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Critiques de Rebecca Lighieri (404)
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Il est des hommes qui se perdront toujours

Trois enfants. Une fille et deux garçons. Hendricka, Karel et le petit dernier nommé Mohand.



Nés dans la mauvaise famille, le désastre, la mauvaise étoile. Un père, Karl Claeys, triste blague belge venue se crasher dans la cité Antonin Artaud après une diagonale Amblève > Marseille. Cité fictive qui ressemble à beaucoup d'autres et où les fulgurances côtoient la folie sans savoir qui engendre quoi.



Loin du centre-ville, sur les contreforts du massif de l'Etoile. Un genre de Notre-Dame-Limite d'où Notre-Dame se serait enfuie en hurlant, hirsute et affolée. Un de ces territoires relégués géographiquement et socialement.



Dans ses bagages Karl a emporté ses combines foireuses, de l'héroïne, sa shooteuse ainsi qu'une capacité hors-du-commum à bousiller les gens qu'il fréquente. Et en premier lieu, sa femme Loubna rencontrée sur place et leurs trois enfants qui cohabitent avec lui, passagers involontaires et résignés de sa méchanceté brute.



Le narrateur sera Karel, l'aîné. Il nous parle depuis un futur où le monstre a été terrassé comme dans L'Odyssée par un assassin nommé "personne". Il se livre à l'orée de sa vie d'adulte à un psy, remontant le fil de sa courte histoire. 20 ans de cauchemar pour une fratrie en proie à la violence d'un père, au silence d'une mère et à l'indiffèrence presque unanime du monde autour. École comprise.



Marseille est encore une fois un théâtre antique à ciel ouvert, décor d'une tragédie implacable. Elle n'est pas vraiment agissante dans ce livre, cela aurait très bien pu se passer ailleurs. Seuls quelques évènement historiques viennent saupoudrer le texte et l'ancrer. Elle se contente d'accueillir et de tendre les bras aux personnages.



Sa géographie accompagne leurs évolutions et avant tout celle de Karel : d'Antonin Artaud au Boulevard Sakakini puis à la rue Consolat. On se rapproche du centre-ville au fur et à mesure que la vie évolue, qu'on trouve un emploi, qu'on emménage avec sa copine et que l'on tente d'oublier sa cité crasseuse. Sociologie des rues.



Pourtant les dieux ne perdent jamais de vue les enfants Claeys et s'acharnent sur cette famille en déchaînant les éléments sur elle. Des ciels d'orage où Zeus lance son foudre, ulcéré par tant de brutalité et d'immoralité réunies dans une même famille. Les Atrides ou les Labdacides n'ayant rien à lui envier.



Deux enfants à la beauté divine (Apollon et Artemis ? Mais Karel et Hendricka ne sont pas des jumeaux) et un autre disgracieux, voué aux tourments physiques et moraux (Héphaistos ?). Un père qui dévore ses enfants. (Cronos ?)



Des origines nébuleuses d'hommes et de femmes fuyant leurs destins et brouillant les pistes en les croisant. Les lignées de deux familles qui s'ignorent et se cherchent. (On pense à Oedipe pour les origines opaques )



Meurtre, sacrifice pour refaire souffler le vent de la vie au milieu du désespoir, (Iphigénie) adultères. Mythologie incarnée et douloureuse.



J'ai été un peu décontenancé. le voyage m'a plu mais les personnages avec qui je l'ai fait me laissent perplexes. Et avant tout Karel. Karel le fracassé et son acronyme évocateur.



Il a vécu une enfance terrible avec sa soeur et son frère à subir la colère et la bêtise crasse d'un père fide fade et colérique. Dur de vivre dans la peur constante de ses crises de folie...



Comme si cette violence était un pays dans lequel lui, son frère Mohand et sa soeur Hendricka avaient appris à vivre, en se blotissant dans les infractuosités du terrain : une mère dépassée, soumise et mutique ; un camp de gitan derrière la colline ; ou la fuite loin de ce monde que l'on attend, que l'on prépare et que l'on souhaite.



On se cache dans ce roman, on se terre. On dissimule aux autres ses envies, sa vérité, pas toujours très belle. On change de noms pensant que le destin perdra ainsi notre trace en feuillettant le bottin mondain, ce bal maudit. On ment comme on soupire.



Mon enfance a été trop heureuse et c'est ce détail qui m'empêche d'accepter le résultat d'une telle opération, à savoir que les brimades continues, les coups et l'humiliation au quotidien ne peuvent que très rarement donner des adultes calmes, pacifiques et altruistes.



A partir du chapitre "Les filles en "i" m'a colère n'a cessé de monter. Un personnage a brusquement fait une embardée. On la pressentait mais pas à ce point. J'en suis arrivé à l'insulter. Je l'ai même invectivé en le questionnant par écrit sur les pages du livre, inscrivant des "Et toi connard ?" dans la marge. Ça ne m'arrive pas si souvent...



C'est dur de suivre un protagoniste qui nous tend, nous énerve. Ah Karel. Mec. Assume. Arrête de ne penser qu'à ta jolie petite gueule 5 minutes...oui c'est Caporal bobo qui te parle au talkie, tu sais ? de ceux que tu détestes et jalouses ? Mais je sais, je n'ai aucun mérite de parler depuis là d'où je parle. Donc je ferme ma gueule et je te regarde faire des roues arrière improbables avec ta vie et surtout celle des autres. Spectateur qui se mord les lèvres du gâchis en puissance et de l'accident ferroviaire qui ne manquera pas de se produire.



Rebecca Lighieri nous bouscule, volontairement, dans nos certitudes et dans notre confort. On se questionne, on s'étonne, nos appuis sont moins assurés, comme si l'autrice nous avait placé une bonne balayette et attendait, goguenarde, notre réaction.



L'auteur parle d'une "suspension du jugement" qu'elle revendique envers ses personnages que la vie, la société, a priori ont déjà jugé et marginalisé. Elle ne tient pas à surcharger leurs barques. Juste les mettre à l'eau, les voir nager. Ou couler.



Le titre n'est d'ailleurs pas une affirmation pour elle. Il reste une interrogation à laquelle on peut répondre ou pas. Les Hommes, au sens de l'espèce restent à définir. Karel, Karl, Mohand, Loubna ? Tout le monde ?





Quelque chose m'a manqué pourtant dans le rythme sans que je ne puisse vraiment mettre le doigt dessus. Je pense que malheureusement certaines scènes, presque des tableaux, viennent nuire au rythme global du roman. C'est tellement fort, que cela casse le fil du récit, le rend trop fin. Comme des diamants trop lourds sur un collier. Cela peut arriver en peinture, où un morceau de bravoure tout virtuose soit-il, peut venir casser l'unité.



Ces passages sont forts, bien écrits. Ils font sauter l'électrocardiogramme qui ensuite paraît étrangement plat. C'est dur à dire mais certains passages sont trop puissants vis à vis du reste et notamment du 3ème tiers du roman et de la fin qui s'essouflent un peu à mon goût.



C'est le défaut d'une qualité. Ce n'est moins bon que parce que cela cohabite avec du précieux, pas parce que c'est moyen.



