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Critiques de Peter Watts (140)
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Vision aveugle

Peter Watts fait partie de ces écrivains qui ne prennent pas leur lectorat pour des idiots. Ils considèrent que celui-ci est assez intelligent pour comprendre ce qu'on lui propose et qu'il n'est pas nécessaire de le prendre par la main et de tout expliciter. A l'instar de Greg Egan, Peter Watts pousse parfois le bouchon un peu loin en nous jetant son univers à la figure, nous laissant nous débrouiller par nous-mêmes. Il faut alors piocher les infos ici ou là, appréhender les concepts exotiques, essayer de relier l'ensemble pour former un tout cohérent mais avec un minimum de persévérance et de concentration, la patience sera récompensée. Cependant il écrit aussi des textes très accessibles comme Eriophora par exemple.



Vision Aveugle fait donc partie de ces livres supposés inaccessibles, difficiles à lire et encore plus à comprendre, ces romans abscons et élitistes. Peter Watts, le reconnait lui-même. Dans la préface qu'il a écrite spécialement pour l'édition du Bélial, il mentionne à propos de Vision Aveugle que "certains le considèrent comme une des œuvres phares de la SF du nouveau siècle, d’autres y voient une ennuyeuse merde didactique qui se donne l’air important avec des tartines de références scientifiques". Il trouve même ces critiques fondées et ajoute que "Ce n’est pas un livre que tout le monde appréciera mais que ceux qui l’ont aimé l’ont beaucoup aimé."



Outre la préface de l'auteur, la présente édition du Bélial est augmentée Des Dieux Insectes une nouvelle d'une dizaine de pages se déroulant dans l'univers de Vision Aveugle ainsi que de longues notes et références qui permettent de comprendre et d'éclaircir nombre de concepts distribués dans le roman. Une mine d'or qui montre tout le talent, l'ingéniosité et la folie de Peter Watts.



Mais revenons au roman proprement dit. Vision Aveugle est l'histoire d'un premier contact qui aborde une multitude de thèmes riches et novateurs à travers des personnages plus qu'écorchés par la vie. Ecoutez plutôt. Le narrateur, Siri Keeton, dont le niveau d'empathie est nul depuis qu'on lui a ôté une moitié de son cerveau, est l'observateur de la mission. Amanda Bates, la militaire "pacifiste", est en charge de la sécurité du vaisseau et de son équipage. Isaac Szpindel, le biologiste de l'équipe, étudiera les aliens si la rencontre a lieu, pour cela il a délaissé une partie de son humanité pour s'accoupler à des machines et être plus performant. Susan James, la linguiste du vaisseau, se consacrera pleinement au premier contact et à la communication avec les entités extraterrestres. Elle sera secondée par d'autres personnalités avec qui elle partage son cerveau. Et enfin le responsable de la mission Jukka, un homo vampiris, une sous-espèce d'homo sapiens, dont l'intelligence est décuplée par rapport à celle de ses compatriotes. Tout ce petit monde se retrouve à bord du Thésée sous la coupe d'une IA quantique, direction l'espace profond à la rencontre d'une vie extraterrestre...



Grâce à ce premier contact hors du commun, Peter Watts nous offre un huis clos spatial transhumaniste doublé d'une réflexion sur la vie. A partir d'une entité extraterrestre si différente de nos standards, il nous interroge sur la notion du vivant, faut-il que ce soit organique, qu'est-ce-qui différencie le vivant de la machine, faut-il une conscience et/ou une intelligence derrière ? Ces deux notions sont-elles imbriquées l'une dans l'autre, ou peuvent-elles exister l'une sans l'autre... De fil en aiguille en s'intéressant à ce qui est autre, Peter Watts nous questionne sur notre humanité, notre évolution et notre place au sein de l'univers...



Vision Aveugle est un monument de la Hard-Science, une lecture indispensable à tous les amoureux des Sciences de la Science-Fiction en général. Ce roman exceptionnel servi par une plume acérée dans une ambiance très sombre parfois même terrifiante, porté par une galerie de personnages époustouflants est certes exigeant mais il est diablement intelligent. Il faut aussi reconnaitre que même si certains concepts abscons s'éclaircissent au fur et à mesure de la lecture, il restera une certaine part d'ombre selon le degré d'engagement, de connaissance et de résilience propre à chacun. Cela n'enlève rien au récit, bien au contraire : rares sont les romans qui semblent vous rendre plus intelligents, faut-il juste en avoir conscience !





Pour aller plus loin, je vous conseille la chronique d'Apophis qui permet elle aussi de comprendre quelques notions qui auraient pu échapper au cours de la lecture.



En novembre 2023, Echopraxie, la suite de Vision Aveugle sera également republiée au Bélial. Il va sans dire que je serai de la partie.


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Vision aveugle, tome 2 : Échopraxie

J'adore Peter Watts.

Il nous a encore pondu un livre incroyable.

Est-ce que c'est facile à lire ? Non

Est-ce que le style est limpide ? Non

Est-ce que j'ai tout compris ? Non plus.

Ce tome 2 de "Vision aveugle", malgré les difficultés de lecture, regorge d'ingénieuses trouvailles, d'idées troublantes et complexes, mais tout ou presque paraît plausible et est en définitive basé sur des recherches scientifiques passionnantes desquelles Peter Watts en retire des inventions et des questionnements tordus et subtils.

Entre des zombies, une vampire, l'ordre bicaméral, des post/trans-humains, un biologiste limité par son humanité - un cafard pour les uns, de la charcutaille pour Valérie la vampire- se verra embringué dans une aventure rocambolesque et confronté à des questions portant sur les limites de la science et de la religion, la nature de l'univers, de la vie...

On ressort de là, à la fois perplexe et émerveillé.

On peut se reporter aux notes de fin d'ouvrage...une mine d'infos. (bibliographie pour la plupart en anglais)

J'adore Peter Watts.

Je l'ai déjà dit ?
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Eriophora

Eriophora de Peter Watts est un court roman ou plutôt une longue novella (comme le souligne l'auteur lui-même) qui s'inscrit dans le cycle Sunflower. Cette série comporte quatre nouvelles : L'île (le texte qui m'a donné envie de lire la présente novella), Eclat (texte disponible gratuitement sur le site du Bélial jusqu'au 18 octobre prochain), Géantes (disponible comme les deux précédentes dans le recueil Au-Delà du Gouffre toujours au Bélial) et enfin L'Autostoppeur…



L'Eriophora est un vaisseau-astéroïde qui navigue depuis plusieurs dizaines de millions d'années au sein de la galaxie avec à son bord 30 000 spores, entendez 30 000 humains spécialement conçus/formés pour ce voyage. Ces spores passent la quasi totalité du temps en stase, ils ne sont réveillés à tour de rôle et pour une durée limitée par le Chimp, l'Intelligence Artificielle du vaisseau, qu'à de rares occasions quand la nécessité s'en fait sentir. L'IA n'est pas "particulièrement futée" et a besoin de l'intuition humaine quand des problèmes dépassent ses domaines de compétence. La mission de l'Eriophora, est de construire les portails trous de verre pour qu'un jour les humains puissent s'affranchir de l'espace et du temps et voyager librement à travers les étoiles.



