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Critiques de Pascal Quignard (672)
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Tous les matins du monde

Qu’il est bon que la littérature nous rappelle que « tous les matins du monde sont sans retour » (page 107 de l’édition folio N° 2533) !

J’ai vu hier soir le magnifique film d’Alain Corneau, réalisé à partir de ce livre en 1991 et j’ai voulu comparer. Une centaine de pages à lire en un peu plus d’une heure et presque deux heures de film, quel ravissement des sens ! La concision du livre est remarquable. C’est un plaidoyer pour la vie avec comme fil conducteur une réflexion sur les affres de la création artistique (la musique et la peinture avec les natures mortes que Sainte Colombe commande), sur le deuil, sur la nature et sur l’amour.

Je termine mon modeste éloge par cette citation symbolique (page 90) :  « Ne soyez pas dans l’inquiétude. Votre barque est pourrie depuis longtemps dans la rivière. L’autre monde n’est pas plus étanche que ne l’était votre embarcation. »
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Tous les matins du monde

Dans ce bref roman, écrit sans fioriture à la façon d'une nouvelle, Pascal Quignard nous donne à imaginer l'étrange relation qui s'est établie entre le musicien baroque de Louis XIV Marin Marais et celui qui est considéré comme son maître de viole, Jean de Sainte-Colombe.



Époque baroque mais style de l'auteur qui ne l'est absolument pas, tellement il est allé chercher loin dans l'épure. Il tente de recréer un peu de la façon de s'exprimer de cette époque, avec notamment des personnages désignés comme " Monsieur de Ceci, Monsieur de Cela ".



Pascal Quignard établit assez fréquemment des ellipses, destinées, je pense, à secouer un peu son lecteur, à le rendre attentif et même actif. Il agrémente également sa narration volontairement compassée de quelques éclairs érotiques ou de formules situées au-dessous de la ceinture histoire qu'on n'oublie pas qu'il est bien un écrivain de son temps.



Il est évident que le personnage énigmatique de Sainte-Colombe aimante notre curiosité. Présenté comme un taiseux qui fuit les mondanités, sorte de vieux maître asiatique d'arts martiaux terré dans sa forêt, parfois victime d'hallucinations et qui s'exprime en brandissant sa viole et son archet comme un moine Shaolin s'élancerait dans une série de cabrioles en faisant virevolter son bâton.



L'auteur nous y présente Marin Marais comme un musicien talentueux mais un tantinet malhonnête et intéressé, désireux de briller à la cour de Louis XIV tout en subtilisant les innovations musicales de de Sainte-Colombe.



Ayant été rapidement congédié par le vieux maître, le jeune Marais tente de s'introduire en cachette dans la maison de de Sainte-Colombe, en soudoyant notamment les deux filles de ce dernier dans un but clairement intéressé. De la viole au viol, n'y aurait-il qu'un pas ?…



Je ne vous en dis pas davantage car j'ai déjà très peur de frôler la fausse note. Un petit ouvrage que je trouve assez plaisant, mais sans plus, probablement pas un chef-d'œuvre absolu de la littérature mais une facture très honnête. À vous de voir car, au demeurant, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Villa Amalia

Ann, grande musicienne, torturée par la vie entre un père qui l’a très tôt abandonnée et une mère anxiogène qui ne cesse d’attendre son mari en vain, décide de tout quitter. Son boulot, son homme, sa maison, jusqu’à oublier qui elle était jusqu’à lors. Elle donne peu de raisons à ce besoin obsessionnel de tout quitter, elle ne peut, elle ne veut, elle se tait. Elle change de look, teint ses cheveux, s’habille différemment, et s’en va rejoindre la petite île d’Ischia en Italie du sud. Là-bas, Ann renaît. Sa métamorphose s’opère dans les courbes de la nature aride, dans la berceuse de la mer. Elle tombe amoureuse de la villa de la vieille Amalia. Au début revêche, la vieille dame s’attache à Ann quand celle-ci en pleures lui demande de cesser de lui crier dessus comme sa mère en avait l’habitude. Amalia accepte de lui vendre la villa.

