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Citations de Nathalie Démoulin (36)


Marie a l’impression d’être entrée ici depuis une journée entière, à moins que sa vie ne soit que ça, du temps perdu
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Il lui dit vous êtes brave, et déjà elle sait qu'il est prêt à oublier son nom, brave après tout c'est un qualificatif qu'il associe au mot femme, mais ça pourrait être exemplaire, ou courageuse, ça pourrait juste la faire disparaître, la mêler à toutes celles qui viennent s'asseoir à cette même place, tournant le dos à la table d'examen, avec ses étriers et son éclairage froid, oui, ça pourrait juste la faire taire, l'empêcher de placer la phrases qu'elle a dans la tête et qu'elle ne sait pas comment tourner. Elle parle si bas qu'il lui demande de répéter. Je voudrais la pilule.
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Son père lui en a assez raconté : les façades interminables, les barres de ciment devant les fenêtres, un château de béton au pied duquel subsistent les édifices des premières usines qui produisirent ici de la rayonne, à la fin du dix-neuvième siècle, le tout se regroupant en une masse considérable entre la rivière et un versant de forêt (il en restera, quarante-trois ans plus tard, au temps des friches industrielles, des portes grossièrement murées par des agglos, des tags maculant le tout avec la rouille, les lianes et les charmilles, les arbres s'enracinant dans les escaliers et, perçant les maçonneries, le logo de Rhône-Poulenc cloué sur la ruine, datant vaguement le tout des années cinquante).
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Le bonheur est un état chaotique, fait de moments volés à cette interminable perte de soi qu’est la chaîne
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« Il faudrait commencer par dire qu’avant tout on veut en finir avec soi-même, que divorcer c’est se donner une chance d’être la femme que l’on voit naître autour de soi, en ces années 1970. […] On a vingt-cinq ans, huit ans de mariage, noces de coquelicot, trois ans d’usine, noces de froment, et ça devrait durer comme ça jusqu’à la fin de la vie ? » (p. 148)
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Qu'est-ce que tu lui reproches à ton mari?
Pour répondre,il faudrait commencer par dire qu'avant tout on veut en finir avec soi-même,que divorcer c'est se donner la chance d'être la femme que l'on voit naître autour de soi,en ces années 1970,avec toutes ces nanas qui cjhangent à vue d'oeil comme si être une femme se réinventait maintenant,au risque de se casser la gueule,mais au moins on aura rompu ce lien avec la mère et toutes les mères avant elle,cette mémoire qui vous déterminait quoique vous fassiez.
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L’overdose de se tenir à carreau, l’overdose de rester à sa place, d’être bien gentille, l’overdose
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Trois mois après la mort de ma mère, Biljana est repartie en Serbie. Je me suis retrouvé seul entre mon père et mon frère. J'ai fait ce qu'il fallait. J'ai volé une dernière fois au sortir d'un virage en épingle, dans les tôles encore intactes de ma voiture. J'ai passé une entière saison de ski cloué à un lit. C'en était fini pour moi des podiums. Lorsqu'il neigeait, il me semblait que ma mère posait sa main sur mon front. Je n'étais plus l'oiseau, jaillissant de la piste d'envol, dessinant ma trajectoire comme on le fait d’un jet de flèche, j'étais passé du côté des anges, entre les vivants et les autres, et je ne savais plus bien, dans ce coma de draps blancs et d’intraveineuses, où commençait le rêve. p. 69
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L’argent a coulé. Il est passé dans mes poches, par mes comptes bancaires, via mes caisses noires, elles qui donnent tant de fièvre aux hommes du Trésor, ils en cherchent la présence dans les lignes d’écriture, ils traquent les écarts significatifs, c’est tout l’art de ces chercheurs d’invisible, ils me font penser aux ­astronomes gambergeant sur les trous noirs. Oui, l’ar­gent était le lit des matières dont je me nourrissais, qui très tôt ont déformé le jeune homme que je fus, courant encore certains dimanches après le ballon mais s’arrondissant, nunc est tempus edendi, le temps était venu de manger, de remplir, de dilater, une mue continue de vêtements trop justes, et ma vie aussi débordait les limites anciennes, accordée à des objectifs aussitôt dépassés, contenue par des lois qui cédaient par obsolescence dans une époque qui programmait la fin du monde comme la mise au rebut de ses machines...