La routine s'installe, les réveils succèdent aux longues phases de sommeil, les spores se croisent de temps en temps pour quelques jours, plus ou moins régulièrement, selon les besoins du Chimp. Sunday Ahzmundin est l'une de ces spores. Sa relation avec l'IA est particulière voire conflictuelle. D'autant plus qu'avec le temps, une partie de la population devient paranoïaque, l'humanité n'a jamais donné de nouvelles et cette mission ne semble pas avoir de fin. La fronde gronde dans les profondeurs du vaisseau mais il est difficile de se rebeller face à une IA toute puissante qui a des yeux et des oreilles un peu partout...



Eriophora nous narre l'histoire de cette rébellion et celle des difficiles relations entre Sunday Ahzmundin et l'IA. L'éternel conflit IA/Humain n'est pas nouveau mais Peter Watts nous le sert sur une échelle de temps inimaginable et rend l'intrigue intéressante et surprenante.



L'autre point fort du roman est la psychologie des personnages. L'auteur s'affaire à nous détailler les rapports humains dans cet immense huis-clos. Il insuffle paranoïa et psychose chez les différents protagonistes rendant l'atmosphère oppressante.



Eriophora est au final un texte Hard-SF particulièrement accessible, Peter Watts vulgarisant son propos et rendant les concepts scientifiques abordables. Originale, riche en émotion cette novella fera voyager loin et longtemps. (et même un peu plus si vous trouvez le message caché au sein du roman !)




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Au-delà du gouffre

16 nouvelles, 11 inédites, un avant-propos et deux postfaces : une belle entrée en matière pour qui voudrait découvrir les textes de Peter Watts avant de s’aventurer au-delà de ses nouvelles et un beau cadeau pour les fanatiques de son oeuvre.



Peter Watts est un auteur de science fiction, oeuvrant souvent dans le domaine de la Hard SF, genre qui n’a pas ma prédilection. Mais l’intérêt de ce recueil est de découvrir un pan autre de l’écrivain, j’y ai trouvé un éclectisme assez rare pour être salué. Chacun pourra donc y trouver son bonheur. Nous passons donc de la découverte de l’espace infini à travers des vaisseaux gigantesques constructeurs de routes spatiales en compagnie d’humains modifiés, augmentés et d’intelligences artificielles conscientes, à de la dystopie environnementale, avec un détour vers des drones militaires pensants…



Vous y trouverez aussi des rencontres avec l’Autre. Pas d’anthropocentrisme ici, l’autre est étrange, incompréhensible. L’auteur nous démontre que l’intelligence peut prendre des formes diverses et variées difficilement entendable à nous pauvres humains. Mais pas de jugement de valeur, l’autre est différent, mais n’est pas meilleur ou plus mauvais que nous, il réagit selon sa culture.



La question de Dieu est assez présente, une partie lui est même exclusivement réservé, même si d’autres nouvelles y font références. Pour certains, l’homme est pourvue d’une âme, pour d’autres d’une conscience, mais souvent les deux se confondent dans une sorte de métaphysique. Et une infime partie pense, comme Peter Watts, que la pensée est juste un phénomène neurochimique, l’homme n’étant qu’un ensemble de cellules vivantes. Dieu n’existe pas, l’homme est seul. C’est à mon humble avis le pourquoi de nombreux lecteurs trouvent les textes de Peter Watts sombres et pessimistes. Pour ma part, je n’ai nullement eu un ressenti de noirceur, juste une interrogation sur notre humanité aujourd’hui, et surtout demain.



Alors Watts, pessimiste ou optimiste ? A vous de vous faire une idée, selon votre propre curseur. Pour l’auteur, il n’est qu’un « optimiste en colère », vision qu’il défend dans sa postface, un peu trop digressive à mon goût sur sa mésaventure étatsunienne . J’y ai découvert un auteur avec des convictions profondes, solides et engagées. J’attends juste qu’il produise des romans un peu moins hard SF pour m’y plonger. Mais comme il attendait ma critique avec impatience, nulle doute qu’il ne réponde favorablement à ma supplique.



Au final, des textes parfois abscons pour ma petite personne, d’autres magnifiques. Et ce qui reste, un beau recueil très éclectique, une porte d’entrée indispensable à Watts.
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Rifteurs, tome 1 : Starfish

Six tarés dans un espace confiné ont oublié de prendre avec eux un Monopoly. Qu'est ce qui se passe d'après vous ?

Oui mais pas que !



La terre est dans un triste état, des multinationales au pouvoir, un internet en prise avec Le virus rendant la communication difficile et sujette à caution, une énergie qui manque... Les bio-technologies ont connu un essor phénoménal, mais la technicité manque encore un peu pour automatiser la récupération d'énergie dans les grands fonds des océans, dans les rifts. Solution, prendre quelques zozos pas très clean, les mettre face à un choix cornélien, attendre qu'ils se portent volontaires pour les transformer en mutant mi-homme mi-poisson et les jeter dans le grand bain pendant quelques mois pour surveiller et faire la maintenance des sites de récupération d'énergie.



Nous passons du huis-clos oppressant, la hard SF pour finir en thriller. Peter Watts mélange les genres mais n'a, à mon avis, pas assez de bagouts (c'était son premier roman) pour faire passer l'ensemble. Côté hard SF, rien à redire, on sent que l'auteur sait de quoi il parle : géothermie, faune des grands fonds, évolution des espèces, et j'en passe. Sa description d'une intelligence artificielle semble crédible.

Mais côté personnages, cela pêche aussi : je ne me suis attaché à aucun des protagonistes, les relations interpersonnelles évoluent trop rapidement, sans trop d'explications.

L'intrigue est assez tortueuse, l'auteur jouant sur les fausses pistes.

Résultat, j'ai eu du mal à entrer complètement dans le récit du fait de l'inégalité de l'ensemble. C'est loin d'être catastrophique, c'est même très bien pour un premier roman, la barre était, à mon goût, placé un peu trop haut.



