Citations de Rachel Hausfater (229)
Ce sont tous des emmerteurs !
Parce qu'ils veulent qu'on leur montre ce qu'on a enterré, nos pauvres âmes toutes nies, en larmes, en lambeaux.
Parce qu'ils veulent qu'on raconte ce qu'on ne confie qu'à nous, le camp et son horreur, la guerre et le malheur.
Parce qu'ils veulent qu'on accepte leur aide et leurs secours, nous les abandonnés, nous les petits oublies.
Il est trop tard maintenant : on ne peut plus nous sauver.
Le seul à qui on parle, c'est Joseph, parce que, même s'il est moniteur et bien plus vieux que nous, il s'en revient des camps et connaît notre langue. Dans ses yeux notre noir, dans son corps notre douleur, dans sa voix notre plainte. En lui on a confiance, à lui on se confie.
Mais à aucun des autres moniteurs, même si certains sont jeunes et voudraient être gentils. Peut-être qu'on aurait pu les aimer... Sauf que leur gêne nous gêne, leur dégoût nous dégoûte et leur peur nous rejette. Ils sont trop loin de nous. Ils ne peuvent pas comprendre et croient qu'on n'a pas de coeur.
Pourtant on en a. Seulement il est muré.
Et je me retrouve dans la rue ensoleillée avec une petite vieille accrochée à mon bras.
J'entends des pas qui s'approchent lentement et une voix stridente qui demande à travers la porte : "C'est Anne-Sophie ? Non, c'est Sofiane !"
Les garçons, ça n'a pas de coeur, ou alors il pousse plus tard que chez les filles. (p.73-74)
"BIENTÔT, TRES BIENTÔT, j'irai dans un lieu où personne ne veut aller,
et d'où aucun voyageur ne revient jamais."
"NE VOUS HABITUEZ PAS ! Révoltez-vous contre la réalité !"
« De Sacha : sacha@intercom.fr
À Macha : macha@intercom.fr
Date 24 mai
Message :
Macha, je me suis trompé. Peut-être que mon père avait raison. Peut-être que j’aurais préféré ne pas savoir. J’ai de la peine. J’ai perdu ma mère de rêve. J’ai perdu ma mère de rêve »
Qu'est-ce qu'il m'énerve ! Mais je recommence très patiemment, très gentiment, parce que quand ça marche, qu'il surfe comme un pro, il est content et fier comme Artaban.
Ça, c'est une expression typique de mon grand-père. Artaban, je ne sais pas trop qui c'est, peut-être un des trois mousquetaires qu'il aime tant ?
Et puis le stage, trop vite, s'est terminé. J'ai essuyée les derniers nez, donné le dernier goûter, chantonné la dernière comptine. La gorge serré j'ai murmuré
Extrait choisie par Marwan.
Et maintenant c'est le tour d'Hannah. Au-dessous d'elle, la nuit est noire et elle distingue à peine les feux de reconnaissance des partisans et les arbres enneigés.
Mon Dieu ! Comme ça fait peur de sauter dans le noir, le froid, l'inconnu, au milieu d'ennemis et de mille dangers ! Comme ça fait peur, la guerre en bas !
Mais c'est son choix, c'est ce qu'elle voulait, et elle va le faire. Parce que pas loin il y a la frontière, la Hongrie, sa mère, et tous les Juifs qui l'attendent pour qu'elle vienne les sauver.
Alors elle respire un grand coup et lève la tête vers le ciel pour une prière. Est-ce qu'il la voit, son père ? Est-ce qu'il est fier ?
Et puis elle saute.
J'étais blessé, et puis vexé aussi. Elle ne voulais plus me parler, plus me voir, plus de moi ?
Ca tombait bien, moi non plus... Ca a duré un mois, un mois à faire semblant d'être bien alors que je n'était rien ; un mois à la regarder à la dérobée quand je le croisais, pâle et durcie, dans les couloirs ; un mois à espérer qu'elle cède, qu'elle m'aide, qu'elle m'aime encore, à nouveau, enfin. Un mois de vide, de froid, de fin.
Tout un mois passé dans son passé, à tenter de boucher les trous de sa mémoire-passoire, retenir les souvenirs qui lui coulent sur les joues, empêcher les noms de s’envoler, les mots de l’abandonner, toute sa vie de fuir et s’enfuir. A lui rappeler qui il est, à le rappeler à maintenant.
Il ne se souvient pas.
Il ne se souvient de rien.
Enfin...c'est pas tout à fait vrai.
Il se souvient de loin.
D'avant, il se souvient bien
de lui petit enfant poussant, chenapan, devenu grand, jeune homme fringant, l'amour naissant, le travail prenant, ses trois enfants...
Tout un mois passé dans son passé, à tenter de boucher les trous de sa mémoire-passoire, retenir les souvenirs qui lui coulent sur les joues, empêcher les noms de s'envoler, les noms de s'envoler, les mots de l'abandonner, toute sa vie de fuir et s'enfuir. A lui rappeler qui il est, à le rappeler à maintenant.
Juifs contre Juifs : nous sommes nos meilleurs et plus féroces ennemis.
Et ça, je trouve ça bête : on en a déjà tant !
A l'école, à la maison, partout il faut obéir.
C'est normal, dire bonjour, regarder avant de traverser, respecter la maîtresse, aider la maman, faire ses devoirs, ne pas exagérer avec la télé, manger des légumes verts bons pour la santé au lieu de se gaver d'un tas de saletés, dire la vérité, ravaler les gros mots, ranger sa chambre qui est un dépotoir, dérouler ses chaussettes, rentrer droit de l'école, se coucher à l'heure dite, se laver dans son bain, ne pas répondre au papa quand on se fait gronder, ni donner de coups de pieds quand on s'est disputé, ne pas être en colère à s'en faire étouffer, ne pas vouloir...
...éclater, exploser, tout casser, tout quitter!
Ça on n'a pas le droit.
Je croyais que pour moi la nature, c'était fini, que j'en aurais plus jamais, qu'elle ferait que me narguer.
Mais non, je me trompais. Elle veut bien de moi.
Alors avec les copains je descends du train qui attend tranquillement. Je cours cours cours dans le vent caressant, me roule dans le vert de l'herbe, embrasse le tronc fort des arbres et cueille un petit bouquet.
J'ai de nouveau le droit d'avoir les mains en fleurs!
Quand on est fils de quelqu'un, on existe. On a un nom : le sien. Il connait votre prénom, qu'il avait choisi quand votre vie commençait, pleine de jolies promesses qui ont été trahies. C'est comme ça qu'il vous appelle : Yankov, avec une voix qui console. Pas avec un surnom de prison donné par des prisonniers, pas avec un numéro de bestiau donné par des geôliers. Maintenant, qui sait mon nom?
Quand on est le fils de quelqu'un, on existe. On a un nom : le sien. Il connaît votre prénom, qu'il avait choisi quand votre vie commençait, pleine de jolies promesses qui ont été trahies.
C'est comme ça qu'il vous appelle : Yankov, avec une voix qui console. Pas avec un surnom de prison donné par des prisonniers, pas avec un numéro de bestiau donné par des geôliers.
Maintenant, qui sait mon nom ?