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Critiques de Nicole Lapierre (34)
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Le Plus Menteur d entre nous

Un livre étonnant : récit d'une rencontre avec un personnage improbable, à la fois hâbleur, dandy et menteur, qui petit à petit au cours de l’enquête menée par sa collègue Nicole Lapiere, devient sympathique, voire même pathétique.



Écrit tout en finesse et légèreté, un livre-enquête, ni roman ni historique, publié dans la collection dirigée par Ivan Jablonka, et qui met en avant ce troisième continent, cette littérature du réel.

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Le Plus Menteur d entre nous

Ulysse la quarantaine décède soudainement. La narratrice décide de raconter sa vie. Raconter est un bien grand mot car qui connaissait vraiment Ulysse. Tout le monde connaissait ses mensonges mais il était tellement convaincant que tout le monde lui pardonnait.

Un destin imaginatif qui entraîne de mai 1968 à l'élection de François Mitterand.

Un petit livre sur l'amitié avec ses défauts.
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Le Plus Menteur d entre nous

Partant de la figure composite d’un chercheur en sciences sociales du siècle passé, Nicole Lapierre compose une remarquable chimère documentée.
Lien : https://www.la-croix.com/cul..
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Sauve qui peut la vie

Je suis certainement passée à côté de ce livre…

En le commençant, le sujet semblait clair mais plus ma lecture avançait plus les idées se chevauchaient, passant de considérations personnelles à des études sociologiques, philosophiques, sociétales…

Ma déception vient peut-être aussi de mon questionnement sur l’objectif de cet ouvrage. Est-ce un besoin de l’auteure de disserter sur sa famille et sur son histoire ? A-t-elle voulu interpeller les lecteurs sur des sujets de société tels que le suicide, la Shoah, le statut compliqué d’un immigré ?

Je reste dubitative sur son utilité éditoriale. Ce document, qui a certes des qualités stylistiques indéniables, me semble trop général ou pas assez intime pour susciter l’intérêt d’individus étrangers à l’histoire personnelle de la narratrice.
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Changer de nom

Un livre très dense sur le pourquoi, comment et quand on change de nom. Il prend en compte la spécificité et je dirais même la rigidité française pour cela, son évolution dans le temps (c'était plus facile avant la révolution). Il montre aussi les subtilités des comportements au travers de trois groupes de populations : les juifs originaires d'Europe Centrale, les personnes avec des noms à consonnance arabe et les Arméniens. L'auteur termine aussi en parlant des personnes qui, une ou deux générations plus tard, veulent reprendre le nom d'origine de leur famille.

Nous pouvons lire ce livre comme un manuel si on veut changer de nom, un tableau de l'intégration, voire de l'assimilation en France, et un exemple très contemporain de nos fractures dans nos sociétés actuelles.

Livre lu durant la période des Présidentielles de 2022, il aide à comprendre certains discours.

Ce livre, facile à lire, est aussi ardu parce qu'il est écrit dans un style que je qualifierai d'universitaire : l'auteur travaille au CNRS et est psychanalyste. Ceci explique cela. J'ai l'impression d'une thèse qui aurait été revue pour être édité. Même si le livre date un peu (une quinzaine d'années), il est toujours d'actualité.

Pour le résumer, je citerai une phrase : "Fidélité ou trahison, continuité ou rupture". Tout est dit.
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Sauve qui peut la vie

Ce qu’a écrit ici Nicole Lapierre (socio-anthropologue et directrice de recherches émérite au CNRS) est un livre inclassable. A partir de sa propre histoire familiale (« Ecrire est ici une façon de bercer le souvenir de Francine et Gilberte, à défaut d’avoir su les prendre dans mes bras. »), elle rattache son propos au fruit de ses réflexions sur plusieurs sujets importants. Toujours documenté (et crédité), son texte est profond et formidablement intéressant. De manière très simple (c’est un compliment) et en citant souvent Saint-John Perse (c’est un remerciement), elle offre des balises à la réflexion que nous devrions tous mener en ces temps éminemment troublés où des milliers de personnes fuient des situations irrémédiables dans leurs pays.