Premier tome de la trilogie Rifteurs, Starfish peut se lire de manière indépendante. Et c'est bien mon intention. Mais tout de même l'envie d'en connaitre plus de l'auteur dans un autre univers.
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Au-delà du gouffre

Peter Watts est-il le Nietzsche de la science-fiction ? L'auteur qui nous force à regarder en face la réalité de la nature humaine : un automate biologique doué de conscience mais dénué de libre arbitre ?



C'est bien ce qu'il me semble à la lecture de ces quelques nouvelles, toujours très intéressantes, mais pas franchement optimistes. Comme toujours avec Watts, la prose est dense et de nombreux passages requièrent plusieurs lectures. Chaque nouvelle mérite d'être suivie d'une période de réflexion. Bref, pas vraiment un livre pour la plage, mais on s'y attendait.



De toutes ces nouvelles, ma préférée est la première. Parce que The Thing, de Carpenter, est l'un de mes films préférés. Watts relate les événements du point de vue de la Chose, et c'est passionnant (et plutôt drôle par moment). En plus, on y gagne des explications sur certains points obscurs du film. Le titre de cette nouvelle ? « Les Choses » bien entendu !
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Échopraxie

Extrait de ma chronique :



"Même si l'univers de Peter Watts est au moins tout aussi immanent que celui de Damasio, Echopraxie se confronte plus frontalement à la question de la transcendance (c'était le voeu de son auteur, voir l'entretien avec ActuSF) : les bicaméraux, que le colonel Jim Moore n'est pas loin de considérer comme "des dieux" (voir page 74), sont eux-même à la recherche des "Anges des Astéroïdes" (page 148) – mais ils ne trouveront guère qu'une autre espèce...





Exactement comme le fera plus tard Emilie Querbalec avec Les Chants de Nüying, qui reprend plus explicitement que Petter Watts le motif des sirènes antiques, la thématique du premier contact (tant désiré par l'humanité, qui n'aime rien tant pourtant que détruire d'autres espèces, comme Peter Watts le rappelle dès le début du roman) ne sert au final qu'à délimiter les contours de notre espèce – donc à discréditer son hubris au profit d'une prise de conscience de ses (indépassables) limites"
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Rifteurs, tome 3 : Béhémoth

Comme beaucoup, je trouve que ce tome est le moins bon de la série des Rifteurs.

Non pas qu'il soit réellement mauvais, mais peut-être est-il d'un genre plus classique.

Les personnages sont toujours aussi perturbants, complexes voire dysfonctionnels, l'histoire toujours aussi originale. Cependant le déroulé est sensiblement moins surprenant.

Peu importe...

C'est tout de même un bouquin sympa qui nous décrasse un peu les neurones tout en nous faisant passer un bon moment de lecture qui ne manque pas d'actions.
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Vision aveugle, tome 1 : Vision aveugle

Bon, ok, j'ai plus de 10 ans de retard dans mes lectures...

Peu importe...Peter Watts, c'est du très bon !

Pour les adeptes de SF, de la hard-SF, de la philosophique, de celle qui questionne, qui nous bouscule et qui nous asticote les neurones .

Sûr, que certains passages sont parfois abscons mais l'histoire de cet équipage de terriens face à cet artefact extraterrestre m'a complètement happé dès les 1ères pages, et mon intérêt ne s'est jamais relâché.

La lecture est passionnante, le style efficace, chaque personnage possède un intérêt spécifique (personnalités multiples, interfaçage homme/machine, transhumanisme, vampire...) et mériterait presque un bouquin à lui seul.

Les questions philosophiques et/ou scientifiques sont pointues et amenées avec intelligence.

Voilà, un auteur dont les œuvres vont venir enrichir ma pal, en espérant qu'elles soient du même acabit.

On en redemande.
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Vision aveugle

Quelle expérience de lecture ! J'avais entendu avant même de lire ce roman que celui-ci était en quelque sorte la pierre angulaire des ouvrages de SF traitant de premier contact, de premières rencontres et qu'il était à la fois dense et singulière, mais je ne m'attendais pas à vivre cela ! Même si je n'ai pas tout compris à ce que j'ai lu, loin de là, je ressors particulièrement satisfaite et fascinée par cet auteur de Hard Science qui aura su me séduire sur deux ouvrages très différents.



En effet, cette année avec cette édition, Le Bélial' nous offre de redécouvrir l'oeuvre phare de Peter Watts. L'an dernier, ils nous avaient déjà proposé avec Eriophora, une novella de hard sf particulièrement accessible, des réflexions très pertinentes sur notre rapport aux I.A. et à l'industrie du travail, mais il est question de tout autre chose ici. Cependant, l'éditeur avec l'esthétisme qu'on lui connaît nous offre une belle édition augmentée, d'un roman déjà paru il y a une dizaine d'année, avec à nouveau une couverture du plus bel effet signée Manchu.









Alors que contient ce texte que je tarde à vous présenter : il représente tout ce que j'aime (ou presque) de la SF, c'est-à-dire une histoire, dense, complexe, qui fait énormément réfléchir et en même temps des personnages profondément humains qui vivent une expérience totalement inimaginable. Tout commence lorsqu'une drôle de pluie s'abat sur la Terre du futur, les terriens s'aperçoivent alors qu'ils viennent en fait d'être pris en photo par une autre intelligence. Ils décident donc d'aller à sa rencontre mais ne sachant à quoi s'attendre, ils envoient cinq ambassadeurs : Siri Keeton un homme à qui il manque la moitié de son cerveau ce qui le rend inapte aux émotions et observateur parfait, Jukka Sarasti un vampire ressuscité par le génie génétique et personnage très mystérieux, Susan James une linguiste schizophrène ayant de nombreuses personnalités qu'on appelle le Gang, Amanda Bates la militaire du groupe qui tient sous sa coupe des robots guerriers et Isaac Szpindel un biologiste au corps modifié pour pouvoir s'interfacer aux machines. L'auteur nous embarque donc à leur côté pour aller à la rencontre de cette espèce qui semble s'intéresser à nous.



La plume de Peter Watts, comme dans Eriophora, se veut d'emblée accrocheuse, fluide et simple à la fois, elle nous fait rencontrer dans un premier temps son drôle de narrateur : Siri, de manière très simple. On se dit alors qu'on va suivre une aventure pleine d'allant et pas trop compliquée à suivre. C'était mal le connaître, car sous cette apparente simplicité se cachent des concepts qui vont peu à peu venir fournir sa réflexion et nous mettre, nous lecteurs, sur orbite !