C’est une villa qui surplombe la mer, délabrée certes comme la vie d’Ann, le sentier pour y parvenir est semé d’embûches comme la vie d’Ann. Mais Ann est en amour. Elle s’y sent si bien. Elle plante des citronniers, elle va se baigner tous les jours dans la mer.



Après une première partie vaseuse auprès d’une héroïne mal dans sa peau et dans sa vie, c’est une très belle renaissance dans sa seconde partie. Le soleil est omniprésent, le bonheur et la liberté sont palpables, les pages sourient de bon cœur. Il y a aussi de belles rencontres qui attendent Ann. Un docteur et sa fille Magdalena. La petite de deux ans est en totale admiration devant la pianiste. Ann va lui apprendre à entendre les sons, tous les sons, celui du vent, des vagues, des oiseaux, du silence qui ensemble forment un temps au temps.



Un très beau roman méditerranéen dans lequel je me suis sentie bien là-bas à Ischia qui est toute même une des plus belles régions de l’Italie avec sa côte almafitaine. Un roman doux sur la renaissance d’une femme éprise de liberté.
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Tous les matins du monde

Quel livre! Quelle merveille! J'ai lu avec grande émotion ce superbe texte, me remémorant le si beau film d'Alain Corneau. Une histoire toute simple en vérité, un Maître de musique, spécialiste de la viole de gambe, vivant en reclus après la mort de sa femme - décès dont il ne se remet pas - avec ses deux filles, et sa passion la musique. Monsieur de Sainte Colombe ayant refusé les honneurs de la cour du roi Louis XIV, ne vit que pour l'art musical, n'existe que par la musique. Amour de la musique qui transpire tout au long du roman, où le lecteur comprend qu'interpréter avec talent de la musique ne fait pas de l'exécutant, si habile soit-il, un musicien. Il faut vibrer avec son instrument, il faut que la musique soit capable de réveiller les morts. Ce roman très court est rédigé de main de maître par Pascal Quignard. Une bien belle oeuvre!
Lien : http://araucaria.20six.fr
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Tous les matins du monde

Tous les matins du monde, un petit livre de rien du tout (117 pages) mais grand

par son contenu. Monsieur de Sainte Colombe, musicien connu (on ne sait pas très bien si c'est le père ou le fils), violiste, né vers 1640 et mort vers 1700, et le fils né vers 1660 et mort vers 1720 (sources Wikipedia). L'histoire quant à elle débute en 1650, donc cela ne peut être le père car il n'aurait que 10 ans, ni le fils car il n'était pas né! Dans l'histoire, Monsieur de Ste Colombe n'est plus tout jeune. Il vient de perdre sa femme le laissant avec deux petites filles âgées à peine de deux et six ans(.On ne dit pas ici qu'il a eu un fils) Il ne se remet pas de la mort de sa femme et se réfugie dans la musique avec sa viole de gambe.

Il l'enseigne à ses filles et forment ainsi un trio brillant, dont la réputation parvient jusqu'au roi Louis XIV qui lui fait demander de se produire à la Cour. Mais il refuse catégoriquement cette invitation par deux fois, à la fureur du roi et son incompréhension d'un tel refus. Monsieur de Ste Colombe donne des cours de viole et devient durant quelque temps le professeur de Marin Marais, également connu. Mr de Ste colombe vit presque en reclus. Madeleine, fille aînée de Mr de Ste Colombe tombe amoureuse de Marin Marais mais celui-ci la délaisse après quelque temps, elle ne s'en remettra pas et mourra tragiquement. Cette histoire est pleine de poésie, en le lisant, j'avais par moment, le sentiment de me trouver au centre d'une peinture impressionniste.