J'ai d'ailleurs vraiment aimé la plume de l'autrice. Pleine de jus. Les personnages persistent et m'interpellent régulièrement dans ma vie de tous les jours. Je vois des Karel assez souvent ou je crois en voir lors de mes errances. Plus rarement un Mohand au visage abimé. Beaucoup de chair et de vie données à ces enfants que l'on suit dans leur adolescence ("la mue périlleuse") et dans leurs premières années d'adultes qui ne sont pas les plus simples à vivre non plus. Une tendresse particulière pour l'opulente Choucha.



Puis il y a des scènes très marquantes.



Bouleversantes même.



Certaines violentes, d'autres moins mais intenses toujours. Sexe, shoot, aggression, mise à mort.



De ces paroxysmes acrobatiques où le ridicule guette à chaque adjectif, Rebecca Lighieri se sort très bien, arrivant à ses fins et plongeant les lecteurs dans ce fort courant.



Pas de "Bad sex in fiction award" pour Mme Lighieri donc.



En ce qui concerne la marge accueillante et les exclus inclusifs...j'aimerais y croire mais je ne suis pas totalement convaincu. Cynos de Berge Rase me souffle doucement à l'oreille des réflexions empoisonnées et sarcastiques. Si seulement...



Une autre petite remarque (oui ça fait beaucoup mais je l'aime bien ce livre je le redis) qui m'a fait un peu cligner de l'oeil comme un cornichon trop vinaigré : le mot "go" n'est, à mon avis, pas apparu à Marseille en 1990. Cela est bien plus récent. A moins que ce ne soit le Karel narrateur du 21ème siècle qui l'utilise ? Même réflexion pour "bicrave" en 1998. Je n'ai commencé à l'entendre que vers 2005 et pas sur Marseille dans un premier temps. Pour finir le mot "terma" ??? J'ai toujours dit "tarma" en ce qui me concerne.



Lighieri dit qu'elle a remarqué qu'elle se réservait pour les narrateurs masculins, pour une certaine noirceur. Plus percutante, plus romancée et moins poétique que Bayamack-Tam. Elle se permet plus de violence physique comme dans un pulp. Elle écrit "sous pseudo", et loue l'effet "stupéfiant" que cela convoque chez elle et qui la déshinibe. La trame est déjà présente contrairement aux livres de Bayamack- Tam qui se forgent "chemin faisant".



Philippe Lançon dit que "Lighieri est la version pop de Bayamack-Tam".



Et en parlant de pop, la musique et les chansons des années 1980 à 2000 sont au centre de ce roman. Rebecca Lighieri a construit l'histoire autour d'elles, les laissant infuser dans son esprit pour en colorer les atmosphères, souligner des ambiances et convoquer les souvenirs, pour les chanceux nés dans ces décennies ; pour le meilleur et pour le pire dit-elle. Elle a failli nommer chaque chapitre du titre d'une de ces chansons mais a renoncé en route, craignant l'aspect trop systématique.



Ce livre, malgré quelques irritations, me donne très envie de lire assez vite autre chose de l'autrice quel qu'en soit le nom. Par ricochets, l'envie aussi de découvrir Antonin Artaud dont le titre est une citation et dont L ADN triple fait de poésie, de drogue et de folie irriguent ce roman.



Quelques details amusants aussi, comme la famille Sastre, gitans du passage 50 aux goûts vestimentaires très marqués et dont le nom signifie "tailleur" en espagnol.



Le pseudo Lighieri aussi qui fait de l'œil à Dante Alighieri.



Je relirai sûrement certains passages bouillonnants, comme on va au musée revoir une oeuvre qui nous a touché.



En tout cas, une lecture qui ne m'a pas épargné. J'aime.









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Éden

Je me revois assise en tailleur devant le petit rayon SFFF de 2 mètres de large de ma bibliothèque municipale, à détailler chaque livre, PAL ou PAPAL ? Certains se trouvèrent en ballotage, attendant le balisage des lecteurs de Babelio. Mais pas Eden. Ce livre s'est retrouvé dans le club restreint des "à lire quoiqu'en pense Babelio", un coup de coeur pour le duo couverture-4ème de couverture.

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Et pourtant...(jetant tout de même un oeil) j'ai été bien refroidie par cette mention "littérature jeunesse" en gros caractères, dans les étiquettes de la fiche du livre. Je n'y avais pas prêté attention, mais en effet il est bien précisé par l'éditeur "l'école des loisirs", dans les pages précédant le récit, que ce livre entre dans le cadre de "publications destinées à la jeunesse", c'est d'ailleurs la définition même de cette maison d'éditions après vérification. Je lis avec à priori la première page, qui ne fait qu'accentuer mon envie de reculer et de ne pas prendre du temps à lire ce livre: l'ado qui en a "trop marre" de sa life (ça lui donne trop "le haine"!) et qui tue le temps en comptant les paires de Nike vs Adidas dans sa classe de 4ème, je ne crois pas que je vais m'y retrouver là dedans...

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Je poursuis, un peu , de mauvais gré, ce premier chapitre au style très simple qui m'arrache tout de même assez vite un sourire "Pour Mme Bardouin, un bon élève est un élève qui ne bouge pas, qui ne fait pas de bruit, qui ne remet pas en question son cours indigent et sa pédagogie inexistante. Un élève mort serait l'idéal, mais à défaut un élève qui dort fera très bien l'affaire." p 10. On a tous connu un prof qui aime avant tout l'interclasse, et une fois parent on le craint pour ses enfants.(ma fille ne redoublera pas, aucun intérêt de refaire une année avec l'institutrice actuelle, mais je digresse franchement). le récit de Ruby (ouais, même le prénom de la petite narratrice fait un peu cliché de roman ado, je trouve aussi) continue de me faire quelques clins d'oeil, sa famille ressemble à la mienne: 3 enfants, fille-fille-garçon aux écarts d'âge de 2 puis 3 ans, dont les chamailleries me rappellent fortement quelque chose. Tout pareil :)

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Je me laisse complètement charmer par ce livre au fur et à mesure des pages que je peine à quitter, finalement. La simplicité se transforme en une fraîcheur et une absence de prétention qui me touche au coeur.

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Bon, et sinon, qu'arrive-t-il à notre petite Ruby? Telle la petite Alice, elle trouve un passage vers un univers parallèle. Et comme pour Alice, il s'agit d'un monde merveilleux. Elle y est emportée malgré elle, alors qu'elle "chill" ( à vous de voir si ce vocabulaire d'ado "flingué ma life", "relou", "pécho", -sans doute déjà un peu passé de mode car les modes évoluent vite!- vous fera sourire ou va vous exaspérer) dans un petit cagibi, devenu son refuge, car elle doit désormais partager sa chambre avec une petite soeur envahissante, dans la maison dans laquelle sa famille vient d'aménager. Un monde merveilleux qu'elle ne veut plus jamais quitter, passant de plus en plus de temps recluse chez elle, à attendre que la magie de ce passage à ce monde opère; ce qui ne manque bien sûr pas d'inquiéter ses parents qui n'en savent rien. le mystère se distille pour le lecteur et la meilleure amie de Ruby: hallucinations? monde réel?

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J'ai moi aussi trouvé ce monde merveilleux, bien qu'il existe l'envers du décor, que Ruby finira par découvrir.

Treize ans (et demi!) voilà un âge charnière, et ce monde revêt un aspect initiatique pour Ruby et va la faire sortir de l'enfance, par différentes facettes. Avec mon regard de parent, j'ai également été sensible à l'inquiétude des parents de Ruby, à leur incompréhension face à l'évolution de leur fille obnubilée sans qu'ils le sachent par son paradis (artificiel ou non...:p ).