Le récit mêle passé et présent, découverte de cette Terre augmentée, de la vie à bord et des manoeuvres faites pour rencontrer cette nouvelle espèce qui s'est manifestée à nous. Les premiers temps sont plaisants, on découvre une évolution possible de notre humanité faite de personnages augmentés et de créatures issues de notre bestiaire de monstres à qui on donne ici une existence et une évolution crédible. Puis peu à peu, on bascule dans le récit de la vie à bord où l'on découvre les particularités de chacun et un brin de leur passé parfois. C'est fort plaisant. Cependant, l'auteur prend un peu trop son temps et il noie légèrement le lecteur sous des pages et des pages qui auraient mieux fait d'aller droit au but car elles apportent peu au récit. Heureusement, il en est parfaitement conscient et corrige ce défaut dans la seconde partie.



En effet, à partir du moment où Peter Watts décide de prendre le taureau par les cornes et de s'intéresser vraiment à cette espèce extraterrestre à la rencontre de laquelle on va, le récit devient bien plus nerveux et proprement fascinant. Il manie alors des concepts pointus aussi bien en rapport avec les voyages dans l'espace, le fonctionnement du vaisseau et des habitants à son bord, qu'avec de la philosophie, de la neuroscience ou de la biologie expérimentale. Ça pousse le lecteur dans ses retranchements, ça l'oblige à être hyper attentif pour tenter de suivre et comprendre ce que l'auteur cherche à développer sous ses yeux sur la conscience de soi et l'intelligence, sur la forme d'existence que sont les Brouilleurs, sur la biologie des Vampires, sur la réalité des personnalités multiples, sur la vie en tant que personne câblées, sur la condition humaine en fait. C'est très riche et complexe, parfois on se perd, mais c'est ce qui rend le titre encore plus marquant.



Comme le dit lui-même l'auteur, souvent quand il est question de Premier contact dans la fiction, on se retrouve au final avec quelque chose d'assez stéréotypée. Ici, ce n'est absolument pas le cas. En s'appuyant sur son imagination mais également sur des échanges avec des scientifiques dans différents domaines, l'auteur est le premier et le seul pour moi à vraiment écrire quelque chose d'original et de dépaysant. Il a réussi à imaginer des êtres à la fois intouchables, inimaginables et monstrueux dont le système de pensé, de communication et de création même n'a rien à voir avec le nôtre, mais à un niveau tel qu'on se triture vraiment le cerveau à suivre. Il couple en plus cela avec des réflexions vraiment très profondes de son héros, le grand observateur de la mission de part sa particularité, sur la conscience, l'intelligence et l'existence. On a donc l'impression d'être à la fois dans un ouvrage de science pointue et futuriste et dans un ouvrage de philosophie ultra fouillé. C'est remarquable.



Saluons en plus l'édition superbe du Bélial' qui nous offre une préface d'eux-même et de l'auteur, une postface de celui-ci avec ses références, des parties introduites par des illustrations à l'ambiance parfaite et une courte nouvelle pour prolonger l'univers. Top !



Alors bien sûr, il faut s'accrocher. Bien sûr, je ne suis pas sûre d'avoir tout saisi ni compris. Bien sûr, cela nécessitera une nouvelle lecture. Mais rien que pour le vertige et la frayeur que j'ai ressenti avec cette rencontre hors du temps et de l'espace, j'ai envie d'y retourner !
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Vision aveugle

Un grand roman de SF.



Le cadre est celui d'un premier contact, un vaisseau envoyé à la rencontre d'entités extraterrestres. Extraterrestres dont la nature n'est pas, mais alors pas du tout, celle de "petits hommes verts" ! Face à un équipage pour le moins inhabituel : le narrateur, au cerveau amputé, une militaire qui pilote une armée de robots, une linguiste dont le cerveau contient plusieurs personnes, un biologiste dont les sens ont été modifiés pour s'interfacer avec ses outils, et… un vampire. Tous évoluant dans une ambiance loin d'être rassurante.



Le cadre du roman est assez restreint, il y a peu de personnages, guère plus que les cinq membres d'équipage qui ne comprennent pas bien ce qui se passe… Mais avec un tel foisonnement d'idées que cela ne laisse place à aucun temps mort. L'intérêt réside autant dans l'exploration d'une réalité radicalement différente de ce à quoi nous sommes habitués que dans l'exploration des capacités du cerveau humain, que Peter Watts pousse assez loin avec sa réflexion sur la conscience, l'intelligence, la perception, le transhumanisme, etc.



Et il y a des trouvailles vraiment excellentes, comme l'explication scientifique des vampires ou la technique de camouflage des entités extraterrestres.



Le "making of" en annexe, où l'auteur explique quelques idées et cite les études scientifiques qu'il a extrapolées, est un vrai plus (…et les études citées mises en regard du roman fournissent de bonnes raisons de s'inquiéter pour notre lointain avenir !)



En conclusion, un roman exigeant, dense, pas vraiment pour les débutants, mais qui est prenant, d'une grande richesse et dont les idées sont fascinantes.

La nouvelle en fin du volume, qui n'a qu'un lien faible avec le roman, est aussi de bonne qualité et élargit le champ de la réflexion.





(Je précise que j'ai reçu ce livre dans le cadre de Masse critique ; je remercie donc Le Bélial' et salue au passage ce beau travail d'édition.)
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Bifrost, n°93 : Dossier Peter Watts : Le ch..

Comme souvent des derniers temps, la revue Bifrost consacre un numéro à un auteur que je ne connais pas. Comme souvent ces derniers temps, je me dis que c’est l’occasion de le découvrir. Comme souvent ces derniers temps, il y loin de l’intention à la réalité, la faute à une PAL qui peine à diminuer et qu’il est plus facile d’engraisser que de faire fondre.





Bref, ce numéro 93 est dédié à Peter Watts, héros de la rédaction bifrostienne et des blogueurs amateurs de hard science qui se sont glissés dans ces pages pour y louer ses écrits 😉



On commence le numéro par une nouvelle de Christian Léourier, auteur que j’ai déjà pas mal lu et apprécié. Je ne remercierais d’ailleurs jamais assez Xavier Dollo d’avoir fait paraître 4 tomes d’Intégrales de son cycle de Lanmeur chez les défuntes éditions Ad Astra, qui ont fermé fin septembre 2018. Xavier, si tu nous lit, encore merci. Profitons de la prose de l’auteur, qui glisse dans ce numéro la seule note d’optimisme, ou presque. Réfugiés dans la forêt pour fuir un monde empoisonné, un petit peuple décide de planter des arbres à la lisière pour repousser le désert mortel qui y règne. Au fil des générations, la forêt s’étendra. Au point de permettre de retrouver d’autres êtres ? Une nouvelle qui tient du conte ou de la fable, et entretient l’espoir que les choses changent sur le long terme, la nature reprenant toujours ses droits, même si elle est ici un peu aidée.