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Les solidarités mystérieuses

Après 30 ans d’absence, Claire revient en Bretagne à l’occasion du mariage d’une cousine. Prise à nouveau dans le tourbillon des émotions que lui inspire cette terre entre ciel et mer, elle décide de s’y réinstaller et redécouvre, entre angoisse et bonheur, les lieux et les personnes autrefois aimés, notamment Madame Ladon son ancien professeur de piano ou encore Simon, son premier et seul véritable amour, aujourd’hui maire du petit village de La CLarté, marié et père de famille. Entre eux, un amour irraisonné mais impossible, qui renaît aussitôt malgré le temps écoulé. Dès lors, Claire se met à arpenter inlassablement la lande, ses pas exclusivement orientés vers la silhouette de l’amant interdit, « errant dans le monde après son amour, regardant de loin son amour », son existence désormais réduite à cette citation du Livre de Ruth en exergue du roman : « Où il ira j’irai. Où il vivra je demeurerai. Où il mourra je serai enterrée. »

Autour de Claire, d’autres voix s’élèvent pour évoquer cette singulière cinquantenaire qui intrigue autant qu’elle subjugue. Paul, son frère, Juliette sa fille délaissée, le prêtre Jean, le Père Calève, Fabienne la postière….éclairent par petites touches la figure furtive et impénétrable de Claire, exprimant tour à tour l'amour impossible d'un homme et d'une femme, l'amour homosexuel de deux hommes, l'amour maternel tissé d'incompréhension et d'abandon entre une mère et sa fille, l'amour fraternel fondé sur une mystérieuse harmonie entre un frère et sa sœur.



« Les solidarités mystérieuses » créent des liens étranges avec le lecteur. Le charme d’une écriture limpide, la magie d’un phrasé pur et lumineux ensorcèlent et séduisent. Les mots transparents de Pascal Quignard bercent doucement, impriment une sorte de sérénité, d’apaisement.

On ressort de cette lecture les yeux emplis des paysages sauvages et magnifiques de la Bretagne, les sens vibrant de ses odeurs d’algues et de sel, de ses visions de dunes et de falaises qui nous accompagnent tout le long de notre cheminement littéraire au côté de Claire, sauvageonne fantasque que chacun des personnages va tenter de comprendre, de dévoiler, de démystifier sans y parvenir vraiment tout à fait.



Femme curieuse et intrigante, Claire fait corps avec le paysage côtier. Telle l’anémone avec le bernard lhermite, elle vit en symbiose avec ce coin de nature qu’elle sillonne en tous sens dès les premières lueurs de l’aube et dont elle prend soin avec constance et acharnement. En retour la nature lui offre ses falaises en protection du monde extérieur, lui cède les anfractuosités secrètes de ses parois abruptes, et aussi ses lits de mousse, ses trous d’eau, la chaleur de sa roche ou la douceur venteuse de sa lande. "Un jour, elle expliqua que le paysage, au bout d'un certain temps, soudain s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner."

Sa folie douce contamine son entourage, personnages et lecteurs, les incitant à faire attention à l’environnement, à regarder autour de soi, à observer et contempler les beautés que recèle la nature.



Les êtres qui peuplent le roman de Pascal Quignard servent avant tout à magnifier une côte bretonne que l'auteur nous révèle à la façon d’un peintre, nous la donnant à voir, à sentir, à humer, à ressentir par tous les pores de notre peau et par tous les sens de notre corps.

Claire, Paul, Juliette, Simon, Jean ne semblent exister que par ce coin de lande entre ciel et mer.

La narration de leur existence conserve la couleur un peu délavée des êtres qui passent comme un souffle mais qui, paradoxalement, laissent derrière eux un souvenir fugace et persistant comme une trainée d’écume sur le rivage.

A l’instar de l’évanescente Claire, colonne vertébrale du récit, quelque chose en eux est fortement, irrévocablement ancrée dans cette terre bretonne. Ils la façonnent, la dessinent, l’exécutent dans toute la subtilité de ses nuances et de ses demi-teintes. Le roman s'empreint alors de cette attirance, de cet incommensurable amour.

