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Critiques de Serge Joncour (1574)
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Chien-Loup

Un livre, deux périodes, deux histoires séparées de plus de cent ans. 1914, les hommes partent à la guerre et les femmes restent et feront - par la force des choses - ce que les hommes faisaient avec les moyens du bords, moyens non engloutis dans la guerre. 2017, Lise entraine Franck en vacance dans un endroit reculé, dans une maison perdue. En 1914, un dompteur allemand est venu là cacher ses fauves. Sa présence a étayé toutes les ""on dit"". Seule Joséphine - la jeune veuve de son mari médecin - ne se laisse pas entrainer dans ces croyances d'un autre temps. En 2017, Franck se bat pour ne pas se faire phagocyter par ses jeunes associés. La nature, un chien vont le pousser à se battre.

Un livre bien écrit - les sentiments et les situations sont bien analysés. J'ai apprécié la façon de l'auteur d'aborder la probématique du tout connecté ; très actuel.

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Chien-Loup

Lise, une bobo parisienne, rêve de se déconnecter de la ville et des écrans le temps de quelques semaines. Elle entraîne son mari Franck dans cette aventure. Rien que de très banal. Même l'écriture au début du roman est convenue comme pour mieux souligner l'insignifiance de la situation. Mais, avec Serge Joncour, on sait d'avance que l'intrigue va sortir des sentiers battus et de la normalité (cf « L'écrivain national »).

Pour s'échapper, la quadragénaire a choisi de louer un gîte au fin fond du Lot. L'arrivée du couple en terre quercyenne (sic) est épique. A bord d'un puissant 4x4, Lise découvre avec émerveillement le paysage alors que son compagnon, un producteur en perte de vitesse forcé de s'associer avec deux jeunes aux dents longues lorgnant sur son catalogue de films pour le négocier à l'ogre Netflix, se désespère de ne plus voir les précieuses barettes s'afficher sur son portable.

Un siècle plus tôt, la Grande Guerre éclate. Les hommes sont envoyés sur les différents fronts. Les animaux sont réquisitionnés. Les femmes doivent s'occuper des cultures, de leur progéniture et des anciens. Le premier soldat mort au combat est le médecin. Son épouse, la sensuelle Joséphine, s'entiche d'un dompteur allemand vivant dans la montagne avec ses fauves. Précisément dans la maison où les Parisiens passent leurs vacances...

Selon un procédé narratif classique, le présent fait écho au passé.

Bien construit, « Chien-loup », dont le titre fait référence à un étrange canidé avec lequel Franck entretient une relation mystérieuse, est un roman qui s'interroge sur le rapport que le monde moderne entretient avec la nature. Conclusion : l'homme est bien un loup pour l'homme et le plus bestial n'est pas celui qu'on croit.


Lien : http://papivore.net/litterat..
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L'amour sans le faire

Louise,une femme seule,un enfant conçu par hasard qu'elle a délaissé à ses ex-beau-parents,un travaille précaire à mi-temps....

Franck,un homme seul,qui a volontairement coupé ses racines,qui filme continuellement,comme pour rattraper le temps présent,dont il ne profite pas...

Ca a l'air triste,mais c'est Serge Joncour qui écrit....Il aime ses personnages,méme dans la solitude ,méme dans le pétrin,il les couve,les guette,les enveloppe dans un cocon qui donne cette atmosphère agréable qui aére la lecture.

On sent que le chemin de ces deux personnages(liés par alliance) vont se croiser et alors?

"L'amour sans le faire" est un roman pudique sur ce qu'il y a de plus beau dans l'amour,une sensualité à fleur de peau et une grande douceur.Aidé par la nature sauvage et la présence d'un enfant qui bouscule les silences,Franck et Louise,deux êtres désenchantés,timides et silencieux vont réapprendre à aimer la vie.

Un trés beau roman qui fait du bien !

Je remercie Erveine dont la trés belle critique m'a fait découvrir ce livre!
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Chien-Loup

Homo homini lupus est :« l'homme est un loup pour l'homme », quelque soit le siècle, l’époque rien n’y changera.

Coup de cœur animal pour Chien-loup de Serge Joncour, roman félin à l’ écriture lyrique et cinématographique, de magnifiques descriptions, une symbiose avec la nature, une osmose et une fresque de cette verdure qui ne sont pas sans rappeler les nature writers et leurs talents, on ressent aussi des effluves de Maurice Genevois dans ce roman . L’auteur éveille en nous tous nos sens...visuels, olfactifs...

Il nous entraîne dans un endroit perdu du lot, dans le village d’Orcière peuplé de superstitions et de légendes dont il revisite l’histoire les époques enchainant en alternance, époques passé, présent ; 1914 -2017, l’histoire n’étant qu’un éternel recommencement.

1914 :Un dompteur allemand et ses fauves viennent trouver refuge sur le mont Orcière qui va devenir la scène d’un amour passionnel , fusionnel et le théâtre d’une tragédie. Le feu des canons raisonnant, faisant écho au feu de la passion qui submergent les amants maudits, les éclairs, les morts, électrisant les peurs viscérales et irraisonnées que l’inconnu et la guerre engendrent

2017 : Une actrice, Lise, que la maladie vient d’éprouver, et qui est en quête d’elle-même et son mari Franck, producteur, en perte de vitesse viennent passer leurs vacances dans un gite perdu au milieu des collines d'Orcière, loin de tout, privé de tout réseau, sans réel commodité moderne, chemins escarpés, pas de wifi, ni télé, ni bruit, seul le silence de la nature et une vue imprenable. De quoi rallumer les flamme, qu'elle soit créatrice ou du coeur.

Et ce chien-loup, magnifique qui rôde près du gite, que Franck,lui le réfractaire à la nature va amadouer et faire face de là , aux « jeunes loups » aux dents longues qui veulent pactiser avec ses ennemis de demain...