J'ai été très touchée par ce livre, et son intrigue m'a tenue en haleine jusqu'aux dernières pages, avec un clin d'oeil bien senti à l'oeuvre de Jérôme Bosch "le jardin des délices". C'est un livre que je proposerais à ma fille, quand elle aura pris quelques années, une entrée dans le monde de la SFFF qui je l'espère lui plaira.
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Les garçons de l'été

Sous le pseudo de Rebecca Lighieri, Emmanuelle Bayamack-Tam nous offre encore une fois un roman surprenant. J'avais beaucoup aimé «Arcadie». Je n'ai pas été déçue par celui-ci, dans ma PAL depuis longtemps.



Nous sommes à Biarritz, au cœur d'une famille aisée. Mylène et Jérôme ont trois enfants. Les deux aînés ont la vingtaine, ils sont beaux, intelligents, excellents surfers et adulés par leur mère. Thadée, le fils chéri, est suivi de près par Zachée. La plus petite, Ysée, a 10 ans. Introvertie et solitaire, elle est surdouée et très lucide.



Thadée a pris une année sabbatique pour surfer à la Réunion. Zachée et sa copine, Cindy, l'ont rejoint au surf camp. Quand Thadée se fait mutiler la jambe par une attaque de requin, c'est toute la famille qui en est bouleversée.



Ce roman choral nous fait rentrer dans la tête de chacun des membres de cette famille. On passe de la lumière à l'ombre, très rapidement. Sous des airs de perfection, chacun a ses perversions, ses jalousies, sa lâcheté et cette famille est plus que dysfonctionnelle.



J'ai vraiment accroché à ce livre, même s'il est malsain et dérangeant. Je l'ai lu très rapidement. L'adoration sans borne de Mylène pour ses garçons et sa suffisance bourgeoise sont au début pénibles mais l'on passe d'un personnage à l'autre et l'on comprend mieux.



Chacun raconte sa version des faits et l'autrice avance petit à petit ses pions et resserre son intrigue.



La dernière partie est différente, le fameux «Stephen King à la française» promis sur le bandeau. Même si c'est vu à hauteur d'enfant via le point de vue d'Ysée, j'ai trouvé ces éléments fantastiques un peu tirés par les cheveux...



Mais ça reste un très bon roman noir, à suspens, envoûtant, très sensuel et plein de contrastes. Je l'ai lu avec beaucoup de plaisir et j'ai aimé retrouver le style de Bayamack-Tam.



Je recommande cette lecture inclassable.



Tu l'as lu ? Il t'a plu ? As-tu déjà lu des romans de cette autrice ?
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Les garçons de l'été

Ce qu'il y a de magnifique avec la lecture, c’est que l'on peut, d'un livre l'autre, changer du tout au tout, d’époque, de continent et bien sûr, de sujet. Aujourd’hui, je quitte donc l'Ouganda pour la Réunion, on ne dit jamais cela dans la vraie vie.



Ici nous faisons connaissance avec Myléne (heu, Mi pour les proches), la cinquantaine flamboyante, fière et proprette épouse d'un pharmacien biarrot et mère de trois enfants dont deux sublimes  garçons,  Thadée et Zachée (si, si, je vous jure), les aînés, autour des vingt ans, fans absolus et accomplis de surf ce qui en rajoute à leurs physiques d’apollons.



Seulement le plus âgé, Thadée donc (faut s'y faire, t'as des idées, parfois), s'est autorisé une année sabbatique pour s’adonner à sa passion sur les côtes réunionnaises ou la malchance (pour une fois) l'a mis en présence d'un requin-bouledogue qui a eu l’outrecuidance de s’octroyer un morceau de sa jambe droite (Ce ne sont pas des façons tout de même !) dont il devra être amputé (Il va marcher beaucoup moins bien, forcément !)



Accourue dès que possible à Saint-Denis, Myléne (heu, Mi, pardon) fond sur le lit d’hôpital de son grand blessé, persuadée à l’avance de l’incompétence crasse des médecins locaux qu’elle qualifierait volontiers d'indigènes. Elle y retrouve également son second fils, Zachée (faut s’y faire aussi, sachez que je n'ai rien inventé), présent sur zone lors de l’accident pour avoir rejoint son frère pour quelques jours de vacances en compagnie de sa petite-amie, Cyndie, peu appréciée de l’exigeante mère de famille (normal, avec un prénom si commun !)



Mission à accomplir (si vous l’acceptez) : ramener le chérubin urbain en métropole pour une garantie sur facture de reconstruction haut de gamme.



Bon, quitte à être à La Réunion, elle accepte quand même de faire un peu de tourisme (rentabilisons le billet, c'est pas donné quand même) et valide la proposition de Jérémie, un guide qu’elle exècre, de partir pour une méga randonnée de découverte ilienne (aussi crédible que moi en danseuse classique).

Han, mais que cette île est sublime (on ne le savait pas, dis donc) !



Pendant ce temps, au bercail et donc loin du marigot, jouant de sa manivelle à tire-larigot, l’apothicaire biarrot s'en tire à bon compte dans la buanderie sur programme essorage (elle se prénomme Maud, le bon compte qu'il tire) et n'est pas sans goûter la solitude par la situation offerte (comme sa maîtresse, par ailleurs).



Mais, bon, même les bonnes choses ont une fin et de nouveau la famille est réunie quand quittée est La Réunion.



 Commencent alors la convalescence dans ’Le’ centre spécialisé qui va bien pour le jeune homme très perturbé (on le serait à moins) enclin aux idées suicidaires (pas marteau, il garde une dent contre le requin).



Mais, ce jeune homme si bien comme il faut sous tous rapports est-il aussi sain que son apparence semble l'indiquer ? Cette enfance qu’il a vécue auréolé d’une réputation de demi-dieu a-t-elle fait de lui un homme équilibré ou un mouton à cinq pattes ?



Wait and see, ou plutôt wait and sea, sex and sun, on est chez les surfeurs, que diable !



Comme chaque chapitre donne la parole à un des divers intervenants (dans la famille Chastaing, je veux, la mère, le père…) il arrive que ce soit le cadet qui fasse part de ses soucis, avec plus de distance que ses parents ou son frère qu'il avoue cependant déifier lui aussi. Seulement, une propension à s’appesantir (lourdement) sur les termes techniques du surf rendent son propos un peu indigeste et permet à l'autrice de nous envoyer un petit clin d’œil en coin du genre « z’avez vu comme j’ai bien bossé mon sujet", affichant un beau syndrome de ‘première de la classe’ au passage.

Dommage, c’est pourtant le plus intéressant des personnages, jouissant d'une fine intelligence et doté d’un très mature recul sur la vie pour un jeune homme de son âge.



Mais,  rappel, le propos de ce roman à suspens est de nous faire frémir (parfois bouillir) à la lecture d'un drame ou plutôt d'une tragédie familiale (faites brailler les Walkyries).

Donc, la morsure du requin ne sera qu'un amuse bouche à la carte de ce joyeux festin gastronomique où les masques vont tomber les uns après les autres (comme les mouches après un pshit pshit de raid) pour nous révéler les véritables cerveaux qui se cachent sous ces crânes personnages pour certains cependant  écervelés.