Le vent, les vagues, la lande, les falaises, le lichen, le granit, le petit port de pêche, le village à fleur de falaise, les toits d'ardoise, les goélands, les nuages blancs sur la mer grise…un panorama enchanteur s’anime, se matérialise, s’exprime dans la douce mélancolie d’une vieille carte postale ou dans les teintes pastels et ombrées d'une aquarelle maritime.



Saint-Enogat, Saint-Lunaire, l’église de La Clarté, le site des Pierres couchées…autant de lieux qui jalonnent le parcours solitaire de Claire et que l’on suit pas à pas, le long des chemins côtiers, des plages et des escaliers de granit, le nez au vent, promeneurs silencieux, dans l’ombre d’un personnage qui réussit à apposer sa délicate empreinte dans la roche de notre mémoire comme un fossile dans la pierre.

Dans la polyphonie des voix, dans l’harmonie des tonalités qui esquissent ce très beau portrait de femme, «Les solidarités mystérieuses » devient un livre-hommage, un livre-découverte, le livre-célébration d'une Bretagne habitée de romantisme, douce, libre, suave et sensuelle…

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Les solidarités mystérieuses

« Pour les bretons, la légende veut que les goules ou les fées aient été des femmes malheureuses. Les fées sont les roches qui pleurent dans les vagues les morts qu’elles démantibulent, qu’elles déchirent. Dès qu’une roche pleure dans sa vague, il faut que l’humain qui a la chance d’être encore de ce monde, s’arrête sur le sentier maritime. Il faut qu’il regarde attentivement la roche qui crie, qu’il la salue, qu’il lui demande son nom. Cela calme peu à peu son cri, ou plutôt sa douleur.

Alors le bruit du ressac se fait moins fort. »



Ce passage bouleversant, tiré du roman de Pascal Quignard " Les solidarités mystérieuses", n’est pas sans rappeler "Les amants de pierre" du barde finistérien Manu Lann Huel.

Cette chanson figure sur le CD « île-elle », un magnifique album sorti en 1998, où l’artiste, accompagné de ses musiciens, exalte la beauté de la Bretagne océane et souligne le côté impénétrable de bon nombre de ses îles (Batz, Groix, Molène, Ouessant, Sein).



Voici les paroles de cette chanson " Les amants de pierre" :



« Porte des chagrins de mer

Je sais des cœurs arrêtés

Entre le rouge et le vert

Jean et Jeanne sont de pierre



Dort l’amour millénaire



Leur chevelure est de roc

Comme j’ai douce colère

Corde de vent poing de terre

Jean et Jeanne sont de pierre



Dort l’amour millénaire



Leurs yeux sont de vagues bleues

Une île bouge au milieu

Comme un adieu de travers

Jean et Jeanne sont de pierre



Dort l’amour millénaire



L’amour une main qui trace

Des nœuds avec l’autre main

Efface le temps qui passe

Jean et Jeanne sont demain »



Alors que cette ébauche de critique dérive avec bonheur sur des vagues porteuses, la voici soudain entraînée dans un puissant tourbillon aquatique puis aspirée avec force vers les profondeurs océanes.

Pauvre critique embryonnaire à jamais disparue dans les grands fonds marins, loin, très loin de son port d’attache Babelio !



Le stade des citations semble parfois indépassable et c’est particulièrement vrai pour « Les solidarités mystérieuses ». Commentaires et critiques alors s’effacent devant la beauté ineffable d’un livre que l’on referme à regret.

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Tous les matins du monde

Ce court texte, austère et profond comme le son de la viole, est une pure merveille.



Il est rare que la lecture convoque aussi puissamment tous mes sens : l'ouïe bien sûr puisque ce roman parle de musique, seule à même d'exprimer l'insondable tristesse des âmes en peine et de dialoguer avec les morts; mais aussi l'odorat, avec la perception du délicat fumet de la brume sur la Bièvre et du bois humide aux abords de la chaumière retirée de Monsieur de Sainte Colombe ; ou encore la sensation du mouvement, celui de l'archet sur le crin ou du pas de Marin Marais crissant dans la neige.