" Chien- loup " est un roman attachant, captivant, sauvage à l’écriture charnelle qui fait corps avec la nature et l’amour véritable. C’est une quête de soi, une redécouverte des vrais valeur,  un roman à multiples messages que je vous recommande de découvrir et de me faire partager votre ressenti

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Chien-Loup

L'histoire : été 1914, à Orcières dans les causses du Quercy, la guerre arrive mal, les récoltes n'ont pas été faites, alors on a besoin des hommes... qui partent pourtant se battre, pas le choix... Sauf quelques uns, qui ne peuvent pas pour une raison ou une autre. Et puis on cache les moutons dans les collines, pour qu'ils ne soient pas réquisitionnés comme les autres animaux du village. Alors forcément, quand ce dompteur allemand arrive avec ses bêtes et demande asile, on voit bien ce qu'il veut dire, et le maire voit bien où on peut l'envoyer en sûreté à l'écart du village...



Eté 2017, Lise vient de repérer sur Internet une annonce qui lui plaît bien, une vieille maison isolée à louer sur les hauteurs d'Orcières, dans les causses du Quercy, au calme, sans internet ni réseau, elle est emballée. Franck, son mari producteur de films, l'est nettement moins... Ils vont pourtant y partir 3 semaines...







Mon avis : alors que Franck part à reculons pour ce séjour de vacances qui prend un air de retraite coupée du monde, Lise y va avec un enthousiasme serein et une confiance que rien ne semble pouvoir entamer. Sur place, il faut reconnaître que c'est magnifique. Et puis Serge Joncour nous y emmène quasiment avec eux tant il nous parle des lieux avec ferveur, en détail, avec précision, et quel bonheur ! Et ces lieux, en plus, on les découvre à deux époques, à un siècle de distance, en suivant les deux histoires en parallèle, puisqu'on alterne les chapitres consacrés à l'une et l'autre histoires. La perception qu'on en a, d'un siècle à l'autre, est assez différente, et pourtant c'est la même terre assez sauvage, peuplée de bêtes plus que d'humains. L'auteur, dans une langue précise, locale, vive et paisible, classique et moderne à la fois, nous retranscrit formidablement la vision très différente qu'en ont les villageois de 1914 et les citadins de 2017, et ce fossé est absolument délicieux, et met en valeur à la fois le fait que l'homo modernus a perdu quelque chose au passage, et que la seule vraie Existence, la seule constante qui perdure, immuable et changeante, c'est elle : la nature...



Et donc dans cette nature vit, en 2017, un grand chien-loup qui semble avoir adopté Franck et Lise dès leur arrivée, et qui sera en quelque sorte leur guide, et pas que sur ces terres...



Et puis il y a ces histoires, et quelles histoires !!! Celle de l'époque de la Première Guerre, où courent encore les superstitions, où on mène une vie rude, mais un peu à l'écart du monde en feu dont on se préserve, où les rangs sociaux sont importants ; et puis celle d'aujourd'hui, où on est sans cesse à l'affût des barres de réception pour se brancher au bruit du monde, où courent les rumeurs autour des anciennes superstitions, et où les "montres" sont bien autre chose que des bêtes sauvages... A mesure du roman, l'inquiétude monte dans les deux siècles, les deux histoires, on a hâte de savoir, et en même temps on le redoute. Et on n'est pas déçu !!



J'ai adoré de bout en bout, aucune réserve !!
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L'amour sans le faire

"L'amour sans le faire " est mon premier roman de Serge Joncour. Un auteur totalement inconnu de moi.

" L'amour sans le faire " est l'histoire de deux personnes Franck et Louise, tous deux bousculés par la vie. Ils ne se connaissent pas.

" L'amour sans le faire " c'est une suite de non - dit, de rancoeur , de maladresse.

Franck le frère aîné a coupé les ponts avec ses parents agriculteurs, des gens rugueux, âpres comme la terre qu'ils travaillent.

Louise est perdue, elle ne se remet pas de la mort d'Alexandre le frère de Franck. Elle s'accroche tant bien que mal à la vie .

"L'amour sans le faire " c'est une nature omniprésente, un parfum de terre, cette terre grasse et nourricière, ces sous-bois écrasés de chaleur, cette rivière bienfaitrice, fraîche, ces soirées apaisantes entouré par la nuit qui vient, les insectes qui revivent.......

"L'amour sans le faire " c'est l'enfant, le petit Alexandre, le petit gosse bavard, plein de questions à la bouche.

J'ai eu la chance de rencontrer monsieur Joncour à la fête du livre de Saint Étienne, ce fut bref, le temps d'une dédicace.

"L'amour sans le faire " de Serge Joncour un grand moment de lecture.









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Repose-toi sur moi

Lui, un grand costaud issu de la campagne, est doté d'une présence physique un peu brute. Il est veuf (sa femme est morte d'un cancer), aime sa famille, paysanne et simple, et la nature qu'il a quittées pour travailler dans une société de recouvrement à Paris. Une ville dont il abhorre la proximité forcée avec les autres.



Elle, une bourgeoise parisienne, a de moins en moins de temps à consacrer à sa famille recomposée. En conflit avec son associé et de plus en plus déphasée avec son mari américain, elle est à une période charnière de sa vie et mal dans sa peau.



Ils habitent au même endroit, elle, l'immeuble rénové côté rue, lui, la partie délabrée côté cour. Seul point de contact entre ces deux mondes qui ne se mélangent pas, la cour arborée, malheureusement occupée par deux corneilles dont elle a une trouille bleue.



Devinez ce qu'il advint du bon sauvage et de citadine fragilisée ? Vous ne voyez pas ? L'amour bien sûr - après qu'il a dégommé les deux oiseaux de malheur pour lui faire plaisir, elle a envie de se reposer sur lui, le rude (mais tendre) paysan, à moins que ce soit le contraire.



Dans cette histoire entre deux êtres que tout sépare (qui n'est pas sans rappeler celle de La tombe du mec d'à côté) qui vont connaitre un amour rédempteur, Serge Joncour oppose la supposée solidarité campagnarde au prétendu égoïsme citadin. La démonstration, à mon sens, non dénuée d'un bon nombre de clichés et un brin caricaturale, manque un peu de finesse. Jouer sur les contrastes entre ville et campagne et dire que quand rien ne va, l'amour peut tout sauver, il fallait y penser et l'écrire. Serge Joncour l'a fait dans ce roman qui, s'il ne casse pas trois pattes à une corneille, est bien sympathoche quand même.

