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Critiques de Roland Barthes (184)
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Fragments d'un discours amoureux

Pour ceux qui ne connaissent pas ce livre, il s’agit d’un ouvrage « à ambiance », à visée heuristique : le but de Barthes était d’écrire un « De l’amour », de capter le sentiment amoureux, de le définir le plus précisément et le plus justement possible. Seulement, ce qui a jusqu’ici été effectué dans cette optique, fut de passer par le rationnel (des définitions, etc) pour capter l’émotion, et bien entendu ça ne marche pas. Barthes a eu l’idée géniale de passer plutôt par l’émotion pour saisir l’émotion ; et ainsi naquit "Fragments d’un discours amoureux" : un recueil organisé et expliqué de citations d’œuvre littéraires sur l’amour, par thématiques (« Absence »/ « Corps » / etc). Ce qui peut être déroutant au début, c’est que ce livre est organisé par ordre alphabétique, comme un dictionnaire : on peut avoir l’impression d’un livre assez rigide, peu propice à l’étalement de sentiments amoureux… Mais l’introduction explique bien la démarche et l’organisation du livre, puis on se laisse porter : je l’ai trouvé très agréable à lire et/ou à feuilleter !



Mais ce sur quoi je voulais insister plus particulièrement, c’est qu’il s’agit d’un livre à lire quand on est amoureux je pense : c’est à ce moment qu’on m’a re-conseillé de le lire, et cette fois ça a marché, j’ai réussi à me plonger dans l’esprit du livre ! A part pour la beauté en soi des citations, je ne vois aucun intérêt à lire "Fragments d’un discours amoureux" si ce n’est pas dans le cadre d’une introspection, d’une recherche de soi, d’un questionnement sur ses émotions. C’est d’ailleurs un livre que je n’aurais aucun mal à classer dans le développement personnel ! Je trouve qu’il touche très juste, et nous fait prendre conscience de la manière dont la littérature (puisqu’il s’agit exclusivement de citations) peut révéler l’humain ! C’est d’ailleurs à ce sujet que je pourrais adresser le seul reproche à faire à cet ouvrage : les références ne sont vraiment pas claires, j’aurais aimé pouvoir retrouver les livres dont les citations sont issues, mais ce n’est pas toujours évident… C’est bizarre tout de même, peut-être un problème d’édition…



Mais enfin, il s’agit d’une très bonne re-découverte ! C’est pour moi un livre que tout le monde devrait avoir dans sa bibliothèque ! Je vous laisse donc sur la citation du livre qui m’a le plus parlée :



"« Suis-je amoureux ? – Oui, puisque j’attends. » L’autre, lui, n’attend jamais. Parfois, je veux jouer à celui qui n’attend pas ; j’essaye de m’occuper ailleurs, d’arriver en retard ; mais, à ce jeu, je perds toujours : quoi que je fasse, je me retrouve désœuvré, exact, voire en avance. L’identité fatale de l’amoureux n’est rien d’autre que : je suis celui qui attend. "
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Fragments d'un discours amoureux

C'est un livre très agréable à lire et à relire.
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Fragments d'un discours amoureux

Publié en 1977, "Fragments d'un discours amoureux" est un essai de l'écrivain et sémiologue français Roland Barthes, également connu pour son essai "Le Degré zéro de l'écriture".



Absence, angoisse, attente, étreinte, jalousie, rencontre,... Ce sont en tout 17 mots décryptés par Roland Barthes et associés à ce langage particulier qu'est le discours amoureux.

Lorsque cet audiolivre m'a été proposé, je craignais moins de découvrir Roland Barthes que de ré-entendre un Luchini survolté.

Si j'apprécie l'acteur, je dois dire que l'homme public et ses one-man show - qui consistent à en faire 10 tonnes pour étaler sa culture - sur les plateaux télé ont tendance à m'agacer au plus haut point.

J'appréhendais donc une lecture excessive, surchargée d'envolées lyriques.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un Luchini on ne peut plus posé (lui avait-on glissé un Rohypnol dans son café par mesure de précaution ?)



Ma première écoute de ce livre fut un échec. Au bout de 2 minutes à peine, je fus prise d'un monstrueux fou-rire en repensant aux auditoires de l'université et à ces cours assommants durant lesquels je dégainais mon dictaphone pour pouvoir saisir et retranscrire ces longs monologues à la maison.

Il faut dire que les extraits lus ici se présentent sous la forme d'un lexique regroupant 17 définitions et que le propos requiert une disposition de l'esprit particulière.

A l'évidence, je n'avais pas choisi le bon moment pour me plonger dans cet essai.

J'ai donc retenté ma chance deux jours plus tard.



Retranché du côté de celui qui aime, Barthes nous parle du rapport langagier à l'autre, ce sujet aimé inclassable dont l'image peut si facilement être altérée par un simple mot de travers.





" Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l'autre. "





Il évoque l'angoisse liée à la jalousie, à la distance induite par le téléphone, au choix du cadeau amoureux, à l'insupportable menant à la rupture, à l'attente de l'autre comme à son absence, notion qui renvoie historiquement à la femme guettant le retour de l'homme et subissant "l'épreuve de l'abandon", le sentiment d'être moins aimée qu'elle n'aime.

Dans le fond, les représentations que nous nous faisons de nous-mêmes et de l'autre en amour sont pour la plupart construites par des appréhensions émanant de notre imaginaire et formulées, définies, mises en scène par le langage.

