AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Robert McLiam Wilson (287)


Les pages qui suivent s’allègent de leur perte. Le texte est moins dense, la ville plus petite.
Commenter  J’apprécie          40
Cet homme lut, d'une voix haletante mais assurée, un poème intitulé Poème à un soldat britannique sur le point de mourir. Il était difficile de suivre le texte en détail [...] du fait que c'était une grosse merde sentimentale. Le poème expliquait au jeune soldat britannique (sur le point de mourir) pourquoi il était sur le point de mourir, pourquoi c'était de sa faute, à quel point c'était de sa faute depuis huit siècles et ce serait sans doute encore de sa faute pendant huit autres siècles, pourquoi l'homme qui allait l'abattre était un courageux Irlandais qui aimait ses enfants et ne battait jamais sa femme, qui croyait mordicus à la démocratie et à la liberté pour tous, indépendamment de la race et de la confession religieuse, et pourquoi ces convictions ne lui laissaient d'autres choix que d'abattre le jeune soldat britannique (sur le point de mourir). p.245
Commenter  J’apprécie          40
il existe des choses si belles qu'elles vous font oublier la vieillesse et la mort. Il existe des choses si belles que la vieillesse et la mort en deviennent de bonnes idées, sympathiques, généreuses.
Commenter  J’apprécie          40
Un touriste français, qui s'était trouvé plus près de Castle Street que de la bombe proprement dite, mais qui avait malgré tout eu une trouille bleue, se demandait même à part lui-même pourquoi ceux qui désiraient voir les Britanniques laisser les Irlandais en paix s'étaient ainsi manifestés en tuant des Irlandais. Mais c'était un Français.
Commenter  J’apprécie          40
Même sans les chiffres, même sans les preuves ou les faits, même si vous avez sauté les trois ou quatre pages précédentes, vous savez malgré tout que le gouvernement a menti. Bien-sûr vous le savez. Nous le savons tous. C'est un phénomène stupéfiant, mais je n'ai jamais rencontré personne qui croyait aux déclarations gouvernementales sur les chiffres du chômage ou les statistiques liées à la pauvreté.[...] Nous savons pertinemment que nous sommes gouvernés par une administration qui nous ment effrontément. Nous sommes apparemment comme ces parents libéraux qui acceptent volontiers les affabulations de leur enfant préféré. Nous voulons croire que la vie ne va pas sans une certaine vilenie....
Commenter  J’apprécie          40
"Parfois tard dans la nuit, (…) la ville semble s'arrêter et soupirer. (…)
Ces nuits-là, vous traversez une rue (…) et pendant quelques minutes dorées, il n'y a pas de voiture, et même le bourdonnement de la circulation lointaine reflue, vous regardez les matériaux qui vous entourent, la chaussée, les lampadaires et les fenêtres et, si vous écoutez bien, vous entendrez peut-être les fantômes des histoires qu'on chuchote.
Il y a de la magie dans tout cela, une magie impalpable, qui se dissipe pour un rien.
C'est à ces moments-là que vous avez le sentiment d'être en présence d'une entité plus vaste que vous. Et tel est bien le cas. En effet, alors que vous regardez à la lisière de votre champ visuel éclairé, vous apercevez les immeubles et les rues où cent mille, un million, dix millions d'histoires sombres, aussi vivaces et complexes que la vôtre, résident.
Le divin ne va jamais plus loin que ça."

Robert Mc Liam Wilson, Eureka Street, 10/18, 1999, p 300.
Commenter  J’apprécie          40
Je ne rajouterai pas grand chose, c'est un livre aux personnages attachants.
Aucune difficulté à se laisser embarquer par cette histoire, on rit beaucoup.
Beaucoup d’émotions qu’on ne sent pas fabriquées. Ce roman est touchant, vraiment bien écrit (parce qu’il s’attache à être vrai, sans prétention mais avec humour et subtilité), intelligent, profondément intelligent.
Et passionnant, quelle évidence.
Commenter  J’apprécie          40
C’était un vendredi en fin de soirée, il y a six mois, six mois depuis que Sarah était partie. Dans un bar, je bavardais avec une serveuse nommée Mary. Elle avait les cheveux courts, un cul très rebondi et les grands yeux d’une enfant malheureuse. Je la connaissais depuis trois heures et j’avais déjà un blues à fendre l’âme.
Chuckie Lurgan était sorti d’ici une demi-heure plus tôt, en titubant après s’être retrouvé sans le rond, moyennant quoi j’avais passé vingt bonnes minutes à lui remonter les bretelles.