Sauront-ils nous séduire ou nous dégoûter, nous attendrir ou nous rebuter, nous plaire ou nous faire horreur, nous hanter ou nous laisser indifférents ?



Si la trame générale de l’intrigue et le profil des intervenants ont su me plaire, je suis quand même resté les yeux dans la vague, d’autant que le tout nous est quand même servi sous la méga-louchée de chantilly fouettée indigeste d'un style ou le grotesque se dispute avec le ridicule et le caricatural sans oublier quelques vulgarités pas piquées des hannetons pour affiner la présentation.

Pour exemple,  la dernière partie hallucinante et hallucinée racontée par la jeune sœur de 13 ans, Ysé (il faut s'y faire je vous dit) qui clôture le roman par une scène qui flirte avec le Grand-Guignol dans un langage et un vocabulaire qui ne correspondent pas du tout à son âge. Bon, on a quand même échappé au jerrican d’hémoglobine, c’est déjà ça !



Quant au titre, ‘les garçons de l’été’ pour mémoire, il manque singulièrement d’originalité et d'à-propos, la scène declencheuse se passe juste avant Noël.



Lecture totalement dispensable à mon humble avis.

 

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Les garçons de l'été



Rebecca Lighieri est le pseudonyme d’Emmanuelle Bayamack-Tam, qui nous propose avec Les Garçons de l’Été un roman choral d’une rare intensité.



Le titre et la couverture me promettaient une ambiance « sea sex and sun ». Certes le roman est très bien documenté sur la pratique du surf, ses codes, la fraternité mâtinée de rivalité qui réunit les surfers, le vocabulaire d’initiés pour parler vagues, figures, technique. Certes la mer, le sexe et le soleil sont au rendez-vous, mais aussi l’orgueil, la jalousie, le mensonge, les faux-semblants, la dissimulation, la malveillance, la haine, la vengeance implacable. Vous l’aurez compris, j’ai été surprise, mais pas du tout déçue !



Les Chastaing ont « tout pour être heureux » : une jolie maison, un quotidien confortable et bien huilé, une vie de couple épanouie (incluant une maîtresse régulière pour Monsieur), trois magnifiques enfants aux prénoms recherchés. Ysé, la benjamine, solitaire mais d’une maturité déconcertante, a des passe-temps peu communs. Ses aînés, Thadée et Zachée, sont deux demi-dieux solaires, athlétiques, magnétiques, adulés par tous.

Est-ce ce « trop » de perfection qui attire sur cette famille « bien sous tous rapports » les foudres d’un Dieu vengeur et jaloux décidé à leur faire payer leurs péchés d’orgueil et de fierté ?



Passionnés de surf, les deux frères partent chercher la vague à la Réunion, mais « tout part en vrille » le jour où Thadée se fait arracher la jambe par un requin.

Au fil des pages le bonheur insolent se délite, les eaux calmes et limpides se muent en un raz de marée qui renverse le bel équilibre familial. Les masques tombent, un à un, et la vérité se dévoile page après page, entraînant les Chastaing dans une lente et inexorable descente aux enfers.



Ce roman est UNE MERVEILLE, ce roman est GENIAL. Il est dérangeant, inquiétant, effrayant, passionnant, envoûtant. Un « page-turner » qui, telle une vague puissante nous emporte, le souffle court, jusqu’à la dernière page.



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Il est des hommes qui se perdront toujours

Whaouh ! Quel choc, ce roman !

Je l'ai lu en 24 heures. J'ai été happée par l'histoire de cette famille. Karl Claeys est un belge qui a épousé Loubna, une kabyle, et vit à Marseille dans une cité. Ils ont trois enfants : Karel, Hendricka et Mohand.

Mohand est handicapé. Karl est ultra- violent et frappe régulièrement ses 3 enfants qu'il terrorise. Il s'en prend surtout à Mohand qu'il traite de tous les noms et enferme dans un placard. La mère ne dit rien..

Karl vit de magouilles pour se payer sa drogue, Loubna travaille dans une boulangerie mais parfois il n'y a rien à manger.

Les enfants sont très soudés et essaient de s'en sortir malgré cette enfance désastreuse. Ils ne peuvent en parler à personne. Ils trouveront du réconfort et un peu de chaleur humaine chez la famille gitane qui habite à côté.

C'est un roman très noir, le style est très vivant, imagé. Les personnages débordent d'énergie et d'envie de vivre.

C'est un roman sur le déterminisme social : comment se construire quand on a manqué d'amour, quand on n'a pas reçu de confiance en soi ni encouragements, quand on a été élevé dans la misère ? Est- on immanquablement condamné à reproduire ce qu'on a vécu, Karel sera t'il forcément violent comme son père ?

C'est un roman bouleversant mais on ne sombre jamais dans le pathos ( même si j'ai eu souvent les larmes aux yeux.)

Il vient de paraître en poche et je le recommande vivement car c'est un grand roman.
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Il est des hommes qui se perdront toujours

Dans son article intitulé « La liquidation de l'opium » paru en 1925 dans la revue « La Révolution surréaliste », Antonin Artaud s'insurge contre la volonté de l’État de lutter contre les drogues : « Vous n’empêcherez pas qu’il y ait des âmes destinées au poison, quel qu’il soit, poison de la morphine, poison de la lecture, poison de l’isolement, poison de l’onanisme, poison de l’anti-sociabilité. Supprimez-leur le moyen de folie, elles en inventeront dix mille autres. » Ainsi, considérant que certaines âmes sont perdues à jamais, sa revendication se résume à quelques mots : qu'on leur foute la paix à lui et aux autres êtres souffrants puisque de toute façon, ils trouveront forcément une échappatoire quelconque pour supporter le monde et soulager leur folie.

« Elles (les âmes) créeront des moyens plus subtils, plus furieux, des moyens plus désespérés. La nature elle-même est anti-sociale. Laissons se perdre les perdus, nous avons mieux à faire qu’à occuper notre temps à une régénération impossible et de plus, inutile, odieuse et nuisible. De plus les perdus sont par nature perdus. Il y a un déterminisme inné, il y a une incurabilité indiscutable du suicide, du crime, de l’idiotie, de la folie... » Et la chronique se termine sur ces mots : « L'homme est misérable, l'âme est faible, il est des hommes qui se perdront toujours. Peu importent les moyens de la perte; ça ne regarde pas la société. »

S'inspirant des propos du théoricien, Rebecca Lighieri (pseudo d'Emmanuelle Bayamack-Tam) illustre dans son dernier roman très très noir (je vous préviens!) non seulement une certaine forme de déterminisme psychologique (t'es mal, tu le resteras) mais elle s'attaque aussi au déterminisme social à travers l'histoire tristement banale de trois gamins flingués par la vie et plus précisément par leur père, un monstre, une ordure, un pauvre type… Trois enfants, « trois fleurs décapitées » dont il ne reste que les tiges qui tiennent debout on ne sait par quel miracle…

Mohand, le plus jeune, à qui le père toxico a répété à l'envi qu'il n'était pas son fils, lui le môme handicapé qu'il surnomme le gogol, le triso, répétant sans cesse qu'il aurait mieux valu s'en débarrasser de ce gosse puant, le faire crever, ce à quoi il est presque parvenu à force de sévices en tous genres, d'humiliations sans nom et de haine infinie…

Mohand, le miraculé, Mohand encore debout, Mohand, l'ange aux ailes broyées… Comment se construit-on sur des sables mouvants sans se faire engloutir et sans finir par disparaître de la surface de cette pauvre terre où l'on n'a fait que souffrir ?

