AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Roland Barthes (184)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Fragments d'un discours amoureux

Une Bible....
Commenter  J’apprécie          10
Fragments d'un discours amoureux

Comment critiquer ce texte référence? Pour ma part, cela reviendrait à photographier une toile dans un musée : vain et dérangeant.



Alors, en un fragment, essayons (il s'agit bien d'un essai?)



Ce fut une immersion totale dans les méandres du questionnement amoureux avec ces satellites philosophiques qui gravitent autour du texte de Roland Barthes et cela, sans le perturber, le déranger mais plutôt pour le nourrir.



Accessible. Passionnant. Nécessaire.



Je range mon appareil photo.



Commenter  J’apprécie          87
Fragments d'un discours amoureux

Un livre dont j'avais, forcément, beaucoup entendu parler en classe préparatoire littéraire, mais que je ne découvre véritablement que maintenant - la khâgne apprendrait-elle à parler de livres que l'on n'a pas lus... ?

Il me manque donc peut-être désormais certaines bases pour comprendre la démarche de l'auteur, je n'avais jamais vraiment lu et étudié un ouvrage de sémiologie et de linguistique auparavant. Et j'avoue que les trois premières pages où l'auteur expose son propos, entre mots en grec ancien non traduit, citations savantes et figures de style dont j'avais un peu oublié le nom, a commencé par me rebuter. Mais cette préface aurait presque dû être placée à la fin, j'aurais mieux compris le principe.

Heureusement, la lecture du coeur de l'ouvrage s'est révélée bien plus facile que son début. Même si, contrairement à ce que l'auteur recommande, j'ai lu des étapes d'une histoire, celle du Narrateur et de X, mais aussi des étapes de ma - ou de mes - propre histoire d'amour. Ni le Je, ni le X ne sont vraiment sexualisés ou genrés. Alors, certes, ce n'était surement pas le but de l'auteur, mais on peut y lire aujourd'hui une volonté d'inclusivité, en tant que femme je peux m'identifier. En effet, à chaque situation, je me demandais ce que moi je disais, aurais dit ou dirait, mais surtout quelles références j'aurais employées.

Car c'est ce que j'ai apprécié : l'auteur le dit bien, chacun peut s'approprier en quelque sorte la démarche, en utilisant ses propres références. Par exemple, je ne connais Werther que de réputation - ce qui m'a donné d'ailleurs envie de le lire, mais pour parler d'amour, je convoquerai dans ma carte du tendre personnelle la poésie - à laquelle Barthes renvoie peu, et surtout Stendhal, avec ses romans et sa théorie de la cristallisation - pour moi, le grand théoricien de l'amour. Je ne comprends pas son absence d'ailleurs. En revanche, alors que je ne connais absolument rien à la psychanalyse, j'ai trouvé que l'auteur y faisait de nombreuses références, semblant avoir manifestement une relation fusionnelle mais complexe avec sa propre mère.

Une oeuvre stimulante donc, qui fait réfléchir sur son comportement et sur ses références culturelles, même si je m'interroge encore sur la démarche et sur les procédés, entre recueil de citations littéraires et psychanalytiques, forme d'auto-biographie déguisée ou au moins de sélection de ses oeuvres favorites.
Commenter  J’apprécie          50
Fragments d'un discours amoureux

« Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre »



Texte inclassable, Fragments d’un discours amoureux se divise en 17 parties, chacune décryptant un mot-clé du point de vue de l’individu amoureux. Roland Barthes ne prétend pas établir ici une sorte de philosophie de l’amour, mais donner la parole à l’amoureux, établir le profil de l’amoureux à partir de ses propres observations et expériences personnelles mais également à partir de ses lectures. En effet, le texte contient énormément de références littéraires, philosophiques et psychanalytiques (Goethe, Platon, Proust, Balzac, Stendhal, Freud…), qui viennent illustrer les dires de l’auteur.



