Nicole Lapierre (sociologue, directrice de recherches au CNRS) jette un regard en arrière et se remémore sa carrière, interroge son propre parcours scientifique et les motivations qui l'ont poussé à mener ses recherches. Elle examine son héritage familial, exposé avec pudeur et sobriété, marqué par la déportation des juifs et par une série de drames, dont des suicides (mère et sœur). L'auteure évoque également ses publications, ses convictions et ses espoirs, ses combats d'humaniste convaincue. Un livre qui résonne dans cette dramatique année 2015.
Ce qui marque tout au long de cet ouvrage, c'est le difficile équilibre entre la distanciation par rapport aux faits évoqués et la part de l'émotion qui est là, latente ou formulée, mais que l'on sent toujours affleurant à la surface.
Ce livre m'a émue et m'a fait réfléchir, par sa dimension à mi-chemin entre les confessions et l'exercice académique. Mais le livre pèche quelque part par ce côté "entre-deux", lit-on son histoire personnelle ou son CV scientifique? Ni l'un ni l'autre, mais alors que lit-on? Difficile à dire, j'ai eu la sensation que l'auteure a voulue sortir des sentiers battus de l'ouvrage universitaire, en exprimant sur un ton plus intime et moins détaché des évènements personnels et mondiaux. Chassez l'universitaire il revient au galop! Chaque fait est remis en perspective, annoté de références bibliographiques et de citations, replacé dans le cadre des recherches actuelles sur le sujet. Il est très nettement palpable que ces références, ces textes sont un rempart à une trop grande intimité, c'est une protection, une distance. Ces remises en contexte sont hautement appréciables et nécessaires, mais déboussolent quelque part le lecteur. On a du mal à saisir le ton de l'ouvrage.
Commenter  J’apprécie         10
Un livre étonnant : récit d'une rencontre avec un personnage improbable, à la fois hâbleur, dandy et menteur, qui petit à petit au cours de l’enquête menée par sa collègue Nicole Lapiere, devient sympathique, voire même pathétique.
Écrit tout en finesse et légèreté, un livre-enquête, ni roman ni historique, publié dans la collection dirigée par Ivan Jablonka, et qui met en avant ce troisième continent, cette littérature du réel.
Commenter  J’apprécie         00
Je suis certainement passée à côté de ce livre…
En le commençant, le sujet semblait clair mais plus ma lecture avançait plus les idées se chevauchaient, passant de considérations personnelles à des études sociologiques, philosophiques, sociétales…
Ma déception vient peut-être aussi de mon questionnement sur l’objectif de cet ouvrage. Est-ce un besoin de l’auteure de disserter sur sa famille et sur son histoire ? A-t-elle voulu interpeller les lecteurs sur des sujets de société tels que le suicide, la Shoah, le statut compliqué d’un immigré ?
Je reste dubitative sur son utilité éditoriale. Ce document, qui a certes des qualités stylistiques indéniables, me semble trop général ou pas assez intime pour susciter l’intérêt d’individus étrangers à l’histoire personnelle de la narratrice.
Commenter  J’apprécie         00
"Dans ma famille, on se tuait de mère en fille."
Nicole Lapierre (Prologue).
Commenter  J’apprécie         00
Nicole Lapierre, sociologue et anthropologue qui a produit des livres d'analyse et de réflexion à partir de témoignages recueillis, prétend que dans ceux-ci, elle n'a jamais parlé d'elle et qu'avec Sauve qui peut la vie, elle va faire une exception.
À écouter ici l'histoire de sa famille, il s'avère que si, tous les livres de Nicole Lapierre parlent d'elle : de l'exil de ses parents juifs polonais avant la guerre - migrants de leur époque - , de l'extermination des juifs pendant la guerre, des silences et de la mémoire qui s'en sont suivi, de la décision de son père de changer de nom pour échapper à la menace, du suicide de sa sœur, puis de sa mère.
Sur chacun de ces sujets, Nicolas Lapierre réfléchit, expose sa position. Elle montre comment sous ces auspices elle est arrivée à être ce qu'elle est, une femme ouverte, ouverte à l'errance, ouverte à l'autre, jusque dans sa différence, ouverte à la joie qui refuse la fatalité et autorise un avenir.
C'est un petit livre, il ne faut pas en attendre d'exhaustivité, mais simplement une femme - à l'héritage familial à la fois dramatique et partagé - qui a eu envie de préciser deux ou trois choses importantes pour elle. J'en retiendrai surtout les pages sur la nécessité de ne pas trahir les suicidés en expliquant trop aisément leur acte.
Commenter  J’apprécie         00
Avec ce court texte, la sociologue Nicole Lapierre livre un témoignage rare et inclassable, entre autobiographie et réflexion vivifiante sur le monde d'aujourd'hui.
Dans « Sauve qui peut la vie », dont elle emprunte le titre à un film de Jean-Luc Godard, Nicole Lapierre revient tout d'abord sur son lourd passé familial. Elle commence ainsi son livre : « Dans ma famille on se tuait de mère en fille ». Elle raconte alors les suicides de sa sœur puis de sa mère. Elle retrace aussi l'histoire de son père, Israël Lipsztejn, médecin, né à Plock en Pologne et celle de sa mère, Gilberte Schtitser, fille d'immigrés polonais arrivés en France en 1905 qui firent fortune dans la plume.
Elle évoque aussi comment au cours de sa carrière de sociologue, elle s'est servi de ce puissant matériau intime et s'en est libéré pour aller vers une réflexion plus ample. Les recherches qu'elle a mené, ont ainsi souvent été liées à son histoire familiale.
Dans ce texte, elle développe aussi avec un grand esprit de synthèse ses réflexions sur les thèmes qui lui tiennent à cœur : l'immigration, la mémoire, le changement de patronyme...
L'intellectuelle explique qu'elle a toujours refusé « les logiques de place » qui donnent naissance aux préjugés et aux clichés, tout comme le déterminisme. Elle rejette aussi la nostalgie qui idéalise le passé et empêche d'avancer, et invite au contraire à se saisir du passé pour rebondir. Ce texte où l'universel côtoie l'intime, est avant tout résolument optimiste, et plein d'espérance.
J'avoue avoir lu ce texte deux fois afin de m'en imprégner et pour bien saisir la mesure de chaque propos. J'ai particulièrement été touchée par ses réflexions sur les migrants, qu'elle propose de voir non comme des victimes mais comme des « aventureux des temps modernes », à la fois audacieux, courageux, volontaires, et acteurs de leur vie.
Nicole Lapierre signe avec « Sauve qui peut la vie », un texte d'une grande intelligence, qui invite à sortir d'un mode de pensée simpliste et qui sonne comme la leçon d'une vie.
Commenter  J’apprécie         00
Ce livre est inclassable.N. Lapierre part de sa propre histoire familiale, un roman à elle seule, et nous contraint à réfléchir sur plusieurs sujets importants. La mort volontaire, sa mère et sa sœur se sont suicidées. Puis l'exil, expérience vécue par ses parents entre les deux guerres. Peut on, doit on comparer les immigrés d'hier et ceux d'aujourd'hui? Comment réagir face à l'indifférence sans tomber dans le pathos?
Ce livre est très simplement écrit , tout en citant toutefois Saint John Perse de nombreuses fois! N. Lapierre ouvre des pistes à la réflexion que nous devons mener en ces temps difficiles où des dizaines de milliers de personnes sont jetées sur les routes de l'exil en raison de conflits armés qui mettent à feu et à sang leurs pays.
Commenter  J’apprécie         00