« Peut-on comparer les immigrés d’hier et d’aujourd’hui, ceux venus d’Europe (les Polonais autrefois dans les mines du Nord, les Italiens, les Espagnols et les Portugais, les Juifs dans l’entre-deux-guerres) et ceux qui arrivent de plus loin (des zones de conflit du Proche-Orient ou de l’Asie centrale, dans anciennes colonies ou de l’Afrique Subsaharienne) ? Je le pense. Car comparer, ce n’est pas abraser les différences, c’est postuler qu’il y a à la fois du divers et du semblable : des spécificités culturelles et des singularités historico-sociales fortes, certes, mais aussi une expérience humaine commune. »



Elle expose le danger de penser les choses en général avec et dans l’émotion : l’empathie (« cette capacité à prendre et à comprendre le point de vue d’autrui, à concevoir son expérience, sa pensée, ses sentiments, sans pour autant se fondre ni se confondre avec lui ») laisse toute la place à l’action, le pathos de la compassion englue et paralyse.



Qu’elle mène sa réflexion sur le suicide, le changement de nom ou l’institutionnalisation de la Shoah, elle explique ce qui a motivé ses précédents ouvrages et les présente en quelques concepts simples (j’ai particulièrement apprécié « Pensons ailleurs ») hallucinante anecdote que cet étudiant new-yorkais pendant la présentation de « Causes communes » qui est intervenu pour déclarer qu’elle n’était « qu’une femme blanche, française, naïve et pleine de bons sentiments » !).



C’est aussi difficile de parler de ce beau document que de tenter de le classer, elle émet le souhait, en note d’intention, que cette lecture soit revigorante, « une sorte de fortifiant pour résister au mauvais temps présent » : la culture et la connaissance en sont les meilleures armes.
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Faut-il se ressembler pour s'assembler ?

La co-construction possible d’un devenir commun



Un souvenir d’enfance. Nicole Lapierre aborde cette façon de « faire de l’amitié un devoir » ou de lien entre « identité et solidarité ». Elle discute de ressemblance et d’assemblage, « Nous n’avons nullement besoin de nous ressembler pour vivre ensemble », des frontières et des murs, d’intolérance et de méfiance, des nouveaux replis sur fond d’injustice, « Il nous faut donc aller au-delà d’une réponse de principe, pour approfondir la réflexion sur la valeur donnée à la ressemblance ou à la différence, à leur visibilité comme à leur invisibilité, et à ce qui les relie : la comparaison ».



L’autrice poursuit avec le monde enchanté des ressemblances familiales, la « nature évoquée » pour garantir la filiation, le refus des minorités telles qu’elles sont, l’obsession de la visibilité des différences, la tyrannie du regard et l’assignation de place, le miroir aux fantasmes, celles et ceux qui seraient acceptables et les autres…



« A l’opposé, je voudrais monter la nécessité d’une émancipation de la vision où les points de vue se déplacent et les regards se croisent ». Nicole Lapierre souligne que « la comparaison sur fond de hiérarchie et d’inégalité crée de l’injustice et du ressentiment », que l’humanité est « une et plurielle »…



« Comparer, c’est cela : constater l’évidence des différences, mais sans les hiérarchiser, et reconnaître le commun là où il est, c’est-à-dire dans les formes de l’expérience ».



Il m’a semblé nécessaire de m’attarder sur le premier chapitre « Une trompeuse évidence », les sociétés dont les membres devraient avoir une même apparence et une identité prétendue commune, les sociétés prônant l’inclusion autoritaire par l’assimilation des groupes minoritaires, l’idée que l’« autre » devrait être visible ou au contraire invisible…



« Au jeu des ressemblances, la famille est championne », Nicole Lapierre analyse, entre autres, ce monde familial enchanté, les processus d’inscription dans une lignée, la filiation comme « entrave à la liberté de se distinguer en devenant soi », le déterminisme étroit associé à l’ADN, la variabilité des traits, la construction des ressemblances, le choix de la PMA plutôt que l’adoption, « En fait, la recherche de l’enfant miroir dans lequel les parents espèrent se voir révèle moins leur rôle de géniteurs que la naturalisation illusoire des similitudes familiales », la filiation et la parenté comme construction sociale, le fétichisme naturaliste des ressemblances familiales, « ces traits communs soulignés et détachés des innombrables différences qui font la singularité de chaque individu », l’hérédité et l’héritage, le système patronymique et la confirmation de la « légitimité » du coté paternel, les liens sociaux et les liens affectifs…