Suit ZeroS, une longue nouvelle de Peter Watts. Sauvé de justesse de la mort, Asante intègre une unité bien particulière puisque son esprit est implanté dans le corps d’un soldat d’élite. Un guerrier qui agit sans qu’Asante soit réellement aux commandes, au sein d’un groupe chargé de missions sanguinaires dans un futur bien sombre et pas si lointain. Le style est percutant, il faut parfois s’accrocher un peu pour suivre. Je regrette par contre de ne pas en savoir plus sur le background, esquissé mais pas assez détaillé. C’est que la nouvelle s’insère dans le cycle constitué par Vision Aveugle et Echopraxie, il se peut donc que les réponses soient ailleurs.



On retrouve au sommaire de ce numéro les rubriques habituelles, telles le carnet de critiques des sorties récentes, le dézinguage des revues et fanzines (plutôt calme cette fois-ci), un « Paroles de… » consacré à Jean-Luc Rivera, le créateur des Rencontres de Sèvres (j’irais un jour, j’irais…), Scienti-fiction qui s’intéresse cette fois aux monstres, naturels ou créés par l’homme, en citant de nombreux films au passage, les résultats du concours de nouvelles 2018…



Et bien sûr un épais dossier consacré à Peter Watts. Au travers d’un entretien de grande qualité avec Erwann Perchoc, on apprendra tout ou presque sur l’auteur (et même plus qu’on ne l’aurait souhaité, peut-être^^). Watts prend ensuite la parole dans un essai où il se défend d’être un écrivain pessimiste déprimant ses lecteurs, ceci dit ses écrits semblent indiquer le contraire. Et bien sûr on trouvera un guide de lecture détaillé où les fourbes Apophis et Feyd-Rautha, notamment, tentent de nous faire lire l’auteur canadien. J’avoue que je suis tenté, au moins par Vision Aveugle pour commencer (mais le livre étant indisponible neuf, ça n’est pas pour demain, ma PAL respire) ou par The Freeze-Frame Revolution et ses perspectives hallucinantes.



Un numéro intéressant pour un auteur qui semble l’être aussi.
Lien : https://bibliosff.wordpress...
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Vision aveugle, tome 1 : Vision aveugle

«La Terre a été prise en photo depuis l’espace. Les mystérieux visiteurs sont-ils sur cet artefact découvert dans notre système solaire? Le vaisseau Thésée par en mission. A son bord, cinq membres d’équipage recrutés avec soin : une linguiste aux personnalités multiples, un biologiste qui s’interface aux machines, un observateur, Siri Keeton (...). Leur commandant est lui aussi un homme étrange : un homo vampiris.»









Ainsi se présente le quatrième de couverture.





La Terre a été prise en photo. Toute sa surface. Un instantané. Une fois le signal détecté et la source d'émission localisée, les terriens envoient une mission spatiale pour prendre un premier contact avec cette espèce extra-terrestre. L’équipage - composé d'un vampire commandant de bord, d'humains technologiquement modifiés et d'un observateur - a toutes les compétences pour remplir sa mission : identifier ami ou ennemi, puis suivant le cas prendre l’initiative du contact ou les mesures nécessaires.





La première partie du roman s’attache à décrire les circonstances de leur voyage au sein du système solaire, à travers le «récit» de l’observateur, un homme dénoué d'empathie mais qui est un expert de la synthèse et du compte rendu. Cette particularité acquise suite à un accident (lésion cérébrale) lui donne la faculté de pouvoir interpréter n’importe quelle situation.





Ensuite, l’action se concentre sur la découverte de l’artefact et de son exploration, plutôt périlleuse, par l’équipage provenant de la Terre, mais également celle plus subtile des aliens. Bien entendu, la rencontre «s’emballe»












Jusqu’alors, je n’avais jamais lu une ligne de Peter Watts, mais
 un vampire dans un vaisseaux spatial.... Comment y résister?





Le premier contact a été... épineux, ardu, une épreuve en soi. 
Le style était différent, avec de nombreux flash-backs, et durant les premières pages, je ne savais pas si j'aimais réellement ce bouquin ou si j'allais le laisser tomber tant la lecture était inhabituelle. Puis, on finit par se familiariser avec l'auteur et son histoire.





D’ailleurs, elle est assez classique au niveau de sa construction : après la première phase d’ exposition des différents personnages, l’auteur nous délivre le «choc culturel» attendu entre les «humains» et les ET à un rythme enlevé; avec la question que l’on se pose d’un bout à l’autre : arriveront-ils à communiquer?









«Les individus dotés d'une « vision aveugle », due à une lésion cérébrale, déduisent correctement les caractéristiques visuelles d'objets qu'ils ne peuvent pas voir consciemment. Cette « vision intuitive » est parfois plus performante que la vision normale.» Dixit le dico.









La compréhension dans son sens large - de soi, de l’autre ou de son environnement - est l’essence de ce roman. Finalement, c’est à travers «l’épreuve initiatique» de Sirri Keaton que nous découvrons le point de vue que nous propose Peter Watts. Cet observateur - dénoué d’empathie - va devoir faire face aux difficultés, et trouver des ressources autres que sa froide intelligence pour finalement comprendre la nature des aliens, ce que seront incapable d’effectuer d’autres membres de l’équipage. Mais, chut, le reste, il vaut largement mieux le découvrir avec les mots de l’auteur qu’avec une plume quelconque. 
Vision Aveugle est un roman sombre, ambitieux et qui ne prend pas le lecteur pour un imbécile.

 Bref, j'ai vraiment adoré, mais je comprends que l'on puisse être rebuté devant une difficulté initiale.
Lien : http://lmauget.wix.com/albed..
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Vision aveugle

"Vision aveugle" est un joli morceau de bravoure.



Je ne vais pas rabâcher ce que vous pouvez lire au-travers des dizaines de critiques passionnées sur ce site. Si vous avez choisi d'attaquer par la mienne en premier (quelle drôle d'idée), je résumerai le pitch en quelques mots: il s'agit du premier contact, au sein d'un espace indifférent, entre une transhumanité et des extraterrestres foncièrement… Différents.



Dans ce texte, résolument orienté "hard SF", Peter Watts va jeter son lecteur dans un imbroglio de personnages et de situations tous plus complexes les uns que les autres, aux ressorts essentiellement théoriques mais sans jamais perdre un certain côté divertissant. Malgré l'âpreté d'un texte qui, en définitive, ne ménage pas son lecteur, le texte se lit finalement assez bien dès lors que vous tolérez une certaine part d'incompréhension conceptuelle. On comprend bien souvent ce que nous dit l'auteur, mais pas toujours le chemin qu'il emprunte.



