflexions abstraites, aux accents angoissés (il nous cite un extrait du Terrier de Kafka). Mais il tient à ces pensées plus qu'au reste du monde. Là réside le « Mal du loup », nommé ainsi d'après Mencius : « celui pour qui un seul doigt est plus précieux que tout et qui ne voit pas qu'il perd l'épaule ou le dos, on dit de lui qu'il a le mal du loup. »



Ce secret douloureux fait languir ses personnages, dont les dérives paranoïaques rejoignent les peurs les plus distantes, comme le fait de craindre le moment où le soleil sera éteint et où notre planète ne sera plus qu'un cailloux froid et mort. Lunaire voire lunatique, le loup ronge en lui ces abstractions qui le maintiennent à distance de ses semblables, mais lui permettent paradoxalement de voir en eux une grande constellation humaine, où chacun à sa place.



Le voyage se poursuit en Corée dans « Paysage avec agent de police », nouvelle plus ancienne. Elle est inspirée par la jeunesse d'Atsushi au sein de ce pays, qui fut brutalement occupé par le Japon pendant la première moitié du XXème siècle (d'où une inimitié tenace entre les deux civilisations). le titre annonce la visée contemplative du texte. Il se parcourt comme un tableau observé sous deux angles différents, entre lesquels on alterne de chapitre en chapitre. L'ouverture d'esprit d'Atsushi y rejaillit en anamorphoses, lui qui se met dans la peau des autres, les coréens, et endosse leur appréhension face au regard des occupants. On retrouve la même démarche empathique que dans le reste du recueil.



D'où l'opposition polie mais ferme de l'auteur face à la « littérature » japonaise propagandiste de la seconde guerre mondiale. L'essai « Sous les arbres pieuvres » exprime ce point de vue en conclusion du recueil. Ce texte fut le tout dernier d'Atsushi, rédigé peu après son retour du Pacifique dans la métropole tokyoïte, où son organisme ne supporta pas longtemps le changement d'environnement. Son sort évoque celui d'Urashima Taro, personnage d'un célèbre conte japonais, qui déchante en s'éloignant de son monde marin de rêve.
Commenter  J’apprécie          164
L'iris fou - Odieuse vieillesse - Le Maître -..

Je viens de terminer rapidement ce petit recueil de nouvelles japonaises. On peut se demander ce qui a motivé le choix de l'éditeur, tant les écrivains et les thèmes sont différents et n'ont pas grand chose en commun. Des récits de Shiga Naoya de 1913 à celui de Niwa Fumio de 1948, avec des thèmes aussi éloignés que la bombe atomique sur Hiroshima de Ibusé masuji au récit taoïste de Nakajima Atsushi, ces textes, par ailleurs très intéressants, se lisent facilement et ont l'avantage de nous présenter différentes facettes de l'histoire du japon et une littérature encore assez méconnue.

Ce recueil m'a également donné envie de relire les textes plus conséquents de certains de ces auteurs, comme "Pluie noire" de ibuse Masuji ou "Errance dans la nuit" Shiga Naoya.
Commenter  J’apprécie          143
Le mal du loup

Sur les cinq nouvelles présentées dans ce recueil, je n'ai vraiment accroché que sur la première "Atolls".



Celle-ci contient beaucoup d'éléments autobiographiques. Entre 1941 et 1942, il part enseigner le japonais dans les territoires occupés, aux îles Palaos. Asthmatique chronique, il dut quitter cet archipel du Pacifique en 1942.



Dans la première partie du récit, il dresse le portrait de Mariang, une autochtone. Instruite et acculturée par des études à Tôkyô, celle-ci se rapproche du professeur japonais et de son ami ethnographe pour absorber leur savoir. Nakajima insiste sur la situation délicate de Mariang: trop îlienne pour les occupants nippons et trop japonisée pour ses compatriotes.

Dans la seconde partie de la nouvelle, nulle action amis une description de sensations et de réflexions. Réveillé après une sieste sur la plage, l’écrivain ressent une douce plénitude. Mais rapidement, elle est gâchée par sa conscience qui lui rappelle l’aspect factice de ce sentiment. Que ce soit sous les tropiques ou dans le froid de Tôkyô, Nakajima reste la même personne.

Pourtant il aspire à recouvrir tout d’un voile amnésiant et apaisant tiré de ce climat tropical.



La question de la personnalité est au cœur de ce récit. Nakajima est partagé entre le monde classique chinois, la littérature et la philosophie européenne (référence à Voltaire et à Homère notamment) et l’indolence primitive des îles tropicales (même si sa conscience lui assène que primitivisme ne signifie pas pour autant santé = à mettre en parallèle avec sa santé fragile).



A noter que la question des territoires occupés par l'armée japonaise est récurrente dans son oeuvre puisqu'une autre nouvelle du recueil, "Paysage avec agent de police", son personnage principal est un policier coréen. l'histoire se passe en 1923. Nakajima se sert des yeux de ce personnage coréen soumis à l'autorité d'occupation japonaise pour montrer le quotidien de la Corée: l'Histoire japonaise enseignée de façon obligatoire aux petits Coréens, des allusions à des hommes coréens mystérieusement décédés après le grand séisme du Kantô en 1923 au Japon (cette tragédie naturelle s'était alors ensuivie de vagues de représailles envers les immigrés coréens), ...
Commenter  J’apprécie          131
L'iris fou - Odieuse vieillesse - Le Maître -..

Cet avec ce petit livre de nouvelles que j'ai rencontré la littérature japonaise.

Ce recueil de différents auteurs est très bien écrit et m'a permis de découvrir la sensibilité mais aussi dureté et la profondeur des écrivains japonais.