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Chaleur humaine

Des milliers d’arbres couchés au sol par une tempête, la grippe aviaire, la sécheresse, des insectes qui tuent les arbres, la tuberculose bovine, les frelons asiatiques et maintenant un virus qui s’est échappé de Chine et qui menace les cinq continents, les sept plaies d’Égypte, une atmosphère de fin du monde. Une catastrophe sanitaire réunit à nouveau cette famille de ruraux qui s’était morcelée, le délitement familial, le déchirement entre ceux qui ont quitté la terre et ceux qui y sont restés. Ils n’ont plus rien à partager, depuis longtemps, ils vivent dans deux mondes différents.



À travers le portrait de cette famille contrainte de réapprendre à vivre ensemble, Serge Joncour aborde des thèmes d’actualité : la ruralité et son isolement, la culture intensive, la course à la productivité, le changement climatique. Il nous interroge sur notre capacité à surmonter une épreuve et à réfléchir sur nos erreurs passées. Sur quelques semaines, Serge Joncour nous détaille avec subtilité l’avancée de la pandémie du Coronavirus avec ses conséquences sur les êtres, sur les animaux, sur la nature. Un récit tendre et drôle fait de petits riens, les personnages et leur caractère sont bien croqués.

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L'amour sans le faire

Les choses qui vont sans se dire vont tellement mieux en les disant.

Serge Joncour écrit tellement bien ces choses que ses mots envoûtants et rassurants à l’acuité et la lucidité indéniables vont faire accoucher des évidences et évacuer des torrents de divergences et de querelles.

Chaque confidence respire l’authenticité, chaque aveu révèle le vécu.

Cet écrivain me touche profondément, intensément. Chaque propos adhère à ma peau.



« Alors ne serait-ce que pour briser les habitudes, que les choses soient dites pour une fois. »



Louise et Franck sont liés par la terre, la terre des aïeuls pesante, collante, amoureuse comme la glaise sur la pelle.

Les parents de Franck n’ont jamais pardonné son manque d’intérêt pour la ferme et son départ en ville dont on ne revient pas ou si peu.

Louise était très amoureuse du frère de Franck, disparu trop bêtement et trop tôt. Son avenir tracé, balayé d’un coup.



Deux vies farouches, meurtries vont télescoper leur passé et apprendre à apprivoiser le présent dans ce décor rustique et sauvage que Serge Joncour affectionne particulièrement et qu’il dépeint d’une sauvagerie parfois plus apaisante que la bestialité humaine empreinte de tyrannie inexistante dans la nature.



« Ne pas pouvoir s’aimer et encore plus fort que de s’aimer vraiment. »









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Repose-toi sur moi

Parfois, ce n’est pas vous qui choisissez, c’est le livre qui vous invite à le choisir.

Vous le sentez intime, puisant, profond. En quelques lignes, j’étais au bout de l’hameçon.

« Repose-toi sur moi », une invitation ? Un besoin ? Un don de soi ?

Prenez la mesure de la solitude, de l’envie et du besoin de donner de l’amour, d’aller au delà sans en apprécier les conséquences.

Ludovic « savait qu’il n’aimerait plus, qu’il n’en serait plus capable, que plus jamais il ne prendrait ce risque. »

Et pourtant ! « C’est elle qui pris l’initiative, il avait des lèvres tellement charnues et douces qu’elle n’eut même pas le temps de se demander ce qu’elle faisait. »

Aurore en avait besoin de ce repos, de cette passion pour ne plus se sentir perdue, délaissée.

« Peut-être que ça existait ça, un homme qui donne du courage, un inconnu qui vous soutient quand les vôtres ne pensent même plus à la faire et que soi-même on ne veut pas leur demander. »

Paris, un même immeuble, deux mondes, une forêt dans une cour, des corbeaux et toute la sauvagerie urbaine et rurale que Serge Joncour relate tellement habilement.



Les longueurs pour les uns sont les besoins de profondeur pour les autres. Les personnages doivent prendre de l’épaisseur pour évaluer leur largeur de champ de conscience, la typicité de leur caractère, les raisons de leur comportement.

Pour ma part, toutes ces dimensions sont les véritables mesures du plaisir à lire les romans de cet auteur. (Voir Chien-loup)



« Seulement cet amour n’avait pas de sens, cette femme avait déjà sa vie, et dans cette vie il n’y avait pas de place, il n’avait rien à y faire dans cette vie, sinon la troubler, mais le trouble c’était peut-être ce qu’elle cherchait. »



Il est fiable et rassurant. Elle a besoin de repères et d’attentions.

C’est une styliste reconnue, c’était un agriculteur.

Elle était tout l’inverse de lui. Ils n’ont rien en commun.

Ils se connaissent au plus intime, elle aura toute la difficulté de monde à ne plus voir cet homme…



Il est brut, solitaire, passionné. « Sur l’instant, il eut envie de vivre avec elle, de ne plus la quitter, d’être lié à elle, mais ça ne se pouvait pas, ce soir elle serait de nouveau chez elle, de l’autre côté de la cour, irrémédiablement loin. »



Dans ce roman, la nature sauvage, indomptée est toujours présente, cruelle en opposition avec la vie citadine apprivoisée mais agressive et violente.

Les sentiments de malaise et de mal-être sont autant exacerbés que les sensations de bonheur et de grâce. C’est aussi une critique sur la réussite sociale et sur l’échec, avec une verve et une finesse à la maitrise parfaite.



C’était mon second Joncour, jamais deux sans toi.







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Chien-Loup

Lise loue une maison retirée de tout dans le Quercy pour y passer 3 semaines avec son producteur de mari, Franck.

