Une excellente plume nous emporte dans ces deux histoires parallèles, qui conjuguent la chaleur intense du sud-ouest américain avec la solitude des personnages et l'errance des fantômes des morts. Le rythme plutôt lent du récit est compensé par une atmosphère unique, à la beauté mélancolique. Une très belle découverte !
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Arizona, fin du XIXe s. Dans le comté d'Amargo vit Nora, femme de 37 ans, mère de trois enfants, fermière. Son mari Emmett est parti à la recherche de l'eau et n'est jamais revenu, les deux de ses fils ont aussi quitté la maison, après une violente dispute. Reste Toby, enfant angoissé et obsédé par une bête imaginaire.
Le destin de Nora va croiser celui de Lurie Mattie, orphelin d'un immigré musulman venu des Balkans, ancien fossoyeur, un hors-la-loi, envoyé dans l'United States Army Camel Corps.
L'ambiance de ce roman est assez particulière, rude et brutale comme la chaleur et la terre desséchée qui réclame de l'eau. Et cette atmosphère, on se l'approprie d'une certaine façon. La mort omniprésente et les fantômes deviennent ainsi des compagnons indispensables pour combler le manque des vivants.
Ainsi Nora raconte sa solitude à Evelyn, sa fille décédée bébé, Josie, la cousine d'Emmett, organise des séances de spiritisme pour converser avec des esprits, Lurie conte ses tourments du passé à son chameau Burke.
Le roman très western rappelle un fait historique méconnu : l'utilisation par l'armée des US des chameaux comme animaux portant des chargements lors de la guerre civile au XIXe s. L'expérience fut un fiasco.
Un texte intéressant et riche avec un style parfois déroutant, le récit s'installe sur une centaine de pages, doucement, avec des flashbacks.
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Une lecture mitigée, par moments j'étais prise par l'histoire surtout celle du grand-père, quant à celle de Natalia je me suis ennuyée. Pas d'intrigue, pas de rebondissement, c'est plat, malgré tout, ça reste intéressant à découvrir.
J'ai de loin préféré la partie "conte" avec l'homme qui ne meurt pas et la femme du tigre donc avec le grand-père.
L'écriture est parfois superbe et parfois quelconque, ce roman est à l'image des montagnes russes et j'ai eu beaucoup de mal à trouver un certain plaisir à le lire. Je n'avais qu'une hâte c'était d'arriver au bout non sans mal.
Passons à autre chose avec plaisir !
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L’idée de base était intéressante mais il y a un gros hic dans le scénario…. Un résumé prometteur mais qui pourra en faire des déçus par le déroulement de l’histoire. En effet, on démarre avec cette Nathalia, une infirmière partant en mission pour un orphelinat, qui normalement est l’héroïne du livre…Mais celle-ci sera supplantée par les flash-backs importants du grand-père, et notamment par les différents contes présents dans ce livre…Cette partie majeure (divertissante par moments) a enlisé l’intrigue principale qui reste au point mort. En attendant, Nathalia est restée sur le bord de la route pendant longtemps…Et le lecteur aussi.
Malgré tout, je me suis accrochée au récit pour savoir comment l’auteure allait se débrouiller pour revenir au cœur du scénario. Du potentiel, cela ne fait aucun doute mais qui ne fera pas l’unanimité des lecteurs.
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Un univers à la Kusturica !
Premier roman d'une jeune romancière américaine qui n'a perdu le lien avec ses origines Balkaniques, elle évoque à merveille les histoires, les légendes, le folklore d'une région qui a subi tant de bouleversements. Il y a quelque chose de l'univers de Kusturica dans ce livre !
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La narratrice est médecin humanitaire dans un pays d'ex-Yougoslavie. Elle relate l'ambiance laissée par la guerre et nous conte la vie de son grand-père qui vient de décédé. Roman entremêlé de contes, d'histoires intercallées.
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Dans un pays ruiné par les guerres dans les Balkans, on suit Natalia, une jeune femme médecin en mission humanitaire. Elle apprend la mort de son grand-père et se remémore son enfance à ses côtés. Elle se souvient des histoires qu’il lui racontait, celle de l’homme-qui-ne-mourra-pas et de la femme du tigre. On oscille alors entre réel et irréel, entre l’histoire familiale et le conte.