La famille et la nation prise comme une grande famille, le fantasme de la « famille nationale », « Représenter la nation comme une grande famille renvoie à la fois à la nature, à l’émotion et à la hiérarchie », les discours nationalistes et l’idée saugrenue de « souche unique », sans oublier l’illusoire droit du sang contre le droit du sol…



Je souligne les paragraphes sur « les noces de la famille et de la nation », célébrée au détriment des femmes et des étranger·es, la grammaire des liens de parenté mobilisée à des fins politiques. L’autrice nous rappelle que « l’institution familiale ancre le système monarchique héréditaire dans une histoire éternelle et essentielle ». Elle discute d’affiliation et de filiation, de changement de nom, du refus d’étendre les droits individuels et d’imposer la liberté jusqu’au sein des familles, de la séparation entre sphère publique et sphère privée (voir par exemple le livre de Geneviève Fraisse, Les deux gouvernements : la famille et la cité, citée par l’autrice), le familialisme républicain, la fiction naturalisée de la famille et de ses effets concrets, la reconnaissance de la filiation pour ce qu’elle est « une institution », l’acceptation de tous les types de parentés…



De la famille à la nation, du nationalisme à la xénophobie et au racisme, le repérage et l’exclusion, la frontière et l’exclusion des populations minoritaires ou minorisées, « c’est la frontière qui cristallise la différence et non la différence qui délimite la frontière ». Nicole Lapierre revient sur le modèle ghetto, le ghetto de Venise, la relégation comme produit d’une violence directe ou indirecte, les murs construits dans de nombreux endroits, « En France également, les Roms subissent harcèlement, démantèlements réguliers de leurs campements, dénigrement par les hommes politiques de droite mais aussi de gauche, rumeurs malveillantes et lynchages, parfois mortels. Ils sont cernés par de hauts murs de préjugés et de brimades qui font d’eux des parias »…



L’autrice poursuit avec le fantasme du débordement, de celui de l’envahissement du « génocide blanc » ou du « grand remplacement » (en complément possible Jean-Paul Gautier : Le « Grand Remplacement », cri de ralliement de la mouvance identitaire)), les mécaniques idéologiques justifiant par avance des violences extrêmes contre des populations et accusant les victimes de projets génocidaires (en complément possible, Johann Chapoutot : La loi du sang. Penser et agir en nazi), l’antisémitisme, l’islamophobie, les fictions dangereuses exacerbant les tensions entre groupes minoritaires, la hiérarchisation des êtres humains, les obsédé·es par « la visibilité de la différence », les frénétiques du repérage, les symboles du stigmate directement inscrits sur le corps…



Si certain·es sont obsédé·es par la visibilité, d’autres développent l’effacement et l’assimilation (A lire, l’un des intervenants dans le débat de la Révolution française, Zalkind Hourwitz : Apologie des Juifs (1789)), une assimilation par ailleurs variable suivant les contextes. Nicole Lapierre analyse le refus du possible apparentement aux Antilles, l’aspiration à « être vu et reconnu comme un semblable » et sa force subversive, le « paradigme racial », la défense de l’égalité et de la justice sociale, la critique d’Aimé Césaire du « pseudo-universalisme stalinien », la proximité idéologique entre « l’idée d’assimilation et le familiarisme », l’uniformisation autoritaire des langues et des noms, la perspective ethnico-nationaliste de Mustafa Kemal, « L’homogénéisation des patronymes renvoie à la fiction d’un peuple ayant une origine commune », la transformation de l’« origine » en « destin », la suggestion ou la prescription de l’assimilation, « C’est un projet de domination culturelle et sociale qui implique la disparition de l’autre en tant qu’autre », le devenir national jusqu’à l’indistinction, l’exclusion de la diversité au nom du « principe d’égalité » (par ailleurs non tenu dans la république réellement existante), les citoyen·es éprouvant « le sentiment de n’être pas tout à fait des citoyens comme les autres », les relectures rigides et erronées de la laïcité, la confusion entre religion et intégrisme puis entre intégrisme et terrorisme, « à l’inverse de la logique d’exclusion, la logique assimilationniste, elle, est obsédée par la ressemblance au point de l’imposer »…