Evidemment, la perle de ce roman est son questionnement particulièrement pertinent de ce qu'est la conscience (et l'humanité). Que cela soit par le prisme de personnages dont on peut questionner légitimement ce qui les garde "humain" ou de ces entités dont le rapport à la vie est si purement différent et évolutionniste, Watts nous file autant le vertige que le bourdon. Loin de moins l'envie de déflorer son propos, je n'irai donc guère plus loin sur la conclusion finale de ce bouquin qui est absolument dévastatrice.



Dernier point que je souhaitais souligner: j'ai adoré la revisite du vampire, bien loin de tout ce que l'on a pu faire jusqu'à présent. On sent que l'auteur a saisi la créature et ses codes, pour la tordre en un vampire... Eh bien, hard SF.



Si l'envie vous prend donc d'attaquer un texte exigeant et intelligent, n'hésitez pas à découvrir "Vision Aveugle". Ne vous laissez pas rebuter par la préface un peu intimidante de l'auteur ou par ces critiques ressemblant à de l'autoflagellation de SF freaks: c'est un roman accessible. Il est en revanche tortueux, plein de défauts (à commencer par l'abord très théorique des ressorts SF) et tout de même déprimant.



#PumpkinAutumnChallenge2023 : catégorie "Rocket Racoon on the run".
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Vision aveugle

Hé bien, voilà une lecture qui n'est pas à mettre entre les mains de tout le monde. N'étant par le passé pas familière du concept de 'hard SF', voilà qui est rectifié grâce à cette Vision Aveugle, qui, tout oxymore est-il, n'en reste pas moins une notion de perception parfaitement reconnue dans le monde scientifique.

L'ouvrage est complexe, très complexe, car les thèmes abordés dépassent de loin le simple voyage spatial à la recherche de qui donc à bien pu flashouiller la Terre, bande d'extraterrestres qui viennent d'où d'abord ? Le genre d'ouvrage qui, par le style et les notions déployés, m'a fait me sentir bête par moments. Détails scientifiques poussés (aie, j'ai fait des études littéraires moi !), science de la psychologie démontrée (aie, à part Jung et Freud, mes connaissances sont limitées) , vision du monde décalée (ah ben voilà, ça ça me cause !).

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Mais malgré tout, il a su me happer puisque je ne l'ai pas lâché. Les personnages sont fouillés, fascinants de par leur rapport au monde et leur vision d'eux-même, et pour cause : ce roman est une réflexion sur le concept tout bête d'humanité. Tout bête ? Nan je rigole ! Et quoi de mieux pour se faire que d'envoyer une équipe d'humains modifiés génétiquement faire la causette avec de l'alien ?

Bref, une idée géniale.

Qui bouscule ce qu'on connait.

Qui dépasse le cadre du roman de SF.

Qui redistribue les cartes de la narration.

Qui joue avec les sens, ceux des personnages et ceux des lecteurs, ne vous en faites pas, vous allez être servis !

Qui s'amuse, qui brouille, qui innove.
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Rifteurs, tome 1 : Starfish

La Terre. Un avenir pas si lointain. Les nations existent encore. Mais les multinationales, plus que jamais, ont une importance considérable parmi les décisions façonnant le monde.



Le monde va mal. Crise des réfugiés. Changement climatique. Problème d’approvisionnement en énergie. Bien sûr, même les puissants de ce monde ne peuvent tout faire. Mais ils ont, au moins, une petite idée pour résoudre le petit souci de la production d’énergie : voler l’immense énergie latente contenue dans les failles océaniques, là où les plaques continentales se bloquent, se frictionnent.



L’idée, c’est donc de bâtir des stations géothermiques à 3000 mètres de profondeur afin d’exploiter cette énergie latente. Mais voilà, il faut des gens pour les entretenir. On envoie donc, par 3000 mètres de fond, des gens. Le genre de personnes à supporter la solitude, le stress, les ténèbres. Avec des poissons des profondeurs inhabituellement gros. Affamés, en permanence. Tout le monde n’est pas fait pour ce genre d’environnements.



C’est là le décor du roman : une petite station de maintenance, la station Beebe, située non loin de la plaque Juan de Fuca, un rift débordant d’énergie géothermique et de vie étrange.



Je ne vous dirai rien sur l’histoire : ce serait vous gâcher le plaisir de la découverte. Je tiens, toutefois, à vous parler rapidement de ce qui m’a plu dans ce roman, que je recommande aux amoureux de la hard-SF, mais aussi de romans sombres.



S’agissant d’une forme de huis-clos, vous comprendrez très aisément que le point central du roman se situe bien dans l’observation méticuleuse des personnages, de leur psyché et de l’évolution de celle-ci.



Oh, bien sûr, vous aurez droit à de longues descriptions des fonds marins et de la vie torturée qui y a élu domicile. Peter Watts, après tout, est biologiste marin de formation : on ne se refait pas. Mais les abîmes que vous allez explorer ne sont pas seulement ceux situés autour de la station Beebe, mais aussi et surtout ceux tapis dans le coeur et les esprits des protagonistes.



Qui peut supporter la pression psychologique, l’isolement, le danger permanent? Des profils très particuliers. On est coutumier du fait, avec Peter Watts, mais vous allez avoir droit à une série de personnalités anormales, le genre de personnes qui finissent par être plus à l’aise loin du monde et de leurs semblables qu’au milieu de la civilisation. Ces personnes, modifiez-les pour qu’ils supportent la pression immense des profondeurs océaniques. Ce que vous obtiendrez, ce sont les rifteurs.



C’est là le grand ressort de ce roman : les interactions entre ces personnes abîmées, aux psychés hors du commun, leur évolution insensible vers un mode de vie étrange, coupé qu’ils sont des obligations sociales et de la pression de leur environnement personnel et professionnel.



C’est avec une pointe d’effroi, et beaucoup de curiosité, que j’ai plongé à 3000 mètres de profondeur pour suivre les rifteurs. Mais la fascination, la vraie, ne vient pas du décor inhabituel, ni des risques du boulot auxquels sont exposés nos braves rifteurs : elle vient d’un autre type de plongée, celle dans les tréfonds de l’esprit de Lenie Clarke, Ken Lubin (si mystérieux), Mike Brander, Gerry Fischer, Judy Caraco, Alice Nakata, Karl Acton…



Ces personnages, on pourrait facilement considérer qu’ils ne sont que des humains abîmés, voire des moins-qu’humains. Ce pourrait être l’histoire d’une déshumanisation, où des êtres brisés sont ostracisés et désocialisés pour devenir autre. Tel n’est pas le cas. Dans les ténèbres, même les monstres brillent. Ils sont beaux. Même l’être le plus monstrueux peut susciter la pitié.