Pas de connexion internet, de réseau de téléphone, la maison spartiate est au sommet d'une côte difficile d'accès même en 4X4.

Le lieu est inquiétant, sombre et sauvage.

Très vite Franck panique car il est aux abois professionnellement et il se doit d'être joignable à tout moment. D'où ses descentes quotidiennes à la petite ville voisine où il rencontrera le boucher du marché, des chasseurs "de sang", le patron en dreadlocks du café et où il en apprendra plus sur le passé de la maison.

Mais il va surtout rencontrer un chien énorme qui d'emblée semble lui obéir. Pris entre sa crainte et la fascination de l'animal, il se laisse peu à peu entrainer dans sa sauvagerie jusqu'à concocter un plan pour se débarrasser d'associés encombrants.

En alternance avec ce récit, on remonte dans le passé du lieu. La maison a été occupée pendant la 1ère guerre mondiale par un dompteur allemand qui s'y est réfugié pour sauver ses bêtes, lions et tigres, de la réquisition militaire.

Au village, en contrebas, cette présence dérange. C'est un Boche. Les bêtes ne cessent de gronder, de rugir et affolent les femmes, seules depuis que les hommes sont partis au front.

Et que mangent ces bêtes ?

Seule, Joséphine, la veuve du médecin ne le craint pas, est même attirée.

Ce va et vient entre les deux époques met en évidence des changements majeurs de notre société. Ainsi l'abondance de la nourriture et notamment de la barbaque, de la bidoche ; le silence béni par Lise contre celui inquiet de 1915...

Par contre, Franck est très conscient des bruits qui l'entourent, les craquements, bruissements, frottements. Ces bruits là l'inquiétaient. L'absence de "sons émis par la civilisation" lui manquaient : moteur, avion, tronçonneuse..

Et puis, très vite, grâce à Alpha, le chien, son binôme, il s'aventure, observe, écoute, protégé qu'il se sent par l'animal. Son côté enfantin est très séduisant.

Quand Serge Joncour évoque la paix qui semble régner dans la forêt alors qu'il s'agit "d'un espace de combat", cela m'a fait penser à la nouvelle "Douce nuit" de Dino Buzzati où chaque dévoreur se fait à son tour dévorer, cette violence de la nature qui n'a d'autre préoccupation que la survie.

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Chaleur humaine

Evocation d’un passé proche et ô combien encore bien présent dans nos conversations, au point d’en faire un repère temporel ("c’était avant ou après le confinement ?"), le roman s’ouvre avec le début de l’année 2020, alors que la Chine plongeait dans un scénario digne d’un mauvais film de science-fiction.

La Chine, c’est loin, c’est presque une autre planète, pas de quoi s’inquiéter …Mais avec les jours qui passent, la menace se précise et l’inquiétude succède à l’assurance méprisante affichée par les médias.



Alexandre est le seul de sa fratrie qui vit encore à la ferme, avec ses parents. Les autres ont fait leur chemin loin des bêtes et des champs, une sombre histoire d’éoliennes et de terrains vendus a définitivement coupé les ponts entre les frères et soeurs. Mais la vie en ville dans le contexte angoissant de ce début d’épidémie cafouilleux va changer la donne.



En reprenant les unes après les autres les étapes de cette période complexe sur le plan sanitaire et politique, Serge Joncour ajuste le focus sur une famille éclatée qui n’aura pas d’autres choix que de tenter de vivre ensemble, avec ses personnalités si diverses et par conséquent incompatibles !



L’ambiance n’est pas très cordiale, les personnages les plus sympathiques sont sans doute les trois chiots qui parfois monopolisent l’attention plus que l’actualité brûlante .



Ma lecture soufre sans doute de ne pas avoir fait la connaissance de cette famille dans Nature humaine, que ce roman me donne envie de découvrir dans un flash back opportun.



Il n’en reste pas moins que j’ai passé un bon moment à observer cette mésentente cordiale d’une famille qui pourrait être l’archétype de la cellule ordinaire de notre monde contemporain.





352 pages Albin michel 23 août 2023


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Nature humaine

Une histoire complexe ou plutôt plusieurs histoires en une. Il y a celle d’Alexandre, fils de fermiers dans le lot, qui va devoir reprendre la ferme de ses parents, ses trois sœurs préfèrant l’appel de la ville, de la modernité. Il y a celle de l’époque, la sécheresse en 1976, fin des années Giscard, des premières grandes surfaces et des activistes qui œuvrent contre les centrales nucléaires. Il y a celle de Constanze, grand amour d’Alexandre, qui veut réparer la planète. Et surtout l’avancée de notre monde sur deux décennies, les campagnes sacrifiées par notre désir de nous déplacer vite, toujours plus vite et de manger sans dépenser trop et de posséder tout le confort moderne avec la fée électricité. Ce versant de l’histoire est vertigineux. J’ai trouvé le côté politique et activiste moins intéressant, quand je lis du Joncour j’aime surtout découvrir les gens et leur façon de vivre dans leur monde. J’ai adoré cette famille paysanne qui essaie de composer avec le progrès et leur mode de vie et la question de l’héritage car si les sœurs d’Alexandre préfèrent une vie confortable à la ville, elles demanderont très vite leur part d’héritage forçant Alexandre à faire des choix ne lui convenant pas. L’histoire d’amour magnifique entre Constanze et Alexandre mais à distance car Constanze, libre comme l’air, parcourt le monde et choisit de vivre en Inde et Alexandre lié à sa terre ne peut la suivre.



J’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire, déroutée par ce changement de style de l’auteur qui nous emporte dans l’évolution de la société et du monde rural sur une vingtaine d’années, sur ce combat de jeunes adultes clairvoyants, certes, mais obligés de combattre dans la violence des explosifs.



Mais l’épilogue est mon passage préféré avec ces tempêtes de 1999, qui ravagent tout sur leurs passages, privant les habitants de l’électricité et du coup de ce monde moderne. Et qui s’en sort mieux ? Ceux qui ont encore des cheminées ou des poêles, des maisons solides, des postes à piles, des bougies, bref les gens de la campagne.



