AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Philippe Forest (329)


Car tout l'enjeu du livre consiste à ne pas se satisfaire de l'insignifiant ensorcellement d'un chant que l'écrivain peut faire entendre aussi bien que le premier musicien venu, mais dont il lui appartient aussi de ne pas rester le captif fasciné. Et si le romancier peut accomplir la plus précieuse des prouesses poétiques, il n'est pas du genre à contempler pour l'éternité, sur les étagères de sa chambre, sa collection d'abolis bibelots d'inanité sonore.
Commenter  J’apprécie          30
Mon histoire préférée concernant Joyce ? Je crois l'avoir trouvée autrefois dans l'Oxford Book of Literary Anecdotes. Au sommet de sa gloire, le romancier est abordé par une admiratrice qui, avec la plus grande déférence, lui demande la faveur d'embrasser la main qui écrivit Ulysse. Joyce répondant : « Si vous voulez mais je dois vous prévenir, elle a fait beaucoup d'autres choses depuis… »
Commenter  J’apprécie          20
P24
L'œuvre artistique ou littéraire devait encore être utile au bien commun. En tout cas de ne pas menacer ce que l'on nomme maintenant le « vivre ensemble ».
D'où la surveillance dont elle n'a jamais cessé d'être l'objet et qui a toujours justifier les formes de censure qui, au nom de l'ordre moral et de l'ordre public, pouvaient la frapper.
Commenter  J’apprécie          00
On peut croire à une chose et, en même temps, ne pas croire en elle. L'esprit fonctionne simultanément selon diffé- rents programmes aux convictions incompatibles, voire carrément antagoniques. J'irai jusqu'à dire que c'est à cette seule condition que l'on échappe à la vraie folie, entretenant en soi plusieurs esprits de manière que l'on puisse, en cas de nécessité, en changer à sa guise et que, quelque part dans le cerveau et sans pour autant que soit menacé l'équilibre rationnel de celui-ci, on puisse trouver parfois le refuge absurde d'une conviction paral- lèle qui vous permet de supporter la réalité telle qu'elle est en vous figurant qu'elle est en même temps autre que ce qu'elle est.
Commenter  J’apprécie          20
Car un objet sans propriétés n'est guère davantage que le fameux couteau sans lame auquel il manque le manche.
Commenter  J’apprécie          00
Philippe Forest
Tel que Sollers le revendiquait et le pratiquait, l’art du roman le conduisait, loin des conventions ordinaires du genre, à enchaîner les livres comme autant d’épisodes d’un seul et même feuilleton spéculatif et poétique au fil duquel tenir la « chronique » – au sens de Céline – de sa vie et celle de son temps. Au sein d’une sorte de long roman autobiographique, un narrateur, sans cesse semblable et toujours différent, tient en direct le journal perpétuellement repris de sa propre existence, évoquant notamment son enfance et sa jeunesse, sa longue liaison amoureuse, qui durera de 1958 à la mort de la romancière, avec Dominique Rolin (1913-2012) – quatre volumes de leur correspondance ont été publiés chez Gallimard, de 2017 à 2020 –, discrètement la présence à ses côtés du fils qu’il eut en1975 de Julia Kristeva, et plus généralement le pas de côté enchanté depuis lequel il considère le monde.
Commenter  J’apprécie          30
Philippe Forest
Alors que se met en place la contemporaine « société du spectacle » qu’il dénonce pour la nouvelle forme de tyrannie dont elle est solidaire, Sollers apparaît comme l’un des rares authentiques écrivains dont la notoriété dépasse le cercle de plus en plus restreint des amateurs de vraie littérature. Il intervient à la télévision ou dans la presse, soucieux de faire résonner la contradiction partout où cela est possible, comme dans son retentissant article « La France moisie », publié dans Le Monde en1999, où il s’en prend, à propos de récentes déclarations de Jean-Pierre Chevénement, alors ministre de l’intérieur, à la France qui « a toujours détesté, pêle-mêle, les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l’art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes ». Ces interventions révèlent un observateur brillant et un causeur caustique, parfois mordant, souvent virtuose dans l’art du paradoxe et le maniement de l’ironie. Au risque, peut-être, d’être vu et entendu davantage que réellement lu – ou même compris.
Commenter  J’apprécie          10
Philippe Forest
A la tête de Tel Quel, revue dont des poètes comme Marcelin Pleynet, Denis Roche ou Jacqueline Risset rejoignent le comité de rédaction, Sollers s’affirme vite comme l’une des principales figures de l’avant-garde littéraire des années 1960.