Et puis, il y a Hendricka que le père a traînée dans les cafés de la cité des quartiers nord de Marseille où ils vivent dans ces années 80/90 (la cité Antonin Artaud - il est né à Marseille-) et dont les piliers de bar ont largement reluqué les cuisses, la belle Hendricka qu'il a présentée à des castings débiles pour tirer du fric de sa beauté insensée, parce que la popularité, ça rapporte, c'est mieux que les diplômes, plus utile que l'école.

Enfin, il y a Karel, ce narrateur à la beauté foudroyante et à la sensibilité à fleur de peau, celui qui dit sa haine et son dégoût à chaque page, hurle son amour pour Mohand et Hendricka, tentera de mettre des mots sur le pire, l'insoutenable en avançant à tâtons vers un mirage de bonheur.

Ces trois-là, comme tant d'autres, ont morflé et pas qu'à moitié. D'aucuns diraient qu'ils ne s'en relèveront jamais. Et ils auraient sans doute raison. Une enfance brisée, c'est pour la vie… « L'espérance de vie de l'amour, c'est huit ans. Pour la haine, comptez plutôt vingt. La seule chose qui dure toujours, c'est l'enfance, quand elle s'est mal passée. »

Oui, bien sûr, vous me direz, et la résilience ?...

Allez, on peut se garder deux trois illusions sous le coude, ça ne mange pas de pain…

Échappe-t-on de là d'où l'on vient ? Se remet-on du pire, de l'insoutenable, de l'horreur ? Reproduit-on forcément ce que l'on a subi ? Devient-on génétiquement violent ?

Rebecca Lighieri a les mots pour décrire la violence et l'on vit de l'intérieur ce que ressent Karel, sa haine pure vis-à-vis de ce père destructeur, la confusion de ses sentiments, le chaos de ses émotions, toutes les difficultés qu'il a à se construire, à devenir un homme et à se projeter dans un avenir plus ou moins lointain avec sa copine Shayenne qui vit dans un camp de gitans sédentarisés où lui-même trouvera refuge.

Quel personnage que ce Karel, de ceux qu'on n'oublie pas : il est tellement attachant, tellement perdu dans cette famille foutraque qui ne lui a jamais donné aucun repère, aucune joie, aucun amour...

On ne pleure pas quand on lit Rebecca Lighieri. Et pourtant, on pourrait... Non, pas de pathos, pas de mélo. On plonge dans le pire, sans détour, à sec. Les mots cinglent, heurtent, cognent. Ce sont des directs qu'on se prend en pleine figure, et l'on sort sonné. Sonné mais sans larmes, car, comme Karel, on sent que si l'on veut finir le roman, il faut tenir parce qu'on n'est pas encore au bout du pire et peut-être aussi parce que dans cet enfer, émerge, malgré tout, beaucoup d'humanité…

On sent qu'elle les aime ses personnages, Rebecca Lighieri , qu'elle vit avec, les sent, les touche, qu'ils sont là devant elle, incarnés (quelle sensualité dans l'écriture !)… Ils sont tellement vivants, tellement vrais dans leur terrible complexité. Il faut, je pense, avoir fréquenté et observé pas mal d'ados pour parler d'eux comme elle le fait, avec leurs mots, leurs codes, leur façon d'être au monde…

Et puis, il y a cette bande-son omniprésente qui nous entraîne, parce que ce roman, c'est aussi de la musique, de la soul, du funk, du rap, des chansons populaires qu'on fredonne tous les jours, des tubes sirupeux qui nous comblent d'aise secrètement… Je repense soudain à cette scène magistrale que je n'oublierai jamais où les trois jeunes dansent parce que, pour une fois, ils vivent un moment de bonheur. Magnifique play-liste qu'il faut absolument écouter parce qu'elle insuffle encore davantage de vie, de mouvement et ajoute encore de l'émotion à ce texte déjà si fort…

Allez, finissons sur un petit « Dance Little Sister » de Terence Trent D'Arby ou bien, si vous préférez « Right On » des Pasadenas et imaginons-les, ces gosses, être heureux un instant, un instant seulement…

Qu'est-ce que ça fait du bien et comme c'est beau à voir...
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Les garçons de l'été

Incroyable comme ce livre est angoissant ! Si le début s'attarde à montrer une belle petite famille bourgeoise bien-pensante, très vite on devine ses travers, et quand elle est frappée par un premier malheur (le fils aîné a la jambe bousillée par un requin en faisant du surf), le vernis se craquelle. Plusieurs points de vue alternent et montrent la lente plongée aux enfers de cette famille, menée vers le bas par cet aîné machiavélique…



Ce roman est hyper angoissant, surtout la fin, le dernier tiers m'a presque donné des cauchemars ! Très réaliste, très cruel, très bien écrit, vraiment un excellent thriller psychologique et littéraire !
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Les garçons de l'été

Les garçons de l’été

Un roman terrifiant qui, dès les premières pages, instaure un climat anxiogène. La famille Chastaing - Jérôme et Mylène, les parents, Tadhée, Zachée et Ysé les enfants (beaucoup de simplicité dans le choix des prénoms !) – est une jolie famille biarrote, incarnation de la bourgeoisie. Les enfants sont d’une beauté solaire, ils poursuivent de brillantes études, font du sport – bref, la perfection !

L’aîné, Thadée, a pris une année sabbatique afin de se livrer à son activité favorite, le surf, et est parti s’installer à La Réunion. A quelques jours du retour, il se fait happer une jambe par un requin. Et il n’y a d’autre choix que de l’amputer.

Cet horrible accident est ce qui va mettre à jour le dysfonctionnement familial, la pathologie relationnelle, voire même la psychopathologie de certains. Les chapitres laissent la parole aux protagonistes, qui se font narrateur chacun à leur tour et l’on découvre au fil des pages l’ampleur de des dégâts ou comment des parents génèrent la toute-puissance, instaurent un environnement toxique qui a des répercussions sur la construction psychique de leurs enfants. On peut décerner à Mylène la palme de la dangerosité maternelle ! Au milieu de tous ces personnages inquiétants, Zachée et son amoureuse Cindy offrent l’image d’un couple sain, à la relation fusionnelle, absolue qui partagent des valeurs et les mettent en œuvre – lorsque leur voix se fait entendre, on respire davantage, l’atmosphère s’assainit et on surfe avec eux sur les vagues de leur passion (amoureuse et sportive).

La dernière partie du roman donne carrément la chair de poule, je comprends pourquoi certains ont comparé l’auteur à Stephen King. La lecture achevée au milieu de la nuit, je n’en menais pas large …

Un roman très bien écrit, au genre indéfinissable, à la construction maîtrisée qu’on quitte presque avec soulagement tant il prend à la gorge – ni reposant, ni distrayant mais très réussi !

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Il est des hommes qui se perdront toujours

J'ai gardé un mauvais souvenir de l'"Arcadie" d'E.Bayamack-Tam, je viens de relire mon billet. En revanche sous le pseudo Rebecca Lighieri, ce nouveau roman m' a complètement retournée, c'est peu dire et ce n'est surtout pas fréquent.