« A chaque instant de la rencontre, je découvre dans l'autre un autre moi-même »



J’ai bien aimé cette lecture, j’y ai trouvé de belles réflexions ; mais elle ne m’a pas particulièrement touchée. Globalement, je suis passée à côté du profil amoureux décrit, certains comportements m’ont d’ailleurs paru exagérés, purement fictifs (cela rejoint la sensation éprouvée lors de ma lecture du roman Les souffrances de Werther, de Goethe).



« Et, longtemps après que la relation amoureuse s'est apaisée, je garde l'habitude d'halluciner l'être que j'ai aimé : parfois, je m'angoisse encore d'un téléphone qui tarde, et, à chaque importun, je crois reconnaître la voix que j'aimais : je suis un mutilé qui continue d'avoir mal à sa jambe amputée »



J’ai néanmoins passé un bon moment de lecture, mais ce texte n’a pas révolutionné ma façon de penser ni de percevoir l’amour, que ce soit dans la réalité ou dans la littérature.
Commenter  J’apprécie          50
Fragments d'un discours amoureux

" je ne tombe jamais amoureux, que je ne l’aie désiré, la vacance que j’accomplis en moi (…) n’est rien que ce temps, plus ou moins long, où je cherche des yeux, autour de moi, sans en avoir l’air, qui aimer. "

Nous avons besoin d'aimer et d'être aimé(e). Le grand sémiologue analyse le discours amoureux, prenant des exemples littéraires et quotidiens. Rafraîchissant. Cela donne envie de (re)tomber amoureux.
Commenter  J’apprécie          60
Fragments d'un discours amoureux

Écouté la version lue par Fabrice Luchini.



Certains passages un peu ardus demanderaient à être lus plus qu'écoutés.



Il me semble indispensable de se procurer la version imprimée pour en savourer chaque phrase. La peser, la méditer. Ces réflexions ont trouvé de nombreux échos en moi.
Commenter  J’apprécie          10
Fragments d'un discours amoureux

Abécédaire de réflexions socio-sémantico-psycho-philosophiques sur l’Amour. On y découvre toute l’Universalité de la chose. On y sort de la solitude de sa détresse ou de ses passions. On y apprend, utilement, à « renoncer à vouloir saisir » l’Autre.
Commenter  J’apprécie          10
Fragments d'un discours amoureux

Voilà c’est fait ! J’ai réussi ! Après une première tentative et un cuisant échec en décembre 2016 je m’y suis collé de nouveau. Un article par jour j’arrive enfin au bout de mon périple masochiste.

Bon de quoi s’agit-il ? Un dictionnaire non pas sur l’amour mais sur l’amoureux qu’il soit femme ou homme. Son langage, ses attitudes, ses symboles…. Un cobaye parfaitement disséqué par le maître philosophe-sémiologue.

Beaucoup de mots nouveaux que je n’arriverai jamais à recaser dans une conversation mais qu’importe j’en ai sélectionné quelques-uns. Ce livre doit être interdit à tous ceux qui n’ont jamais connu l’amour car il risquerait de les dégouter par avance. Ça ne donne pas envie ! Mais en fait s’agit-il bien d’amour et pas plutôt de dépendance amoureuse ? Comme l’écrit avec tant de justesse Barthes :

« Annulation : Bouffée de langage au cours de laquelle le sujet en vient à annuler l’objet aimé sous le volume de l’amour lui-même : par une perversion proprement amoureuse, c’est l’amour que le sujet aime, non l’objet. »

N’empêche j’aime Roland même si nous ne sommes pas du même monde. Et puis il nous fait dans ces fragments quelques saillies toutes Barthiennes.

Comme James Dean il est mort d’un accident de la route, moins glorieux ; trop tôt.

Fauché le 26 mars 1980 par la camionnette d'une entreprise de blanchissage, 44 rue des Écoles à Paris, juste devant le vieux campeur ; il demeurera icône et légende.

Commenter  J’apprécie          30
Fragments d'un discours amoureux

L'ouvrage se lit comme un dictionnaire et chaque thème est abordé en quelques paragraphes dans l'ordre alphabétique.

La lecture en mode linéaire peut donc paraître rébarbative.