Avec des livres comme Drame et Nombres (Seuil, 1965 et 1968) s’invente alors l’« écriture textuelle » par laquelle le roman se prend lui-même pour objet, se transformant en une exploration toujours reprise des sources dont il naît. Cette entreprise expérimentale dans laquelle s’engage Sollers – et qui doit moins au Nouveau Roman qu’au surréalisme et à la phénoménologie – suscite l’attention soutenue de quelques penseurs de premier plan : ainsi Michel Foucault, lecteur du Parc, mais surtout Roland Barthes (qui consacrera à l’auteur de Drame l’un de ses derniers livres : Sollers écrivain, Seuil, 1979) et Jacques Derrida (dont La Dissémination – Seuil, 1972 – procède d’une lecture de Nombres). A ces noms on doit ajouter celui de Julia Kristeva, jeune étudiante bulgare nouvellement arrivée en France, y faisant aussitôt forte impression, elle-même linguiste, psychanalyste et écrivain – elle est destinée à devenir l’une des plus éminentes représentantes de ce que l’on nomme, de l’autre côté de l’Atlantique, la « French Theory » –, que Sollers épouse en1967 et à laquelle il restera uni jusqu’à la fin de sa vie.

Tel Quel apparaît comme le principal laboratoire d’une avant-garde littéraire engagée dans un dialogue avec toutes les formes nouvelles d’une pensée théorique, souvent stigmatisée par ses adversaires en raison de son « terrorisme », qui connaît son apogée sous le signe du structuralisme et trouve son expression dans Théorie d’ensemble (Seuil, 1968), un recueil collectif rassemblant les contributions les plus significatives parues dans les pages de la revue. Sur un modèle qui fut celui des surréalistes – mais avec Antonin Artaud et Georges Bataille plutôt qu’André Breton et Louis Aragon comme figures tutélaires –, l’idée est de conjuguer révolutions poétique, théorique et politique.
Commenter  J’apprécie          00
Philippe Forest
C’est l’époque où, peu après le phénoménal succès de Françoise Sagan, un vent de jeunesse semble souffler sur la vieille littérature française. A ce titre, Philippe Sollers apparaît aussitôt comme un des meilleurs espoirs de la « nouvelle vague » sur laquelle misent alors les éditeurs. Fort de la reconnaissance immédiate dont il jouit, avec quelques écrivains de son âge, parmi lesquels Jean-Edern Hallier et Jean-René Huguenin, il crée au Seuil, en1960, la revue trimestrielle Tel Quel. L’année suivante, pour son deuxième roman, Le Parc (Seuil), il obtient le prix Médicis. Mais le livre crée la surprise et suscite parfois la déception. On l’interprète comme le signe du ralliement de son auteur aux funestes théories du Nouveau Roman alors défendues par Alain Robbe-Grillet. Véritable poème romanesque, Le Parc constitue un témoignage sur la guerre d’Algérie où l’un des meilleurs amis de Sollers vient de perdre la vie. Mobilisé à son tour, et afin d’échapper au sort qui le menace, le romancier simule la folie et ne doit d’être finalement réformé qu’à l’intervention personnelle d’André Malraux.
Commenter  J’apprécie          00
Philippe Forest
Philippe Sollers aimait à le raconter : lorsqu’il fit, en1960, la connaissance d’André Breton, celui-ci lui offrit un exemplaire de Manifestes du surréalisme qu’ornait la dédicace suivante : « A Philippe Sollers, aimé des fées. » Sollers s’amusait volontiers de ceux qui, usant d’une image semblable et, comme je le fais à mon tour au lendemain de sa mort, se plaisaient à rappeler que les fées s’étaient autrefois penchées sur son berceau. On se dit désormais que c’était pourtant vrai, que cette « fatalité de bonheur » dont parle Arthur Rimbaud dans Une saison en enfer, maintenant qu’elle est finie, semble avoir décidé de sa vie.

