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EAN : 9782844854452
112 pages
Allia (08/03/2012)
3.75/5   8 notes
Résumé :


Comme presque tous les écrits de Nakajima, Le Mal du loup est une histoire de métamorphose. Le narrateur écoute caché derrière un verre de saké un collègue ridicule et repoussant ; une libellule couleur de jade se pose près d’eux et ce monsieur M. apparaît tout à coup, par la force d'une idée et d'une image cryptées dans son discours indistinct, comme l'égal de Montaigne. Dans ce livre vous rencontrerez aussi Mariang, la très grande Paluane qui parle... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je ferme les yeux, j'embarque pour le Japon, mon guide Nakajima Atsushi, un type féru de littératures chinoise et française, Voltaire et Montaigne sont ses références. A peine attablés autour d'une bière locale qu'il m'embarque pour les îles Palaos, Pacifique sud. le soleil et le sable qui caressent ma peau, cette chaleur enivrante, cette odeur de noix de coco… et Mariang, une autochtone qui enseigne là-bas le japonais. Certains diront qu'elle est trop ilienne, d'autres trop japonisées. Difficile de trouver sa place là-bas ou ici, dans un pays colonisé, qu'on appartient au colonisateur ou au colonisé. D'ailleurs, Nakajima a vécu là-bas, lui-même en tant qu'enseignant avant de revenir au pays, le climat subtropical n'était pas vraiment favorable à son asthme. En fait, j'ai le sentiment qu'à traves Mariang, il me parle un peu de sa vie.

Je lui offre la seconde tournée, j'en envie qu'il me parle encore, et on parle mieux autour d'une bière. Et le voilà qu'il m'embarque à nouveaux vers d'autres contrées. Je me retrouve en Corée, sous l'occupation japonaise bien entendu. Toujours cette même ambiance malsaine due à la colonisation d'un territoire, d'un peuple. Mais là point de soleil. Hiver 1923, le vent est glacé, la bave des boeufs gèle aussitôt de leur gueule. Les pèlerins cheminent vers probablement le bout de la route, de toute façon, ils vont gelés sur place, tout bleu, des morts le long des routes. Jamais vu un froid aussi intense, j'ai les doigts qui tremblent, le coeur bleu. D'ailleurs là-bas même la lune est bleue. C'est dire…

Je demande à ce qu'on nous apporte un flacon de saké chaud, pour se réchauffer un peu l'âme et continuer à discuter ensemble. Et lorsque ses souvenirs l'amènent loin d'ici, j'y sens beaucoup de mélancolie. Ramené à la réalité, il a le regard triste à travers ses grosses lunettes. Il se demande ce qu'il doit faire. En tant qu'écrivain ou en tant que japonais. Qu'est-ce qu'un écrivain est sensé faire en temps de guerre. S'enrôler ou continuer à écrire, mais pour dénoncer ou propagander… Nakajima ne se posera pas longtemps la question il est mort en 1942 à 33 ans…
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Vous reprendrez bien un peu de Nakajima Atsushi ? Avec ce recueil, nous revenons là où « Histoire du poète qui fut changé en tigre » s'était arrêté : dans les « Atolls » du sud-Pacifique, où un professeur de japonais (très semblable à Atsushi) découvre la vie ensoleillée et les beautés envoutantes de ces îles, parmi lesquelles l'imposante Mariang. Atsushi a bel et bien exploré les archipels micronésiens vers la fin de sa courte existence, mais je ne sais pas s'il rencontra rencontra vraiment cette femme forte et insouciante, dont la vitalité semble inspirer une honte secrète à un narrateur loin de se gargariser d'appartenir au peuple colonisateur de ces îles.

Au contraire, il s'avère tiraillé entre ses ruminations abstraites et le lâcher-prise dans « la torpeur des mers du Sud ». Atsushi hésite entre la satisfaction de cette vie et la crainte de ne pas pouvoir en profiter pleinement, déjà trop déformé par sa vie antérieure et son imagination. La moindre pensée dégénère chez lui en réflexions abstraites, aux accents angoissés (il nous cite un extrait du Terrier de Kafka). Mais il tient à ces pensées plus qu'au reste du monde. Là réside le « Mal du loup », nommé ainsi d'après Mencius : « celui pour qui un seul doigt est plus précieux que tout et qui ne voit pas qu'il perd l'épaule ou le dos, on dit de lui qu'il a le mal du loup. »

Ce secret douloureux fait languir ses personnages, dont les dérives paranoïaques rejoignent les peurs les plus distantes, comme le fait de craindre le moment où le soleil sera éteint et où notre planète ne sera plus qu'un cailloux froid et mort. Lunaire voire lunatique, le loup ronge en lui ces abstractions qui le maintiennent à distance de ses semblables, mais lui permettent paradoxalement de voir en eux une grande constellation humaine, où chacun à sa place.