J'en retiens simplement, quelques perles, passages, comme des pépites excavées après avoir pioché dans la glyphe de cet ouvrage, un peu à l'instar de "l'art d'aimer" d'Ovide.
Commenter  J’apprécie          10
Fragments d'un discours amoureux

Il est rare d'assister à un décryptage des scènes du quotidien concernant tout ce qu'il y a autour du sentiment amoureux et dans une justesse aussi précise. Notamment dans la mise en scène de l'attente avec le délaissé comme personnage principal et unique, "et pour cause". Un bijou du sémiologue...

________________

Ma pensée en terminant le livre :

"Il faut le relire..."

________________

Bonne lecture... 🌻
Commenter  J’apprécie          30
Fragments d'un discours amoureux

Un grand fracas, ma petite fille Céleste 3 ans vient de pulvériser sa poupée qui parle et quelle adore, des fragments de son plus cher désir de Noël jonche le sol. Je suis là auprès d'elle avec mon Roland Barthes à la main, mais qu'est ce qui se passe , tu l'adores, tu la réclames, tu y penses si souvent pour jouer.

« Tu ne comprends rien papou je ne l'aime plus, Juliette m'a montré la sienne elle est géniale » !

Je plonge dans les Fragments d'un Discours Amoureux : "JE T’AIME est sans nuances. Il supprime les explications, les aménagements, les degrés, les scrupules." C'est tout elle, pas d'explications possibles je ne comprends rien !

Est- elle jalouse ? De sa petite sœur qui a 8 mois sans aucun doute, mais soyons sérieux je ne vais pas, un bouquin de philo, à 3 ans ?

Je replonge dans les Fragments d'un Discours Amoureux, " la jalousie naît d'une crainte" celle de ne pas posséder, de devoir partager avec Juliette cette poupée mais comment l'obtenir et pouvoir goûter ce plaisir de la posséder ?

Céleste est perplexe, elle cherche à me convaincre d'en racheter une autre, celle de Juliette est si belle, tu vois et toi que j'aime ?

Et dans un un élan que seule Céleste est capable « Papou, mon Papou tu pourras me donner la même que Juliette », mais oui, et je m’entends dire « pour ton anif je vais chercher la MêMe », et je range ce bouquin de fou !



Je viens de faire l'expérience de mes dérèglements ! De mes faiblesses aussi , " mon corps est un enfant entêté ».

Il me revient en mémoire les expériences de mes enfants, et je me dis bêtement que tous les parents devraient le lire ce bouquin, comprendre que l'on fait n'importe quoi en amour et surtout pendant l'adolescence.  « Lumineuse expérience de la relativité de soi et de tout ».



Je suis en pleine fragmentation, il me faudrait un peu plus de cohérence et un peu moins de désordres, je vais relire le texte de Roland Barthes et le conseiller ce livre un peu diabolique qui nous reflète avec autant de finesse et nous révèle à nous même avec une telle lucidité.



Au moment de partir Céleste se jette au coucou de Mamie "je t'aime TOI".

« Seule brille, indestructible, la volonté de comblement. ».
Commenter  J’apprécie          120
Fragments d'un discours amoureux



Publié en 1977, "Fragments d'un discours amoureux" est un livre un peu inclassable. Ce n'est pas un essai, une somme théorique. Il se présente comme un lexique raisonné sur l'expression du sentiment amoureux.



"Le discours amoureux est d'une extrême solitude" (page. 5) constate Roland Barthes. Dire son amour, sa passion à l'être aimé va de soi ; il est constitutif du rapport à l'autre mais également à soi-même. Les mots, les expressions utilisées, recouvrent un sens, une signification cachée, à part de l'intention. Lesquels sont-ils ?



C'est dans ce livre l'ambition du sémiologue : donner à comprendre mais aussi à restituer, au travers de mots-clés (absence, attente, comprendre, magie, ravissement, tendresse, etc.), la part lumineuse mais également sombre du discours amoureux.

Pour y parvenir, l'auteur articule son propos autour de nombreux passages du célèbre roman épistolaire "Les souffrances du jeune Werther" de Goethe mais aussi d'autres références littéraires, psychanalytiques ou encore philosophiques (Freud, Lacan, Platon, Nietzsche, Rousseau, Stendhal, Proust, etc.)