Philippe Sollers (Joyaux, de son vrai nom) est mort le 5 mai, à Paris, à l’âge de 86ans. Il sera enterré dans une stricte intimité familiale à Ars-en-Ré (Charente-Maritime). Selon sa volonté, une messe catholique sera célébrée. Il était né le 28 novembre1936, à Talence (Gironde), près de Bordeaux, ville qui constitua pour lui, avec Venise, l’autre capitale de cette grande civilisation du Sud en laquelle il reconnaissait sa seule vraie patrie, celle de Friedrich Hölderlin et de Casanova.
Commenter  J’apprécie          00
Et le réel porte le deuil de tous les possibles puisqu’il n’existe que pour avoir procédé à leur sacrifice.
Commenter  J’apprécie          60
Pour chacun, il y a des actes que l'on sait nécessaires mais pour lesquels le cœur manque. Alors, par lâcheté, on remet la tâche à plus tard, pensant sans se l'avouer vraiment qu'on la laisse aux suivants, qu'ils s'en débrouilleront. Et même lorsque, comme c'est le cas, on sait qu'il n'y aura pas de suivants. S'en remettant alors, faute de mieux, aux éboueurs pour qu'un jour, après que le dernier est mort et que le mot de la fin est dit, ils fassent le sale boulot de l'oubli à votre place.
Commenter  J’apprécie          201
Comme si : c'est le mot des savants; c'est celui des enfants et celui des poètes, aussi. Tout se passe comme si ce monde dans lequel nous vivons était à la fois le même et un autre, contenu dans la boîte obscure où, comprimées, se tiennent toutes les virtualité de la vie de sorte que chaque chose et son contraire y sont côte à côte à leur place. Un conte ? Il était une fois. Plutôt : il était deux fois. Et puis deux fois deux fois. Ainsi à l'infini, le même vieux récit se multipliant dans la nuit de toujours tant que quelqu'un se trouve là qui lui accorde la créance qu'il faut pour que s'éparpille partout le perpétuel pluriel de tous les possibles.
Commenter  J’apprécie          220
Chacun s’invente la religion qui lui paraît juste et digne. Je ne suis pas assez naïf pour ne pas réaliser que j’ai moi aussi ma religion. La conviction que je me suis faite que la mort est un scandale radical, dépourvu de sens, insusceptible d’être racheté dans l’économie d’une quelconque rédemption, constitue l’article unique d’un « credo » dans lequel j’ai investi toute ma foi et auquel je suis plus dogmatiquement attaché que le plus fanatique des fidèles ne l’est à son propre catéchisme. Devant la mort, il n’y a que des croyances.
Commenter  J’apprécie          40
A mon tour, j’assiste aux messes de funérailles. Je ne prie pas. Je ne communie pas. Je ne vois pas très bien quel sens cela aurait de recevoir dans ma bouche le corps d’un Dieu qui laisse ainsi le monde dévorer l’un après l’autre tous ses enfants.
Commenter  J’apprécie          10
L’esprit humain est ainsi fait qu’il ne parvient pas à prendre la mesure complète de l’événement qui le dévaste. La stupéfaction que la douleur provoque le protège des effets qu’elle produit et constitue la condition de sa survie
Commenter  J’apprécie          10
L’essentiel est, cependant, de passer au-delà de ce filet, de se défaire de lui. Les romans de Sollers, considérés dans la perspective juste, ne relatent rien d’autre que les stratégies convergentes mises en œuvre pour atteindre ce but. La « rosace contradictoire » qu’organise autour de lui le narrateur de Femmes, la clandestinité perverse des « scènes » avec Sophie dans Portrait du joueur, la société secrète du plaisir dans Le Cœur absolu, l’inceste dans Les Folies françaises, le jeu d’échecs sexuel dans Le Lys d’or : autant d’expériences qui visent à constituer le narrateur en « exception » définitive, à le soustraire à la règle de l’espèce, à l’emprise du groupe. Il s’agit de s’évader du « moulag » (F. p.353.) », de fausser compagnie à toute compagnie, de « percer l’OEUF » (PDJ. P. 58). Portrait du joueur esquisse la liste des armes nécessaires à cette entreprise, « silence, exil et ruse », mais déclinées cette fois de manière différente. Il n’y a donc pas d’autre attitude juste que celle qui consiste à déserter sans remords le combat collectif – quitte à prendre position ponctuellement sur telle ou telle question, comme le racisme ou la défense du catholicisme. Il ne peut y avoir d’issue qu’individuelle, dans l’exagération même de son individualité.

