Citations de Régine Detambel (407)
Les plus grands de nos écrivains ont depuis longtemps associé littérature et soin.
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Et Albert Camus, dans son "Discours de Suède" (1957), conseillait à chacun de nous de se forger " un art de vivre par temps de catastrophe ", pour lutter, " à visage découvert, contre l'instinct de mort à l'oeuvre dans notre histoire "....
Déporté dans les camps nazis,Primo Levi récitait Dante à son ami Pikolo ; ...
Ton corps se meut en vertu d'un désir. Avec Maria, Taine n'attend rien, n'a besoin de rien et ne croit à rien. Il vit, tout simplement. Chaque seconde, chaque respiration, est une source d'euphorie constante. Avec Maria, Taine veut aller vers le meilleur. (p. 18)
Quand on aime vraiment quelqu'un, on n'en rêve pas. Les amants ne rêvent jamais l'un de l'autre. Quand on commence à se rencontrer en rêve, c'est que l'ardeur est déjà nettement refroidie.
Tous, nous échafondons des romans pour raconter notre séjour sur terre. C'est le propre de la narration que d'effacer l'idée même que le monde soit fragmentaire. (p.92)
L'art récèle suffisamment de puissance pour faire face au chaos. Chez Christian Bobin aussi : "Sur la table cirée la pomme rouge crie de joie. On n'entend qu'elle. Je pose à son côté le livre de Ronsard: le livre est plus vivant que la pomme"
Chez Adler, chez Hustvedt, le livre est plus vivant que la souffrance. (p.34)
notre seule raison de vivre est bien de surmonter la vie, de traverser la vallée implacable qu'est la peur de cette vie, et de l'écrire pour l'exprimer, l'écrire ou la jouer, la calligraphier ou la filmer, c'est du pareil au même, je ne vois vraiment pas la différence, résoudre, résoudre des questions, des problèmes, afin de nous résoudre nous-mêmes, en lumière ou en poussière, en pellicule ou en caractères.
Les Andes vont lui faire comprendre l'étrangeté du monde, et comme elle sait peu de choses et comme elle est mal préparée à tout ce qui peut arriver. Qu'une vie d'homme ou de femme n'est guère qu'un instant et qu'on est toujours et éternellement au beau milieu de son voyage, quel que soit le nombre de ses années ou la distance parcourue.
Créer n'est pas produire. A tout âge, créer, c'est libérer des possibilités de vie susceptibles d'accroître à la fois la puissance de la sensibilité et la jouissance du fait de vivre. Les créateurs réussissent momentanément à faire face à la douleur causée par le désespoir, la peur ou la perte, en décidant de donner vie à quelque chose qui n'existait pas auparavant-quelque chose qui sans eux n'aurait pu avoir lieu. Comme si cette vie nouvelle était capable, par sa fraîcheur et son jaillissement même, de conjurer cette inéluctable limitation à quoi leur finitude essentielle les condamne. (p.31)
Montesquieu ..."Je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé"p.16
L'être qui t'aime et l'être qui veut te tuer crient la même chose: j'aurai ta peau. (p.12)
J'aime lire ne veut rien dire.J'aime vivre dans les livres est sûrement ce qui se rapproche le plus de la vérité.
Si je m'arrête d'écrire, tout est fini.
L'effort de lecture est signe de guérison. Elle n'est pas seulement demande d'évasion et d'oubli, elle réclame, elle exige la saine présence du lecteur.
Quand on se bat, on est tellement imbriqués les uns dans les autres, tellement ligotés à la même roue du destin qu'on se comprend forcément sans parler.
Il y a des êtres à qui la vieillesse a donné, non pas une éternelle jeunesse, mais plutôt une souveraine liberté, un éclat de sentiment pur, fait pour jouir d'un moment de grâce entre la vie et la mort. Chez Taine, toutes les pièces de la machine se sont combinés en vue de l'amour et pour envoyer dans l'avenir un trait qui traverse les âges: Maria; (p.15)
Lors d'un autre procès on lui demande d'examiner la folie d'un violeur de treize ans, introduisant sa verge dans tous les orifices possibles ; après ceux des filles, des enfants, des hommes et des femmes âgés, il a forcé des grabataires, des bêtes, des cruches, des chaussures, et bien que le soldat qui le tienne soit plutôt vigoureux, il a tenté de foutre le bon docteur par les pores de sa peau sur le dos de sa main. Cardano en est encore blanc de dégoût.
À tout âge, la lecture est une action privilégiée pour élaborer ou préserver un espace à soi, un espace privé, intime, un autre lieu, “une chambre à soi”, et même si on n’a aucune chance de disposer d’un espace personnel, que ce soit en pension ou en prison. Lire a partie liée avec le secret. Retour au for intérieur. Lire est une “activité silencieuse, transgressive, ironique ou poétique de lecteurs qui conservent leur quant-à-soi dans le privé et à l’insu des maîtres” selon Michel de Certeau, qui insiste encore : “Lire, c’est être ailleurs, là où ils ne sont pas, dans un autre monde”, “c’est créer des coins d’ombre et de nuit dans une existence soumise à la transparence technocratique…”
(L'action transfigurante de la fiction, p 109)
Bref, on n'aime pas le gris, le terne, le jauni, le ranci. Bref, on n'aime pas ces vieux qui passent leur temps à mourir par petits morceaux. Alors, de peur que la vieillesse ne leur arrive par les yeux, ils ne lui parlent même pas du regard. Car regarder, ce serait encore avoir en sa garde. (p. 69)
Les histoires réparent ; dans un livre on est toujours chez soi.
Enfant, elle ne croyait pas aux miroirs qui lui montraient qu'elle avait une silhouette, c'est-à-dire des limites, et qu'elle n'était donc pas amoureusement mêlée avec ce qui l'entourait. Pour cette raison, elle avait toujours détesté les miroirs.
Les miroirs mentent et les couples aussi. Je ne veux pas de limites.
(...) Aimer, c'est quoi d'autre que le réfléchissement d'une personne limitée dans une autre personne limitée ? Alors pour éviter cela, elle va désormais adresser son amour non pas à un homme mais à quelque chose d'infiniment plus vaste et plus diffus, entier et grisant : la vie même, la pure sensation de la vie. p 256-257