"Fragments d'un discours amoureux" est un livre vraiment passionnant, qui agit comme un "livre-miroir" pour son lecteur. C'est aussi un livre exigeant qui donne, selon moi, une vision un peu sombre, "névrotique" (pauvre Werther !), un peu trop autocentrée du discours et du sentiment amoureux.

Commenter  J’apprécie          100
Fragments d'un discours amoureux

Sans doute faudrait-il être soi-même amoureux pour entrer vraiment dans les mots de Barthes autour de l'amour. Le discours amoureux n'est dicible, ou lisible, que par l'amoureux lui-même, qui passe son temps à s'identifier au héros malheureux, au chercheur de tendresse, au discoureur savant qui tente de donner forme à la folie aimante. Mon impression de non-amoureux qui a lu ceci pour retomber dans la marmite est d'être passé à côté d'un sens secret. Comment se réininitier? La lecture ne suffit pas. Les mots, en amour, au fond, sont secondaires.
Commenter  J’apprécie          60
Fragments d'un discours amoureux

Lecture complémentaire à l’occasion d’un cours de LGC et particulièrement relatable. Les définitions que donne Barthes sont tout à fait bienvenues (c’est la partie que je préfère……) et le livre se lit un peu à la manière d’un recueil de poésie : on sélectionne les chapitres qui nous intéressent grâce aux définitions et on lit le livre dans le désordre.. belle expérience
Commenter  J’apprécie          30
Fragments d'un discours amoureux

Sous forme d'un dictionnaire, Roland Barthes expose les différents éléments qui compose l'amour dans la littérature.



Chaque élément est accompagné d'une définition et d'explications basés sur des textes, principalement de Werther de Goethe.



Lecture intéressante et surprenante d'une part la forme proposée, celle d'un dictionnaire, qui permet une lecture morcelé et chronologie réelle mais aussi dans le fond qui montre des éléments qui constitue le discours amoureux à plusieurs époques et selon plusieurs formes et points de vue mais qui reste encore très actuelle pour certain principe.
Commenter  J’apprécie          60
Fragments d'un discours amoureux

C'est un livre très agréable à lire et à relire.
Commenter  J’apprécie          00
Fragments d'un discours amoureux

Publié en 1977, "Fragments d'un discours amoureux" est un essai de l'écrivain et sémiologue français Roland Barthes, également connu pour son essai "Le Degré zéro de l'écriture".



Absence, angoisse, attente, étreinte, jalousie, rencontre,... Ce sont en tout 17 mots décryptés par Roland Barthes et associés à ce langage particulier qu'est le discours amoureux.

Lorsque cet audiolivre m'a été proposé, je craignais moins de découvrir Roland Barthes que de ré-entendre un Luchini survolté.

Si j'apprécie l'acteur, je dois dire que l'homme public et ses one-man show - qui consistent à en faire 10 tonnes pour étaler sa culture - sur les plateaux télé ont tendance à m'agacer au plus haut point.

J'appréhendais donc une lecture excessive, surchargée d'envolées lyriques.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un Luchini on ne peut plus posé (lui avait-on glissé un Rohypnol dans son café par mesure de précaution ?)



Ma première écoute de ce livre fut un échec. Au bout de 2 minutes à peine, je fus prise d'un monstrueux fou-rire en repensant aux auditoires de l'université et à ces cours assommants durant lesquels je dégainais mon dictaphone pour pouvoir saisir et retranscrire ces longs monologues à la maison.

Il faut dire que les extraits lus ici se présentent sous la forme d'un lexique regroupant 17 définitions et que le propos requiert une disposition de l'esprit particulière.

A l'évidence, je n'avais pas choisi le bon moment pour me plonger dans cet essai.

J'ai donc retenté ma chance deux jours plus tard.



Retranché du côté de celui qui aime, Barthes nous parle du rapport langagier à l'autre, ce sujet aimé inclassable dont l'image peut si facilement être altérée par un simple mot de travers.





" Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l'autre. "





Il évoque l'angoisse liée à la jalousie, à la distance induite par le téléphone, au choix du cadeau amoureux, à l'insupportable menant à la rupture, à l'attente de l'autre comme à son absence, notion qui renvoie historiquement à la femme guettant le retour de l'homme et subissant "l'épreuve de l'abandon", le sentiment d'être moins aimée qu'elle n'aime.

Dans le fond, les représentations que nous nous faisons de nous-mêmes et de l'autre en amour sont pour la plupart construites par des appréhensions émanant de notre imaginaire et formulées, définies, mises en scène par le langage.

Prenant pour base 17 mots-clé inter-reliés et illustrés par des exemples personnels ou issus de ses lectures (Proust, Socrate, Balzac, Freud et surtout Goethe), " c'est donc un amoureux qui parle et qui dit " que l'amour est complexe, angoissant, source d'attente et d'incertitude.

Fort heureusement, les chapitres "Fête" et "Rencontre" viennent égayer ce sombre tableau.



"Fragments d'un discours amoureux" fut au bout du compte une lecture enrichissante en terme de pistes de réflexion, exigeante aussi, tant elle nécessite selon moi plusieurs écoutes successives doublées d'une attention complète de la part de l'auditeur.
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
Commenter  J’apprécie          150
Fragments d'un discours amoureux

Comme jaloux, je souffre quatre fois: parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l'être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l'autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité. Je souffre d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun.
Commenter  J’apprécie          170
Fragments d'un discours amoureux

Impossible de lire « Qui a tué Roland Barthes ? » La septième fonction du langage … de Laurent Binet

sans lire et découvrir avant … Roland Barthes …

Je me suis donc lancée dans ce livre « Fragment d’un discours amoureux » !!

J’ai tenté de m’imprégner de ce beau discours amoureux !! j’ai capté l’ambiance … l’essence de l’amour selon Roland Barthes !!

L’amour … le sujet amoureux … sont « décortiqués a la loupe » !! Les mots … les attitudes … les gestes … le ressenti …

Une certaine souffrance du sujet amoureux est palpable …

Une agréable découverte … littéraire …

« Roland Barthes est un homme qui a passé son temps à traquer les signes ! … D’ailleurs, il était le maître d’une science qui s’appelle la sémiologie, c’est-à-dire la science des signes. »

« Décrivant son projet pour Fragments d’un discours amoureux, Barthes précise que « tout est parti du principe qu’il fallait faire entendre la voix de l’amoureux ».

Ici, pas de théorisation de ce discours amoureux, mais sa seule expression. « C’est un portrait qui est proposé, mais ce portrait n’est pas psychologique » ;

il se fait l’écho de « quelqu’un qui parle en lui-même, amoureusement, face à l’autre – l’objet aimé -, qui ne parle pas ». Un texte si juste qu’il retentit en chacun,

longuement… »
Lien : https://lespatchoulivresdeve..
Commenter  J’apprécie          20
Fragments d'un discours amoureux

Fragments d'une critique.



A la lecture de ce livre, c'est le dépaysement, étranger dans mon propre alphabet : j'aurais dû faire Roland Barthes en LV1.



Il y a un véritable « plaisir du texte » à découvrir ces fragments littéraires originaux, à en apprécier la concision alors même qu'ils recèlent chacun leur petit monde en soi, et à dévêtir au fur et à l'usure les mots qui composent le tumulte amoureux, jusqu'au Comblement ultime car « l'amoureux comblé n'a plus besoin d'écrire ».



Barthes dit refuser toute philosophie de l'amour, il ne veut démontrer que son affirmation. Alors comment faire la lumière sur le sentiment amoureux lorsqu'on est soi-même concerné et que le lieu « le plus sombre est toujours sous la lampe » ?



« Qu'est-ce que ça veut dire, penser à quelqu'un ? Ça veut dire l'oublier et se réveiller souvent de cet oubli. » A partir des figures du langage, du discours, du soliloque de l'amoureux, Barthes entend reconstituer cet imaginaire anarchique, tributaire des incidents - qui sans cesse en menacent la valeur (comme à la Bourse) de dépréciation – incidents que le sujet amoureux – (re)construisant à posteriori son aventure - nommera l'histoire d'amour.