Il est difficile de rester insensible à ce récit initiatique qui verra l'élève Marais, après avoir épuisé tous les ors et plaisirs du monde, revenir à son maître qui s'en est depuis bien longtemps retiré, pour entendre véritablement, ayant enfin appris à pleurer, la leçon de musique de ce dernier.



Tant de richesse sertie dans tant de sobriété : un moment de belle littérature qui laisse un délicieux vague à l'âme.

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Terrasse à Rome

Ce roman court et complexe à la fois relate l'existence d'un graveur de Bruges, Meaume, amoureux des belles femmes, particulièrement de l'une d'elles, dont le fiancé le défigure en lui lançant de l'acide au visage.



S'ensuit le récit de la vie mutilée du graveur, plutôt des fragments de sa vie, dont il ne jouira jamais vraiment pleinement, amputée qu'elle est de cet amour avorté de sa jeunesse.



Meaume va bouger beaucoup durant sa vie, de Bruges vers l'Italie, Les Pyrénées, la côte atlantique et surtout Rome qui le fascine. Pascal Quignard sait emmener ses lecteurs avec délices le long de la Via Giulia, cette artère paisible de la ville éternelle qui longe un moment l'arrière du palais Farnèse. Meaume réside sur l'Aventin, ses pas le mènent vers l'église Santa Maria in Cosmedin dont l'entrée abrite la Bouche de la Vérité.



Meaume connaît d'autres femmes, une surtout, Marie, mais leur relation ne peut être pleinement aboutie. Elle l'accompagnera néanmoins dans ses errances, le fuyant parfois, mais se trouvant auprès de lui pour ses derniers instants.



Pascal Quignard égrène de très belles pensées sur l'amour, la jalousie, la fuite inexorable du temps. Il produit également de très courtes mais très belles descriptions des crépuscules, de la nuit, des montagnes pyrénéennes.



Son livre se déguste comme une succession de mets, les uns très appétissants et savoureux, d'autres n'étant que nourriture et toujours cette approche de l'art, de l'Italie qui ne peut laisser indifférent. C'est un voyage artistique et humain convaincant.



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Villa Amalia

L’auteur nous raconte dans ce livre, la souffrance d’une femme Ann Hidden musicienne, passionnée de piano, mais ne produisant plus sur scène, passionnées également d’œuvres anciennes qu’elle retranscrit à sa manière. C’est une artiste, torturée par la vie, les abandons : son père est parti alors qu’elle était enfant, juste après la mort de son petit frère, et sa mère a passé sa vie à attendre son retour. Il n’a jamais donné de nouvelles.

Après l’échec de sa relation avec Thomas elle fuit, décide mener une autre vie, change la couleur de ses cheveux, sa façon de s’habiller, elle est devenue une autre.

Quand elle tombe amoureuse de la belle villa ancienne creusée dans le rocher qui surplombe la mer, elle s’installe. Le chemin qui mène à la maison est raide, parfois impraticable mais la villa semble se mériter. Elle l’aima avant de penser qu’on pût aimer d’amour un lieu dans l’espace.

Elle se replonge dans la musique, les œuvres anciennes toujours, devient amie avec la famille propriétaire de la maison, en particulier Amalia.



D’autres personnes vont entrer dans sa vie, Leonhardt, Magdalena, sa fille

La natation occupe une grande place dans sa vie, avant elle nageait en piscine, là elle a la mer pour elle toute seule. Elle l’explore physiquement, tactilement comme les touches du piano. Elle écoute sa musique, parfois même son vacarme : Elle pouvait passer des heures devant les vagues, dans le vacarme, engloutie dans leur rythme comme dans l’étendue grise, de plus en plus bruyante et immense, de la mer.



Mais un nouveau drame va se produire et elle prendra encore la fuite.