Prenant pour base 17 mots-clé inter-reliés et illustrés par des exemples personnels ou issus de ses lectures (Proust, Socrate, Balzac, Freud et surtout Goethe), " c'est donc un amoureux qui parle et qui dit " que l'amour est complexe, angoissant, source d'attente et d'incertitude.

Fort heureusement, les chapitres "Fête" et "Rencontre" viennent égayer ce sombre tableau.



"Fragments d'un discours amoureux" fut au bout du compte une lecture enrichissante en terme de pistes de réflexion, exigeante aussi, tant elle nécessite selon moi plusieurs écoutes successives doublées d'une attention complète de la part de l'auditeur.
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Fragments d'un discours amoureux

Comme jaloux, je souffre quatre fois: parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l'être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l'autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité. Je souffre d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun.
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Fragments d'un discours amoureux

Cet alphabet de l’Amour universel est hallucinant. Une pénétration dans le cœur de l’Amoureux.euse carrément vertigineuse. La plume demande de s’accrocher car très philosophique, mais c’est genre le meilleur mal de crâne ever.

Un chef-d’œuvre que je re-consulterai souvent !
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Fragments d'un discours amoureux

Sous forme de dictionnaire, magnifique ouvrage réflexif sur l'état amoureux, ses souffrances, ses élans, ses joies, et les façons de le dire. De "S'abîmer" à " Vouloir-saisir" en passant par "jalousie" et "tendresse"... Érudit et sensible, il est devenu un classique.
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Fragments d'un discours amoureux

La langue grecque ancienne avait une manne de mots pour désigner les variations de l’amour. Si vous vouliez jaser sur la passion et l’attirance physique, il suffisait de fouiller dans le réservoir des vocables de l’époque et de sortir Éros. Les sentiments d’amitié, quant à eux, étaient synonyme de Philia tandis que Agapé désignait l’amour désintéressé, le vrai, l’inconditionnel ! Ainsi, on dénombre plus de huit noms grecs pour évoquer l’amour dans toute sa diversité.



Deux millénaires et des poussières plus tard, le champ lexical amoureux s’est étonnement transformé en une foultitude de néologismes : polyamour, sapiosexuel, liker, matcher, sexting, etc. Ces nouveaux mots (déjà démodés ?) en disent long sur notre manière de voir l’amour au XXIème siècle. Nous sommes libérés et emprisonnés à la fois. L’union libre a la cote mais les personnes ne sont jamais senties aussi seules. Nous arborons nos préférences tels des étendards avec l’intention d’être, chacun, pleinement soi mais ces fanions sont aussitôt récupérés à des fins mercantiles qui, bien souvent, nous échappent. Tel est le paradoxe de notre époque.



En 1977, paraissait Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. Un essai singulier sur les ressentis de l’être amoureux. Sans doute, ce livre, a-t-il encore des choses à nous apprendre au sujet de l’amour ? Analyse.



Tout livre repose d’abord sur une structure plus ou moins définie et celui-ci ne déroge pas à la règle puisqu’il en a une tout à fait particulière. Tel un abécédaire, Roland Barthes a choisi de s’épancher sur le langage amoureux au travers de mots-clés qu’il appelle des figures. Chacune d’entre elles a son propre chapitre, lui-même agencé d’une manière originale puisque l’auteur définit une figure avant de partir dans des réflexions tous azimuts qui prennent pour point de départ une œuvre littéraire, une philosophie, un poème, une sociologie ou simplement une conversation intime de l’entourage de l’auteur. Cela peut paraître foutraque à première vue mais Roland Barthes cite ses sources de réflexion directement dans la marge ! Ainsi, le lecteur suit les pérégrinations de l’auteur tout en sachant directement à quoi elles se rapportent.



Il faut, certes, avoir un minimum de connaissances pour que chaque réflexion fasse sens puisque Barthes n’hésite pas à aller voir du côté de Goethe, Baudelaire, la philosophie Zen, Freud, Lacan ou encore Buñuel afin d’expliciter son propos. Fragments d’un discours amoureux est une œuvre dense, et c’est sans doute l’originalité de sa structure qui la rend plus digeste.



Le discours ?



Toute personne ayant déjà été amoureuse sait que les effets de ce sentiment sont tel un feu d’artifice pour l’esprit et le corps. Être amoureux, c’est expérimenter des chamboulements intérieurs ; à partir d’un presque rien, vous voilà lancé à toute vitesse sur les montagnes russes des émotions. Et c’est à ce moment précis que Roland Barthes approche sa loupe et passe en revue la manière dont la personne amoureuse est ébranlée.



Nous avons beau nous sentir plus évolués que nos prédécesseurs et scander que l’amour a changé de forme, la mécanique amoureuse, elle, reste identique. Rencontre, magie, déréalité, ravissement, ou encore jalousie sont autant de fragments que l’auteur passe au filtre d’une analyse qui fait mouche :



“ En pleurant, je veux impressionner quelqu’un, faire pression sur lui (“ Vois ce que tu fais de moi “). Ce peut être — et c’est communément — l’autre que l’on contraint ainsi à assumer ouvertement sa commisération ou son insensibilité ; mais ce peut être aussi à moi-même : je me fais pleurer, pour me prouver que ma douleur n’est pas une illusion : les larmes sont des signes, et non des expressions. Par mes larmes, je raconte une histoire, je produis un mythe de la douleur, et dès lors je m’en accommode : je puis vivre avec elle, parce que, en pleurant, je me donne un interlocuteur emphatique qui recueille le plus “vrai” des messages, celui de mon corps, non celui de ma langue : “ Les paroles, que sont-elles ? Une larme en dira plus. “



Si Fragments d’un discours amoureux devait être classé dans une catégorie de livres, il serait assurément sur l’étagère des essais psychologiques puisque Barthes fait souvent appel à cette discipline pour expliquer les différents phénomènes qui bouleversent la personne amoureuse.