Dans « Roland Barthes par Roland Barthes », un autre abécédaire, biographique, le sémiologue écrivait « il est bon que, par égard pour le lecteur, dans le discours de l'essai passe de temps à autre un objet sensuel », c'est ce savant mélange, servi dans une langue d'écrivain, entre la vie et la théorie qui fait le charme iconoclaste du livre de Barthes.



Ces mots sont rattachés à l'expérience de l'auteur, acquise au cours de ses lectures (Goethe, Sartre, Lacan, Brecht, le Zen...) mais aussi de ses conversations et très pudiquement, de sa propre vie. Il se contente, pour tout indice sur le partenaire, d'un simple « il » ou « lui ».

Nous en savons peu sur la vie privée du grand intellectuel, adulé dans les années soixante-dix. Entre histoires secrètes vouées à l'échec, béguins non réciproques, amours tarifés et rejet physique des admirateurs de son oeuvre, notamment Hervé Guibert, auquel, blessé, il écrivit un fragment spécial. Tout au plus ai-je pu lire qu'un chagrin amoureux lui inspira la rédaction de cet ouvrage.



***



L'amoureux trouve l'objet de son émoi « Adorable » avec « l'idée - l'espoir - que l'objet aimé se donnera à mon désir », en le qualifiant vaguement de la sorte, il ne fait qu'essayer d'exprimer la spécialité, l'unique de son fétiche pour lui ; ou pour une partie de lui, « la coupe d'un ongle, une dent un peu cassée en biseau, une façon d'écarter les doigts en fumant ».



Après l'aveuglement vient l'Altération, ténue, infime, une parole, un geste que l'on n'aurait pas soupçonné et qui fait tache dans la représentation dévote de l'Image de l'autre qui ne devient qu'un parmi les autres.

Souvent c'est par la découverte du désir de l'objet amoureux pour un tiers. L'autre en fait trop - et Barthes de citer Sade “je vis le foutre s'exhaler de ses yeux” (self explanatory).

D'un autre côté il arrive qu'au prétexte de l'autre je désire tellement mon désir que cela conduise à l'Annulation de l'autre - le sujet étant amoureux de l'amour.



Le sujet amoureux est encore celui qui Attend comme « un paquet dans un coin perdu de gare », il est à disposition. Esseulé par la ciguë de l'Angoisse, le sujet amoureux met en scène son attente, essaye de jouer à celui qui n'attend pas, à celui qui arrive en retard mais il est encore en avance… bref il est toujours perdant : « suis-je amoureux ? Oui puisque j'attends ».



« Une angoisse seconde me prend, qui est d'avoir à décider du degré de publicité que je donnerai à mon angoisse première. » On passe son temps à Cacher sa passion à l'autre tout en voulant la lui faire sentir car on veut « être à la fois pitoyable et admirable ».

L'amoureux se pose des problèmes de Conduite en dehors de toute logique : on lui donne un numéro de téléphone et c'est l'abîme ; doit-il téléphoner ou pas... aux faits succèdent les signes à interpréter. « S'angoisser du téléphone : véritable signature de l'amour », désormais on peut également s'angoisser par SMS, par facebook, par whatsapp, par instagram et leurs accusés réceptions mortifères… est-ce une démultiplication de l'amour ou de l'angoisse ?



La Déclaration, le bavardage et le baratin sur l'amour contiennent toujours une allocution secrète. Quand on “frotte son langage contre l'autre”, quand on entretient ce frôlage par des commentaires en apparence futiles - car les événements du sujet amoureux sont souvent d'une grande platitude- en fait on dit “je te désire” car le langage est une peau et ce « coïtus reservatus », ce marivaudage, est une invitation à l'acte d'amour.



L'autre devient l'objet de notre servitude (volontaire) jusqu'au déclic. On en vient à « déréaliser » l'amour, revenir à la raison, et à se demander, un soir, dans le hall d'un hôtel, loin de chez soi “qu'est-ce que je fous là ?”.



Le discours amoureux s'oppose à l'action, il est le récit mythologique, légendaire des événements, embaumés, figés des faits accomplis. Mais ce discours souffre de ne pouvoir s'écrire. “Écrire sur quelque chose c'est le périmer”.