Visibilité ou invisibilité des minorités, « Une tyrannie du regard sépare ressemblants et différents, bien vus et mal vus, reconnus et exclus », Nicole Lapierre aborde des éléments de l’oeuvre d’Edouard Glissant, de William Faulkner, les classements sociaux aux USA et la « goutte de sang noir », la ligne de couleur, l’histoire des regards…



Hier ici les bidonvilles, aujourd’hui les camps pour migrant·es, la traversée clandestine des frontières et l’augmentation des risques, la violation des droits des migrant·es, l’externalisation et la délocalisation de la surveillance, « l’externalisation est à la fois sous-exposition et mise en danger ». L’autrice revient sur des invisibles dans l’histoire récente, Hannah Arendt, « La paria juive échappée d’Allemagne découvre les parias noirs, assignés à demeure dans leur couleur », les similitudes et les différences entre antisémitisme et négrophobie, la cécité des « Blancs » sur la diversité de leur société, l’invisibilisation des individus et des « collectivités en bloc » – « la Palestine sans habitants, l’Ouest américain dépeuplée et l’Algérie blanchie jusqu’à l’indistinction -, le mécanisme d’effacement, « Le fantasme et la légitimation de toutes les entreprises de colonisation de peuplement sont d’arriver dans un lieu vierge et vide »…



Je souligne le chapitre « Emancipation de la vision », la tyrannie du regard concernant à la fois les regardé·es et les regardant·es, les atours scientifiques du racisme au XIXème siècle, l’absence de représentation des minorités, « seul un espace de visibilité partagée peut faire advenir la diversité des expériences dans un destin commun », la place de la « marche pour l’égalité et contre le racisme », l’occupation de l’Eglise Saint-Bernard, le surgissement d’un mouvement noir et « la reconnaissance mémorielle de la traite négrière et de l’esclavage, et la dénonciation des discriminations subies par cette population », la non spécificité française du racisme mais la « spécificité de sa négation », le lien entre passé colonial et injustices du présent, le collectif Rosa Parks, l’épouvantail du communautarisme brandi « pour occulter l’inégal traitement des minorités », le croisement des expériences et le dialogue des mémoires, les réductions de soi-même dans la mise en avant d’une seule facette de son « identité », « nous sommes toutes et tous pluriels ». Nicole Lapierre rappelle, à très juste titre, que « Comparer, ce n’est pas ignorer les différences, c’est postuler qu’il y a à la fois du divers et du commun », que l’histoire des droits humains montre « qu’ils sont moins universels qu’universalisables », la réalité des « communautés fermées » (« La grande bourgeoisie, avec ses rites, ses codes vestimentaires, ses lieux et ses réseaux, en est un exemple ». L’autrice cite aussi les juifs Loubavitch du 20ème arrondissement de Paris), la désignation péjorative de toute visibilité des minorités stigmatisées dans l’espace public sous le mot « communautarisme »…



Nicole Lapierre termine sur l’empathie et la réciprocité, la co-construction d’un devenir commun possible, la rencontre et l’échange, « Sur les places et aux carrefours – là où il y a de l’espace, de l’air -, un esprit de liberté et d’égalité monte dans la rencontre », la qualité particulière de « ces sociabilités inhabituelles », les modalités et les visées de l’engagement sans négliger « la façon dont elles s’incarnent », la créolisation, « processus imprévisible et créateur », l’urgence et l’incitation « sans préalable, aux rassemblements, pour dégager l’essentiel de ce qui nous est commun et le défendre collectivement »…
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Changer de nom

Un nom, c’est quelque chose de particulier. Même si on ne l’a pas choisi soi-même, il nous définit en grande partie. On supporte d’ailleurs difficilement que quelqu’un l’écorche, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. Les parents ne s’y trompent pas, et le choix du prénom de l’enfant est parfois source d’âpres débats, soutenus par des livres décrivant l’histoire et les caractères associés à chaque prénom possible.



Pourtant, chaque année, l’état reçoit des demandes de changements de nom. L’auteure s’est ici penchée sur les demandes concernant les noms de famille, et le voyage qu’elle propose a été passionnant.