En conclusion, cet ouvrage, loin d’être périmé, continue d’apporter un éclairage sur le fait amoureux. Il se lit tel un abécédaire dans lequel on irait piocher ce qui nous intéresse au gré de nos envies. Après l’avoir lu une première fois, il y a plus de dix ans, je suis toujours aussi surpris de l’acuité avec laquelle Roland Barthes décrypte l’être amoureux. Un classique qui se déguste mieux au fur et à mesure que les années passent.
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Fragments d'un discours amoureux

Un magnifique miroir des relations humaines dans un couple...
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Fragments d'un discours amoureux

A l’heure où les gens célèbrent la Saint Valentin, d’autres parlementent sur l’amour. C’est qu’il est si facile de dire « je t’aime»…



Roland Barthes s’est essayé à le dire pour expliquer ce faire. Les fragments d’un discours amoureux publié en 1977 a pour ambition de donner voix à l’amoureux, cet homme qui, pour reprendre l’auteur, « parle en lui-même, amoureusement, face à l’autre » face à l’être aimé, qui lui « ne parle pas ». L’auteur s’attache avec ferveur à cet homme amoureux et construit pour ce faire une sorte de plaidoyer de l’amour en suivant une « méthode dramatique » car l’amour s’apparente selon lui à une scénographie.



Pour cette « dramaturgie » d’un discours amoureux tour à tour drôle, douloureux, juste, émouvant et cynique, l’interprétation de Fabrice Luchini est magnifique. Avec Luchini pour voix, ce texte nous offre une autre pratique de la lecture. L’amoureux des mots qu’il est nous emporte. Son souffle nous guide. On suit son interprétation des mots. Parfois calme, sa voix s’enflamme soudain en fonction des émotions qui le traversent. Nous sommes assis chez nous. On se croirait rapidement au théâtre, étant donné que dans le noir absolu de notre intimité la lumière apparaît et le texte se met en scène sous nos yeux :

« Le décor représente l’intérieur d’un café. Nous avons rendez-vous. J’attends» clame Luchini. « Dans ce café, je regarde les autres qui entrent, papotent, plaisantent, lisent tranquillement, eux, ils n’attendent pas. »



Un amoureux, nous dit-il, « est celui qui attend ». Et nous, nous attendons la suite, curieux. Avec lui, avec eux, Luchini et Barthes, nous devenons amoureux à notre tour…



Ce petit texte inclassable de Roland Barthes a suscité fin des années 1970 un engouement immédiat et planétaire. Ce petit livret que nous offre Barthes a décontenancé le public. Roland Barthes, intellectuel reconnu, était en effet connu pour ses écrits théoriques. Professeur au Collège de France, maître français de la sémiologie, entre autres choses, il aimait jouer avec les mots et écrivait souvent des textes non facilement accessibles. Avec ce livret, rien n’est semblable à ce qu’il a fait jusqu’à présent. S’il lui est effectivement arrivé d’écrire des textes complexes, celui-ci reste tout à fait abordable. Le texte est très bien écrit. Il aime manier les mots et ça se sent. Pour étayer ses propos, il s’appuie sur les définitions tirées du Littré ou de romans: Proust, Goethe, Platon y passent. Il s’appuie également sur la psychologie et cite Freud…

Ces références ne créent pas une distance. Ce n'est pas professoral, bien au contraire. Dès qu’il parle d’amour, on se sent proche de lui. On ne le connait pas et pourtant, il parle à tous car il parle de vécu, du vécu humain. On se reconnait tous ici dans l’amoureux.



Jusque-là impressionnée par la réputation de Barthes, je m’étais fermée à l’auteur. Dernièrement, je n’ai pourtant pas hésité à découvrir cette figure française pour le partenariat que m’offrait Audiolib. J’étais curieuse de voir la performance de Luchini, que je trouve riche de par son style, sa verve et son emphase, s'unir au texte de Roland Barthes.

Au travers de dix-sept courts chapitres, voici des textes choisis et lus par l’acteur dont l’intelligence et la finesse collent parfaitement au texte. On pourrait presque croire que le comédien en est l’auteur.





Un très beau cadeau à offrir ou à s’offrir. Je remercie à ce titre Audiolib pour cette collaboration et en particulier Chloé.









Résumé de la quatrième de couverture :

Décrivant son projet pour Fragments d’un discours amoureux, Barthes précise que « tout est parti du principe qu’il fallait faire entendre la voix de l’amoureux ». D’où le choix d’une « méthode dramatique » : ici, pas de théorisation de ce discours amoureux, mais sa seule expression. « C’est un portrait qui est proposé, mais ce portrait n’est pas psychologique »; il se l’écho de « quelqu’un qui parle en lui-même, amoureusement, face à l’autre,-l’objet aimé-, qui ne parle pas. » Un texte si juste qu’il retentit en chacun, longuement…

« C’est donc un amoureux qui parle et qui dit… »







Mon avis :

Un pianiste se fait entendre. Une ambiance feutrée s’installe. Quelque chose est là, tapi quelque part. Nous attendons quelque chose. Un concert, une prosodie ou une pièce de théâtre peut être. Un concert de mots alors? Chut. Taisons-nous et écoutons la suite. Soudain, sans crier gare, quelqu’un parle. Un homme. Une voix posée articule « Attente ». Nous obéissons, sur le qui-vive. Nous attendons… Puis la définition arrive et le piano se tait laissant seule voix au même homme:

« Attente : Tumulte d’angoisses suscité par l’attente de l’être aimé au gré de menus retards, rendez-vous, téléphones, lettres, retours ». Fabrice Luchini entre en scène.