Je ne me rendais pas compte de la vitesse de l’évolution de cette modernité, peut-être parce que j’ai toujours un pied à la campagne, un pied en ville et que mon cheminement est plus lent. Je garde en tête depuis la fin de cette lecture, l’évolution du téléphone. Je me souviens parfaitement de celui de mon enfance, à cadran, sonnerie stridente, toujours installé dans une pièce de passage. Maintenant j’ai un portable que j’oublie dans un coin d’une pièce ou au fond d’un sac, systématiquement, privant mes proches d’une discussion, d’une info, d’un service, parce que je ne veux pas être esclave de cet objet que je ne pourrais pas recharger sans l’électricité. Objet réduisant les travailleurs, surtout en ce moment, en esclaves virtuels.



Une histoire perturbante mais salutaire à qui veut bien arrêter sa course folle de la vie moderne.
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Nature humaine

Un bien beau roman de génération mais qui peut être lu par tous. L'auteur, Serge Joncour a quasiment mon âge (à quelques années près) et presque tout ses souvenirs me parlent. Un livre où l'on prend plaisir à se souvenir des belles choses comme des moins belles.

Alexandre, vit avec ses parents et ses trois soeurs dans une ferme dans le Lot. le récit démarre en 1976, date de la première grosse canicule où la pluie est bénit par beaucoup de monde. Alexandre et ses soeurs, sont de jeunes adolescents ou encore des enfants. Puis nous passons en 1980, où la soeur aînée, Caroline, part vivre en ville à Toulouse pour finir ses études. Les deux petites soeurs, Agathe et Vanessa, rêvent de la ville également. Alexandre est pressenti par les parents et ses soeurs pour faire vivre la ferme familiale. Et les années passent encore...jusqu'en 1999.

A travers cette famille, Alexandre et les siens nous font revivre la vie paysanne et plus tard la fin d'un autre monde. Leurs histoires fait toujours référence à la grande, comme l'élection de Mitterrand, les anti-nucléaires, la catastrophe de Tchernobyl, la grande tempête de 1999. Elle fait nous souvenir également de l'essor technologique, la télé, le téléphone avec fil puis sans fil etc...bref plein de souvenirs qui font plaisir à lire.

Ce roman a eu le prix Fémina 2020, il le mérite amplement.
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Nature humaine

Nature Humaine d'une surprenante puissance romanesque.



Dans les dernières heures de la tempête de 1999, qui voit se produire le désastre de l'Erika le monde d'Alexandre est au bord de la rupture. La sécheresse de l'année 1976 est encore présente comme l'effondrement de Tchernobyl, Alexandre se pose une fois encore la question de sa responsabilité. Peut-on croire encore à la nature humaine.





Le roman de Serge Joncour nous invite à cette confrontation, un face à face magnifique, d'un romanesque épique, incarné notamment par un Agriculteur, en proie au doute, seul, mais déterminé à prendre en main son destin.





Se faire l'historien de l'agriculture française c'est la certitude de se faire écorcher par une sensibilité philosophique ou religieuse, ou par une école de santé, par l'élu d'un chef lieu, ou d'un chef pieu, souvent par la FNSEA ou la Confédération paysanne... Ce projet d'écriture mené par Serge Joncour, de restituer l'histoire de l'agriculture française entre 1976 et les années 2000, était donc un pari fou, car comment réconcilier autant de sensibilités.





À titre personnel, en 1976 je me trouvais 4 années après l'Agro, et en 2000 4 années avant ma retraite, et prêt à m'aveugler pour un projet utopique, valoriser les sous produits de l'Agroalimentaire, pudiquement appelés, " les déchets".





Ce pari romanesque est une totale réussite. "Nature humaine" deviendra une référence, il interroge sur le devenir des acteurs d'un monde rural essentiel, dans une société numérisée et virtuelle, monde parfois désigné être en déclin. Le questionnement est limpide et les acteurs crédibles, vivants, avec leurs défauts et leurs frustrations.



Quelques éléments de la trame romanesque.



Les quelques clés nécessaires à saisir le monde paysan sont posées. En effet sur cette période nous allons connaître dans l'agriculture, les sommets et la chute ; le pétrole vert de Giscard, et les IAA virtuoses du progrès, puis la chasse aux nitrates déclenchée par les écologistes représentés par Eaux et Rivières.

Aujourd'hui les pesticides ont remplacé les nitrates, ce qui représente une avancée spectaculaire. Nous avons subi deux vagues pandémiques d'origine anglaise, la vache folle, et la brucellose, autant de signes collés à leurs bottes, ceux d'une agriculture qui ne sait pas nourrir sainement, trop éloignée du bio, trop industrielle et libérale.





En 1976 l'agriculture et les syndicats agricoles étaient plébiscités. Des les années 2000 la cote d'amour du monde agricole ne fait que baisser, et se redresse timidement depuis 10 ans par le biais de l'agriculture biologique.





En pointant sa plume sur ce monde, Serge Joncour savait lucidement que son livre ne pouvait faire un tabac. Je le vois susciter quelques indulgences, avec cette interrogation, qui est loin de se dissiper, êtes vous ici, oui ou non, pour défendre la cause animale. En second rideau, l'autre interrogation, êtes vous ici, oui ou non pour le bio. Les bons points se distribuent à compte d'auteur.





Pour tous ceux qui placent la nature au niveau le plus élevée des préoccupations humaines, le livre de Serge Joncour, la Nature humaine est un livre irremplaçable, d'une justesse qui balise notre face-à-face avec la terre, et fait de la nature une cause commune, comme si enfin, on affirmait « ensemble écoutons battre la terre » .





Serge Joncour appuie là où les regrets sont les plus vifs, et ça fait mal.

Dans la famille Fabrier Caroline, l’aînée, était bien la seule à avoir confiance en l'avenir, souligne Serge Joncour page 110. Elle sera enseignante, pas agricultrice ni femme d'agriculteur. Pour reprendre l'exploitation il n'y a qu'Alexandre le garçon, qui suit l'école d'agriculture.