Dans ce bar, Mary n’était qu’une serveuse parmi tant d’autres, mais je ne l’avais pas simplement remarquée. Au début, elle ne m’appréciait pas. Beaucoup d’hommes auraient sans doute pris ça pour une réticence passagère, mais moi je croyais qu’elle voulait me tuer, sans même se demander pourquoi. Elle était dure. Elle se hérissait et m’exhibait tous ses petits piquants pointus. Je suis certain qu’elle comprenait qu’ainsi je tomberais forcément amoureux d’elle. Je suis sûr qu’elle le savait.
Puis elle s’est mise à jouer à la serveuse avenante et à me taquiner chaque fois qu’elle nous servait une tournée. Enfin, dès qu’elle avait un moment de libre, elle s’asseyait en face de moi, à la place récemment occupée par Chuckie. Nous en étions là. Il y avait quelque chose d’étrange dans sa façon de me regarder, lentement, d’un air dubitatif, sans la moindre chaleur. Il y avait aussi quelque chose d’étrange dans l’inclinaison de sa tête lorsqu’elle refusait ma cigarette pour allumer la sienne. Je crois que je pensais que je lui plaisais. Je crois que je pensais à la ramener chez moi.

Et puis, sa curieuse manière de me regarder n’était peut-être rien en comparaison de la curieuse manière dont moi je la regardais. Je sentais que mon visage et mes yeux disaient tout.

C’était moi tout craché. Le grand style érotique dans l’arrière-salle d’un pub irlandais. Mais malgré mes envolées verbales, j’étais un timide, un nigaud. J’étais incapable d’annoncer la couleur. Ainsi, alors que je pérorais en tournant autour du pot, Mary m’a demandé de la ramener chez moi.

Me retrouver assis dans ce bar pendant que le personnel faisait la fermeture était plus déconcertant que vous ne l’imaginez. Je gardais les yeux fixés sur le goulot de ma bouteille en faisant la sourde oreille aux rires étouffés des collègues de Mary. Le gros videur protestant a retiré sa veste de smoking, remonté ses manches et arboré ses tatouages de l’UVF. Il a essayé de discuter avec moi tout en balayant le plancher, mais j’ai eu peur de lui répondre quelque chose de trop catholique. J’ai fait de mon mieux pour ne pas remarquer sa présence et j’ai essayé de penser à Sarah. En vain.

Je crois que c’était la première vraie nuit de printemps et les bourrasques tièdes m’ont redonné le moral tandis que nous quittions le bar, Mary et moi. J’ai feint de ne pas reconnaître l’épave qui me tenait lieu de voiture et j’ai suggéré que nous marchions.
Commenter  J’apprécie          40
Douze minutes seulement après l'explosion de Fountain Street, le présentateur de l'émission s'interrompit [..] et annonça d'une voix tremblante qu'il venait de recevoir une information non confirmée sur une grave explosion dans le centre de Belfast, qui aurait fait plusieurs victimes.
[...] L'effet en fut troublant. Luke eut soudain froid. Il s'adossa à sa chaise, en proie à une sensation étrange. Il regarda autour du bureau. Il ne vivait pas en Irlande du Nord depuis assez longtemps pour trouver ces informations banales, normales. Le mobilier de la pièce et jusqu'au papier à lettres lui parurent tout à coup d'une absurdité grotesque.
[...] Un quart d'heure plus tard, quand Septic Ted apprit l'explosion de la bombe, il ne ressentit rien d'aussi compliqué que les émotions diverses et désagréables de Luke. Septic était un vétéran. Il avait passé toute sa vie dans cette ville. Il connaissait quelques statistiques. [...] Septic n'était pas insensible. Il était habitué.
Commenter  J’apprécie          40
Se réveiller n'est pas le mot juste pour décrire ce que j'ai fait ce matin-là. [...]
J'ai préparé du café sans trop de problèmes, mais je l'ai ensuite versé dans le cendrier. Deux fois de suite j'ai allumé le bout filtre d'une cigarette.J'étais tellement à la masse que je les ai fumées quand même.
La situation ne paraissait guère brillante jusqu'à ce que mon chat entame son numéro pour avoir son petit déjeuner. [...] Je l'ai poursuivi pendant près d'un quart d'heure, pour finir par le coincer dans la salle de bains. Alors que j'essayais de trouver un moyen de le tenir la tête en bas afin de pouvoir lui pisser dessus, il s'est échappé par la fenêtre. J'ai donc pissé dans le lavabo.
Commenter  J’apprécie          40
Le cousin de Chuckie semblait malheureux. À sa manière de suivre le regard de sa copine, de regarder partout où elle regardait, j’ai deviné qu’il la croyait trop mignonne pour lui. Et il avait raison. Jamais je n’aurais épousé cette fille. Chuckie m’a même révélé que son cousin était tellement jaloux qu’il poudrait les seins de sa promise à la recherche d’empreintes digitales.
Commenter  J’apprécie          30
C'était comme si Sean avait libéré ou révélé un monde plein de bon désir, de désir généreux. Les gens avaient besoin que leur chair touche une autre chair, peau tiède contre peau tiède Et que mal y avait-il à ça ?
Commenter  J’apprécie          30
En gamin originaire d'une petite ville, il essayait de regarder tous les visages qu'il croisait. Ces visages étaient affûtés comme le vent, ils étaient saturés d'énergie et de temps.
Le trottoir réverbérait les claquements de leurs durs talons comme un tambour ou le tonnerre
Commenter  J’apprécie          30
C'est le problème quand on ment. Si on ne vous croit pas, vous vous méprisez ; et si on vous croit, vous méprisez l'autre.
Commenter  J’apprécie          30
J’ai échafaudé une théorie très personnelle afin d’expliquer pourquoi les gens auxquels nous avions affaire se montraient si coopératifs de bon matin. Il me semblait que leur pauvreté leur paraissait pire le matin. Il leur était plus facile de rêver ou de délirer le soir, quand l’optimisme ou la gnôle pouvait vous rendre agressif; mais dans la lueur blême du matin, elles devaient sembler indéracinables, cette pauvreté, cette honte. Elles devaient sembler tout ce qu’il y a de plus réelles.
Commenter  J’apprécie          30
 Seulement tard dans la nuit et d'un point de vue élevé, vous contemplez la ville comme une chose unique, un phénomène unifié. quand tous dorment, le chaos diurne trouve son unité et, au moins géographiquement, la ville apparaît comme une entité globale. On la voit entourée de ses cercles de basalte noir, de montagnes, de falaises et de plateaux. On aperçoit dans la vaste baie la mer obscure qui lape les fondations de la métropole et mouille jusqu'à son cœur. On remarque alors que Belfast est, très littéralement, une décharge. Son centre est bâti sur un terrain plat qui n'était tout simplement pas là il y a deux siècles. On a déversé de la terre dans la mer et on y a construit Belfast. Terre rapportée, artifice urbain. La ville est une plage surélevée, un contrefort. Les autochtones disent qu'elle est sortie de l'eau comme une déesse, mais en vérité elle a été jetée à la mer et n'a point coulé.