Roland Barthes note les étapes par lesquelles l’amoureux passe. Il nous les expose, les conscientise et y ajoute par bribes des expériences personnelles, des observations qu’il a pu faire ou lire pour étayer son propos. L’amoureux attend, s’angoisse, jalouse, déclare, doute…. Roland Barthes nous offre ici un discours sur les différents comportements liés à l’amour. Dix-sept tableaux nous sont dépeints et Barthes prend un malin plaisir à nous offrir pour ce faire une jouissance narrative avec un texte qui déborde de mots et d’émotions avant de laisser place au silence lorsque l’être aimé disparaît.



Le portrait de l’amoureux est dressé ici. Qui est-il ? C’est un homme seul qui aime, qui se désole et se questionne et qui use « de mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots ». Les mots d’amour, nous dit-il, sont comme des caresses que l’amoureux utilise à loisirs, des caresses douces, mais difficiles car le langage amoureux se fait petit-à-petit, par « fragments ».



Petit-à-petit, l’amour se déguste. Et on en redemande parce qu'il est plein de vie. Il se vit. Il déborde de vie. « C’est un amoureux qui parle et qui dit », c’est un amoureux qui joue avec les mots, un peu comme un acteur d’une pièce de théâtre. Il déguste la vie. Il déguste les mots d’amour. L’amour se vit comme une pièce de théâtre. L’amour est un divertissement nécessaire à la vie. L’amour se vit. Le théâtre aussi et l’auteur sans conteste parle de ce qu’il a vécu. Qui ne se reconnait pas en effet dans ses mots ? Nous avons tous attendu, aimé, nous nous sommes tous angoissés pour l’être aimé… Roland Barthes peint ici notre histoire à tous de manière très littéraire. C’est si intimiste, si intemporel et en même temps si multiple. L’amour est multiple. Le « je » du narrateur, de l’amoureux, est multiple. Il pourrait être vous, eux, toi, lui ou elle. Ce texte d’une très grande qualité s'écoute, se lit d’une traite et/ou par touches, seul(e) ou avec l’être aimé. Il est pour moi une très belle déclaration d’amour.



Fabrice Luchini montre tout son talent de conteur, d’amoureux, d’acteur et d’homme plein de vie. Il réussit à transmettre toutes ses émotions aux mots de Roland Barthes. Avec lui, le pouvoir de l’amour, ses avantages et ses inconvénients se vit merveilleusement bien. Son souffle se fait plus court, plus passionné et plus dynamique par moments, le tout avec une diction parfaite. On sourit quand on l’entend parler des faiblesses de l’amour. On n’a pas peur. On sourit. Les mots sont non seulement beaux, denses et émouvants mais ils sont prononcés avec une justesse surprenante qui donnent de la profondeur aux émotions. Par exemple, lorsqu’il décrit la jalousie, Luchini clame totalement impliqué:

« C’est laid, c’est bourgeois la jalousie, c’est un affairement indigne, un zèle et c’est ce zèle que nous refusons. Comme jaloux, je souffre quatre fois ; parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l’être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l’autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité. Je souffre d’être exclu, d’être agressif, d’être fou et d’être commun. »

Nous, spectateurs, ne restons pas insensibles. C’est alors impossible.



Fragments d’un discours amoureux au théâtre ? Evidemment, cela ne fait pas un pli.

«Au théâtre, il n’y a rien à comprendre, mais tout à sentir » disait Louis Jouvet. En effet.



Une très belle pièce de théâtre donc qui se joue à l’infini, à l’image de ce livre-audio que l’on est obligé d’écouter tranquillement et plusieurs fois pour s’imprégner du texte, l’appréhender, pousser la réflexion plus loin et s’entendre déclamer : « je t’aime » sous un nouveau jour.




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Fragments d'un discours amoureux

a voir
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Fragments d'un discours amoureux

Ceci est l'intégral de l'état amoureux !



Arrivez-vous à superposer exactement les mots sur vos sentiments, vous ?

Ou encore cerner ceux de l'autre ?!

Moi, par moment, j'ai l'impression de forcer des triangles dans des trous carrés !

À mon sens, analyser son état amoureux, (alors celui de l'autre..) c'est comme réaliser une autopsie: on n'en ressort pas vivant, pas plus que mort.

Barthes lui, il le dissèque magistralement dans ses "Fragments d'un discours amoureux"



Que l'on aime comme au cinéma, que l'on aime modérément, secrètement outrageusement, ou pas tout à fait, on est tous égaux dans l'attente, l'absence, l'angoisse, le comblement ou encore la dépendance. Etc



Ce livre est une bible.

Ce livre me sert de boussole.

Ce livre est à lire au gré des envies.

Ce livre se butine, se picore & ses passages me (nous) révèle.

Est-ce que je gère pour autant ?! Non.

Je garde en mémoire que là où il y a du feu, il en restera des braises.



Bref, on les reconnaît facilement ces livres qui nous élèvent, ce sont ceux qu’on a tellement de mal à refermer. Je recommande.



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Fragments d'un discours amoureux

Se reconnaître dans un livre est toujours une expérience émouvante, plus encore sans doute dans celui-là. À l'aide de grands auteurs et d'œuvres de références, Barthes éclaire les facettes de l'amoureux. Des mots qui ne vieillissent pas, et décrivent à la perfection les tumultes de ce long voyage en pays d'amour...