L'amoureux ne le sait pas encore mais il va errer d'amour en amour, de nuance en nuance reproduisant le même discours amoureux ou risquer de rejoindre le cimetière des éléphants amoureux : la friendzone (Barthes parle de « la région Amitié »).



“Tout contact, pour l'amoureux, pose la question de la réponse : il est demandé à la peau de répondre”. Barthes analyse le passage, subrepticement, de l'étreinte, comblée par la voix, le rêve d'union totale, immuable, à l'heure des confidences sur l'oreiller, bref le câlin au désir sensuel. Ce moment d'éternité, dans la plénitude de la tendresse reçue et donnée, presque maternelle, tout en sachant que le désir gronde sous les lattes, dans les draps, prêt à surgir. Cet enlacement enfantin dans le creux des bras de l'être aimé fait place à l'adulte, l'amoureux, l'être désiré. Pour Barthes, ce passage de l'un à l'autre est incarné par le dieu Eros : « un enfant qui bande. »



La jalousie ne prend pas uniquement le visage d'un amant (qu'il soit de la chine du nord ou celui de la rousse et dangereuse Jolene, que Dolly Parton supplie dans sa chanson de ne pas lui prendre son mari).

Elle est aussi dans les Fâcheux, ces gens qui s'invitent à dîner, ces loisirs trop prenants qui fissurent la dualité exclusive, où l'amoureux est contraint de partager l'autre avec le monde (et le mondain). On a envie de n'être qu'avec l'objet du sentiment amoureux, exclusivement, de s'exclure du monde, et finalement c'est un “double deuil, ce dont je suis exclu ne me fait pas envie.”



L'amoureux ne veut pas commettre de fautes, il pousse, par exemple, la crainte de la culpabilité jusqu'à attendre sur le quai de gare que le train de l'autre parte en premier.



Le paradoxe de l'amoureux est qu'il clame triomphant qu'il connaît l'autre mieux que quiconque alors même qu'il est au fond, Inconnaissable, il lui échappe sans cesse, comme un savon sous la douche. Finalement déclarer qu'on ne connaît pas l'autre n'est-ce pas une façon de dire que l'on ne saura jamais ce qu'il pense vraiment de nous ?

L'amoureux accepte alors « d'aimer un inconnu » et de se contenter de le connaître par le plaisir ou la souffrance qu'il lui donne. de même que Werther tombe amoureux après avoir appris les transports de la passion par un jeune valet, l'amoureux trouve son objet par Induction. Autrement dit, et par La Rochefoucauld, « il y a des gens qui n'auraient jamais été amoureux, s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour ».



« Ne soyez plus angoissé, vous l'avez déjà perdu(e) ». L'amour c'est bien connu c'est aussi la Jalousie. L'amoureux souffre de devoir partager l'autre. Mais le partage est une perfection de caractère comme Melite et Hyperion. Or, l'amoureux veut être parfait. Ainsi l'amoureux souffre non seulement du partage mais encore de son « impuissance à en supporter la noblesse ».



Et ces mots : « je t'aime », passés le « premier aveu », la fonction informative, ne veulent « plus rien dire », ils sont « une figure dont la définition ne peut excéder l'intitulé », ils sont de l'ordre du cri. L'amoureux est tout en désir et ce désir s'échappe comme une hémorragie dans la Langueur amoureuse des baisers sans fins.



L'auteur s'inscrit dans son époque, les années soixante-dix sont celles de la révolution sexuelle et l'auteur d'affirmer que l'obscène ce n'est plus la sexualité mais la sentimentalité. L'amoureux, conscient de sa bêtise, éprouve une solitude intellectuelle dans son sentiment. Car l'amour n'est plus à la mode dans la pensée des années soixante-dix, ce qui faisait dire à Barthes, sur le plateau de Bernard Pivot, que l'amoureux était dans une situation de solitude intellectuelle. Françoise Sagan également présente sur le plateau d'Apostrophes d'ajouter qu'on peut faire l'amour à six sans prendre aucun risque, alors que tomber amoureux…

L'amoureux, s'il est un homme, souffrira également de l'incompatibilité entre la virilité et l'éloge des larmes de Schubert, fondatrices du mythe de la douleur : « Les paroles que sont-elles ? Une larme en dira plus. »



« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue. Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue. » Racine, Phèdre. Si Barthes analyse longuement le « coup de foudre », l'enamoration, le ravissement, il en oublie sans doute, pardonnez-moi, le coup de foutre.