Le roman débute dans les années 80 à Marseille; Une famille de 3 enfants , 1fille et 1 garçon beaux comme le jour, 1troisième garçon souffreteux, avec des malformations; le père est d'origine belge, la mère d'Afrique du Nord.

Ce qui ce passe dans ce qui devrait être un foyer fait dresser les cheveux sur la tête, un père ultra violent et grossier , une mère apathique, le petit dernier surtout subit les pires insultes.

Leur souhait à ces 3 enfants quand ils le pourront, sera de tuer l'ignoble qui leur sert de père.

A quelques centaines de mètres de chez eux, un camp de gitans, les enfants mal aimés y trouveront amitié et plus même. Il s'avère qu'un secret relie ces familles.

C'est à l'age adulte qu'un des enfants écrit l'histoire, ils s'en sont sortis, blessés certes, mais vivants.

Il faut du temps pour reprendre pied après une telle lecture. Quel cyclone émotionnel!

Il faut du talent aussi pour assembler des mots que tout le monde pratique, qui peuvent rester plats chez certains auteurs et semer autant de trouble parfois.
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Les garçons de l'été

Il m'a fallu du temps pour digérer cette lecture et pouvoir en donner mon avis. Plus de dix jours après l'avoir terminée, je ne suis toujours pas en capacité de dire si je l'ai aimée ou pas.



Contrairement à ce que présume son titre et sa couverture estivale, ce roman est loin, très loin même, de nous emmener vers une histoire d'amitié ou d'amour de vacances comme le chantaient si bien en leur temps C.Jerôme ou David et Jonathan. Si vous pensez lire une romance de plage, vous ne pouvez pas être plus à côté de la plaque. Car ce roman est d'une noirceur indéfinissable; il n'y a aucune lueur à l'horizon, quand vous pensez avoir touché le fond, vous n'y êtes pas encore.



Cette lecture raconte la descente aux enfers d'une famille pourtant si parfaite, en apparence. Les parents sont aisés et font partie de la bonne société biarrote; les enfants, au nombre de trois, sont beaux, brillants et font la fierté de leurs parents. Les deux aînés, passionnés de surf, s'envolent pour un spot à La Réunion; le drame arrive, le beau Thadée, le merveilleux Thadée se fait bouffer la jambe par un requin-bouledogue et se retrouve, à 20 ans, unijambiste. On imagine bien comment il doit se sentir et aussi combien les rêves et espoirs que ses parents avaient placés en lui tombent à l'eau. Pourtant, très vite, le lecteur ne pourra plus se trouver en empathie avec lui car ce jeune et brillant Thadée cache bien des zones d'ombre et son malheureux accident ne fera finalement qu'accélérer l'éclatement de cette si "jolie" famille.



Dire que j'ai trouvé cette lecture violente et oppressante serait un euphémisme. À aucun moment je n'ai eu de réel plaisir à la lecture de ce roman mais je n'ai pas su, non plus, le refermer pour ne plus jamais l'ouvrir. C'est glauque, malsain, on ne navigue jamais entre deux eaux, la destination est clairement l'enfer sur Terre. J'avoue que l'écriture est très réaliste mais pour autant je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que l'auteur avait quand même bien grossi le trait ou alors qu'elle avait de sacrés comptes à régler, plutôt sur le divan d'un psychanalyste. Je rencontre beaucoup de difficultés à exprimer mon ressenti car il s'agit, justement, clairement d'un ressenti et je ne parviens pas à le traduire en mots. Je n'ai pas expressément compris où voulait nous emmener Rebecca Lighieri, je n'ai pas compris le sens de cet ouvrage, mais pourtant j'y suis allée, et jusqu'au bout qui plus est.



L'histoire, sans me laisser de marbre, ne m'a pas embarquée. L'écriture, par contre, oui, complètement.

On aime, on n'aime pas, mais je ne crois pas qu'on puisse rester indifférent.



Je ne saurais trop le recommander et vous invite à vous faire votre propre avis.





Challenge multi-défis 2020

Challenge mauvais genres 2020

Challenge plumes féminines 2020



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Les garçons de l'été

Une jolie petite famille parfaite... Mais un drame va faire voler en éclats tout ce qui semblait acquis. Un remake contemporain de l'histoire de Caïn et Abel !

Rebecca Lighieri - alias Emmanuelle Bayamack-Tam - est écrivain. Sous ce pseudonyme, elle est l'auteure de "Husbands" (2013) et "Les garçons de l'été" paru en 2016 aux éditions Gallimard, puis réédité chez Folio en 2018.

Ils sont beaux, ils sont jeunes, font des études brillantes et passent tout leur temps libre à surfer sur la côte landaise.

Mylène aime ses fils Thadée et Zachée -respectivement âgés de 21 et 20 ans - inconditionnellement. Sa fille, Ysé, seulement âgée de 12 ans est plus discrète et suscite moins l'admiration de sa maman.

p. 18 : " Non, je suis trop sévère avec moi-même, car d'une certaine façon, j'aime mieux Ysé que ses frères. Avec eux, je tremble, je frémis, je suis dans l'adoration, et ce n'est pas un service à rendre aux enfants que de les adorer."

C'est vrai, qu'elle et Jérôme, son mari pharmacien, n'ont jamais vraiment compris la décision de Thadée de partir à La Réunion pour une année sabbatique. Mais ils tempèrent, puisque leur fils adoré s'apprête à intégrer Centrale ou Polytechnique.

Zachée, le frère cadet, est alors parti le rejoindre pour quelques jours de surf avec sa petite amie Cindy. Mais cette insouciance juvénile va basculer dans l'enfer du drame.

L'appel de Zachée à ses parents ce jour-là, va bousculer, irrémédiablement, le destin de la famille Chastaing...

En effet, victime d'une attaque de requin-bouledogue lors d'une session de surf, Thadée a perdu sa jambe. D'abord en colère, il s'enferme rapidement dans une profonde dépression, dont la famille va assister, impuissante, à sa destruction.

p. 129 : " - Je ferai mieux d'attendre quoi ? Qu'est-ce que j'ai à espérer de la vie, maintenant? Tu vois, si tu veux vraiment m'aider, file-moi des médocs, que j'en finisse une fois pour toutes. Après tout, t'es pharmacien. "

Petit à petit, tout ce qui semblait si bien ficelé s'écroule au sein de cette famille. Même Jérôme, aux allures de mari et père modèle, réalise qu'il a peut-être un peu trop titillé le destin avec ses petits secrets et ses mensonges...

p. 138 : " Avec l'amputation de mon fils aîné, quelque chose s'est déglingué. Je me rends compte que mes petits remords, mon vague sentiment de culpabilité, finalement, ce n'est rien par rapport à ce que j'éprouve aujourd'hui. Même si ce qui arrive à Thadée n'a rien à voir avec les frasques et les turpitudes de son pères, je ne peux pas m'empêcher d'établir des liens. Comme si en trompant Mylène j'avais introduit un ferment de malheur dans la famille. Certes, le ferment a mis du temps, des années même, à répandre la putréfaction, mais désormais la putréfaction est là et je dois faire en sorte qu'elle ne gagne pas plus avant. "