Rappelons d’abord que le nom de famille n’est pas si vieux que ça. Il n’est apparu que lorsque que l’État est devenu assez étendu et l’administration efficace. Les noms de famille évoquent d’ailleurs généralement un trait distinctif qui était suffisant pour distinguer un individu à l’échelle d’un village, soit de lieu (« Dupont », « Dupré », « Dujardin »), un nom de métier (« Lefebvre », « Mercier »), ou un trait physique (« Leroux », « Legrand »). Si le nom était assez souple au départ et pouvait changer de génération en génération, les lois concernant l’héritage et les passages de patrimoine ont fini par imposer la transmission du nom du père.



À quelques exceptions près donc, et très encadrée. Tout d’abord, le changement est possible si le nom peut porter préjudice à son porteur : des noms peuvent devenir sujet à moquerie avec le temps (« Labitte » (grosse pierre), « Bordel » (planche), …) ou être incompatible avec une profession (« Barbant » pour un professeur, « Poulet » pour un policier, …).



Deuxièmement, la transformation des noms étrangers pour les rendre plus « locaux », point qui cristallise le plus les débats, et qui divise tous les camps. Les uns chercheront à éviter aux immigrés le racisme et les discriminations en leur permettant d’adopter un nom plus passe-partout ; on leur répliquera que c’est alors aux mentalités de changer, pas aux noms de famille. Les plus xénophobes, reconnaissant que les étrangers sont là et qu’on ne peut plus rien y faire, seront un peu soulagé de rhabiller tout ça d’une consonance nationale, histoire que le pays ressemble à quelque chose vu de l’extérieur. D’autres soupçonneront des manœuvres de ces étrangers sournois, qui tentent de se fondre dans la masse des « vrais » citoyens à leur insu, et voudraient au contraire que cette marque leur colle éternellement à la peau ; des listes exhaustives de changement de noms sont d’ailleurs toujours tenues par certains groupuscules.



Du côté des demandeurs, les motivations sont également diverses : éviter effectivement les discriminations, avec un soulagement mêlé d’amertume en constatant que ça fonctionne, et en devant subir la réprobation de leur communauté d’origine et/ou de leurs parents directs qui se sentent reniés ; se débarrasser d’un nom trop connoté (« trop arabe », « trop juif ») qui date de plusieurs générations, et qui ne correspond plus vraiment à la situation actuelle de la personne, qui ne se reconnaît pas dans cette « identité imposée » ; ou au contraire vouloir adopter un nom qui correspond mieux avec sa nouvelle religion ou ses nouvelles idées politiques ; voire encore couper symboliquement les liens avec une famille abusive.



L’auteure prolonge aussi l’enquête chez les enfants des demandeurs. Certains vivent parfois mal le fait de se retrouver avec un arbre généalogique d’un seul étage, au point parfois d’essayer de retrouver le nom d’origine. Mais si passer d’un nom d’origine étrangère à un nom plus local est faisable, l’inverse est généralement impossible. D’autres au contraire relativisent beaucoup l’importance du nom de famille qui a parfois beaucoup varié lors des dernières générations (comme une famille arménienne dont le nom a d’abord été changé de force vers un nom turc, puis une nouvelle fois vers un nom français à leur arrivée en France)



Le changement de nom est donc une question complexe, car il touche à la fois à l’idée que se fait la personne de sa propre identité, mais aussi aux stéréotypes qui existent dans la société dans laquelle elle évolue. Des demandeurs mettent ainsi en avant leurs cheveux blonds, ou leur respect des autorités, pour justifier qu’ils ne « font pas du tout arabe ». Des alsaciens cherchent tout à coup se débarrasser d’un nom à consonance germanique à la fin de la seconde guerre mondiale. Ainsi que ceux qui portent un nom d’origine juive, sceptiques sur la pérennité du cri général « plus jamais ça ».



On se retrouve ainsi au carrefour entre psychologie, histoire personnelle, Histoire avec un grand H, politique, … L’instauration du nom de famille contient à la base tellement de décisions arbitraires (choix du nom initial, choix de transmettre le nom du père uniquement) que la moindre remise en question révèle toutes les crispations d’une société. Un excellent sujet de conversation, donc, lors d’un dîner de famille ennuyeux…
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Sauve qui peut la vie

Un livre qui avait tout pour m’intéresser... et pourtant j’ai été gênée par le passage d’une autobiographie assez sommaire à une sorte de conclusions générales sonnant comme une leçon à prendre par le lecteur.

