Citations de Pierre Naudin (155)
Il existe des chagrins , messire, qui tuent aussi efficacement qu'un épée.
Tristan reçut le coup sans broncher mais sa Floberge pesa plus lourd contre sa hanche. Bagerant comprit aussitôt :
- Je te laisse ton arme. Pour moi, un chevalier sans épée, c'est un clerc sans croix, un taureau sans cornes...un gerfaut sans bec et je dirai même mieux : un vit sans coulles...Amen !
Je sais depuis longtemps que l'homme est mauvais. Il suffit d’ouïr les propos qui s'entrecroisent aux tables des armées pour être édifié sur la bassesse d'esprit de ceux qui les profèrent à moult haute voix dans l'intention d’être admirés. Pour eux, la férocité s'apparente à une vertu. Elle magnifie le guerrier qui se délecte en tranchant des membres, e ouvrant des ventres et décapitant des vaincus.
..la guerre était un événement effrayant. Les Grands la décidaient, les petits en souffraient et mouraient.
Cependant, n’était-ce pas le sort des belles amours que de devenir cendre avant même, parfois, quelles eussent flamboyé ?
Si vous ne savez pas enterrer le passé, il empunaisera vos jours et vos nuits.
La richesse ne fournit pas nécessairement le courage et l'intelligence.
- Tu ne dis rien, mon bon compère ! observa, rieur Tiercelet. Je t'avais raconté comment nous vivions : mangeaille, chants et jeux de toute espèce...
Il s'interrompit tandis que Tristan imaginait les femmes vivant là en capture de guerre, avec toutes les conséquences de cet état, précipitées moqueusement, irrémédiablement, sur cette pente fourmillante d'hommes. On prétendait que lorsqu'une colombe se trouvait prise dans les serres d'un gerfaut ou d'un aigle, une paralysie s'emparait d'elle, qui lui ôtait tout sentiment. Elle se résignait à son sort...
Une amitié qui tombe en penailles est pire qu'un amour qui s'en va à l'eau.
- Si un jour les bourgeoises et les femmes du commun sont admises à se mêler de politique, ce sera la fin de la France.
— Nous y sommes, dit Barbeyrac. Que penses-tu, Ogier, que nous fassions ?
— Calais est entièrement anglais, dont cinq ou six bourgeois moult dévoués à Édouard III. Je me souviens du nom de l’un d’entre eux, appointé par le roi d’Angleterre : Eustache… Eustache de Saint-Pierre.
— Les traîtres ! grommela Loïs de Saveuse. Il faut nous escamper de ce port : il doit être bourré d’hommes d’armes. Tudieu ! que des gens de chez nous puissent s’accointer aux Goddons dépasse l’entendement !
Ce qu'on perd le plus à la guerre, quand on y survit, ce ne sont pas les illusions. Ce sont les amis qui nous étaient chers.
Les dures, les pernicieuses volontés du destin le contraignaient une fois encore à noqueter et brousser vers des contrées qui sans doute seraient aussi hostiles à sa venue que toutes celles qu'il avait abandonné.
Le soleil, ici, paraissait pale. Les feuilles pourtant peu nombreuses encore au bout des branches décharnées, versaient au sol une lumière livide, et les troncs sur lesquels les pluies anciennes avaient glissé paraissaient avoir été coulés dans du bronze.
La nudité des lieux exprimait une sorte d'insolence ou de ténébreuse emphase.
Il y avait là des anglais, des Français, des Génois, des Castillans, et chacun criait ou priait dans sa langue. À certains, le trépas imminent avait enlevé toute haine : ils ne se lamentaient que sur leur sort ; mais leurs voisins s'invectivaient, et ceux qui ne pouvaient ou n'osaient s'entrebattre se crachaient au visage.
- La guerre, messire ... Roland, est un jeu terrible. Vous ne sauriez ignorer que la plupart des hommes en sont épris, comme certains d'entre eux sont friands d'une maîtresse qui les subjugue, les épuise et les humilie. La guerre est un plaisir inavouable.
La première neige, copieuse, se répandit comme un pur et paisible nuage tombé d'un ciel en deuil de toutes ses clartés.
Ils parlaient tous à voix basse sachant que bientôt ils hurleraient de haine et de douleur.
J'ai manié l'épée sans aucune plaisance. Il m'a toujours déplu, pour défendre mon corps, d'interrompre des vies tout aussi valables que la mienne.