Peter Watts fait de la hard-SF, on le sait bien. Ce dernier sait dépeindre des personnages torturés, on le sait aussi. Tout cela, vous le retrouverez, avec une multitude de détails sur la vie océanique, avec les mécanismes chimiques de la conscience, avec les pathologies comportementales.



Mais là où Peter Watts fait fort, dans ce roman en particulier, c’est au niveau de l’ambiance. Paranoïa et malaise face à des personnes étranges, mais aussi claustrophobie dans cette station minuscule. Tout, dans ce roman, devrait vous étouffer. Et cela revient souvent, dans les critiques que j’ai pu lire.



Tout ceci est vrai. Mais ce n’est pas là le tableau complet.



En effet, j’ai eu la sensation qu’il y avait autre chose. Dans ces eaux où la lumière du soleil n’a pas brillé depuis des millions d’années, j’ai cru percevoir une lueur : non pas l’espoir, mais la paix.



Et cette paix-là, qui survient dans des conditions pourtant si hostiles, est à mon avis tout l’objet du présent roman. Créer un moment de repos, un sanctuaire, un repère.





Soyez prévenus : ce livre est très introspectif, ce qui ne me dérange pas. Il convient toutefois de souligner que l’action est lente, voire absente : il s’agit d’un roman d’installation du décor, du contexte, où l’on plante les personnages. Une forme d’introduction magistrale à la trilogie Rifteurs. Ce n’est qu’au dernier tiers du livre que la dynamique, jusqu’alors centrée uniquement sur les personnages, va changer. Peut-être eût-il été possible d’éviter quelques longueurs : pour ma part, je n’en tiens pas rigueur à l’auteur, mais il faut savoir que je suis un bien mauvais juge en matière de longueurs tant j’y suis immunisé (ou, à tout le moins, hautement tolérant).



Je dois également souligner que c’est un livre sombre, aux thématiques profondes mais angoissantes. En tout état de cause, vous n’aurez pas entre les mains un livre léger. Non pas qu’il soit bien lourd (un peu plus de 300 pages), mais il ne vous fera pas rire aux éclats. Il faut le savoir.



Si ces éléments-là ne sont pas rédhibitoires pour vous, vous prendrez alors, comme moi, beaucoup de plaisir à vous enfoncer dans l’abîme. Et vous serez peut-être surpris qu’à forcer de le fixer, ce dernier vous rende votre regard.



Ma critique (un peu plus) complète est à lire sur mon blog
Lien : https://journalduncurieux.co..
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Vision aveugle, tome 1 : Vision aveugle

Ceci est un billet d'humeur, mais il est loisible aux lecteurs de ce site de ne pas y faire attention, et à moi de l'écrire. Disons que Hegel, Proust, les hautes mathématiques, la physique quantique, les langues anciennes, sont des objets dignes qu'on leur consacre tous les efforts de son esprit. On en ressortira enrichi, et peut-être meilleur? Mais quel peut être l'apport intellectuel et humain de ce livre, qui demandera des efforts certains au lecteur pour aborder une fiction intéressante, prenante, mais somme tout gratuite ? Je veux bien que la science-fiction ne se contente pas de divertir, qu'elle se donne des missions plus hautes (comme ici, de penser l'impensable): cela a donné Herbert, Damasio, Bear, Marchika. Seulement ici, ça ne marche pas.
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Au-delà du gouffre

Peter Watts, je ne le connaissais pas du tout avant de recevoir son livre suite à une Masse Critique (merci à Babelio et aux éditions le Belial et Quarante-Deux).



J'ai donc découvert qu'il fait partie de "la nouvelle SF"... expression galvaudée et utilisée par chaque génération pour se défaire des oripeaux de la précédente. Mais à mon avis, Peter Watts ne se défait de rien... il revendique tout, au contraire. Il suffit de regarder ses thèmes de prédilection. La guerre, l'affrontement, la vie extra-terrestre, les rapports humains, les cyborgs, l'I.A. et toute cette sorte de choses. Sans oublier le Créateur... quel que soit son nom.



Classons-le... même si les étiquettes sont sans doute ce qui convient le moins à Peter Watts. Hard Science. Dantec signalait (quand il ne disait pas que des idioties) qu'un auteur de SF moderne (l'auteur ou la SF) devait lire les revues scientifiques pointues. Et sur ce plan-là, Peter Watts en connaît un rayon. Il agrémente joliment (?!) sa prose technique et parfois aride de poésie cybernétique du meilleur effet. Ce n'est pas vraiment, on l'a compris, une lecture de plage ou de tram... Mais cela se lit en général assez bien quand même. Peter Watts n'a pas sont pareil pour adapter son langage, la syntaxe, le mode de raisonnement au type de personnage principal. Que cela soit un humain, un drone, un cyborg... à chaque fois, c'est un univers très précis et typé qui s'ouvre au lecteur.



Au-delà du Gouffre est un recueil de nouvelles s'étalant de 1990 à 2014. Ce "gouffre", ce sont souvent les états d'âme du personnage principaL Que cela soit un extra-terrestre, un drone intelligent, un cyborg, un humain... Mais on sent assez peu le poids du temps entre ses nouvelles plus anciennes et ses plus récentes. A part le thème, peut-être. Les plus récentes sont plus ancrées dans le quotidien (la guerre le plus souvent). Et je ne dis pas merci au préfaceur pour spoiler de manière assez ridicule la première nouvelle.



Peter Watts montre qu'il connaît ses classiques. Il le montre abondamment. Des récits des années 30 (style Astounding Stories) aux principes de la robotique façon Asimov, en passant par les explorations planétaires (très années 50 aussi)... On a droit à une belle palette de clins d'oeil. Peter Watts sait y faire.



Quelques impressions sur les nouvelles:

Les Choses... blindée d'humour, la nouvelle revisite un classique des années 30. Je ne spoile pas davantage. Peter Watts soigne sa chute. Et les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être.



Le Malak... un drone en Afghanistan. Guerre cybernétique et escarmouches. Vert, Bleu, Rouge... la réaction du drone dépend du code couleur de son vis-à-vis. C'est froid, clinique. La frappe chirurgicale façon Peter Watts... Ce texte m'a vraiment impressionné.



L'Ambassadeur... Les états d'âme d'un émissaire terrestre, "humain" construit pour la mission (N.B. Peter Watts adore, use et abuse de ce concept de création de l'humain incomplet, bourré d'électronique et paré pour une mission spécifique).



Nimbus... un chouette texte écolo (1994 quand même) où l'envahisseur est constitué de nuages. Ce serait un peu simpliste quand même si l'auteur n'abordait pas le rapport père-fille (visions des générations) qui me semble être le vrai sujet.



Le Second Avènement de Jasmine Fitzgerald... entre psychiatrie, polar et physique quantique, Dieu n'est pas bien loin.