Zachée a toujours vécu dans l'ombre de ce frère  parfait à qui tout semblait réussir, l'idôlatrant à excès. Mais depuis l'accident, il culpabilise de mener une vie normale.

p. 162 : " Alors voilà, d'une certaine façon, je suis jeune, bien sûr. Mais la vraie jeunesse, qui comporte forcément une part d'innocence ou d'inconscience heureuse, cette jeunesse-là m'a quitté pour toujours. Il se peut même qu'il est pris fin le jour où un requin a arraché la jambe de mon frère dans les eaux agitées de l'Océan Indien, en ce jour qui avait si bien commencé et qui devait si mal finir. "

Thadée devient mesquinement jaloux. Infirme, privé de surf, de sa popularité, de sa copine, il entretient une haine grandissante envers son frère cadet.

p. 62 : " Ce que j'ai gardé pour moi, mais qui me taraudait déjà, c'était ma colère et ma haine pour tous ceux qui m'entouraient et que le requin avait épargnés. Et encore, j'étais loin d'imaginer qu'on allait m'amputer. Depuis, mon sentiment d'injustice n'a fait que croître, et tous ceux qui vont et viennent dans ma chambre, tous ces gens qui me narguent sur leurs deux jambes, mériteraient vraiment que je leur crache à la gueule. "

Sa perversion et sa manipulation s'affinent et il réussit à lui seul à terroriser l'intégralité de la famille, qui y voit, naïvement, la colère d'un jeune garçon privé de l'existence heureuse à laquelle il semblait voué.

Thadée va fomenter un plan diabolique, en le maquillant d'accident, pour se débarrasser de son frère.

p. 246 : " - Cindy ? Ouais, salut. Euh... on a perdu Zach. "

Les parents, anéantis, sont littéralement dépassés par les événements tragiques qui ont touché tour à tour leurs fils. Mais malgré la douleur et le chagrin d'avoir perdu le grand amour de sa vie, Cindy va se révéler plus perspicace. Incrédule, elle va comprendre que Thadée est un psychopathe, pervers et destructif.

p. 270 : " Mais tout en ayant conscience que Thadée était un connard capable de tout, je n'ai jamais imaginé qu'il irait jusqu'à t'assassiner. J'ai sous-estimé sa jalousie et sa perversion. Je me suis toujours méfiée, mais pas suffisamment."

Ce roman est une bombe, " du Stephen King à la française " selon les mots d'Olivia de Lamberterie ! A la lecture de ce thriller psychologique, le temps s'est arrêté, totalement absorbée par le destin tragique de la famille Chastaing. Les chapitres se succèdent, prenant la voix de chacun des protagonistes, pénétrant ainsi leurs pensées, telle une sentinelle. Englouti par une construction narrative époustouflante,dont le style dramatique maintient le lecteur en haleine, l'auteure joue sans cesse entre les atmosphères de tensions extrêmes et les fausses insouciances.
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Les garçons de l'été

Une famille qui part en vrille, une charmante villa basque qui se transforme en asile de fous, et voilà les garçons de l'été qui nous offrent une impressionnante session de lecture !

Entre soleil et ténèbres, ce roman qui fait la part belle au surf a de quoi réjouir les amateurs mais le lecteur à qui les noms de Belharra et Nazaré ne disent strictement rien, risque de se noyer dans les nombreux termes techniques ( lineup, take -off, shore break, wipout etc.). Mais pas de panique, l'essentiel de ce roman se concentre sur un drame vieux comme le monde et que tout le monde connaît...

Cependant je trouve quand même dommage que l'auteure n'ait pas jugé utile d'ajouter en fin d'ouvrage un petit glossaire pour aider ceux qui n'y connaissent rien au surf et qui aimeraient peut-être comprendre de quoi il s'agit.

Un grand merci à lucia-lilas dont l'enthousiasme débordant et contagieux a poussé ma copine à se précipiter chez son libraire et me prêter ce livre sans l'avoir lu ! Je l'ai savouré en me gardant de toute précipitation, pour faire durer le frisson de plaisir...
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Il est des hommes qui se perdront toujours

Eblouissant. Une vraie pépite ....Dévoré en l'espace de deux nuits et suis dans le même état d'extase, impatient de regagner ma tanière le soir pour me plonger dans Les garçons de l'été.

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Husbands

J'ai acheté Husbands après avoir lu Les garçons de l'été et avoir tellement adoré cette lecture que je suis partie à la recherche d'autres romans de l'auteur. Et puis ce livre a traîné longtemps dans ma PAL : à chaque fois que j'hésitais à m'y lancer le résumé me paraissait si noir et angoissant que je repoussais ma lecture.

En cette période de confinement où mon cerveau a un peu de mal à se concentrer sur ce que je lis, je me suis dit que ce roman serait idéal pour capter mon attention. Mission accomplie : je l'ai dévoré en 2 après-midis et une fois rentrée dans l'intrigue n'ai plus pu le lâcher.

Husbands raconte l'histoire de 3... maris (eh eh, vous n'aviez pas deviné hein ?) dont le mariage vacille pour des raisons diverses et qui se rencontrent par le biais d'un forum internet consacré au candaulisme (je vous laisse lire le livre si comme moi vous ne connaissiez pas cette pratique sexuelle basée sur l'échangisme !). De confidence en confidence, les 3 hommes vont devenir amis mais quand le désespoir affleure la situation menace vite de déraper.

Comme dans Les garçons de l'été, l'auteur a un vrai talent pour mettre en scène en quelques lignes des personnages qui sonnent juste et nous embarquer dans son histoire. Ici c'est noir, très noir, parfois glauque, les situations ne sont pas faciles, les personnages dévoilent leurs petites lâchetés, leurs complexes et leurs mauvais côté mais j'ai plongé la tête la première dans ce roman et l'angoisse est montée jusqu'au dénouement final.

J'ai quand même trouvé ce titre moins abouti que Les garçons de l'été, certaines situations sont un peu tout much, certains traits frôlent la caricature mais cela reste efficace et réussi. Et mention spéciale pour le dénouement final qui par la voix d'une femme offre un beau retournement de situation et remet à sa place tous ces messieurs et leurs complexes !
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Il est des hommes qui se perdront toujours

La critique s'enflamme pour ce nouveau roman de Rebecca Lighieri ( cf "Le masque et la plume" du 12/04/20) mais quelques questions viennent effleurer l'esprit du lecteur habituel ( voire inconditionnel) de l'auteure.

Si ses précédents romans ont reçu un bon accueil critique, leurs chroniques étaient souvent reléguées dans des coins de page, oui, là, en bas à gauche, coincées contre une pub pour le nouveau Martin-Lugand ou Ruffin. 4 étoiles mais pas de pleine page ! Mais Rebecca Lighieri publie également et surtout sous le nom d'Emmanuelle Bayamack-Tam, trustant elle aussi des critiques dithyrambiques en pleines pages des journaux qui comptent sans pour autant connaître la gloire, mais a, grâce au prix du livre Inter pour "Arcadie" en 2019, connu enfin l'éclairage qu'elle méritait depuis longtemps. Juste avant cela, "Les garçons de l'été", son deuxième roman publié sous le nom Lighieri, a connu un beau succès ( justifié) dans son édition de poche, suite a une belle promo des éditions Folio. Avec une telle conjoncture favorable, Rebecca/Emmanuelle se voit désormais rangée au rayon des auteur(e)s qui comptent, la publication de " Il est des hommes qui se perdront toujours" fait un peu figure d'événement et permet donc à nos critiques tant aimés de pousser des hurlement de bonheur sur ce roman.

