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Citations de Nina Berberova (316)


Il se fit en elle un besoin si réflexe et aveugle de bonté que tous les autres sentiments, qui l'éprouvaient tant, à peine ébauchés, disparurent aussitôt. Elle comprit que ce qui l'avait brûlée ces derniers mois et peut-être toutes ces dernières années était le désir d'être bonne envers quelqu'un. Elle devinait que seule la bonté pouvait la sauver de son isolement et des passions, la rendre de nouveau heureuse comme dans son enfance, c'était là pour elle le seul amour. Tout le reste n'était que trahison et solitude.
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Il avait trente ans. Ses yeux étaient immenses et privés de vie -comme ceux d'un aveugle de naissance ; impossible d'assurer qu'ils lui permettaient de voir. Il semblait les utiliser pour écouter.
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La neige s'agite sous les réverbères, le cheval dodeline doucement sous le filet gris, la couverture est dégrafée. Boris Isaiévitch, tout parfumé et emmitouflé monte le premier, attire dans le traîneau Véra et Sam. On rajuste rapidement la couverture, un nuage de vapeur monte, la montre du cocher se couvre de buée. Véra pose ses deux pieds, pensant que c'est un petit banc sur la jambe immobile de Boris Isaiévitch. Elle est assise au milieu, ses mains sont cachées. Sam s'écroule sur elle dans les tournants, elle sent la lourdeur de son poids ; il souffle du chaud sur elle, elle plisse les yeux. Le cheval arrache la neige de ses sabots ; la grande main de fourrure de Boris Isaiévitch les serre elle et Sam par-derrière. Qui est pris au piège de qui, Sam, elle ? Nul ne sait. Pourvu seulement que cela dure, parce que c'est ça, le bonheur.
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Je retournai au mont-de-piété. Ce lieu sordide grouillait de monde. On me donna un numéro – le soixante-quatre – et je m'assis entre une femme qui tenait sur ses genoux une vieille couverture, et qui apparemment ne savait plus où aller, et un homme plus très jeune, vêtu correctement, qui ressemblait à Nicolas II. Il avait apporté un éventail en écaille. Je pensai alors qu'il n'y avait pas de pire endroit au monde.
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«  Plus les gens prennent l’habitude de vivre ensemble, plus sûrement perdent- ils le besoin de parler d’eux- mêmes » .
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Nina Berberova
que celui qui a choisi de rester en marge de la société ne doit pas en même temps la rendre responsable de son isolement.
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Trois demoiselles en sortirent, vêtues de la même façon, et chaussées de galoches si extraordinaires, si parfaites, qu'on se demandait comment un tel objet n'avait pas encore été célébré en poésie. Poètes, à quoi pensez-vous ? Les galoches suédoises attendent de vous un poème, et aussi les imperméables, les capuchons si commodes, les merveilleux gants en caoutchouc. N'oublie pas non plus la culotte de laine que tout le monde ici porte d'août à juin : elle aussi attend son ode.
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Des ruisseaux d'eau coulaient déjà sur les vitres noires de la galerie ; les arbres du jardin bruissaient en ployant, se balançaient et menaçaient de tomber sur la maison : l'automne, que l'on n'arrivait pas à prendre en flagrant délit durant le jour, était là.
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Dans son poème inachevé À pleine voix, Maiakovski lança d'abord des imprécations, ensuite un cri éperdu sur toute la Russie. Puis il se tut. Un coup de feu retentit et cette vie qui paraissait infinie se termina. Il n'avait pas l'habitude de céder, il ne savait ni ne voulait le faire. Un poète de cette trempe n'a pas de "position de repli". En se brûlant la cervelle, il a anéanti toute sa génération.
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Et la voilà partie ; à la dernière minute, en la regardant, j'eus l'impression qu'elle partait non pour l'Amérique des affaires et, en somme, quotidienne, pour y trouver le travail, le succès et le gagne-pain, mais dans quelque pays un peu irréel et évidemment heureux, dont le chemin est interdit aux autres, et où on l'attend et où on l'aime depuis longtemps, de même qu'elle aime tout le monde.
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Notre cour bientôt me tiendra lieu
de forêts et de villes,
Ce paysage de craie
M'est donné pour toujours
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On m'avait fait faire une robe bleue, décolletée ; le coiffeur essayer de donner de la vie et de l'éclat à mes cheveux rares et secs. Maria Nikolaevna était extraordinairement belle dans sa robe blanche, avec la natte de ses cheveux noirs autour de la tête. Suivant la mode d'alors, sa robe ne se boutonnait pas, mais s'entortillait et se nouait, et cela la faisait rire. Tu imagines - disait-elle à Pavel Fédorovitch pendant que nous roulions en voiture - si ton habit s'entortillait comme ce genre d'enveloppe ? Qu'en dirais-tu ? 

Des gens portant des fleurs nous reçurent dans la loge poussiéreuse, l'imprésario, dont la barbe, ce jour-là, était teinte presque en bleu et tordue d'un côté, poussa un cri quand il vit Travina. Puis il m'aperçut.