L'iris fou nous conte le désarroi et la souffrance des habitants des villes et des campagnes et la folie de la nature aprèsles bombardements atomiques de la fin de la guerre en 1945.
Commenter  J’apprécie          50
L'iris fou - Odieuse vieillesse - Le Maître -..

Une anthologie, c'est toujours intéressant pour tous types de lecteurs. Ce livre peut séduire ceux qui veulent tenter une approche avec la littérature japonaise contemporaine, mais aussi les lecteurs plus chevronnés car il y a des auteurs peu traduits qui figurent dans ce recueil. C'est d'ailleurs dommage, si vous voulez mon avis, que certains immenses auteurs japonais doivent ce contenter de ces passages éclairs dans la langue française... mais bon mes récriminations ne changeront pas cet état de fait (je ne cois pas à la parole performative) Sans compter que c'est rudement pratique, une anthologie! On peut picorer à sa guise tel ou tel texte, c'est court (bref idéal pour lire en transport en commun, en téléphonant au service client injoignable de X...)



Toutefois, me direz vous, toutes les anthologies ne se valent pas! Certaines semblent n'avoir que pour but de recycler des textes en un amas attrape tout, véritable piège à lecteur. Tel n'est pas le cas de cette anthologie (du moins à mon humble avis). Elle fait preuve de cohérence et d'ambition. Cohérence avec des auteurs concentrés sur la première moitié du XXème siècle, et ambition par une sélection exigeante avec des figures proéminentes aux styles singuliers, dont les textes sont des classiques lus en classe au Japon.



J'ai ainsi pris beaucoup de plaisir à découvrir cette anthologie. Je connaissais malheureusement déjà Odieuse vieillesse, qui occupe une part conséquente du recueil, mais relire cette nouvelle m'a fait un grand plaisir! Cette nouvelle est dérangeante car elle dépeint la déchéance humaine de la vieillesse et aborde un thème de société très profond et ô combien actuel au Japon, la difficile prise en charge des aînés par leurs famille. J'ai néanmoins eu le plaisir de pouvoir découvrir des auteurs japonais trop rares dans la langue de molière tel que Shiga Naoya, Nakajima Atsushi, Ibusé Masuji. Mon coup de cœur personnel va à L'iris fou, récit très fort sur les souffrances endurées par les civils japonais lors de la seconde guerre mondiale et l'horreur de Hiroshima.

Ce recueil ne manquera pas de vous toucher également, et j'espère qu'il pourra faire office de porte d'entrée dans l'univers fascinant de la littérature Japonaise à de nombreux curieux !
Commenter  J’apprécie          40
Trois romans chinois

Très étrange, l'histoire de ce monstre qui cherche les raisons de son existence. Tandis qu'il parcourt les marécages, disciple de philosophe en philosophe , nous sommes amenés avec lui à remettre en cause chaque enseignement dont nous nous sommes armés pour expliquer ce mystère qu'est l'humanité.

Ces questionnements très réels, coexistent avec des monstres grotesques, d'étranges métamorphoses, des pouvoirs surhumains, ... Nous ne sommes jamais vraiment sûr de la direction dans laquelle nous entraîne cette fable, mais nous nous laissons perdre au fond des marécages.
Commenter  J’apprécie          40
Histoire du poète qui fut changé en tigre

Je crois que jamais je n’ai autant apprécié des nouvelles aussi courtes, l’auteur a un réel talent pour nous faire découvrir son univers très spécial, et c’est un réel plaisir à lire. J’ai maintenant hâte de découvrir d’autres textes de cet auteur.
Lien : https://comaujapon.wordpress..
Commenter  J’apprécie          20
La Mort de Tusitala

Livre splendide, tant par son fond , son projet original, que par la qualité de sa traduction.

Un très beau moment de lecture qui dépayse et fait réfléchir sur le sens de la création : pourquoi écrire?
Commenter  J’apprécie          00
La Mort de Tusitala

Rien de japonais ici… quoi que... si l'on prête à Nakajima Atsushi de traiter indirectement de l’expansionnisme nippon des années 30 et 40 ; la postface de la traductrice Véronique Perrin est très intéressante à ce sujet, montrant aussi les parallèles évidents entre l’écrivain et celui à qui il rend hommage : Nakajima, de santé précaire, est mort à 33 ans en 1942 ; Stevenson à 44. Et tous deux sont allés vers ses mers du Sud. Si la maladie et la mort sont "des compagnes" de vie, ce livre est tout sauf crépusculaire. Bien au contraire.



Tusitala est sans doute à lire comme un autoportrait et un récit biographique sur R.L.S., Robert Louis Stevenson. Extrêmement documentée, le récit alterne avec un journal intime, faux journal bien sûr qu’aurait rédigé pendant les quatre années où Stevenson habita avec sa famille sur l’île de Samoa jusqu’à sa mort en 1894. Nakajima décrit sa vie quotidienne, faite d’écriture, de réflexion sur la littérature et de travaux (plantations), sa santé, fragile, mais aussi du colonialisme et de l'histoire de Samoa alors sous triple emprise, américaine, anglaise et allemande, en faisant un réquisitoire contre le racisme des occidentaux.

Commenter  J’apprécie          00
Histoire du poète qui fut changé en tigre

Commenter  J’apprécie          00
Le mal du loup

L'auteur, pourtant conscient de son époque, de ses expériences et de la guerre, dit un besoin d'écrire qui répond moins à une exigence de sens qu'à une confusion des sens.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Nakajima Atsushi (71)Voir plus

Quiz Voir plus

Seconde Guerre Mondiale

Quel événement marque le Début de la Seconde Guerre Mondiale

L’annexion de l’Autriche par l’Allemagne Nazie
L’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir
L’invasion de la Pologne par l’Allemagne Nazie

12 questions
23 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre mondialeCréer un quiz sur cet auteur

{* *}