Cette famille de juifs polonais représentait une classe sociale qui a pu échapper au génocide. Elle montre bien leur volonté d’intégration qui remonte à bien avant la guerre et va de pair avec un certain patrimoine culturel qu’elle évoque de façon assez superficielle. Ces conclusions relèvent du bon sens.

Mais parler de courage quand il s’agit de survie me parait un peu abusif.

Une omission de taille : Que dire du patrimoine culturel des émigrés actuels sous couvert d’une religion machiste ? Pourquoi faire l’impasse sur cette question cruciale ?

Je n’ai pas beaucoup aimé le style (répétition et lourdeur) et les références à Saint John Perse.

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Sauve qui peut la vie

Nicole Lapierre part d’un récit familial qu’elle complète d’une analyse anthropo-sociologique ; livre étrange qui me laisse un peu sur ma faim.



Fille d’émigrés juifs polonais, Nicole Lapierre nous livre des bribes du roman familial, la famille polonaise, les nombreux suicides, la résilience qui se cache dans les histoires de cousinages… Elle trace un portrait sensible de son père, né à Lodz, venu en France pour faire ses études de médecine, qui a traversé la guerre de planque en planque avec sa jeune famille et qui a un amour démesuré de sa patrie française. Elle parle aussi un peu d’elle, de son parcours professionnel et militant.



Ces éléments, parfois décousus mais très personnels, servent de prétexte à évoquer le suicide, la mémoire, l’émigration en s’appuyant sur les grand auteurs de sciences humaines. Pour moi, le mélange n’a pas pris, j’ai trouvé ces analyses trop démonstratives et sèches.
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
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Sauve qui peut la vie

Il y a quelque temps, ma mère m'a collé ce livre entre les mains. Elle m'a dit "Ce livre parle de résilience, ça devrait te plaire"... Si j'osais, je rajouterai : "Ou pas !". Je n'ai rien contre les récits de vie, les autobiographies ; mais là... Les histoires familiales de suicide de mère en fille sur fond de seconde guerre mondiale, je dis stop ! C'est bien joli de vouloir montrer l'exemple et d'expliquer que l'on peut s'en sortir sans reproduire le schéma familial. Cela valait-il 248pages à 8,30€ ? Selon moi, certes pas.

Pas réussi à le terminer. Me suis arrêtée à la 29ème page.



Courage et Bonne lecture :)
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Sauve qui peut la vie

Nicole Lapierre est socio-anthropologue et directrice de recherche au CNRS. Elle part de son expérience familiale («dans ma famille on se tuait de mère en fille» nous dit-elle en ouverture du livre) pour nous livrer ses réflexions sur le suicide et sa façon de voir la vie.

Elle aborde l’histoire des juifs de Pologne (à partir de l’histoire de ses grands-parents) et nous parle également de l’héroïsme des immigrés.

Tout cela est fort intéressant et bien écrit . Cependant le livre part dans tous les sens et Madame Lapierre aborde tellement de sujets qu’il n’en reste pas grand-chose. On ferme le livre en se disant «Finalement, où voulait-elle en venir ? »
Lien : http://carnetdenoisette.cana..
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Sauve qui peut la vie

L'auteur retrace l'histoire de sa famille, ses racines mais aussi ses morts.

L'auteur témoigne avec beaucoup de détails historiques et de références poétiques. Ce qui marque dans ce récit, c'est qu'elle fait face à ces souvenirs pourtant difficiles avec beaucoup de positivisme. C'est comme une leçon de vie, d'où certainement son titre...

C'est bien écrit et sa profession de sociologue apparaît parfois en fond de toile sur l'analyse des situations.
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Sauve qui peut la vie

"Dans ma famille, on se tuait de mère en fille."

Nicole Lapierre (Prologue).
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Sauve qui peut la vie

Nicole LAPIERRE reprend dans son livre son histoire et son héritage familial, issu de l’Histoire des immigrés juifs arrivés en France au début du siècle dernier. Elle y aborde l’arrivée de son père avec son amour et sa dévotion pour la France, sa terre d’adoption.