Pascal Quignard raconte les blessures de l’amour, de la petite fille abandonnée par son père, puis par l’homme qui partageait sa vie, les blessures de l’amitié que ce soit Georges, ou les autres personnes, Léonhardt, Charles Giulia, Magdalena… et comment on peut aimer une maison tout autant qu’un être humain : Elle aimait de façon passionnée la maison de zia Amalia, la terrasse, la baie, la mer. Elle avait envie de disparaître dans ce qu’elle aimait… Mais ce n’était plus un homme qu’elle aimait ainsi. C’était une maison qui l’appelait à la rejoindre. C’était une paroi de montagne où elle cherchait à s’accrocher.



Il nous raconte la solitude de l’être humain, de la souffrance que l’on cache en soi et qui entraîne bien des fêlures, dans le fond du cœur et du corps. Est-ce la bonne solution de fuir, de disparaître quand on souffre ? Ann a le don de couper les liens presque chirurgicalement. Sa personnalité se transforme chaque fois qu’elle fuit, elle change de lieu mais aussi de vêtements.



C’est difficile de parler d’un tel livre, il est tellement puissant dans son message et son écriture qu’on en reste abasourdi, assourdi, sans voix.

J’avais bien aimé « Tous les matins du monde » et « terrasse à Rome » de Pascal Quignard et la magie a encore marché. J’ai tourné la dernière page hier soir et je suis encore toute hébétée, remuée car l’auteur fait réfléchir.



Un livre plutôt sombre, une héroïne qu’on n’aimerait pas trop avoir comme copine, tant elle nous dérange, mais qui fascine par sa liberté, sa façon de tout abandonner, de tourner la page, de recommencer ailleurs (qui n'en n'a pas rêvé un jour ou l'autre?), des personnages attachants. mais quelle belle prestation.

Note : 9/10

Challenge ABC


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Villa Amalia

Ann Hidden plaque tout après la trahison de l‘être aimé, pire elle efface tout jusqu’à changer d’identité. Mais peut-on disparaitre totalement ? Première incursion dans l’univers de Pascal Quignard. Peur de ne pas apprécier un auteur reconnu, de ne pas être à la hauteur. Et puis « Villa Amalia » m’a semblé être le roman pour entrouvrir la porte. Questionnements sur l’amour, fuir pour ne plus souffrir, pour se réinventer, direction vers le soleil, la lumière en guise de thérapie. Une histoire qui s’installe doucement, une petite musique qui vient triturer nos neurones, le roman de Quignard est joliment agréable. Une première rencontre donc pleine de promesse !!!

Benoit Jacquot l’a adapté fidèlement au cinéma avec une Isabelle Huppert envoutante et un Jean-Hughes Anglade tout en nuance.

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Dans ce jardin qu'on aimait

Texte hybride, alliant théâtre et récit, écriture sublime.



C’est Peau d’âne dans une version moins féérique : un père chasse sa fille unique, lorsqu’elle atteint l’âge de sa mère à son décès, en suite de couches. La jeune femme est une image en miroir de ce que fut sa mère et la souffrance est trop profonde pour l’homme.



C’est en reclus qu’il va se consacrer à une tâche pour le moins originale : transcrire en musique les sons du jardin, de ce jardin qui fut celui de son épouse. Immortaliser les sons quand le visage aimé n’est plus visible et chasser l’incarnation de l’aimée qui redonne vie à la défunte et détruit le souvenir volontairement figé.



C’est un texte profondément poétique, lent ,lourd des chagrins portés, simple dans sa forme et complexe dans ses émotions, alternant des dialogues de théâtre et un récit. Et le résultat est une musique qui se substitue à celle que l’auteur évoque et que l‘on entend pas, celle que le révérend tente de capturer dans son décor, pour combler le vide d’une absence mortifère.





Le texte est court et c’est tant mieux car un développement plus étoffé sur le même mode eut constitué un risque de décourager le lecteur.
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Dernier royaume, tome 10 : L'enfant d'Ingol..

De Pascal Quignard je ne connaissais que l'inoubliable Tous les matins du monde. Avec L'enfant d'Ingolstadt, je découvre qu'il est l'auteur prolixe d'une oeuvre érudite.