Le voyage se poursuit en Corée dans « Paysage avec agent de police », nouvelle plus ancienne. Elle est inspirée par la jeunesse d'Atsushi au sein de ce pays, qui fut brutalement occupé par le Japon pendant la première moitié du XXème siècle (d'où une inimitié tenace entre les deux civilisations). le titre annonce la visée contemplative du texte. Il se parcourt comme un tableau observé sous deux angles différents, entre lesquels on alterne de chapitre en chapitre. L'ouverture d'esprit d'Atsushi y rejaillit en anamorphoses, lui qui se met dans la peau des autres, les coréens, et endosse leur appréhension face au regard des occupants. On retrouve la même démarche empathique que dans le reste du recueil.

D'où l'opposition polie mais ferme de l'auteur face à la « littérature » japonaise propagandiste de la seconde guerre mondiale. L'essai « Sous les arbres pieuvres » exprime ce point de vue en conclusion du recueil. Ce texte fut le tout dernier d'Atsushi, rédigé peu après son retour du Pacifique dans la métropole tokyoïte, où son organisme ne supporta pas longtemps le changement d'environnement. Son sort évoque celui d'Urashima Taro, personnage d'un célèbre conte japonais, qui déchante en s'éloignant de son monde marin de rêve.
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Sur les cinq nouvelles présentées dans ce recueil, je n'ai vraiment accroché que sur la première "Atolls".

Celle-ci contient beaucoup d'éléments autobiographiques. Entre 1941 et 1942, il part enseigner le japonais dans les territoires occupés, aux îles Palaos. Asthmatique chronique, il dut quitter cet archipel du Pacifique en 1942.

Dans la première partie du récit, il dresse le portrait de Mariang, une autochtone. Instruite et acculturée par des études à Tôkyô, celle-ci se rapproche du professeur japonais et de son ami ethnographe pour absorber leur savoir. Nakajima insiste sur la situation délicate de Mariang: trop îlienne pour les occupants nippons et trop japonisée pour ses compatriotes.
Dans la seconde partie de la nouvelle, nulle action amis une description de sensations et de réflexions. Réveillé après une sieste sur la plage, l'écrivain ressent une douce plénitude. Mais rapidement, elle est gâchée par sa conscience qui lui rappelle l'aspect factice de ce sentiment. Que ce soit sous les tropiques ou dans le froid de Tôkyô, Nakajima reste la même personne.
Pourtant il aspire à recouvrir tout d'un voile amnésiant et apaisant tiré de ce climat tropical.

La question de la personnalité est au coeur de ce récit. Nakajima est partagé entre le monde classique chinois, la littérature et la philosophie européenne (référence à Voltaire et à Homère notamment) et l'indolence primitive des îles tropicales (même si sa conscience lui assène que primitivisme ne signifie pas pour autant santé = à mettre en parallèle avec sa santé fragile).