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Fragments d'un discours amoureux

Alors c'est à la fois un éloge de l'amour en même temps qu'un écrit scientifique.



Un peu à se mettre dedans au début en raison du style d'écriture (le phrasé est académique) mais une fois dedans, les images sont plaisantes.

L'amour selon l'auteur - mais surtout d'après ce que j'en retiens, est pathétique et accaparant. Ca donne envie et ça désespère en même temps.
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Fragments d'un discours amoureux

Barthes nous prévient : C'est un portrait, si l'on veut, qui est proposé ; mais ce portrait n'est pas psychologique ; il est structural : il donne à lire une place de parole : la place de quelqu'un qui parle en lui-même, amoureusement, face à l'autre (l'objet aimé), qui ne parle pas (p 7). Pourtant le structuralisme est généralement chassé : Structure : ce mot, naguère, faisait grincer des dents : on y voyait le comble de l’abstraction (p 56). L’écriture est fragmentée, ce qui expose le lecteur aux facilités du grappillage, et a pu contribuer au succès public de l’ouvrage. Les 79 fragments ont des titres et des sous-titres, et ce sont les sous-titres qui forment le calligramme de la quatrième de couverture. Les titres sont divers, en diverses langues, parfois opaques (parmi les premiers : Agony, Atopos, Tutti sistemati, Laetitia, Domnei). Le titre Amour est absent mais le plus long titre est le Je-t-aime, traité par exception de façon technique et distanciée : De même que l’amen est à la limite de la langue, sans partie liée avec son système, la dépouillant de son « manteau réactif », de même la profération d’amour (je-t-aime) se tient à la limite de la syntaxe, accueille la tautologie (je-t-aime veut dire je-t-aime), écarte la servilité la phrase (c’est seulement une holophrase) (p 182). Le livre s’achève sur le Non-vouloir-saisir, qui est la fin du discours : Que le Non-vouloir-saisir reste donc irrigué de désir par ce mouvement risqué : je t’aime est dans ma tête, mais je l’emprisonne derrière mes lèvres. Je ne profère pas. Je dis silencieusement à qui n’est plus ou n’est pas encore l’autre : je me retiens de vous aimer (p 277).

Le message dominant est la frustration et le manque : le discours amoureux est aujourd’hui d’une extrême solitude (p 5). Quelquefois, il m’arrive de bien supporter l’absence. Je suis alors « normal » : je m’aligne sur la façon dont « tout le monde » supporte le départ d’une « personne chère » ; j’obéis avec compétence au dressage par lequel on m’a donné très tôt d’habitude d’être séparé de ma mère – ce qui ne laissa pas, pourtant, à l’origine, d’être douloureux (pour ne pas dire : affolant) (p 20). Je suis un mutilé qui continue d’avoir mal à sa jambe amputée (p 49). Une mémoire exténuante empêche de sortir à volonté de l'amour, bref d'y habiter sagement, raisonnablement (p 62). Restent une moisson de pépites, comme dans l’Art d’aimer chez Stendhal, ou plus près de nous dans la Critique du jugement chez Quignard : 

Son corps était divisé : d'un côté, son corps propre – sa peau, ses yeux – tendre, chaleureux, et, de l'autre, sa voix, brève, retenue, sujette à des accès d’éloignement, sa voix, qui ne donnait pas ce que son corps donnait (p 85).

Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l'autre. C'est comme si j'avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots. Mon langage tremble de désir (p 87).

C'est, au départ, pour l'autre que je discours sur la relation ; mais ce peut-être aussi devant le confident : de tu, je passe à il. Et puis de il, je passe à on : j'élabore un discours abstrait sur l'amour, une philosophie de la chose, qui ne serait donc, en somme, qu'un baratin généralisé (p 88)

Hors l’accouplement (au diable, alors, l'Imaginaire), il y a cette autre étreinte, qui est un enlacement immobile : nous sommes enchantés, ensorcelés. Nous sommes dans le sommeil, sans dormir ; nous sommes dans la volupté enfantine de l'endormissement : c'est le moment des histoires racontées, le moment de la voix, qui vient me fixer, me sidérer, c'est le retour à la mère (p 121).

L’amitié mondaine est épidémique : tout le monde s’attrape, comme une maladie (p 165).

Renversement historique : ce n'est plus le sexuel qui est indécent, c'est le sentimental - censuré au nom de ce qui n’est, au fond, qu'une autre morale (p 209).

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Fragments d'un discours amoureux

Omon-mi (mon enfant) d’Ousmane Aledji: l'humanisme peut-il être l'apanage d'une culture?



Le nom Ousmane Aledji sonne au Bénin, particulièrement théâtre. Le doute est levé tout de suite, car, acteurs de la chose littéraire, dramaturges, spectateurs, téléspectateurs et auditeurs reçoivent ce nom comme un nom de la même famille que le théâtre. Son ascension récente à la tête de la structure faîtière du théâtre béninois (FITHEB) en est une grande illustration. Mais depuis 2002 où il a servi Cadavre mon bel amant aux éditions NDZE, le silence au niveau de ses publications est resté plus qu’assourdissant. Un silence mal ruminé par ses lecteurs qui peuvent désormais se réjouir de Omon-mi (Mon enfant), co-édité par les éditions Plumes Soleil et Artistik Editions. De quoi est-il question ?



Omon-mi (Mon enfant) restera une pièce de théâtre unique. Les théâtrologues classeront difficilement la pièce dans une catégorie précise. Toujours est-il que cette pièce de 100 pages sort des sentiers battus et bat en brèche plusieurs règles du théâtre, à commencer par celle des trois unités, action, temps et lieu.