- Comme vous êtes...jeune ! s'écria-t-il avec enthousiasme. Oui, j'étais jeune. Mais on ne pouvait dire de moi rien de plus. 
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Dans cette merveilleuse vie de joie et de labeur, Sam était bien sûr ce qu'il ya de plus merveilleux à ses yeux, mais elle savait en même temps, et ce dès le premier jour de leur rencontre ,qu'il n'était traduisible en aucune langue. Et lorsque quelqu'un insinuait que c'était elle qui le rendait ainsi, elle répondait: Et alors ! Je l'ai fait tel qu'il est. Cela signifie qu'il s'est tourné vers moi, à l'image d'un tournesol ,du côté nécessaire.
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Je cherche le mot juste, mais je ne le trouve pas. Il y a longtemps que je le cherche .Au début je l'ai cherché en si russe puis me suis dit : assez, je ne le trouverai jamais, cette langue ne me servira pas, je nagerais dans les approximations romantiques et les euphémismes. Mais la langue française, en revanche me paraissait si précise, trop précise même pour moi qui étais dans le vague...Et pourtant il devrait bien exister ce mot , un mot précis, solide, acéré.
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J'avais dix-huit ans. J'avais terminé mes études au Conservatoire. Je n'étais ni intelligente ni belle ; je n'avais pas de robes coûteuses, pas de talent sortant de l'ordinaire. Bref, je ne représentais rien.
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Le jeune berger prit son élan et alla donner de la tête contre le ventre dur du taureau. Sa toque brodée laissait dépasser des cheveux filasse et son long fouet traînait à terre. Enfin, l'animal, campé sur des sabots fins et pointus, dégagea la route, et la calèche du docteur Byrdine put avancer. Le jeune garçon courait à travers le champ bossué, il passait malicieusement sous le ventre des vaches, sans presque sembler se baisser pour cela.
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Nina Berberova
Pas de grandes joies, ni de grandes souffrances. J'en suis incapable, se dit-elle. Comme une balance faite uniquement pour peser certains poids précis, et pas d'autres. Une balance. Qui ne doit ni monter ni descendre trop. A l'intérieur de moi, c'est la paix (...) qu'on n'a pas à chercher (...) au bout du monde.
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Le soir , nous écoutâmes la mer, assis dans les dunes, ou regardâmes le ciel, allongés.

- Non,je ne peux pas croire, dit-elle soudain, que les étoiles soient si loin : des millions d'années-lumière. Cela ne veut rien dire ! Un de ces jours on découvrira qu'elles sont beaucoup plus proches, et tout ce qui paraissait infini, immense, deviendra petit et proche.

- A Paris, lui dis-je, il y a des fêtes foraines dans la rue, avec un cirque, des monstres, des acrobates, des diseuses de bonne aventure, un tir. Une fois, un astronome malin s'est installé dans l'une des baraques avec son télescope. Le bonimenteur (il y en a partout, comme au siècle dernier) criait dans le porte-voix : " Allez ! Venez regarder les étoiles ! Pour cinquante centimes vous verrez les étoiles ! Espèces de taupes que vous êtes, vous ne croyez même pas en Dieu ! Et la beauté, savez-vous ce que c'est la beauté ? Alors au moins, regardez les étoiles !"

Elle rit gaiement, se souleva sur le coude et, comme j'étais assis à la regarder, elle me renversa doucement sur le dos. sans cesser de rire, elle me prit le menton et leva mon visage vers le ciel :

- Regardez au moins les étoiles !
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C’est l’espoir. Nous avons obtenu un sursis. Le verdict d’un juge, d’un médecin, d’un consul est ajourné. Une voix nous annonce que tout n’est pas perdu. Tremblante, des larmes de gratitude aux yeux, nous passons dans la pièce suivante où l’on nous prie de patienter, avant de nous jeter dans l’abîme.
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Les montagnes Rocheuses étaient toutes proches et j'arrivais dans des lieux où bientôt il n'y aurait plus ni routes goudronnées, ni poteaux téléphoniques, ni antennes de télévision, rien que des truites. dans le torrent qui coulait à nos pieds, elles étaient roses et lilas, tandis que dans le lac en forme de cœur, au-dessus de nous, elles avaient les couleurs de l'arc-en-ciel. Nous étions à trois mille mètres. Au sommet des Rocheuses vivait un homme qui possédait quarante-cinq chevaux et trois femmes mexicaines, l'une plus menue que l'autre. Il n'avait jamais vu Chicago, et New York ne l'intéressait pas plus que Pékin ou Le Cap.

Le soir de nôtre arrivée, je me suis jetée au lit sous l'édredon. Au moment de m'endormir, j'ai senti un animal gratter sous l'oreiller, mais je n'avais pas la force de rallumer la bougie et de laisser s'échapper cette bête inconnue. D'après les bruits qui me parvenaient, je devinais qu'elle devait être petite et active. Elle ne grignotait pas comme une souris, de façon monotone, ennuyeuse et obstinée. Elle jouait sous mon oreiller et explorait les contours de ma tête. Je décidai que, de toute manière, elle ne pouvait pas me manger et m'endormis, épuisée.

Je fus réveillée, le lendemain matin, par une sensation curieuse. Quelque chose mordillait doucement les doigts de mon pied droit. C'était le tamias qui s'était amusé durant la nuit sous mon oreiller. On trouve partout en Amérique ces petites bêtes enjouées à la queue touffue qui, lorsqu'elles aperçoivent un homme, se dressent sur les pattes postérieures et les saluent de leurs pattes antérieures. Le mien s'installa le matin même dans la cuisine, puis il disparut pour reparaître de temps à autre dans la cabane, en compagnie d'une demi-douzaine d'autres.

Le soir, quand nous grillions nos truites, on entendait les pas légers d'un daim et le bruit sec de ses bois contre le montant de la porte. Il me présentait d'abord sa tête soyeuse sur laquelle brillait un énorme œil. Puis , il me regardait de face avant de disparaître fièrement sans rien demander. Il s'éloignait à pas légers et soudain se mettait au galop en frappant le sentier de ses sabots qui résonnaient sourdement dans le silence du soir.
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