Donner du sens à sa vie, est la quête incessante d'Alexandre. Donner un sens à ce que l'on réalise, faire renaître ce que nos avons de plus profond en nous, de plus intime, n'est-ce pas faire revivre notre nature humaine.

Avec qui Alexandre va-t-il pouvoir appréhender ces questions fondamentales ? Si la porte de son père est toujours ouverte, les options qui lui imposent, ne sont pas acceptables. La volonté des parents de restituer à ses sœurs ce qu'Alexandre va recevoir est loin d'être un marché sans risques.



Quel projet va t-il suivre, comment se recentrer vers la nature



Abandonner la culture des anciens, comme le Safran, pour l'hypothétique rentabilité de l’élevage en batterie, ce sera non.

C'est auprès d'un voisin que le jeune Alexandre va comprendre au fil des années les raisons des conflits qui se déroulaient autour des fermes du Larzac. Le père Crayssac plongeant dans sa colère lui ouvrira les yeux sur les conséquences de la construction d'une autoroute Paris Toulouse.





Dès la première page Alexandre murmure à lui même, "pour la première fois qu'il se retrouvait seul à la ferme". Seul face à ses choix, malgré Constanze cette jeune femme qui ne cesse d'être en voyage et semble vivre à côté d'elle-même.

Être éleveur ce sera très difficile, et pour un jeune de Gourdon (46) encore plus difficile N'appelez pas les philosophe ou les bienheureux, ils vous diront « jeûnez » ou lâchez prise !

"Chaque vie se tient à l'écart de ce qu'elle aurait pu être mais il ne regrettait rien", page 9. Il garde en lui les parfums du safran, de la menthe et du patchouli comme une trace ineffable du passage de Constanze.





Serge Joncour nous offre aussi, au delà de l'émerveillement qu'il insuffle à ses personnages des subtilités romanesques insolites. Il joue avec des moments de complicité comme ceux passés avec le vieux Crayssac, quand celui-ci montre à Alexandre son trésor. Une confidence bien plus qu'un vrai lingot, un savoir qui donne du bonheur.



Quelle trouvaille de perdre 3 feuillets soit 9 pages et de les disperser dans les pages du livre à des dates inexactes.

C'est tout l'art humoristique et romanesque de Serge Joncour.

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Nature humaine

Tout d’abord je tiens à remercier les éditions Flammarion et l’auteur qui m’ont permis de lire ce roman en avant-première. J’ai découvert les romans de Serge Joncour avec Repose toi sur moi, puis Chien Loup que j’ai particulièrement aimé. J’avais hâte de découvrir ce nouveau roman au titre ambitieux mais aussi énigmatique tant on peut y aborder de sujets…

Dès les premières pages on comprend la place qu’aura la Nature dans le roman ; elle sera un personnage à part entière dans laquelle évolue Alexandre et Constanze sur une période de plus de vingt ans (du milieu des années 70 à 2000). Cette période est celle de mon enfance et adolescence que j’ai revécue avec le recul du temps, et l’analyse critique que l’on peut en avoir aujourd’hui. Les grandes vérités d’hier, l’agriculture intensive, le nucléaire, l’essor sans limite de la grande distribution, le développement de la mobilité tous azimuts …sont vues avec un prisme de 2020, année du confinement et de l’apparition de la notion d’un monde d’après. Pour autant l’auteur ne tombe pas dans un travers moralisateur ou dans des jugements manichéens. Au contraire j’ai trouvé parfois quelques bonnes phrases teintée d’humour et d’ironie positive. Il s’attache à donner du corps au récit grâce à de belles aventures Humaines ; celles d’Alexandre, agriculteur romantique terriblement empathique et Constanze post soixante huitarde éprise de liberté et en quête de sens et terriblement séduisante. Les personnages secondaires sont savoureux ; les sœurs d’Alexandre (que chacun reconnaitra dans sa propre famille), le père Crayssac, et son bon sens terrien….Avec eux Serge Joncour nous fait voyager dans le temps, nous met au vert dans une nature qui convie à l’émerveillement (les champs de menthe en fleur, on a l’impression d’y être), tout en laissant monter une tension qui rend la lecture addictive à la mode d’un page turner… On est quelque part entre le film « Petit Paysan » et la chanson « Le pouvoir des fleurs » ; c’est toute la force du roman : de traiter de sujets préoccupants avec une forme de légèreté dans un style léché et une belle densité du fait de la richesse des sujets abordés et de la vie de ses personnages.

Sans vouloir rentrer dans les classements ou préjuger des succès que rencontrera cet ouvrage, il est pour moi un must have pour quiconque a déjà apprécié un roman de Serge Joncour, mais aussi pour ceux qui souhaitent découvrir un auteur, qui arrive comme peu d’autre à raconter des histoires qui aident à réfléchir sur les rapports humains et celui que l’on a à la nature

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Chien-Loup

Il y a énormément de choses dans ce roman et il faut accepter d'accorder son esprit au rythme volontairement lent de la narration, parfois répétitif même. Comme si l'auteur demandait au lecteur le même effort qu'à Franck, son personnage soudain déconnecté de "la civilisation" et obligé de se réadapter au cycle naturel du temps. Et c'est ainsi, en cheminant tranquillement que l'on parvient à être littéralement projeté dans l'histoire.



Une histoire double ou plutôt duale, tissée de deux fils que l'auteur déroule d'abord en parallèle avant de les entremêler. Deux moments, à cent ans d'intervalle et un même lieu. Un village du Lot et une demeure très isolée, au sommet d'une colline, entourée de forêts. C'est cet isolement qui a plu à Lise, idéal pour satisfaire son envie de déconnexion et de retour à la nature. Pas de voisins. Vivre au rythme du soleil. Peindre, rêver. De quoi donner des sueurs froides à Franck lorsqu'il s'aperçoit qu'aucun réseau ne passe. Lui, producteur de cinéma toujours à l'affût se sent soudain en danger, vulnérable. D'autant qu'il se méfie de ses deux jeunes associés aux dents qui rayent le parquet. Et puis, les gens du village ne cessent de leur répéter que le coin regorge de bêtes sauvages... Même des lions ont vécu ici parait-il. Non, ce n'est pas une blague. En 1914, alors que la première guerre mondiale débutait, un dompteur d'un cirque voisin, allemand répondant au doux prénom de Wolfgang est venu se cacher au sommet de la colline avec ses lions et ses tigres. Sous le regard méfiant des habitants, propice à alimenter toutes les légendes.