L’ACTION

La pièce raconte une histoire prise en elle-même pour banale notamment dans certaines contrées africaines. Un enfant qui naît enroulé dans du placenta. Sacrilège. Sacrilège pour une tradition puriste respectueuse des lois de la nature qui n’accepte aucun enfant qui ne sort des entrailles de sa mère indemne, la tête en premier. Sacrilège pour une tradition fidèle à ses principes, rejetant toutes modifications, toute autre manière de venir au monde considérée tout de suite comme une anomalie. Sacrilège donc qui mérite une punition adéquate. Le refus d’existence. La mise à mort. Arraché donc à sa mère pour ce crime d’anomalie de sortie, l’enfant sera condamné à être enterré vivant par des adultes commis à la tâche. Malgré la crise de conscience de l’un d’entre eux, les protestations de la mère rebelle pour avoir déjà mal ingurgité le malheureux et mortel sort qu’on a fait subir à son autre enfant Albinos, le Dah, chef de la communauté et ses conseillers n’ont pris autre décision que celle indiquée par la coutume, même au détriment de l’une des pratiques de cette dernière qui aurait permis de consulter l’avis des ancêtres. Une folie maternelle logique coiffe tout.



LE TEMPS

Même si l’on pourrait difficilement rejeter les vingt-quatre heures d’action, le temps dans cette pièce n’est pas linéaire. Il suit un rythme anachronique, fonctionnant comme un récit en analeps. La scène s’ouvre sur un environnement nocturne, remonte aux actions de la journée, la naissance, le baptême, le conseil des sages, l’enlèvement, l’horrible inhumation, pour revenir à la même nuit et indiquer le cynisme de ces thaumaturges qui se saoulent après avoir commis l’innommable. En dents de scie donc, le temps de cette pièce reste bien collé à son temps historique, celle d’un monde qui malgré son ouverture sur la modernité reste bien attachée à des pratiques qui s’endurcissent, et persistent. Mais la concentration du temps aussi en vingt-quatre heures, cette accumulation en un temps si réduit pourrait traduire cet enfer, cet engrenage que la tradition fait subir aux parents qui ont le malheur de voir leurs enfants naître avec des normes autres que celles dictées par la société ; comme si les parents pouvaient décider de la manière dont leurs enfants allait naître. Ce temps d’enfer est comparable à La parenthèse de sang évoquée par le célèbre dramaturge Sony labouTansy.



LE LIEU

Les lieux de la pièce sont loin de respecter la règle de l’unité. Le dramaturge lui-même précise les divers lieux. De la forêt où l’enfant a été enterré à la boite Nelson bar, l’espace dans cette pièce est bien ouvert et multiple. A la naissance, l’enfant a reçu un baptême conséquent chez ses parents qui ont reçu des visites. Il a été ensuite volé donc a pu quitter chez ses parents pour être transporté par ses ravisseurs dans la forêt. Il a ensuite quitté l’espace terrestre pour celui souterrain, puisqu’il a subi une inhumation indescriptible. Mais avant tout ceci, il a fallu que le Conseil siège pour décider de son sort. Ainsi, si le temps peut être comparé à un engrenage, il n’en est pas de même pour le lieu, ouvert pour des mouvements multiples. Mais toujours est-il que ces mouvements, loin d’être à l’avantage du personnage principal qu’est la mère et de son enfant, sont à leurs dépens.

L’action, le temps et le lieu forment donc un cercle tragique comme celui des tropiques d’Aliound’Alioum Fantouré pour mieux assommer, pas politiquement mais socialement l’individu.

Mais on prendrait mal la pièce si, avec le temps, l’action et le lieu on déduit sans autres formes de procès qu’Ousmane Alédji reste dans la même logique que Florent Couao-Zotti par exemple dans la nouvelle parue dans le recueil Poulet bicyclette et cie et intitulée « L’enfant sorcier », où le nouvelliste sauve l’enfant des griffes de ses bourreaux, traitant la pratique de barbares. Ce serait mal lire la pièce d’Alédji. En réalité, le dramaturge sort de ce sentier battu et propose à ces lecteurs une autre approche de ces critiques occidentales toutes formulées dans le seul but d’indexer la seule Afrique comme couvant des pratiques barbares. L’horreur indexé est-il uniquement imputable à une seule région du monde ?



OMON-MI, UNE PIECE A THESE

La rébellion de la mère et sa folie sont loin d’orienter le lecteur vers une position dénonciatrice des pratiques ritualistes. En réalité, le lecteur est progressivement orienté sur une analyse de la situation autre qu’une condamnation béate. On sait que l’une des raisons évoquées par le colon pour envahir le continent africain dans le but unique de s’emparer de ses richesses est l’évocation de ces pratiques qui le confondent aux grands singes de la forêt équatoriale. Claude Lévis Strauss, Gobineau… dans leurs rapports de voyage peignaient le Noir en noir. Il fallait insister sur la barbarie pour montrer la nécessité de nous leur apporter la Lumière, prétexte à une colonisation sauvage. Est donc barbare, toute pratique culturelle venant de ces gens noirs, si noir que l’on pourrait se demander si Dieu si bon peut mettre une âme dans un corps si noir (Montesquieu). Les premiers écrivains africains tel que Paul Hazoumè à travers Le pacte de sang ont donc servi de relai à ces théories colonialistes qui confortent la domination coloniale. Même jusqu’à ce jour, il est clair dans l’entendement humain, que quand on évoque la barbarie, l’on pense d’abord au continent africain. En témoigne plusieurs ouvrages et films condamnant l’Afrique.