Ce roman nous donne à réfléchir sur les ravages de la guerre, sur la difficulté de vivre dans un pays coupé en deux, dans lequel les amis de toujours deviennent des ennemis, sur l’appartenance à une terre et le déracinement. L’autre thème important est la transmission familiale, la transmission des légendes propres à tout peuple.
C’est très bien écrit et même s’il ne se passe pas grand chose on se laisse entraîner avec plaisir à la suite de Natalia. L’alternance entre le quotidien de Natalia et ses souvenirs d’enfance est très bien menée et entretient malgré tout un certain suspense.
Un joli moment de lecture.
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Je l'ai lu avec un plaisir constant, le retrouver au fond de mon sac durant plusieurs jours est devenu un moment privilégié. Le roman qui se déroule dans les Balkans, entre un grand-père et sa petite fille tous deux médecins, la guerre omniprésente, un dispensaire perdu dans l'ex-Yougoslavie, des tranches de vie. Le tout entouré de mystère dont celui de "l'homme-qui-ne-mourra-pas". Mon goût pour les films d'Emir Kusturica n'est évidemment pas étranger à ma critique élogieuse. Il est certes épais, mais pas trop, et puis ici pas de longueurs languissantes ni de digressions inutiles... Si les autres oeuvres de Téa Obreht sont du même tonneau je suis preneur.
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Au début, on se perd un peu dans ces histoires qui s'entremêlent, qui sont en fait sur plusieurs époques. Toute l'intrigue porte sur le grand-père de l'héroïne, son enfance, sa rencontre avec la femme du tigre et l'homme-qui-ne-mourra-pas, et sa propre mort. Écriture à la fois onirique et réaliste, fantastique et terriblement concrète. Un OVNI à découvrir et à lire jusqu'au bout, car le livre, comme le bon vin, se bonifie et devient intéressant au fur et à mesure !
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Dès son premier roman, La femme du tigre, Téa Obreht, 25 ans seulement, est comparée aux plus grands par la critique américaine, Garcia Marquez, en particulier. Un peu excessif, comme toute louange, mais pas totalement dénué de fondement. Téa Obreht, née à Belgrade vit aux Etats-Unis depuis l'âge de 12 ans et, bien que son livre se déroule intégralement en ex-Yougoslavie, sa construction et son style "sonnent" très américains. Quelques ateliers d'écriture ont dû passer par là. Ceci posé, La femme du tigre est un ouvrage hautement recommandable dans cette jungle qu'est la rentrée littéraire 2011. Parce qu'elle est une conteuse née, Téa Obreht, il ne faut pas plus de 10 pages pour s'en apercevoir, et qu'elle est extrêmement douée pour mélanger réalisme et magie, dans ce livre nourri de légendes et de mythes des Balkans. En parallèle, la romancière fait exister plusieurs histoires, dont certaines remontent à l'empire ottoman et se prolongent jusqu'à l'après guerre en Serbie. Le coeur du livre évoque le thème de la transmission entre un vieil homme qui vient de mourir, et sa petite-fille, médecin comme lui, et qui a grandi en écoutant ses histoires incroyables. Deux d'entre elles se développent au fil du livre, revenant à tour de rôle, comme un feuilleton haletant. Celle de La femme du tigre, qui donne son titre au roman, qui se passe au cours de la deuxième guerre mondiale ; celle de l'homme-qui-ne-mourra pas, aux contours franchement fantastiques. Ces deux fables, obsédantes, gorgées de fantaisie et de bizarre noirceur, rendent le roman passionnant. Dans l'histoire de son pays de naissance, déchiré par un siècle de guerres, la dernière fratricide, Téa Obreht trouve un terreau fertile pour narrer des contes où l'irrationnel et les superstitions se taillent la part du lion. Euh, du tigre ... Un livre brillant, rusé et félin, un peu en-deçà de ses ambitions, tout de même, mais qui ne lâche pas sa proie de lecteur avant la fin. Décevante, d'ailleurs, mais on lui pardonne aisément.
