Citations de Régine Detambel (407)
Nager est un mystère. À partir d'une certaine limite, on continue à se mouvoir automatiquement, sans même se rendre compte que l'on bouge. Au bout de quelques heures, on acquiert une sensibilité extraordinaire au magnétisme lunaire. On sent la lune qui tire la mer, qui l'aspire, et alors la nage en est grandement facilitée. On fait des mouvements amniotiques, embryonnaires. La mer de lait, la mer vitale, la mer nourriture. La vie doit flotter comme une algue.
Jusqu'au bout, en tout cas tant que la douleur peut être tenue en respect, la littérature vous relie à la communauté des très grands vivants.
Certaines lectures raniment. Certains écrits raniment. De la détresse physique, le handicap ou la grande vieillesse, le livre permet d'élaborer ou de restaurer un espace à soi. (p.27-28)
La lecture enclenche un processus d'affirmation de soi qui est essentiel pour tous.Chez l'enfant pour développer la construction de son identité,de sa personnalité.Chez le sujet âgé pour préserver son autonomie sa dignité.....La lecture n'est pas une dérobade en soi-même;elle est une évasion nécessaire pour acquérir une vie intérieure à la fois intense et secrète,et surtout hautement réparatrice.p.126-128
Bien après l'enfance, certains êtres continuent de s'écorcher partout, aux angles du monde et aux rugosités des hommes. Ce sont les écorchés vifs, ils comptent parmi eux un grand nombre d'écrivains. Comment l'écriture alors les protège-t-elle ? Comment peut-elle revêtir d'une peau celui qui se présente nu dans la vie, soit qu'il n'a pas été aimé, caressé suffisamment, soit que sa sensibilité excessive l'expose, inconsolable, à toutes les arêtes ? (p.94)
"La Naissance du jour s'ouvre sur cette lettre très connue de Sido, annonçant à Henry de Jouvenel, le second mari de Colette, qu'elle ne viendra pas séjourner auprès de sa chère fille car l'éclosion exceptionnelle d'un cactus la retient chez elle :" Monsieur, vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous , c'est-à-dire auprès de ma fille que j'adore (...) Pourtant, je n'accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir. C'est une plante très rare, que l'on m'a donnée, et qui, m'a-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je m'absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois...
Veuillez donc accepter, Monsieur, avec mon remerciement sincère, l'expression distinguée de mon regret. "
Colette s'appuiera désormais sur la force que lui a donnée cette publication.
Maison de retraite: le sacre de l'hiver. Sacré veut dire séparé. Ces gens séparés du reste de la population vivante, désormais immiscibles, à la fois vénérables et épouvantables, on les appelle des résidents. (p. 51)
Accumulations , par Raymond Queneau: "Tu me prends déjà pour un vieillard ? pour un gâteux ? Pour une baderne ? pour une guenille, un débris, un déchu, un amoindri, une ganache, un décrépit, un sénile, un caduc un suranné une ruine un archaïque un périmé un défectif un vioc ? (p.31)
Celui qui dit les mots construit le monde.
Le seigneur de La Palice, maréchal de France, était si bien bâti qu'on lui dédia cette chanson : "Un quart d'heure avant sa mort, il faisait encore envie." L'usage déforma ce vers en "Un quart d'heure avant sa mort, il était encore en vie." Voilà, dit-on, comment fut inventée la première Lapalissade !
Le grand silence qui règne ici est fait uniquement de l'absence des hommes.
On n'a jamais fini de dire ou de penser. Vivre, c'est naître à chaque instant. La mort survient quand la naissance s'arrête. La plupart des hommes meurent avant même d'être nés, ou bien, on ne sait pourquoi, par dépit, paresse, par tristesse peut-être, un matin cessent de naître. (p.321)
- Ma chérie, ce que tu met dans ton shampoing va te boulotter le cerveau.
- Je mets rien du tout , madame, c'est juste le soleil.