Mais Alédji ici, prend tout le monde à court. Loin de se contenter de condamner le fait, il ouvre ferme sa pièce sur une série de questionnements. Le lecteur est promené un peu partout dans presque toutes les grandes capitales du monde où des pratiques identiques ou pires sont monnaie courante.

« Dans les hôpitaux d’Acapulco, de New York, d’Abidjan, de Londres ou de Paris les mieux équipés du monde, on se débarrasse des enfants sorciers, par centaines.

Dans certaines régions de la Chine, les fœtus féminins sont traités comme des ennemis de la République. Ailleurs, des laboratoires souterrains se battent autour des cellules souches pour cloner 42 fœtus en une heure. » p. 91-92.

Sous d’autres noms plus civilisés donc, les mêmes pratiques se déroulent, officiellement avec une législation appropriée. Mais pourquoi accepter et financer les avortements, pourquoi autoriser l’euthanasie, pourquoi cloner des fœtus et s’en prendre dans le même temps aux africains qui sélectionnent leurs nouveaux nés ?Même si Aledji n’approuve aucune des pratiques, il s’interroge quand même sur le droit qu’ont les uns de s’en prendre aux autres alors que dans le même temps ilsont les mêmes cultures meurtrières ?

On comprend ainsi aisément cette série de questions posée par l’auteur :

« Faut-il au nom d’un humanisme bienveillant, de la correction, de la morale et de l’éthique, laisser naître et grandir un enfant que l’on sait différent, déficient handicapé ?

Nous sommes-nous entendus sur des exécutions excusables d’enfants ?

L’humain a-t-il le droit de s’arroger le pouvoir de vie de mort sur son semblable ?

Y a-t-il une culture plus humaine, plus humaniste, plus civilisatrice qu’une autre ? » p. 91

Cette série de questions déterminent la neutralité que voudrait afficher Aledji, une neutralité en réalité convertible en thèse respectueuse des pratiques de chaque culture.



UNE ECRITURE INNOVANTE

Cette sortie des sentiers battus ne se limite pas uniquement à la thématique. L’écriture restera aussi innovante avec un découpage en 14 scènes sans actes. Le lecteur découvre aussi des répliques ordinaires similaires à celles que l’on pourrait découvrir dans un récit romanesque. Une attribution de parole dans un dialogue théâtrale extraordinaire où le ne voit pas écrire le nom des personnages mais où l’on découvre juste des tirets de dialogue. L’on note aussi la présence de personnages comme Le narrateur qui raconte effectivement les faits et la présence de scènes avec pour seul contenu une didascalie.L’on pourrait cependant déplorer la présence abondante de didascalies surtout au niveau des débuts de scènes. Un constat qui s’éloigne du nouveau théâtre qui se veut respectueux du metteur en scène, libre dans ses retouches et orientations de la pièce.



Au total, Aledji renoue avec les publications, avec une grande innovation et enchante la dramaturgie béninoise avec une orientation pertinente d’un sujet sociologiquement capital : omon (enfant).



Anicet Fyoton MEGNIGBETO
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Fragments d'un discours amoureux

Un discours "d'une extrême solitude"

Pourquoi ce livre exerce-t'il une telle fascination ? Peut-être parce qu'il traite d'un sentiment universel, de ce sentiment qui nous fragmente, en faisant appel à un corpus littéraire et philosophique d'une grande richesse. On éprouve tous ce sentiment qui nous élève, parfois, sur un nuage, ou nous décime, le plus souvent, en lambeaux. ; les réflexions de nos pensées influant directement sur notre physique. L'intelligence du livre se révèle par les multiples approches possibles, sans avoir la contrainte de le lire du début à la fin, mais selon l'humeur qui nous habite au moment de l'ouvrir. C'est donc cette liberté de lecture, incomparable, qui le rend unique, offrant la possibilité, pour chaque entrée, de ne garder que l’essentiel, tout en nous donnant des pistes de lecture complémentaires.
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Journal de deuil

Il y a le coup éditorial. Il y a la controverse. Mais il y a surtout la crainte de ces inédits de fond de tiroir qui viennent parfois écorner l’image d’un auteur, comme ce petit supplément auquel on n’a pas su résister et qui vient mêler de nausée le plaisir d’une dégustation.

Du Roland Barthes diariste, on pouvait déjà se faire une idée en lisant "Délibération", ce court extrait du journal publié dans le Bruissement de la langue, ou encore RB par RB. Et ceux qui regrettaient ce roman sur lequel Barthes "travaillait" dans les dernières années de sa vie pouvaient à loisir consulter les fiches énigmatiques publiées dans les œuvres complètes sous le titre "Vita nova". Ici, le Seuil édite 330 fiches rédigées par Barthes après la mort de sa mère, en 1977, peu avant d’entreprendre l’écriture de La Chambre claire. Un exercice littéraire de domestication de la douleur, entre autres : "je peux, tant bien que mal (c’est-à-dire avec le sentiment de ne pas y arriver) parler [mon chagrin], le phraser. Ma culture, mon goût de l’écriture me donne ce pouvoir apotropaïque, ou d’intégration : j’intègre, par le langage". Cependant, les tics, les habituelles préciosités (italiques, vocabulaire psychanalytique, etc.) ont tôt fait de placer le lecteur en terrain familier : illisibles, ces notes ? qui prétend que le Tombeau d’Anatole de Mallarmé soit lisible ?