A noter que la question des territoires occupés par l'armée japonaise est récurrente dans son oeuvre puisqu'une autre nouvelle du recueil, "Paysage avec agent de police", son personnage principal est un policier coréen. l'histoire se passe en 1923. Nakajima se sert des yeux de ce personnage coréen soumis à l'autorité d'occupation japonaise pour montrer le quotidien de la Corée: L Histoire japonaise enseignée de façon obligatoire aux petits Coréens, des allusions à des hommes coréens mystérieusement décédés après le grand séisme du Kantô en 1923 au Japon (cette tragédie naturelle s'était alors ensuivie de vagues de représailles envers les immigrés coréens), ...
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critiques presse (1)
LeMonde
19 mars 2012
L'auteur, pourtant conscient de son époque, de ses expériences et de la guerre, dit un besoin d'écrire qui répond moins à une exigence de sens qu'à une confusion des sens.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Le cadavre d'un chat gelé était collé sur le pavé comme une huître. Par-dessus courait follement une pancarte rouge de marchand de marrons arrachée par le vent.
Un panache de vapeur blanche s'élevait des cinq ou six gargotes roulantes qui se serraient au coin de la rue. Debout à l'écart, une femme dépoitraillée dans un durumagi sale d'où sortaient ses tétons durcis comme une cuirasse de pourpre noire, aspirait un bol de nouilles généreusement arrosées de piment rouge en soufflant son haleine fumante.
L'agent Jo Gyoyong, qui rentrait du commissariat, attendait son train en suivant la scène d'un œil rêveur. Devant lui passèrent en hâte deux Chinois vêtus de toile jaune rembourrée, portant palanche. Dans leurs paniers brillait un reste invendu de radis blancs. C'était le moment où le départ de la foule s'esquisse comme un ressac. Sous le ciel crépusculaire qui semblait se couvrir d'une pellicule de glace, les cloches de l’Église Française rendaient un son lugubre.
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Le soleil couleur de cuivre, suivant sa trajectoire glacée de décembre, tombait en tremblant sur les collines rouges et pelées. Le mont Pukhan semblait figé par le gel en dents de scie blêmes dans un ciel de cendre. Depuis son sommet, un vent aiguisé filant comme la lumière venait vous raboter les joues. Il faisait un froid à vous briser les os.
On découvrait chaque matin, sous la Porte du Sud, des pèlerins dont le chemin s'était arrêté là. Certains d’entre eux étaient morts les bras tendus, agrippés aux vrilles de lierre desséchées de la muraille.
D'autres, renversant leur visage tacheté de violet, gisaient comme ensommeillés.
Sur le fleuve Han, des vieillards ouvraient des trous dans la glace et soufflant la fumée de longues pipes de fer taquinaient la carpe d'un air transi. Dans les forêts des berges les pauvres chapardaient sans relâche du bois de chauffage pour alimenter leur ondol. Des mâchoires des bœufs qui allaient tirant leur chargement de glace telle une montagne bleutée, la bave descendait en aiguilles de glace.
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Dans sa boîte de disques il a au moins les derniers quatuors de Beethoven au complet, et plus aucune envie de se les passer. La grande carapace de tortue de mer rapportée d'un voyage à Ogasawara ne lui souffle plus aucune invitation au voyage. Alignés sur les rayons de sa bibliothèque, témoins de préoccupations fort différentes des études qu'il a suivies, Voltaire et Montaigne prennent tristement la poussière. Même donner à manger au perroquet ou aux deux perruches agapornis jaunes est une corvée. Sanzô restait étendu sur le lit, hébété. C'était comme si les ressorts de son corps et de son esprit avaient cassé. L'inanité de la vie jour après jour avait-elle creusé un abime en lui ? Ceci n'avait rien à voir avec l'angoisse sans fond qui s'était réveillée tout à l'heure dans sa mémoire. Une épave, voilà ce qu'il est devenu, pris dans une torpeur où il ne ressent plus ni angoisse ni souffrance.
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1923. L’hiver était crasseux et glacé.
Tout était sale. Et cette crasse s'était figée dans la glace. Dans les ruelles à l’extérieur de la porte S., cela touchait au paroxysme.
Odeur d'opium et d'ail des Chinois, odeur mêlée de tabac bon marché et de piment rouge des Coréens, odeur des punaises et des poux écrasés, odeur des entrailles de porcs jetées dans le ruisseau et des peaux de chats écorchés, toutes ces choses qui semblaient s'être figées dans la glace à cet endroit, en préservant leur puanteur.
Et pourtant au matin l'atmosphère finissait quand même par se décanter un peu. Vers le point du jour, au moment où les pies commençaient à chanter dans les branches des acacias gelés, on respirait un air légèrement plus pur. Et c'est toujours à cette heure qu'on voyait sortir de ces ruelles beaucoup d'hommes, qui rentraient chez eux hébétés mais se frottant frileusement les mains.
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Tout à coup, il vit devant lui, posée depuis quand sur la soucoupe de porcelaine très blanche, une sauterelle légère couleur du jade le plus éblouissant, qui agitait ses antennes en silence. Ô la splendeur de ces ailes docilement allongées. Sous la dure lumière blanche, même la soucoupe semblait vouloir se teindre en vert. Pendant quelques temps encore, fasciné par ce vert et ce blanc, Sanzô écouta M. discourir sur sa femme.
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