Eriophora... une trilogie de nouvelles, style Space opera, du nom du vaisseau spatial. A l'exception de L'Ile, c'est assez en-dessous du reste, même si on retrouve les thèmes de prédilection. Je dois avouer que je suis assez peu fan de ce genre-là.



Un mot pour les païens... est sympa, avec une réflexion (assez superficielle) sur la foi et la compromission de la hiérarchie religieuse. Malgré ce qu'en dit Watts lui-même, il est difficile de ne pas y voir une critique de la religion.



Chair faite parole... bof, nouvelle ayant mal vieilli, avec les rengaines usuelles chez Watts sur l'être cybernétique et connecté.



Les Yeux de Dieu... chouette nouvelle sur la culpabilité en actes et en pensées. Cela ne fait pas une nouvelle... mais constituerait un épisode intéressant dans un roman (critique globale, qui s'applique à pas mal de textes de l'anthologie).



Hillcrest contre Velikovski... une perle de cynisme et d'humour politiquement incorrect... En 3 pages, Watts nous fait le récit d'un procès où le directeur d'un musée sur les impostures scientifiques est poursuivi pour avoir brisé l'effet placebo qui maintenait une femme en vie. Jouissif.



Éphémère (avec Derryl MURPHY)... comme le souvenir qu'il m'a laissé...



Le Colonel... on peut être colonel et en même temps rester un père prêt à tout pour son fils. Thème rabâché mais traité plutôt bien.



Une niche... est un récit primé, assez ancien, mais qui fonctionne bien, avec le mal des profondeurs filmé et orchestré sous forme de test... Il y a souvent chez Watts cette dimension Big Brother qui donne à penser qu'il est un auteur dépressif... ce qui est faux évidemment (cf. infra).



Maison... les manipulations génétiques et la libre-pensée. Cela m'a rappelé un texte de Bradbury dans Chroniques Martiennes. C'est sympa, mais Bradbury est plus fin, plus poétique et plus surprenant.



Les deux derniers textes sont très intéressants, mais ce ne sont pas des nouvelles:

- En route vers la dystopie avec l’optimiste en colère, par Peter WATTS

Là on touche au génie... la pensée de Watts en prise directe, comme si on avait un implant qui nous renseignait sur les idées du "maître"... La démonstration qu'il fait de son optimisme et son refus d'être classé parmi les auteurs distopiques est brillante. Le récit de sa mésaventure à la frontière américaine, sa vision du monde... j'adhère à 100%, mais finalement cela rend ses récits encore plus glauques et effrayants, vu qu'ils ne sont plus de SF... Il serait intéressant de lire ce chapitre AVANT de lire les nouvelles.



- Dieu et les machines : les nouvelles de Peter Watts, par Jonathan CROWE

Analyse intéressante mais un peu courte.



Au final, l'univers de Peter Watts est intéressant. Assez proche du nôtre, et plus prémonitoire que l'on pourrait le penser. Il m'a fait penser à Bradbury, Bear, Brunner, Silverberg... Mais en moins bon à chaque fois. Ce qui est dommage. Les nouvelles ne sont peut-être pas son format le plus intéressant. Reste un style personnel. Une façon de décrire les choses très accrocheuse. Si le contenu n'est pas toujours à la hauteur, le contenant tient clairement la route.

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Au-delà du gouffre

Vertigineux, démesuré et d'une rare justesse, Peter Watts est sans conteste l'un des pontes de la science-fiction contemporaine.

Pourquoi son œuvre est-elle si singulière et palpitante ?

Tout d'abord, un sense-of-wonder émotionnel et visuel, ainsi qu'un goût prononcé pour la recherche de ce vertige que seuls savent offrir les meilleurs écrivains. Appuyées à cela, de profondes réflexions sur la condition humaine, les racines du mal ou encore le libre-arbitre viennent donner une véritable épaisseur à ses histoires.



(Au programme de ce recueil : une chasse-à-l'homme impitoyable aux confins de l'univers, une réécriture effrayante de « La Chose » de J. Campbell, l'apparition d'une bride de conscience chez un drone de combat, l'exploration de la religion et ses dérives, ou encore trois géniales nouvelles s'inscrivant dans l'univers des bâtisseurs d'Eriophora, l'un de ses meilleurs romans!)
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Vision aveugle, tome 1 : Vision aveugle

Imaginez que vous êtes un lecteur de Peter Watts.

Vous relevez la tête de « Vision aveugle » dans une résurrection atrocement douloureuse, cherchant votre souffle après une apnée de lecture record de plusieurs heures. Vous sentez votre sang, épaissi par des trucs et des machins, se frayer un chemin dans vos extrémités, entraînant une cavalcade de fourmis. Votre cerveau enfle en supernova : les vaisseaux sanguins se dilatent, les neurones appellent leur maman, vos yeux essaient de scruter l’espace entre les atomes, vos oreilles entendent enfin le téléphone qui sonne depuis plusieurs minutes. Vos articulations se sont grippées à force de ne pas servir. Vous êtes un homme-lecteur, figé dans la position « le livre est fini ».

Vous épouseriez l’auteur, si vous étiez plus jeune.

Vous tentez d’allumer la lumière avec vos implants, puis vous vous souvenez que vous n’avez pas d’implants. Votre cerveau est entier, aucune autre personnalité ne vous interpelle. Vos yeux se posent sur le coin de la table, sans réaction : vous n’êtes pas un vampire. Dehors la nuit est tombé, et une inspection rapide des constellations vous apprend que vous êtes toujours chez vous sur Terre. Pas de BDO à proximité.

Une question vous taraude : la lecture de Peter Watts a-t-elle augmenté la souplesse de votre intellect ? Peut-on placer « protocadhérine » au Scrabble ? Qu’est-ce qu’on mange ? Où est le chat ?

Petit à petit, la réalité reprend sa place. Enfin, votre perception de la réalité. Plutôt, ce qui vous semble être votre perception non augmentée de la réalité. Bien que réalité soit un mot subjectif et relatif : peut-être êtes-vous en train de vivre un rêve, à moins que vous ne soyez drogué ?

Après une longue inspiration et une très longue expiration, vous prenez conscience de partir en vrille. Le roman était bien, mais il faudrait voir à se calmer.

Une conclusion s’impose cependant : grâce à un vampire, à un vaisseau rempli de phénomènes de foire et à une horde d’envahisseurs extraterrestres, vous êtes redevenu humain. Si seulement vous êtes humain. Si seulement vous êtes conscient.

Mais, ça, je ne peux pas vraiment vous dire, de toute manière.

Il va juste falloir que vous vous imaginiez dans la peau d’un lecteur de Peter Watts.

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