Elle retrace également les drames de la guerre, de la famille, personnels et communs qui sont liés à de telles trajectoires de vie.

Elle fait un lien entre les disparitions des hommes, et surtout des femmes, de sa famille et son amour de la vie, sa curiosité pour ce qui constitue la vie.

Dans le livre, Nicole LAPIERRE fait des allers-retours entre son histoire et l’Histoire.



Sauve qui peut la vie aborde l’histoire de vie sous de nombreuses coutures : l’identité, l’immigration, la filiation, etc.

Si l’on pouvait s’attendre, à travers la quatrième de couverture, à une biographie voire à une autobiographie, une introspection de la famille et des secrets de familles ; on est plutôt dans un essai sociologique. Ceci peut s’entendre en lien avec les intérêts professionnels de l’auteur.

Ce qui traverse l’ouvrage est très intéressant mais l’aspect familial et biographique se perd dans la généralisation proposée par l’apport d’éléments historiques et issus des recherches précédentes de l’auteure.



« Je relie les sujets qui m’animent au legs paternel ». Nicole LAPIERRE propose donc un essai sur la place prise et offerte à l’étranger dans une société selon son origine, son histoire, l’Histoire, les circonstances et les conditions de son arrivée.



On pourrait parler de biographie documentaire : on part d’une histoire pour en étudier les traits et les conséquences en creusant dans les faits de la société et de l’Histoire.

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Sauve qui peut la vie

Nicole Lapierre, sociologue et anthropologue qui a produit des livres d'analyse et de réflexion à partir de témoignages recueillis, prétend que dans ceux-ci, elle n'a jamais parlé d'elle et qu'avec Sauve qui peut la vie, elle va faire une exception.



À écouter ici l'histoire de sa famille, il s'avère que si, tous les livres de Nicole Lapierre parlent d'elle : de l'exil de ses parents juifs polonais avant la guerre - migrants de leur époque - , de l'extermination des juifs pendant la guerre, des silences et de la mémoire qui s'en sont suivi, de la décision de son père de changer de nom pour échapper à la menace, du suicide de sa sœur, puis de sa mère.



Sur chacun de ces sujets, Nicolas Lapierre réfléchit, expose sa position. Elle montre comment sous ces auspices elle est arrivée à être ce qu'elle est, une femme ouverte, ouverte à l'errance, ouverte à l'autre, jusque dans sa différence, ouverte à la joie qui refuse la fatalité et autorise un avenir.



C'est un petit livre, il ne faut pas en attendre d'exhaustivité, mais simplement une femme - à l'héritage familial à la fois dramatique et partagé - qui a eu envie de préciser deux ou trois choses importantes pour elle. J'en retiendrai surtout les pages sur la nécessité de ne pas trahir les suicidés en expliquant trop aisément leur acte.
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Sauve qui peut la vie

Nicole Lapierre, Directrice de recherches au CNRS, nous livre un essai, plein d'érudition mais aussi de confessions très personnelles, qui mérite bien son Prix Médicis. Les révélations sur l'histoire de sa famille de juifs polonais réfugiés, souligne parfaitement combien ces familles doivent leur salut à leur solidarité, leur religion, leur histoire mais aussi à une formidable envie d'apprendre...les pages sur les suicides de sa grand-mère, de sa mère et de sa soeur nous interpellent très directement sur nos propres sentiments face au suicide.Son approche sociologique et politique des émigrés nous interrogent fortement sur le traitement actuel de ce terrible problème humain. Un très bel "Essai" qui nous donne matière à infléchir ou conforter notre point de vue...« S'en tenir aux différences justifie l'indifférence ."
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Sauve qui peut la vie

Avec ce court texte, la sociologue Nicole Lapierre livre un témoignage rare et inclassable, entre autobiographie et réflexion vivifiante sur le monde d'aujourd'hui.

Dans « Sauve qui peut la vie », dont elle emprunte le titre à un film de Jean-Luc Godard, Nicole Lapierre revient tout d'abord sur son lourd passé familial. Elle commence ainsi son livre : « Dans ma famille on se tuait de mère en fille ». Elle raconte alors les suicides de sa sœur puis de sa mère. Elle retrace aussi l'histoire de son père, Israël Lipsztejn, médecin, né à Plock en Pologne et celle de sa mère, Gilberte Schtitser, fille d'immigrés polonais arrivés en France en 1905 qui firent fortune dans la plume.