Ce sont donc ces deux histoires que Serge Joncour déroule en parallèle et en alternance par des courts chapitres qui semblent se répondre. Ce qu'il explore avec habileté, c'est la notion de sauvagerie, qui n'est pas moins présente chez l'homme que chez l'animal. On apprend à la réfréner, en principe, mais elle peut s'avérer très utile dans certains cas. C'est ce que va peu à peu découvrir Franck dont le cheminement est assez fascinant, une évolution qui commence par la rencontre avec un chien-loup qui deviendra son compagnon d'équipée et qu'il décide de nommer Alpha. En se réappropriant ses instincts dits primaires, en se reconnectant avec d'autres êtres vivants non corrompus par la civilisation, Franck réapprend la prédation, la sauvagerie qui préside à la survie. Une sauvagerie que Wolfgang avant lui avait dû mettre en pratique à la place de ses fauves auxquels il devait se substituer pour les nourrir, eux qu'il ne pouvait se permettre de laisser chasser en liberté.



"Nourrir des fauves convoque la barbarie. Pour que ses lions vivent, il devait tuer. Chaque jour il s'adonnait à la cruauté la plus totale, sans s'en défendre ni le revendiquer. Toutefois, cette barbarie elle venait d'eux, c'étaient leurs gueules avides qui le contraignaient au crime. "Tuer pour vivre", l'imparable commandement qui règle le règne des animaux sauvages, c'était à Wolfgang qu'il revenait sans fin de l'honorer, devenant encore plus animal qu'eux, encore plus sauvage".



Il y a quelque chose d'assez jouissif à observer la mue de Franck, sous les yeux d'une Lise qui semble toujours dans son élément, en phase avec la nature comme elle l'est avec elle-même. Il y a des scènes captivantes, comme celle qui voit Franck, converti depuis longtemps par Lise au véganisme, soudain éprouver le besoin de mordre dans une viande sanguinolente pour renouer avec cette sauvagerie qu'il réapprend à convoquer... et faire face aux jeunes loups qui seraient prêts à abandonner sa carcasse sur les chemins encombrés du business et de l'argent.



L'homme est un animal dont des années de civilisation et d'intelligence ont poli les instincts primaires. Qui subsistent donc. Qui apparaissent d'ailleurs chaque jour sous des allures policées, des instincts pervertis car détournés de leur sens premier qu'est la survie de l'espèce. Reste à trouver le subtil équilibre entre tous les éléments qui le constituent et lui permettent de vivre dans les nouvelles jungles modernes.



Une démonstration habile, un roman qui se dévore avec un bel appétit et qui donne beaucoup à réfléchir sur la relation de l'homme avec son environnement.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Chien-Loup

Lise décide de réserver une maison de vacances, au fin fond des Causses, un endroit si reculé que même le réseau téléphonique ne l’atteint pas ; afin de décompresser, déconnecter dans tous les sens du terme. Son mari, Franck, est beaucoup moins convaincu, surtout que pour son travail de producteur, il est toujours sur le front, face à ses nouveaux collaborateurs qui veulent vendre leurs fonds à Netflix.



En 1914, au même endroit, la première guerre mondiale a appelé tous les hommes au front. Reste seulement un allemand, un éleveur de lion, qui décide de se cacher sur le haut de la colline avec ses félins, ce qui engendre une certaine crainte au village.



N’ayant pas adoré le précédent roman de Joncour, je n’étais pas plus disposée que ça pour lire celui-ci ! Mais on m’en a fait une critique élogieuse, j’ai décidé de lui laisser sa chance et je ne le regrette absolument pas !



L’alternance des époques est un procédé maintenant classique, mais qui marche ici très bien. On suit donc d’un côté Lise et Franck, plutôt ce dernier d’ailleurs. Il y a à la fois leur découverte de ce lieu unique, du chein-loup sauvage qui vient bientôt les accompagner leur solitude et toute la thématique autour du travail de Franck. Il y a également une partie importante de l’intrigue sur le végétarisme, mais d’une manière ou d’une autre, les animaux ont une place vraiment très importante dans le récit.



D’un autre côté, en 1914, on suit la vie du village une fois que les hommes sont partis à la guerre, le manque de nouvelles, les premiers deuils, mais aussi, de façon moins classique, le travail de la terre fait par les femmes. Le dompteur de lion est donc présent à tout instant dans les esprits alors qu’au village personne ne le voit, mais les cris des félins, le fait qu’il soit allemand et un homme renforce la différence entre lui et le reste des villageois (essentiellement des femmes qui, en plus, s’occupent des moutons). La place des animaux a encore une fois une place importante, l’auteur nous décrit notamment la façon dont ils ont été envoyé à la guerre, qu’il s’agisse des chevaux, des pigeons voyageurs ou encore du bétail abattu par milliers pour ne même pas suffire à nourrir les hommes qui combattaient.



Ce roman est donc vraiment très riche, il aborde énormément de sujets, nous décrit une nature sauvage avec forces de détails visuels, olfactifs, afin de nous immerger totalement dans l’une ou dans l’autre des époques. Les personnages sont attachants et ont tous une vraie existence propre (ils n’existent pas les uns en fonction des autres, ils sont vraiment très réalistes et pourraient exister), ce qui est bien montré par la manière dont est nommé le chien-loup, une fois Bambi quand on est du point de vue de Lise, une fois Alpha, lorsque Franck est au centre du récit.



Je crois que de tous ceux que j’ai lu de la rentrée littéraire, c’est celui qui ressort le plus du lot, en littérature « blanche », en tout cas.