Pourtant, pour un lecteur assidu de cette auteure, la lecture du Lighieri 2020 reste un peu décevante en regard de sa production passée. Bien sûr nous retrouvons les quelques points saillants qui font le charme et la force de ses ouvrages précédents, cette absence de clichés quand il s'agit de dépeindre une ville ( ici, chapeau... car c'est Marseille qui sert de décor !) ou des personnages souvent ados, ingrats ou mal dans leur peau ( ici des gitans et des habitants des quartiers Nord). Bien sûr, on retrouve aussi un peu de sa verve à aborder la sexualité de façon simple et sans fard tout comme de décrire les souffrances endurées à cause d'un milieu familial défaillant.

Mais...car il y a un mais...on ne retrouve pas entièrement la causticité de l'auteur, cette façon décapante de nous mettre face à une réalité déroutante ou que l'on voudrait cacher. Des thèmes forts y sont abordés, comme l'enfance maltraitée, la misère sociale, le racisme ordinaire, mais sans ce regard à l'humour assez féroce qu'habituellement elle posait, préférant le sérieux d'une fresque familiale, par moment un peu cousue de fil blanc et surtout une intrigue quasi systématiquement désamorcée par l'annonce de rebondissements qui se produiront quelques chapitres plus loin.

Les pages se tournent agréablement car l'auteure a un réel talent, mais l'intérêt décroît petit à petit, un sentiment de lire une future adaptation télévisuelle vient brouiller cette histoire que quelques rebondissements un peu faciles rend de plus en plus improbable, comme si le méchant syndrome "Plus belle la vie" avait frappé Rebecca Lighieri....
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Les garçons de l'été

C'est l'histoire d'une famille parfaite qui explose après qu'un requin ait dévoré la jambe du fils aîné, le fils préféré.

Dans ce roman choral, l'image de cette famille est peu à peu décapée par les différents narrateurs, jusqu'à révéler sa terne réalité. L'analyse psychologique est pertinente. Malheureusement, la dernière partie du livre est grotesque. Toutefois, c'est très bien écrit, et j'ai particulièrement aimé les descriptions sensorielles des personnages, des éléments, des paysages ; même le vocabulaire propre au surf m'a semblé beau et mystérieux.

Ca vaut quand même la peine d'être lu, ne serait-ce que pour goûter un peu à cette fascination pour les garçons de l'été.
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Il est des hommes qui se perdront toujours

Un immense plaisir de lecture !

C'est l'histoire de Karel, de son enfance jusqu'à l'âge adulte.

C'est une histoire à Marseille, de 1980 aux années 2000.

C'est une histoire d'enfants, d'ados et et une historie de familles.

C'est l'histoire des cités.

Une plume délicieuse, qui décrit si bien l'amour, la violence, la tendresse, la rage aussi, et tous les sentiments qui nous agitent lorsqu'on passe de l'enfance à l'adolescence. Et qu'on en sort.

A lire !!

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Il est des hommes qui se perdront toujours

Trois enfants qui vivent dans la peur des coups et des humiliations. Trois enfants qui n’ont qu’eux pour croire encore un peu à la vie. Trois enfants que le père aura tué malgré tout.



Karel, Hendricka et Mohand grandissent dans les quartiers nords de Marseille, entre misère, odeur de pisse et drogue.

Ils trouveront une forme de salut, sorte de bouée de sauvetage, dans le camp de Gitans installé à quelques encablures de leur cité.

Mais de retour à la maison, l’innommable reprend. D’ailleurs ils ne le nommeront jamais, n’en parleront à personne, en auront même honte. Parce qu’être des enfants battus, qui se terrent et se soumettent, c’est une honte.



Il va falloir sortir de cette enfance, fuir, entrer dans l’âge et la vie adultes au plus vite, quitte à laisser le plus jeune frère, Mohand, aux mains du père tortionnaire, sous les yeux de la mère atone.



Qu’à cela ne tienne, Karel et Hendricka se jettent dans la vie, avec le peu qu’ils ont appris et s’accrochent à tout ce qui pourra leur faire oublier leur 16 ans de calvaire.



Mais le prix de cette fuite sera élevé.



Voilà! J’ai trouvé une quatrième autrice française que j’adore et qui me correspond. J’ai autant aimé celui-ci qu’Arcadie (écrit sous son nom Emmanuelle Bayamack-Tam). J’ai hâte de découvrir ses autres livres.



J’ai dévoré ce roman d’une justesse déchirante, cette plongée dans le gouffre de la misère dont j’ai si souvent été spectatrice, impuissante.



Qui parle au nom des enfants? Qui se bat pour eux? Quelles sont les assos connues vers lesquels affluent les dons pour leur venir en aide? Rien! Keudale! Les enfants sont les grands oubliés de tous nos combats, parce qu’en France, la famille on n’y touche pas. La porte fermée, les parents font ce qu’ils veulent. La vie privée a plus d’importance que la santé des gosses.



La littérature est là pour nous rappeler nos manquements.
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Il est des hommes qui se perdront toujours

Comment s’aimer et parvenir à aimer autrui lorsqu’on n’a connu que violence, haine et mépris au sein du foyer familial. Ou qu’on s’est fait distiller au compte-gouttes, par une mère asservie, un amour passif, tenu caché de la tyrannie exercée par le père.

Rebecca Lighieri, pseudo de l’écrivaine Emmanuelle Bayamack-Tam, en rend compte dans ce roman d’une dureté implacable dont l’histoire se déroule dans une cité de Marseille que jouxte non loin un camp de gitans. Karel, Hendricka et Mohand, élevés par des parents dysfonctionnels, héroïnomanes de surcroît, se promettent entre eux mille et une choses afin d’entrevoir un avenir meilleur. Dans l’adversité d’une enfance bafouée, la fratrie se soude autour des exactions subies et de ces rêves de vengeance à assouvir. Tout est envisagé, même les pires actions.

La narration, confiée à l’aîné Karel, emprunte le langage de la rue, conférant ainsi au récit une grande part de véracité. C’est cru, abject et parfois insoutenable. Difficile d’aimer ces personnages malmenés exempts d’empathie, qui banalisent la cruauté et qui font subir aux autres leurs lacunes affectives. Des « (…) types mal barrés, qui vont mal tourner et surtout mal finir – autant dire des moins que rien. Tant qu’on se crèvera entre nous sur des tas d’ordures, tant qu’on se crackera bien la gueule avec nos petits cailloux, la société passera ça par pertes et profits. Et si les pertes sont négligeables, les profits sont loin de l’être : la sélection s’opère, naturellement, sans intervention extérieure, sans déploiement des forces de l’ordre – pas besoin de ligne budgétaire, y’a qu’à nous laisser faire, bingo. »

Entre-temps, le hasard des lectures m’a fait commencer le roman de James Hannahan, Delicious foods, dans lequel se dessine une certaine parenté Il est des hommes qui se perdront toujours.

« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille

On choisit pas non plus les trottoirs de Manille

De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher

Être né quelque part

Être né quelque part, pour celui qui est né

C'est toujours un hasard »

(Né quelque part, Maxime Le Forestier)

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