Citations de René Daumal (312)
Essayant de se donner, on voit qu’on n’est rien ;
Voyant qu’on n’est rien, on désire devenir.
Désirant devenir, on vit.
Extrait de Poésie noire, poésie blanche
D’abord vivre, ensuite philosopher, mais troisièmement revivre. L’homme de la caverne dont parle Platon doit en sortir, contempler la lumière du soleil et, muni de cette lumière qu’il garde dans sa mémoire, rentrer dans la caverne.
Le territoire cherché doit pouvoir exister en une région quelconque de la surface de la planète (…) il pourrait très bien, théoriquement, exister au milieu de cette table, sans que nous en ayons la moindre notion.
On lit [dans le Traité du Théâtre de Bharata] que Brahmâ, pour rendre les enseignements sacrés accessibles « même à la caste servile », inventa le Théâtre, art total, « extrait de la substance des quatre Védas, …fondé sur la loi d’enchaînement des actes et des états ».
************ JE SUIS MORT ***********
Je suis mort parce que je n'ai pas le désir ,
Je n'ai pas le désir parce que je crois posséder ,
Je crois posséder parce que je n'essaye pas de donner ;
Essayant de donner , on voit qu'on a rien ,
Voyant qu'on a rien , on essaye de se donner ,
Essayant de se donner , on voit qu'on est rien ,
Voyant qu'on est rien , on désire devenir ,
Désirant devenir , ON VIT .
C'est ainsi qu'à notre époque la science se met au service de l'art pour rendre les maisons inhabitables.
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Il n'y a pas de place dans la haute montagne, disait-il, pour le fantastique, parce que la réalité y est par elle-même plus merveilleuse que tout ce que l'homme pourrait imaginer.
Souvent, d’ailleurs, aux moments difficiles, tu te surprendras à parler à la montagne, tantôt la flattant, tantôt l’insultant, tantôt promettant, tantôt menaçant ; et il te semblera que la montagne répond, si tu lui as parlé comme il fallait, en s’adoucissant, en se soumettant. Ne te méprise pas pour cela, n’aie pas honte de te conduire comme ces hommes que nos savants appellent des primitifs et des animistes. Sache seulement, lorsque tu te rappelles ensuite ces moments-là, que ton dialogue avec la nature n’était que l’image, hors de toi, d’un dialogue qui se faisait au-dedans.
Mais l’existence de chaque chose, de toutes les choses, du monde ; la présence de quelque chose qui n’est pas toi-même, l’existence de personnes et de consciences distinctes de soi, ta propre existence, enfin, comme être individuel et fini, tout cela doit, si tu t’éveilles vraiment, t’apparaître comme intolérablement absurde.
« Un œuf dur », dit-on pour désigner un ancien futur poulet coagulé.
Nous disons que connaître, c’est pouvoir et c’est prévoir. Pour l’Hindou, c’est devenir et c’est transformer.
Note bien dans ta mémoire les circonstances de ta chute, mais ne permets pas à ton corps d’en remâcher le souvenir. Le corps cherche toujours à se rendre intéressant par ses tremblements, ses essoufflements, ses palpitations, ses grelottements, ses sueurs, ses crampes. Mais il est très sensible au mépris et à l’indifférence que lui témoigne son maître. S’il sent que celui-ci n’est pas dupe de ses jérémiades, s’il comprend qu’il n’y a rien à faire pour l’apitoyer, alors il reprend sa place et accomplit docilement sa tâche.
Chacun a ainsi au-dessus de lui un plafond qu'il considère comme l'absolu de soi-même.
je suis l'Universel, j'éclate;
je suis particulier, je me contracte;
je deviens l'Universel, je ris.
Je ressemble toujours à qui j'aime.
LES DERNIERES PAROLES DU POÊTE
D'un fruit qu'on laisse pourrir à terre, il peut encore sortir un nouvel arbre.
De cet arbre, des fruits nouveaux par centaines.
Mais si le poème est un fruit, le poète n'est pas un arbre.
Il vous demande de prendre ses paroles et de les manger sur-le-champs.
Car il ne peut, à lui tout seul, produire son fruit.
Il faut être deux pour faire un poème.
Celui qui parle est le père, celui qui écoute est la mère, le poème est leur enfant.
Le poème qui n'est pas écouté est une semence perdue.
Ou encore: celui qui parle est la mère, le poème est l’œuf et celui qui écoute est fécondateur de l’œuf.
Le poème qui n'est pas écouté devient un œuf pourri.
Une autre opposition qui s’évanouit dans l’œuvre de Spinoza, c’est celle de la Joie et de la Vertu. La doctrine dite « chrétienne » a solidement implanté dans l’opinion du monde occidental le préjugé que la souffrance est bonne par elle-même, et la Joie mauvaise : l’homme doit souffrir sur cette terre, pour gagner […] un bonheur perpétuel dans le ciel. […] Mais ce que le monde chrétien a oublié, c’est que la souffrance n’est pas celle de l’être qui progresse ; mais de ce qu’il dépasse, surmonte et brise dans son progrès. Et sa Joie essentielle est à la mesure même de cette souffrance.
- Excuse-moi, mon vieux, je cherche la sortie.
C'était justement la chose à ne pas dire. Trois costauds jaillissent des ombres, attrapent Gocourt au collet :
- La quoi ? Tu cherches la quoi ?
- La sortie, je vous dis.
- Cet endroit, Monsieur, n'a que trois portes de sortie, dit un des costauds. La folie et la mort.
Je compte sur mes doigts, je me trouve très intelligent et je demande :
- Et la troisième ?
Alors ils se jettent sur moi, me mettent leurs grosses pattes sur la bouche, m'empoignent comme un brancard mou, grimpent un sale petit escalier raide, (...) on arrive en haut tout déséquilibré, c'est une soupente, avec une porte basse et l'écriteau : I N F I R M E R I E
(...) je passe entre deux rangs de lits de fer où étaient couchés les malades, les blessés, les détraqués, les dessoulés, enfin tous ceux qui avaient insisté pour sortir.
CLAVICULE D'UN GRAND JEU POÉTIQUE
1
Il faut qu'un vienne et dise : Voici, ainsi sont ces choses.
Pourvu que ceci soit montré, qu'importe celui qui peut dire :
J'ai fait la lumière.
Et la lumière, aussi bien, n'est à personne.
p.57
Grâce aux Probabilités, l’inintelligibilité de l’inintelligible est devenue intelligible. Merveille !