Un vrai coup de cœur, que je vous conseille de toute urgence !
Lien : https://girlkissedbyfire.wor..
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Chaleur humaine

Dans cette "nature humaine", entre "chien-loup", "l'écrivain national" de "repose toi sur moi" invite à "l'amour sans le faire" et nous offre ainsi toute sa

"chaleur humaine".

Serge Joncour c'est la tendresse, des choses simples, les plaisirs d'une vie à la campagne, c'est aussi la force et la délicatesse. Son écriture précise et poétique, ce lien entre l'homme et la nature, m'ont séduite dans tous ses romans.

Dans Chaleur Humaine, l'auteur renoue avec la famille de Nature Humaine.

On sent la volonté de rassembler ces personnages, les réconcilier après des années de silence.

Il ne s'agit pas d'un livre sur le confinement mais la nécessité de renouer ce lien inscrit dans l'histoire familiale, ce lien qui relie aux origines.

Cette famille d'agriculteurs composée des parents Angèle et Jean, le père, un rien réac, anti-progressiste, plein de bon sens et d'humour en font un personnage attachant.

Vanessa, Agathe et Carole, leur rêve : la ville !

Alors elles partent habiter à Paris, Toulouse, Rodez, se déracinent, laissent un foyer désuni et ne reviennent qu'exceptionnellement.

Alexandre, leur frère, en froid avec elles depuis qu'elles ont préféré céder les terres familiales pour y installer des éoliennes :

gagner de l'argent avec du vent !

Ils ont pourtant vécu une enfance en harmonie.

"Il en va des familles comme de l'amour, d'abord on s'aime, puis un jour on n'a plus rien à se dire, signe qu'on doit changer profondément."

J'ai aimé le personnage d'Alexandre, le fils, le frère rassurant, le repère de cette famille à qui ses soeurs reprochaient de ne pas avoir de rêve : d'être un homme du passé.

Constanze, l'amour d'Alexandre, une militante écologiste, partie puis revenue s'occuper d'une réserve biologique naturelle en Corrèze; des séparations, des retrouvailles...

Il s'écoule une quinzaine d'années...

Ironie d'une réalité inédite, la pandémie arrive et lui offre la perspective de réconcilier cette famille.

Alexandre est le brave type (mais pas con) disponible à l'autre, il est le pôle de stabilité de ce cheptel.

De bonne volonté, il va aller chercher ses soeurs et les ramener aux sources :

la campagne, sa revanche sur la ville !

Le seul refuge durant ce confinement, pour aller et venir en toute liberté.

Partager ce monde rural avec les animaux et comprendre que la terre pourra continuer sans l'homme. Revenir aux évidences : les vaches mangent de l'herbe !

En froid, ils ont du mal à se parler mais face à un virus respiratoire

"ceux qui font la gueule s'en sortent mieux" les taiseux seront moins source de contamination...



Et dans cette campagne du Lot, dans cette famille apprenant à cohabiter, trois créatures apporteront une véritable poésie, une note blanche au milieu de la verdure.

Un bichon à la campagne ça fait sourire !

Car s'il y a bien un chien qui n'est pas adapté à la ferme, à la boue ...

Mais trois !... trois "Rintintin"

Trois chiots, des bichons maltais, vont semer une délicieuse pagaille.

Ils vont passer leur temps à se salir, être lavés, jouer

Faire des bêtises pour attirer l'attention !

Trois boules de poils blancs tout doux

Pour illustrer la fragilité

Pour réunir cette famille

Se retrouver dans cette tendresse de caresses

"Une douce euphorie en coursant les chiots"

"C'était le tableau d'une famille réconciliée, accomplie et heureuse" !



C'est toute la bienveillance et l'humanité de Serge Joncour.





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Chien-Loup

"Chien Loup" est le roman que j'offre le plus depuis sa sortie à l'automne 2018.

Neuf mois après sa lecture, j’en conserve un souvenir marquant. Comme un grand cru, il s'agit d'un vrai roman de "garde", à conserver précieusement dans sa bibliothèque. Pour ne pas qu’il jaunisse et traverse le temps, comme ses personnages, je le dégusterai à nouveau dans le futur, quand je ressentirai le besoin de fuir le rythme effréné du quotidien, la dictature de mon smartphone ou lorsque, perdu au milieu de nulle part, pour échapper à mes semblables, je m'interrogerai sur la mémoire des lieux désertés.

J'avais adoré "l'Ecrivain national" et "Repose toi sur moi", ses derniers romans, mais je trouve que le double récit de "Chien loup", à un siècle d'intervalle, dans un lieu unique, permet à la plume délicate de Serge Joncour de laisser plus de libertés à ses personnages. Au contact des animaux (chien loup et fauves) et de la nature, ils parviennent presque à s'échapper de l'histoire pour mieux nous décrire leurs sensations.

Les deux histoires se font écho. La première se déroule durant la première guerre mondiale et décrit la passion interdite, dans un village isolé du Lot, d’une veuve de guerre avec un allemand, dompteur de fauves. Ce récit nous montre avec beaucoup de justesse comment ces femmes sont sorties de leur rôle d’épouses et de mères pour travailler la terre, élever des animaux et subsister. Aux fauves, dont la cage emprisonne la fureur animale, répond la sauvagerie de certains habitants de ce village dans cette période dévastatrice.

La seconde histoire narre les vacances d’un couple de citadins dans cette même contrée à notre époque. L’auteur décrit très bien le difficile sevrage du quotidien et de l’hyperactivité. Peu à peu, la nature et l’homme vont s’apprivoiser à l’image de cette bête, mi-chien mi loup, qui se cherche un maître tout en protégeant sa liberté. Durant ce parcours initiatique, les secrets sanglants des lieux vont se révéler et face à la voracité du monde moderne qui les rattrape, le héros bobo végétarien redevient « viandard », quitte ses costumes griffés de victime, et transforme ses associés prédateurs en proies pour protéger son territoire.

Pour moi, un classique.



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