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Un livre dense qui relate l'histoire contemporaine de Natalia, médecin humanitaire partie vacciner des enfants dans un orphelinat d'une région "bombardée par les nôtres", l'annonce du décès de son grand-père en cours de route, et les souvenirs de Natalia sur la vie passée avec son grand-père...
Prétexte à nombre d'histoires parallèles, récits de croyances religieuses, de superstitions, au sujet des morts qui ne le sont pas vraiment tant que... (lire le livre pour comprendre !).
L'écriture est remarquable, très bien restituée en français par la traductrice.
Attention aux lecteurs "volages" : le roman requiert une certaine dose de concentration pour s'y retrouver avec les personnages passés, présents, réels, imaginaires, originaires de telle région ou de telle autre de l'ex-Yougoslavie... Je ne pense pas que l'on puisse dire que "La femme du tigre" soit un roman facile à lire. Nonobstant, c'est un très bon livre, merveilleusement bien écrit (l'auteur n'a que 25 ans, mazette !) et bien traduit.
Au début, et même pendant un moment, nous hésitons à identifier cette région, ces pays des Balkans, cette guerre : l'auteur ne donne pas de précisions, au lecteur de se refaire l'histoire. Mais une histoire récente et qui pour des lecteurs européens "parle" beaucoup. Et une histoire de l'Histoire remarquablement mise en mots par l'auteur. Au fil du récit, l'on déduit que Natalia est serbe, et confirmation est faite que l'ex-Yougoslavie est cette région des Balkans à laquelle le résumé de l'éditeur fait (prudemment) allusion. L'auteur se réfère à Belgrade comme étant "la Ville", Tito n'est jamais nommé mais désigné comme "le Maréchal"... En revanche, des noms de villages sont réels (Sarobor...).
Les moments forts du roman (méli-mélo chronologique) :
- Avant/après-guerre pour Natalia: Contrôles des passeports aux frontières, attention portée aux consonances des noms de famille, à l'origine religieuse...
La Ville... Bruit des bombes, éclairages rougeoyants des sites en flammes.
Se préoccuper du sort des animaux du zoo, l'éléphant se promenant en ville, le tigre qui dévore ses propres pattes.. les habitants qui déguisés en animal (un pyjama ou un plumeau sur la tête suffisent) font le piquet devant le zoo pendant le couvre-feu.
- Natalia : grand-père orthodoxe, marié à la grand-mère musulmane ("mahométane") de Bosnie qui ont vécu leurs premières années heureuses de mariage à Sarobor dans la région natale de la grand-mère.
- Le "Livre de la Jungle" corné... que le grand-père portait toujours dans sa poche : grâce à Téa Obrecht, nous redécouvrons le bestiaire du roman de Rudyard Kipling ("une mangouste, pas une fouine"... qui s'appelle d'ailleurs Rikki Tikki Tavi (!)). L'affection pour les animaux tient son rôle dans le livre puisque le grand-père a rituellement toutes les semaines emmené sa petite fille au zoo.
-"L’homme-qui-ne-mourra-pas" que croise le grand-père à différentes époques : ce personnage, victime d'un sort l'empêchant de vieillir et mourir, porte sur lui une tasse dans laquelle il décrypte l'empreinte du marc de café bu par ses interlocuteurs et sait immédiatement si ceux-ci vont vivre ou mourir rapidement. NB : Après avoir lu ce livre, qui refera le test du marc de café !
- Les études de médecine de Natalia et Zora et toutes les anecdotes: comment obtenir un passe-droit pour disposer d'un cadavre à disséquer, et la quête illégale d'un moule de crâne de l'autre côté de la frontière... Des moments "drôles" du récit !
- Des histoires dans l'histoire ou bien des "digressions" : la jeunesse de Luka le boucher, jadis musicien traditionnel passionné par son art et sa dérive en boucher violentant sa femme, la vie de Darisa le chasseur d'ours taxidermiste, celle de l'apothicaire musulman contraint de dissimuler son origine depuis l'adolescence...
- Et la Femme du Tigre: sourde et muette, "mahométane", abusée par son mari Luka le boucher, et dont l'histoire (dont Natalia a toujours cru qu'il s'agissait d'une légende) est basée sur un épisode véridique de la jeunesse du grand-père de Natalia : dans son village natal de Galina, où vivaient aussi Luka le boucher et sa femme sourde-muette, rôdait un tigre échappé d'un zoo suite aux bombardements allemands en 1941. Alors que le village est en émoi, que la chasse au tigre est ouverte, la sourde-muette nourrit l'animal et l'apprivoise quasiment. Elle devient "la femme du tigre".