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Les villes se foutent bien de notre travail comme de la beauté. Il leur faut de l’usure et du temps.
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J’aimais les bru­nes aux bras nus, dans des jupes longues et des sweaters sans manches, jeunes femmes simples dont on méjuge les colères. J’admirais leurs combats confiants, l’avenir qu’elles promettaient, débarrassé des souillures, des colons et des capitaux, toutes choses qui me désignaient puisqu’en vérité c’était toujours de moi qu’il était question.
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Dans le salon, on a conduit le feuillage du philodendron afin qu'il grimpe le long du mur et jusqu'au dessus de la baie vitrée. L'ourson rose qu'on ramasse par l'oreille, c'est celui de notre fille. Le visage qu'on aperçoit de biais et de loin, par un curieux accident de perspective, à travers les portes ouvertes du séjour et de la salle de bains, dans le miroir au-dessus du lavabo, c'est bien le nôtre, avec ses pommettes marquées, trop larges. Le temps que Michel aille chercher les enfants chez les Sauvageot, on reste seule, on voudrait commencer quelque chose, on remplit une casserole d'eau, on allume la lumière dans toutes les pièces, on a une paire de chaussons à la main, on marche sans bruit d'une fenêtre à l'autre, en posant la main sur le radiateur on croit qu'on va la brûler, et puis non, on repart, on craque une allumette, on a les chaussons aux pieds maintenant, et dans la main une poignée d'oeufs, qu'on laisse glisser dans l'eau frémissante, un par un.
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Le monde ne s’arrête pas à nous. Nous ne sommes pas la dernière génération, le dernier banquet, le dernier jour. Le monde nous a été donné pour l’inventer. Est-ce que tu vas rester là, clouée à un rivage comme à une nostalgie, en attendant que s’exécutent les prophéties ? Est-ce que tu n’as plus rien à partager, plus rien à raconter, plus rien à chanter ? Non tu ne répareras rien. Tu ne sais pas remplir les océans des créatures ni les airs des millions d’oiseaux qui leur manquent. Tu ne sais pas faire revivre ce qui a disparu, changer le sang en eau. Je connais tes œuvres. Je sais comment tu t’ouvres, comment tu te fermes. Tu es le début et la fin de ma nuit.
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se donner une chance d’être la femme que l’on voit naître autour de soi, en ces années 1970
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L’homme est bien incapable de se mesurer à lui-même, il n’a pas la force d’arrêter ses voitures, ses centrales de charbon, ses marchands de semences qui volent la terre des derniers paysans, mais il peut se mesurer à l’océan, oui, il peut faire ça une dernière fois avant de disparaître, lui qui n’a pas eu peur d’embarquer sur des coques de noix, lui qui a fabriqué des bateaux de cuir, creusé ses plus beaux arbres pour les lancer sur les flots, planté des forêts pour de futurs navires, l’homme peut se lancer dans ce défi qui outrepasse la raison. Je le sais, puisque je suis fait de cette étoffe-là.
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La fin est derrière nous. Nous avons passé l’échéance. Les Mayas peuvent bien recommencer un cycle de cinq mille cent vingt-cinq années. On peut bien nous décompter l’avenir et le mesurer en degrés Celsius, substituer une échelle à un calendrier, le temps était un cercle que nous parcourions à pas imperceptibles, à présent nous grimpons comme des damnés vers la zone rouge. Et nous deux, nous sommes les enfants du feu, les enfants du laiton et de l’acier, des filons extraits de la roche, des arbres qui grossissent les brasiers, des hommes qui forgent les instruments, notre chant vient de là, d’alliages de cuivre et de zinc, de fer et de carbone, notre musique est du métal entre des mains humaines, une matière usinée, sculptée, animée.
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Nous avons des souvenirs qui sont des regrets.
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« Tout ce qui vit s’accompagne d’une douleur sourde dont on ne sait pas la nature. On est avide de la vie des autres. » (p. 89)
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« Marie Brulhard qu’on appellera bientôt la Bleue, comprendre l’éternelle nouvelle, l’éternelle paumée. » (p. 89)
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On voudrait rester froide. Il parle de l'avenir. C'est beau l'avenir. On y habite des maisons individuelles. Le pays tourne à l'énergie nucléaire. On est une femme réinventée.
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