Belfast, c'est Rome avec davantage de collines ; c'est l'Atlantide sauvée des flots. Et, où qu'on soit, où qu'on regarde, les rues brillent comme des bijoux, comme de menues guirlandes d'étoiles. 

Selon certains, la ville compte 279 000 habitants, 130 000 hommes et 149 000 femmes, et tous ces gens se pressent sur 11 489 hectares. Selon certains, il y a ici un million et demi d'âmes - le Grand Belfast est aussi belfast. Deux cathédrales, quelques quais, un port, de nombreuses collines et montagnes. Une ville située au niveau de la mer et tout au bord des terres.

Mais indépendamment du nombre de ses habitants et de sa taille, elle est magique. Cette nuit là, les rues exhalent une odeur lasse et éventée, l'air est plein de regret et de désir. Le temps semble passer et passé. La ville apprend à vieillir
Commenter  J’apprécie          30
Mais surtout, les villes sont des carrefours d'histoire. Les hommes et les femmes qui y vivent sont des récits, infiniment complexes et intriguants.
Commenter  J’apprécie          30
Il est sans doute plus difficile de comprendre le refus têtu de certains d'entendre la moindre explication raisonnable. Peut-être qu'en pareils moments beaucoup de gens ne veulent tout simplement pas lire entre les lignes. Peut-être qu'ils croient aux mensonges que leur racontent leurs yeux.
Car les poseurs de bombes savaient que ce n'était pas de leur faute. C'était la faute de leurs ennemis, les oppresseurs qui refusaient de faire ce que les autres voulaient qu'ils fassent. Ils avaient demandé à ce qu'on les écoute. Ils n'avaient pas réussi. Ils avaient menacé d'utiliser la violence si on ne les écoutait pas. Quand cela non plus n'avait pas réussi, ils furent contraints, à leur grande répugnance,d'accomplir tous ces actes violents. De toute évidence, ce n'était pas de leur faute.
C'était la politique de la cour de récréation. Si Julie frappe Suzy, Suzy ne frappe pas Julie en retour. Suzy frappe Sally à la place.
Commenter  J’apprécie          30
Au pire, nous sommes une blague ; au mieux, une litote
Commenter  J’apprécie          30
Il y avait trois versions fondamentales de l'histoire irlandaise: la républicaine, la loyaliste, la britannique. Toutes étaient glauques, toutes surestimaient le rôle d'Oliver Cromwell, le vioque à la coupe de cheveux foireuse. J'avais pour ma part une quatrième version à ajouter, la Version Simple: pendant huit siècles, pendant quatre siècles, comme vous voudrez, c'était simplement tout un tas d'Irlandais qui tuaient tout un tas d'autres Irlandais.
Commenter  J’apprécie          31



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Robert McLiam Wilson (1685)Voir plus

Quiz Voir plus

Eureka Street

Où se passe l'histoire de ce livre ?

Aux Etats-Unis
En Ecosse
En Irlande
Au Canada

11 questions
59 lecteurs ont répondu
Thème : Eureka Street de Robert McLiam WilsonCréer un quiz sur cet auteur

{* *}