Citations de Pierre de Marivaux (578)
De la raison! hélas je l'ai perdue, vos beaux yeux sont les filous qui me l'ont volée.
Mais enfin, je veux être un homme de bien ; n'est-ce pas là un vrai projet ? Je me reprends de mes sottises, lui des siennes.
Le Prince
Les deux sexes n’ont rien à se reprocher, Madame, vices et vertus, tout est égal entr’eux.
Hermiane
Ah ! Je vous prie, mettez-y quelques différences : votre sexe est d’une perfidie horrible, il change à propos de rien sans chercher même de prétexte.
Le Prince
Je l’avoue, le procédé du vôtre est du moins plus hypocrite, et par là plus décent, il fait plus de façon avec sa conscience que le nôtre.
Hermiane
Croyez-moi, nous n’avons pas lieu de plaisanter. Partons.
Lisette.
Ah ! tirez-moi d’inquiétude. En un mot, qui êtes-vous ?
Arlequin.
Je suis… N’avez-vous jamais vu de fausse monnaie ? savez-vous ce que c’est qu’un louis d’or faux ? Eh bien, je ressemble assez à cela.
Lisette.
Achevez donc. Quel est votre nom ?
Arlequin.
Mon nom ? (À part.) Lui dirai-je que je m’appelle Arlequin ? Non ; cela rime trop avec coquin.
Lisette.
Eh bien !
Arlequin.
Ah dame ! il y a un peu à tirer ici ! Haïssez-vous la qualité de soldat ?
Lisette.
Qu’appelez-vous un soldat ?
Arlequin.
Oui, par exemple, un soldat d’antichambre.
Lisette.
Un soldat d’antichambre ! Ce n’est donc point Dorante à qui je parle enfin ?
Arlequin.
Accommodons-nous ; cette demoiselle m’adore, elle m’idolâtre. Si je lui dis mon état de valet, et que, nonobstant, son tendre cœur soit toujours friand de la noce avec moi, ne laisserez-vous pas jouer les violons ?
Dorante.
Dès qu’on te connaîtra, je ne m’en embarrasse plus.
Arlequin.
Bon ; je vais de ce pas prévenir cette généreuse personne sur mon habit de caractère. J’espère que ce ne sera pas un galon de couleur qui nous brouillera ensemble, et que son amour me fera passer à la table en dépit du sort qui ne m’a mis qu’au buffet.
Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, qui nous regardent comme des vers de terre, et puis, qui sont trop heureux dans l’occasion de nous trouver cent fois plus honnêtes gens qu’eux. Fi ! que cela est vilain, de n’avoir eu pour tout mérite que de l’or, de l’argent et des dignités ! C’était bien la peine de faire tant les glorieux ! Où en seriez-vous aujourd’hui, si nous n’avions pas d’autre mérite que cela pour vous ? Voyons, ne seriez-vous pas bien attrapés ? Il s’agit de vous pardonner, et pour avoir cette bonté-là, que faut-il être, s’il vous plaît ? Riche ? non ; noble ? non ; grand seigneur ? point du tout. Vous étiez tout cela ; en valiez-vous mieux ? Et que faut-il donc ? Ah ! nous y voici. Il faut avoir le cœur bon, de la vertu et de la raison ; voilà ce qu’il faut, voilà ce qui est estimable, ce qui distingue, ce qui fait qu’un homme est plus qu’un autre.
Ma métamorphose n’est pas du goût de vos tendres sentiments, ma chère Comtesse. Je vous aurais mené assez loin, si j’avais pu vous tenir compagnie ; voilà bien de l’amour de perdu ; mais, en revanche, voilà une bonne somme de sauvée ; je vous conterai le joli petit tour qu’on voulait vous jouer.
Moi l'épouser ! Je t'assure que non ; c'est bien assez qu'il m'épouse.
Dorante :
Et tu me dis qu'elle est extrêmement raisonnable ?
Dubois :
Tant mieux pour vous, et tant pis pour elle. Si vous lui plaisez, elle en sera si honteuse, elle se débattra tant, elle deviendra si faible, qu'elle ne pourra se soutenir qu'en épousant ; vous m'en direz des nouvelles.
Je n'ai fait qu'une faute, c'est de n'être pas parti dès que je t'ai vue
Dans ce monde, il faut être un peu trop bon pour l'être assez.
Dans ce monde, il faut être un peu trop bon, pour l'être assez.
Marivaux
TRIVELIN
Remerciez le sort qui vous conduit ici ; il vous remet entre nos mains durs, injustes et superbes ; vous voilà en mauvais état, nous entreprenons de vous guérir ; vous êtes moins nos esclaves que nos malades, et nous ne prenons que trois ans pour vous rendre sains ; c'est-à-dire, humains, raisonnables et généreux pour toute votre vie.
eh bien, Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour ; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là, tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable, tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi.
ARLEQUIN
Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez coutume de m'en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là, et le gourdin est dans la chaloupe.
IPHICRATE
Eh, ne sais-tu pas que je t'aime ?
ARLEQUIN
Oui ; mais les marques de votre amitié tombent souvent sur mes épaules, et cela est mal placé.
Tu as raison, mon ami : tu me remontres bien mon devoir ici pour toi ; mais tu n’as jamais sçu le tien pour moi, quand nous étions dans Athènes. Tu veux que je partage ton affliction, et jamais tu n’as partagé la mienne. Eh bien ! Va, je dois avoir le cœur meilleur que toi : car il y a plus long-temps que je souffre, et que je sçais ce que c’est que de la peine.
Tians, par exemple ; prends que je ne sois pas ton homme, et que t’es la femme d’un autre. Je te connoîs, je vians à toi, et je batifole dans le discours. Je te dis qu’t’es agriable, que je veux être ton amoureux, que je te conseille de m’aimer, que c’est le plaisir, que c’est la mode. Madame par-ci, Madame par-là, ous êtes trop blle ; qu’est-ce qu’ous en voulez faire ? prenez avis, vos yeux me tracassent, je vous le dis ; qu’en fera-t-il ? qu’en fera-t-on ? Et pis des petits mots charmants, des pointes d’esprit, de la malice dans l’oeil, des singeries de visage, des transportements ; et pis : Madame, il n’y a morgué ! Pas moyen de durer ! boutez ordre à ça. Et pis je m’avance, et pis je plante mes yeux sur ta face ; je te prends une main, queuquefois deux ; je te sarre, je m’agenouille. Que reparts-tu à ça ?
- Ce que je reparts, Blaise ? mais vraiment ! je te repousse dans l’estomach d’abord.
- Bon.
- Puis après je vais à reculons.
- Courage.
- Ensuite je devians rouge, et je te dis pour qui tu me prends : je t'appelle un impartinant, un vaurian.
LISETTE :
Mon cœur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de personne ?
SILVIA :
Ce qui lui en coûte à se déterminer ne me le rend que plus estimable. Il pense qu’il chagrinera son père l'amour et la raison, en m'épousant ; il croit trahir sa fortune et sa naissance. Voilà de grands sujets de réflexions ; je serais charmée de triompher. Mais il faut que j'arrache ma victoire, et non pas qu'il me la donne ; je veux un combat entre l'amour et la raison.
MONSIEUR REMY.-Comment donc ! m'imposer silence ! à moi, procureur ! Savez-vous qu'il y a cinquante ans que je parle, madame Argante ?
MADAME ARGANTE.-Il y a donc cinquante ans que vous ne savez ce que vous dites.