* L’écrivain se soustrait à l’anonymat pour s’inventer soi-même : ne plus « faire nombre » mais « faire nom » et, passant parfois par le biais d’un jeu pseudonymique, se construire un nom - plus vrai que celui qui nous a été donné – dans le mouvement vocal de notre propre engendrement.

* L’œuvre de Sollers est vivante : elle échappe en cela à toute autopsie déguisée qu’on tenterait d’en réaliser, à toute histoire définitive qu’on voudrait en écrire. Lire Sollers ? S’attacher à saisir la vitalité d’une vision fidèle à elle-même sous la multiplicité des formes qu’elle emprunte. L’une des œuvres les plus vivantes de la littérature contemporaine. L’œuvre de Sollers ne disparaît pas du tout derrière les références contradictoires qu’elle mobilise. D’une curieuse solitude au Lys d’or, les romans de Sollers relatent strictement la même expérience, la plongée mystique vers l’intérieur même de sa propre parole, qui, lui permettant de se soustraire à la mécanique sociale qui le nie – langage pétrifié, ronde sexuelle -, lui ouvre la voie vers une forme de vérité qui est aussi jouissance.
Commenter  J’apprécie          12
Dans tous les cas, on est bien en présence d’un récit à la première personne, tout entier centré autour du « je » qui lui donne vie. On est dans l’ordre de ce que Sollers nomme les « IRM », identités rapprochées multiples. Le narrateur est toujours, chez Sollers, cet individu qui, paradoxalement, de se situer à l’extrême périphérie de la comédie sociale en occupe le cœur le plus profond. Cette périphérie est également solitude : solitude sociale, sexuelle, littéraire enfin. A ce glissement de visage en visage nouveau s’ajoute, de texte en texte, un changement calculé de tonalité. Chaque roman se trouve en effet clairement placé sons un signe majeur qui décide en lui de toutes les harmonies culturelles qui vont accompagner et prolonger, de manière plus ou moins explicite, le récit. Si bien que, derrière l’apparent désordre de la chronique que simule chaque roman, le texte se trouve toujours indiscutablement placé sous un signe majeur et singulier qui l’informe tout entier et lui donne une place à part dans l’ensemble. S’il y a bien variations, glissements et déplacements, rien n’interdit cependant de parler d’une esthétique d’ensemble, qu’il convient maintenant d’approcher.
Commenter  J’apprécie          10
L’approche individualisée des derniers romans de Sollers, telle qu’elle vient d’être sommairement réalisée, était particulièrement nécessaire en ceci que la critique, se refusant jusqu’ici à véritablement considérer ce qui fait la spécificité de chacun, s’est contentée de les tenir pour purement et simplement interchangeables, trouvant là un prétexte commode pour détourner son regard, avec rapidité et condescendance. Si bien que, en l’état actuel des choses, rien, hors de la chronique littéraire – avec ce que le genre suppose d’inévitablement éphémère et superficiel – n’a pratiquement encore été écrit sur ces livres, que leur vraie légèreté, leur incontestable désinvolture et leur fausse simplicité semblent rendre encore plus impénétrables au lecteur que les plus savantes constructions de la période telquélienne.
D’où la nécessité des analyses qui précèdent : fragmentaires et trop sommaires, elles n’ont pu rendre compte du fonctionnement de chacun des derniers ouvrages de Sollers ; cependant, elles ont, je l’espère, contribué à souligner l’existence d’une matière littéraire dense, complexe, digne d’attention et singulière dans chacun de ces romans trop hâtivement rangés dans la rubrique « littérature commerciale ».
Commenter  J’apprécie          10
La vérité sur laquelle chacun ferme les yeux est bien plus vertigineuse et noir. Les bons et les méchants souffrent, les justes et les pervers courent vers la tombe, on les enterre ensemble et leur cendres se mêlent dans la fosse, les forts ne survivent pas toujours aux faibles... qu'importe que vous méritiez de vivre ou de mourir, que vous teniez bon ou que vous lâchiez prise, que vous vous dressiez contre le sort ou que vous l'acceptiez, un démon noir joue aux dés votre vie dans le vide.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Philippe Forest (894)Voir plus

Quiz Voir plus

ADJECTIFS peu communs

infantil(e) : adjectif qui se rapporte à ....

l'enfant
l'infanterie

20 questions
143 lecteurs ont répondu
Thèmes : jeux , vocabulaire , mots , signification , expressions françaises , culture générale , expressionsCréer un quiz sur cet auteur

{* *}