Elle évoque aussi comment au cours de sa carrière de sociologue, elle s'est servi de ce puissant matériau intime et s'en est libéré pour aller vers une réflexion plus ample. Les recherches qu'elle a mené, ont ainsi souvent été liées à son histoire familiale.

Dans ce texte, elle développe aussi avec un grand esprit de synthèse ses réflexions sur les thèmes qui lui tiennent à cœur  : l'immigration, la mémoire, le changement de patronyme...

L'intellectuelle explique qu'elle a toujours refusé « les logiques de place » qui donnent naissance aux préjugés et aux clichés, tout comme le déterminisme. Elle rejette aussi la nostalgie qui idéalise le passé et empêche d'avancer, et invite au contraire à se saisir du passé pour rebondir. Ce texte où l'universel côtoie l'intime, est avant tout résolument optimiste, et plein d'espérance.

J'avoue avoir lu ce texte deux fois afin de m'en imprégner et pour bien saisir la mesure de chaque propos. J'ai particulièrement été touchée par ses réflexions sur les migrants, qu'elle propose de voir non comme des victimes mais comme des « aventureux des temps modernes », à la fois audacieux, courageux, volontaires, et acteurs de leur vie.

Nicole Lapierre signe avec « Sauve qui peut la vie », un texte d'une grande intelligence, qui invite à sortir d'un mode de pensée simpliste et qui sonne comme la leçon d'une vie.
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Sauve qui peut la vie

Je suis totalement passée à côté de cet ouvrage. Pourtant, c'est un sujet qui m'intéresse voir me passionne, je l'ai donc commencé avec beaucoup d'entrain et de curiosité mais... non. Impossible de suivre le fil de l'histoire, de son histoire. J'ai eu souvent l'impression d'être en pleine conversation avec une vieille femme que je connaitrais à peine et qui me parlerait de l'ensemble de sa famille sans que je connaisse un seul. Je l'ai terminé il y a quelques semaines et je suis obligée de constater qu'il ne m'en reste aucun souvenir. Un livre à relire dans quelques années certainement.
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Sauve qui peut la vie

Nicole Lapierre, directrice de recherche au CNRS, entreprend ici un exercice difficile: associer le récit autobiographique, souvent tragique, d'une famille juive polonaise, immigrée en France dans les années 30 , sa culture philosophique et sociologique de chercheuse et d'intellectuelle, et même la poésie lumineuse de Saint-John Perse... pour élaborer une réflexion philosophique résolument constructive, combative et volontairement optimiste - une sorte de viatique "pour résister au mauvais temps présent".



On a d'abord le sentiment qu'on vagabonde un peu. On navigue à vue entre des expériences intimes et des raisonnements à visée plus générale. On passe du thème du suicide "familial", à celui de la judéité : l'exil - choisi , les persécutions -subies ; on parcourt les étapes "mémorielles" de cette judéité: cachée, oubliée, revendiquée, victimisée, officialisée, encombrante....



L'auteure mesure son propre discours philosophique - ses précédents livres - et celui de ses maîtres à penser (Arendt, Morin, Durkheim, etc..) à l'aune de ces expériences intimes, souvent douloureuses .



Lentement , mais très sûrement, un chemin se trace, du plomb aux plumes, de la chute mélancolique à la résilience dynamique, de la position de repli victimaire à l'ouverture combative vers des solidarités nouvelles.



L'immigré,( l'ancien et le nouveau) est la figure de cet homme nouveau, fraternel et solidaire, au regard dépaysé, décalé et critique mais à la volonté intense de s'intégrer, d'apprendre, de comprendre, de rebondir.



Dépassant la posture victimaire qui le fige sur son passé et le ferme sur lui-même. S'ouvrant aux problématiques angoissantes du temps présent avec la force et la richesse que donnent les épreuves de l'exil, les difficultés de l'intégration, les tiraillements de la culture et de la langue...



"Mémoire partagée et main tendue d'un même mouvement" pour "refuser le plomb et l'ombre"...



Un très beau livre,un essai convaincant. Un chemin personnel et universel, une quête exigeante et optimiste. Dont il faudrait faire son miel de toute urgence.
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