Dixième tome du Dernier Royaume — une série où l'auteur se livre à des réflexions sur des thèmes qui lui tiennent à coeur tels que la mort, le rêve, le silence, la musique, le désir, la peur, l'angoisse, la sexualité — L'enfant d'Ingolstadt est consacré selon ses propres mots : « à l'attrait de tout ce qui est faux dans l'art ou dans le rêve. » Une brillante démonstration qui repose sur l'évocation de rites antiques, de mythes et de contes, des analyses d'oeuvres, des réflexions philosophiques, sociologiques ou étymologiques.



Incontestablement intense, inclassable, brillant, pas toujours facile, j'ai aimé L'enfant d'Ingolstadt. Merci à NetGalley et aux Éditions Grasset pour cette lecture enrichissante.

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Tous les matins du monde

Depuis la mort de son épouse aimée, Monsieur de Sainte Colombe ne quitte plus sa maison du bord de la Bièvre. Il y vit en compagnie de ses deux petites filles et de leur gouvernante, et continue d’enseigner la viole dont il est un maître réputé. Mais son souhait le plus cher est de jouer et composer, isolé du monde, dans la cabane qu'il a fait construire dans son jardin.



Pourtant le temps passant, cet homme, austère et solitaire, initie ses deux filles à la viole de gambe, et forme avec elles un trio dont la réputation arrive jusqu'à Versailles. Mais quand Louis XIV souhaite sa présence à la cour, l'ami des Jansénistes refuse catégoriquement. Il continue donc à jouer dans sa cabane où maintenant sa femme apparaît régulièrement. C'est à cette époque que Marin Marais le sollicite pour devenir son élève. Après l'avoir repoussé, Sainte Colombe accepte, débute alors une longue et tumultueuse relation maître-élève.



À l'image de son titre, Tous les matins du monde est livre élégant, soigné, intelligent, un livre sur la musique et sa transmission, sur l'ambition aussi, sur l'amour et la passion, surtout. Un livre, à lire absolument, dont Alain Corneau a tiré un merveilleux film avec Guillaume Depardieu et Jean-Pierre Marielle, remarquables et inoubliables interprètes de Marin Marais et Monsieur de Sainte Colombe.

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Villa Amalia

Premier livre de cet auteur que j'ouvre, et c'est une très belle surprise. Je ne pensais pas qu'un tel ouvrage puisse me happer encore moins m'émouvoir! Et pourtant les deux se sont produit... C'est un très beau portrait de femme compositrice, qui, entre deux gestes de vengeance et entre deux deuils, parvient à reconstruire une vie et une œuvre. Entre le soleil d'Italie et la pluie de Bourgogne, c'est un très bel hymne à la nature et à la résilience. Mais c'est surtout un style!
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Tous les matins du monde

Aussi beau qu'un air de viole de gambe au fond d'un pavillon campagnard..



Tout petit livre, grande inspiration- pages confondantes sur la musique et la perte, sur l'art de compenser l'une par l'autre.



Secret, simple, puissant chant de deuil et de regret. Le film qui en est l'adaptation est, lui aussi, un pur éclat de chagrin et d'harmonie.



Une écriture classique, sans afféterie, presque janséniste. Magnifique!
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Les solidarités mystérieuses

Les solidarités mystérieuses se sont deux êtres, un frère et une sœur, au destin brisé par une tragédie, qui restent liés à tout jamais.

Ce sont de très belles pages sur les êtres, leurs relations, la nature, la mer et la Bretagne.

J'ai été conquise par le style et l'atmosphère crées par Pascal Quignard. Un livre dont je n'arrivais pas à m'extiper.
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L'amour la mer

Typiquement, voici le genre d'ouvrage qui confirme qu'on peut avoir une plume superbe, une poésie incroyable sur certains moments, et manquer le rendez-vous avec le lecteur, un lecteur en tout cas. Au cas où : en gros, c'est l'histoire de musiciens au XVIIe siècle, une fille de marin amoureuse et musicienne. Voici une lecture exigeante (je ne suis pas au niveau), pour intell-haut (!). A quoi sert-il d'écrire si bien pour finalement rendre la lecture difficile, passant du coq à l'âne, c'est une tempête qui va dans tous les sens, avec une chorale de personnages : faut suivre... Ça a beau être beau, je n'irai pas au bout à cause de la complexité du récit et l'ennui aussi. Tant pis.
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Dernier Royaume, tome 11 : L'homme aux troi..