NB : la référence au tigre échappé du zoo, nous l'avons découverte dans le film Underground (1995) d'Emir Kusturica, qui s'inspirait du fait réel de l'époque des bombardements nazis sur Belgrade.
- Episode absolument incroyable et inoubliable : La famille de "Duré" qui creuse dans le verger d'une propriété toujours habitée, pour retrouver le cadavre d'un cousin enterré là pendant la guerre en toute précipitation, dans une valise, des années avant, et dont l'âme du mort ainsi enterré sans sépulture a jeté un sort sur la famille. Et la joie et le soulagement de retrouver la valise, après avoir mis sens dessus dessous le verger, et de pouvoir laver les os et effectuer le rite avec le "coeur" du défunt.
L'un ou les deux récits "dans le récit" qui m'ont le plus marquée ?... Pourquoi ce titre ?... : la suite sur mon blog http://coquelicoquillages.blogspot.fr/2012/04/tea-obrecht-la-femme-du-tigre-ex.html
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Téa Obreht possède l’audace de la jeunesse lui permettant d’emprunter un chemin détourné, celui des légendes et superstitions, afin de raconter les blessures béantes laissées par les guerres ethniques des Balkans.
Dans cette contrée aux lignes géographiques éclatées, les frontières de la réalité se révèlent floues : les épidémies seraient des maléfices et les morts des esprits errants. Les superstitions sont encore très vivantes dans cette région, elles permettent aux vivants ou « survivants » d'apprivoiser leurs peurs et les horreurs vécues.
C'est ce que découvre Natalia, jeune médecin serbe en mission humanitaire. Relativement préservée par cette guerre un peu lointaine, forte de l’insouciance de la jeunesse _ et quelque peu étrangère aux légendes _ la mort mystérieuse de son grand-père avec lequel elle avait noué une solide complicité, fait tomber toutes les résistances de la jeune femme...
Le récit est réellement surprenant parce qu’il s’inscrit dans une contrée géographique mal définie, une rationalité aux frontières abolies, une narration au rythme bousculé. Et pour un esprit cartésien, cela est même est déroutant. Il convient un temps d’adaptation au récit où se télescopent sans cesse imaginaire et monde réel, souvenirs et réflexions d’une narratrice un peu perdue dans ce monde où les fables glissent comme des ombres dans la banalité du quotidien.
Pour autant, on se laisse captiver par cette « réalité », les contes confèrent une certaine beauté morale à la laideur du quotidien d’après-guerre où la mort est encore très présente. Ici la fable ne se borne pas à la transmission d’histoires de génération en génération, elle prend une dimension merveilleuse permettant d’appréhender une vie hostile, faite de conflit, d’épidémie, de deuil et de haine.
Avec une écriture cinématographique, l’auteur, doté de réels talents de conteuse, convoque tous les fantômes du passé de son pays d'origine que l’on découvre plein de poésie, peut être pour sanctuariser la paix présente face aux traumatismes.
Lecture savoureuse et dépaysante.
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Natalia, médecin, est partie dans un orphelinat des Balkans pour une campagne de vaccinations. Un jour, sa grand-mère l’appelle pour lui annoncer que son grand-père, parti pour rejoindre la jeune femme, est mort dans un village au Nord. Or Natalia n’était pas au courant de ce voyage…
Ce premier roman d’une auteure vivant aux États-Unis, qui a gagné l’Orange Prize 2011, est beaucoup plus complexe à résumer qu’il n’y paraît. Il mêle en effet une intrigue assez classique à des récits qui s’apparentent un peu à des fables, des histoires issues du folklore populaire dans une région où subsistent beaucoup de superstitions. L’ambiance fait penser un peu à celle des romans de Gabriel García Márquez, transposée dans les Balkans et leurs innombrables guerres. Mais l’histoire touche de toute façon l’universel, et le mélange entre le réalisme et le folklore tricote une histoire étonnamment émouvante. Un texte surprenant.
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