La sexualité n'est que suggérée dans cet ouvrage et c'est sans doute un parti pris car on ne peut soupçonner Roland Barthes de chasteté et à sa décharge, ce n'est pas dans le Werther de Goethe ni dans la littérature de l'époque romantique en général que l'on trouvera matière à ces considérations (même reproche qu'adressait, sur un même ton graveleux, Flaubert à Lamartine).



Barthes place chronologiquement la Rencontre au début, le “premier plaisir” où l'on découvre, sur un coup de dés, un autre soi-même, narrativement on se raconte, on rebondit, on a les mêmes goûts. Peut-être, et cela me rappelle le mot de Susan Sarandon qui comparait les relations amoureuses à des organismes vivants en mutation permanente, pourrait-on lui opposer, et je vous pose la question chers babeliote, dans la mesure où l'on change toute sa vie, est qu'on ne se rencontre pas à nouveau plus tard dans une même relation ?

Pour Barthes (c'est joyeux), l'amoureux qui ne se suicide pas a deux options : soit il transforme la relation en dialectique ; il garde l'amour mais abandonne l'hypnose ; soit il est condamné à réitérer avec d'autres cette même “aventure” (le ravissement etc).

Je crois que c'est la limite du livre, l'amour qui « va bien », qui entre dans cette dialectique et qui sort de l'hypnose de la passion n'a pas intéressé Barthes. L'auteur assume d'autant plus qu'il cite Corneille, « l'imitation de Jésus Christ » :



« Et sans s'immoler chaque jour

On ne conserve point l'union fruitive

Que donne le parfait amour. »



L'amoureux peut croiser le fer lors de Scènes où il tentera d'avoir le dernier mot. Oisive et luxueuse, la Scène ne progresse pas, elle n'a pas de sens. Elle est surenchère. Qui n'a jamais ressenti le contraste entre l'état de colère où nous plonge une dispute et la futilité du sujet « officiel » de la Scène que l'on se joue ?



Pour éviter de se noyer dans la chasse aux signes, il faut s'en remettre au langage, à la communication et surtout tenir pour vraies les déclarations. Puis vient le temps des souvenirs à l'imparfait, ces grains de mémoire, anamnèses de haïkus mémoriels. “L'imparfait est le temps de la fascination : ça a l'air d'être vivant et pourtant ça ne bouge pas”, c'est “le leurre épuisant de la mémoire”.



***



Littérairement parlant, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, il y a un avant/après Fragments d'un discours amoureux : on ne lit plus tout à fait les romans d'amour de la même manière, il y a une ébauche de grille de lecture, des conjonctions, des logiques et des réminiscences qui sont comme tant d'exemples narratifs des fragments proposés par Barthes.

Lisez-le et faites l'expérience ensuite avec vos lectures, parfois, comme un « pop-up » sur le net ou un murmure derrière votre épaule, les mots de Barthes résonneront pour révéler tel ou tel comportement des personnages.



Le discours amoureux, en dépit de la variété de nos expériences et personnalités, on s'y retrouve tous peu ou prou, prisonniers d'un unique langage, nous conjuguons nos réalités avec les mêmes accords. Finalement, nous pouvons conclure, avec Roland Barthes que « le vrai lieu de l'originalité n'est ni l'autre ni moi, mais notre relation elle-même. C'est l'originalité de la relation qu'il faut conquérir. »



Qu'en pensez-vous ?

Commenter  J’apprécie          8914




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Roland Barthes Voir plus

Quiz Voir plus

Compléter les titres

De Diderot : "Les bijoux …...."

volés
indiscrets
de la reine
précieux

15 questions
91 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}