Je viens de terminer le volume XI du Dernier Royaume : L'hommes aux trois lettres de Pascal Quignard. Je viens de découvrir cet auteur, il y a peu et j'ai adoré ce roman.

Suis-je impartiale ? Peut-être pas mais Pascal Quignard y parle d'art, de musique, d'écriture, de lecture, c'est un érudit qui se sert de références, de penseurs, du latin, d'étymologie je suis tombée sous le charme. le texte est poétique. Pascal Quignard a sa propre musique et donne du rythme à ce roman grâce aux nombreux chapitres. Avec énormément de belles phrases et parmi elles "la phrase", celle que vous retenez, qui s'adresse à vous par sa vérité et sa simplicité : " L'identité de celui qui pénètre dans les livres est transformée pour toujours."

C'est un livre qui touche à mon univers par sa vision de l'art et plus particulièrement de la lecture et de l' écriture qui me passionnent. Beaucoup de lecteurs et d'auteurs en herbe devraient s'y retrouver.

Merci aux éditions Grasset pour cette opportunité de découvrir ce roman en avant première.



#L'homme aux trois lettres #NetGalleyFrance



Sortie le 02 septembre 2020

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Terrasse à Rome

Chanel n°5, robe de cocktail sobre et chic, tasse à thé en porcelaine fine, Earl grey et petit doigt en l'air. Oui, j'ai viré mon patchouli, mes jeans et ma cafetière d'un litre. C'est le premier effet Quignard.

Puis, j'ai écouté de la viole de gambe à la place du Velvet et abandonné ma contemplation de grands tableaux aux huiles colorées pour user mon oeil hypermétrope dans l'examen d'estampes. C'est le second effet Quignard.



Avant de lire, je savais pas. J'avais prêté ce bouquin à ma belle-mère qui me l'avait rendu en me disant: "j'y comprends rien". J'avais donc revêtu les nippes réservées aux efforts, genre séjour à Kho Lanta mais en pantalon. Je savais vraiment pas.

Maintenant, je sais. Quignard est un styliste de la langue.



Biographe de Meaume, graveur né à Paris en 1617, il construit un petit livre autour d'eaux-fortes et de manière noire. Noire destinée de Meaume qui a connu l'éblouissante blancheur du corps de Nanni. Défiguré par son rival auquel l'amante était promise, congédié illico pour cause de laideur, Meaume voyage, apprend, grave, grave de tout: des gens humbles, des scènes érotiques et prosaïques, des paysages. Sur cuivre. Et Pascal Quignard tente de transformer chacun des courts chapitres de son ouvrage en une estampe. A partir d'une gravure offerte à notre vue, il déroule son récit. Il déroule son récit et construit une gravure. C'est selon.



Meaume "fait des images qui sortent de la nuit" afin de conserver son amour perdu. Quignard fait des phrases vernies où règne insuffisamment l'ombre pour bien camoufler la posture. Dans la sècheresse voulue, il manque la désinvolture d'un Echenoz. Dans le parti pris littéraire, il manque le velouté de la pointe sèche. J'ai lu avec plaisir car le livre est écrit. Il recèle quelques fulgurances. N'en déplaise à l'écrivain lui-même (et à ma belle-mère), le livre est accessible. On ne va pas se laisser emm… par quelques flash-back.

Mais il y a le côté prout-prout, l'aspect salon parisien où l'on philosophe en creux en se regardant philosopher. La recherche de l'aphorisme au sein de la narration. "Tous les lecteurs des livres vivent dans les angles".



Dans mon angle, je me suis rhabillée confortable. Quignard est un peu trop engoncé dans son costume. Il lui manque la décontraction du dandy.

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