Quelques mois plus tard, toutes les Américaines imiteraient la blondeur de Jean Harlow. Chaque Etat fonderait son Club Blonde Platine. Ça en ferait des litres d'eau oxygénée.
ma définition de la littérature : la littérature est ce qui fermente. Les textes littéraires sont des mères, comme on dit la mère du vinaigre. Cela fermente donc. Un fragment de phrase recopiée d’Ovide ou d’Henri Vernes ou de Faulkner agit comme une levure ou comme un fond de tonneau, il fait tourner ce qui n’était que liquide. Ça prend. La littérature est ce ferment, elle est celle qui apporte “la vie fermentante” dans l’univers de chacun, trop souvent pasteurisé.
(Mes aventures de Bob Morane, p 155)
On lui rappela le code d’honneur des stars de la MGM. Toutes ses apparitions privées étaient sous contrôle professionnel. Ses vêtements étaient choisis pour correspondre à l’image que les studios voulaient donner d’elle. Elle ne devait pas ouvrir les lettres qu’elle recevait. Pas non plus y répondre. Une secrétaire lui était assignée, répondant ”personnellement” aux fans et dédicaçant ses photos. Dans l’intérêt des deux parties, il convenait de se plier aux règles du studio. Notamment ne pas boire un public. Et bien entendu, les comédiennes célibataires devaient prendre un cavalier choisi par le studio, pour toutes leurs sorties publiques.
Au commencement, sculpter est un trésor en petites coupures. On y mène des expériences extatiques à partir de la combinaison et la manipulation des copeaux, des chocs, et des tours sur soi-même. [..]
La mémoire des pierres est inépuisable : on n’a jamais su combien de positions elles pouvaient prendre. Les muscles, les os, les articulations sont un réservoir inépuisable de poses. L’art de sculpter est d’abord un art du corps, c’est-à-dire un art qui transforme le corps. Il n’est pas de création sans mouvement. Un esprit pur ne saurait exister, la pensée naît au prix de la chair qui l’engendre.
A l'inverse, la douleur de Taine est toute neuve. Et quand on souffre d'amour, on n'est pas morveux, ni graillonnant. (...)
Quand on meurt d'amour, les sanglots sont vrais, en provenance du cœur, et pas des bronches. (p.36)
Conseil de Willdenow (botaniste allemand, né à Berlin le 22 août 1765, mort dans la même ville le 10 juillet 1812),dans une lettre à Axel : « Chienne de sexualité ! Traitez-la comme une ennemie personnelle. Ne lâchez pas la botanique. Dans la botanique, il y a de quoi oublier tous les culs de la Terre. Et puis trois cents volumes de figures et de descriptions devraient suffire à éteindre la fièvre d’amour. Une brouettée de graminées, Liliales, Composées, Ombellifères, Labiées, Crucifères et Légumineuses pour étouffer le désir. Raisonnez désormais en calice, corolle, étamine et pistil, pétale et sépale au lieu de cunnilingus, baiser, queue, peau. La vie sexuelle n’est pas un métier. Mais la botanique, parlons-en. Consacrez-vous un temps aux seuls organes sexuels des plantes.
(…) Rassasiez votre esprit puisque vous ne pouvez aimer. Et si vous n’êtes pas aimé, étonnez au moins. p 71 72
Puis ce moment magique : les os et les muscles ont donné ce qu'ils doivent et l'obstacle a crevé. Maintenant la pesanteur se traite de haut. La montagne est surmontée. C'est tout à fait un autre monde. Pour la première fois de sa vie, Axel chevauche un volcan, entend sous ses pieds la terre vibrer et résonner, un mugissement de torrent, sachant bien que ce qu'il entend est le cœur même de la terre.
Lire une texte, c'est se lire soi-même. (p.105)
Le rythme de la poésie est l'accord parfait de tous les rythmes humains. Il est la pulsation absolue. Il est pourvu d'une énergie motrice. Il bouleverse profondément l'être.