Lire la suite : http://ivressedupalimpseste.blogspot.com/2009/03/roland-barthes-journal-de-deuil.html
Lien : http://ivressedupalimpseste...
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Journal de deuil

Beaucoup de vide dans ces pages, pour peu de mots. Mais quels mots. Il en va de même du deuil de Roland Barthes, qui peine à exprimer son chagrin : le silence règne et les mots manquent. Pourtant, comme il l'écrit lui-même : "Qui sait ? Peut-être un peu d'or dans ces notes ?" Et en effet ce sont des pépites éparses que le lecteur trouvera dans ces carnets.

Barthes cherche à mettre le doigt sur l'essence de son chagrin par petites touches, par fragments, car l'aborder dans une forme de globalité serait proprement impensable.

Quelque chose d'extrêmement émouvant dans la relation fusionnelle de Barthes avec sa mère. Sa mort est un déchirement. Comment vivre après, comment se souvenir, comment exprimer l'inexprimable. Tentatives de réponses et au milieu jaillit souvent la beauté, l'émotion et la littérature.

Et toujours cette recherche autour du langage, compulsive, ce fantasme d'un énoncé neutre, épuré, qui se ferait l'exacte représentation du réel.

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Journal de deuil

Lecture que j'aurais aimé faire il y a quelques mois, en août dernier. Et aimé partager avec ceux de mes proches le plus tenaillés par la douleur du chagrin. J'ai déjà donné quelques citations, sur ces pages et sur Apostilles, j'en donne plusieurs autres ici tant j'ai trouvé que ce recueil de notes -- lequel, semble-t-il, n'était pas destiné à la publication, d'où, à l'époque, l'inévitable polémique éditoriale parisienne --, brèves annotations jetées sur des fiches, était juste dans sa façon de contourner, de le tender du moins, l'impossibilité de « dire » la mort : « Mon chagrin est inexprimable mais tout de même dicible. Le fait que la langue me fournit le mot « intolérable » accomplit immédiatement une certaine tolérance ». Et aussi : « Je ne veux pas en parler par peur de faire de la littérature -- ou sans être sûr que c'en ne sera pas -- bien qu'en fait la littérature s'origine dans ces vérités. » D'ailleurs, Barthes n'aime pas le mot deuil, lui préférant celui de chagrin. Impossibilité pour lui, donc, de faire un « récit de vie » de la mort de sa mère, seulement, par attouchements, pourra-t-il restituer la présence de l'absence : « Dans la phrase "Elle ne souffre plus", à quoi, à qui renvoie "elle" ? Que veut dire ce présent ? » et des effets de cette mort sur lui : « J'habite mon chagrin et cela me rend heureux. Tout m'est insupportable qui m'empêche d'habiter mon chagrin. », qui ressent en outre une très forte et constante peur d'une catastrophe qui a déjà eu lieu (référence au psychanalyste Winnicott) et incessamment douloureuse.



Beaucoup de références à Proust, évidemment, et on pourra lire, comme le suggère Antoine Compagnon dans son cours Écrire la vie : Montaigne, Stendhal, Proust du Collège de France (qu'on peut écouter en podcast), Albertine Disparue. L'un et l'autre livre, si opposés par la forme, sont absolument complémentaires l'un de l'autre.



Inéluctable conclusion : « La vérité du deuil est toute simple : maintenant que mam. est morte, je suis acculé à la mort (rien ne m'en sépare plus que le temps). »



Pour moi, et conscient de l'étrangeté de ce que j'écris : cette douleur crée de la beauté, ne pouvant s'intégrer au récit de vie de Barthes, elle est désormais liée à la mienne, par l'écho qu'elle suscite en moi avec celle découlant de la mort de ma mère. Beauté douloureuse, mais Beauté : je suis un survivant de Beauté.




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Journal de deuil

Je déconseille à qui voudrait aborder l’œuvre de Barthes d'y entrer par ce livre. Non qu'il soit difficile - c'est certainement le plus limpide de ses textes - mais découvrir Barthes avec le journal de deuil exposerait son lecteur à un ennui profond; il y pleure sa mère dans de brèves notules qui sont autant de points noirs déposés sur des fiches - points noirs sans dimension ni profondeur, petits accès maniaques d'écrivain déprimé par la mort de sa mère et qui s'accroche à l'écriture comme pour ne pas perdre la main: "En écrivant ces notes, je me confie à la banalité qui est en moi" (29 octobre).



"Qui sait? Peut être un peu d'or dans ces notes" (27 octobre). Bien que cette interrogation le suggère, je ne pense pas que Barthes ait jamais songé à publier ce texte - sinon peut-être de façon posthume - sachant que ses papiers seraient déposés à l'IMEC (Institut pour la Mémoire de l'Édition Contemporaine) après sa mort.



Jusqu'à hier, je n'avais jamais prêté attention à ce livre dont j'ignorais tout. Par hasard, il n'attira mon attention sur les rayons d'une bibliothèque que parce j'avais lu de fraîche date "La chambre claire"; que cet essai sur la photographie est aussi une troublante méditation sur la mort.

Ce journal de deuil n'a que cet intérêt là; celui de vous introduire dans une sorte de work in progress, c'est-à-dire la genèse de cette très belle œuvre de Roland Barthes; "La chambre claire". Le journal de Deuil de Roland Barthes est le premier élan d'un projet dont la trace se retrouve dans ces lignes entre crochets: "[Sans doute je serai mal, tant que je n'aurai pas écrit quelque chose à partir d'elle (Photo, ou autre chose).]" (p. 227).
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