Citations de Téa Obreht (41)
Tenter d’écrire sans lire revient à prendre la mer tout seul dans un petit bateau. C’est une triste et dangereuse aventure. N’aimerais-tu pas mieux voir un horizon de bout en bout gonflé de voiles ? Faire signe aux autres navigateurs ; admirer leur habileté ; chevaucher leur sillage quand cela t’arrange, sachant que tu traces également le tien et qu’il y assez d’eau et de vent pour tous ?
« Le temps ne change pas ,
Les temps non plus.
Seules changent les choses au cours du temps .
Les choses auxquelles on croit, et celles auxquelles
On ne croit pas » ...
James Galvin, Belief.
« L’automne débutait tout juste, et la vallée offrait le spectacle resplendissant de sa propre mort.
Des explosions de jaune se dressaient, pareilles à des feux d’alarme, au- dessus des rivières subductées où les peupliers , au moins, avaient réussi à trouver de l’eau. ».
Ces derniers temps, un ours a saccagé plusieurs resserres dans les environs de Narrow Creek.
Il était extrêmement remarquable qu'un corps humain pût recevoir tant d'impressions simultanées et être en mesure de se concentrer sur chacune d'elles séparément, et sur toutes en même temps.
Lorsqu'on avait le bonheur de jouir d'un certain attrait, on pouvait continuer de hanter une pièce longtemps après l'avoir quittée.
Les grenouilles-taureaux étaient tout à leurs gambades nocturnes. Leurs appels bouffis résonnaient en amont et en aval de la rivière. Les tiges des prêles s'entrechoquaient, vibrantes, et, pareilles à des fers de lance opinant du chef, certaines formaient une longue ligne que brisait un banc de sable effilé, placé de biais en travers du cours d'eau. Une tortue de vase qui se découpait en ombre chinoise longeait cet obstacle, plaçant une patte griffue devant l'autre.
" Il n'aurait pas du dire une chose pareille à Jolly. Vous ferez bien de prendre exemple sur vos mulets: ils ont la sagesse de crainder nos chameaux."
Pour nombre d'entre nous, nos jardins sont les cimetières où sont enfouis nos coeurs mêmes.
Plus je vieillis, Burke, plus j’en viens à comprendre que les gens extraordinaires sont rongés par leurs soucis et que les minables sont à jamais portés de l’avant par leurs illusions.
Des années durant, nous avions lutté pour conserver notre insouciance face à la guerre. Dés qu’elle se termina - sans prévenir, sans même nous avoir touchés en Ville -, notre indignation éclata. […] Il nous fallut surtout lutter pour prouver que nous méritions d’en arriver là, donner tort aux journaux qui prophétisaient l’échec de la génération de l’après-guerre.
Nous sommes tous marqués par ce que notre éducation nous laisse en héritage.
Page 458.
La solitude et la page blanche étaient les seuls plaisirs qu'il s'octroyait. Tout en chevauchant, il posait des feuilles de papier sur ses genoux et griffonnait sans relâche. Depuis ma place, à l'arrière du convoi, je ne distinguais que des étendues obscures mais, en regardant de plus près, on découvrait des mondes entiers sur ces pages. Des couchers de soleil. Des paysages remplis de caravanes. Les ruines d'une ferme envahie par la végétation.
L'automne débutait tout juste, et la vallée offrait le spectacle resplendissant de sa propre mort. Des explosions de jaune se dressaient, pareilles à des feux d'alarme, au-dessus des rivières subductées où les peupliers, au moins, avaient réussi à trouver de l'eau.
Il pleuvait parfois si dru que des rivières entières dévalaient dans les canyons, comme si leurs vannes avaient été soudain ouvertes dans l'endroit souterrain, quel qu'il soit, où sommeillent tous les cours d'eaux.
Que n'aurait-elle donné pour être un animal et plonger et plonger le menton dans cette boue rouge, presque stagnante! Le clair de lune, qui avait forgé comme un second cours d'eau à sa surface, brillait tel de l'acier martelé entre les rochers.
Elle s'était attendue à ce que le noir fût à présent total, mais une dernière bande de lumière, qui se resserrait peu à peu, se cramponnait encore aux collines. A l'est, quelques nuages pâles s'effilochaient dans l'obscurité. Devant elle, ses genoux bousculaient des gouttelettes de rosée accrochées à la sauge.
Ce que nous voyons avec le coeur est souvent autrement plus vrai que ce que nous voyons avec les yeux.
Quand la nuit dernière ces cavaliers sont descendus jusqu'au gué, j'ai bien cru que notre compte était bon.
Quand un homme meurt, il a peur et te prend tout ce dont il a besoin; ça fait partie de ton boulot de médecin de le lui donner, de le consoler, de lui tenir la main. Les enfants, eux, meurent comme ils ont vécu - dans l'espoir. Ils ne savent pas de quoi il retourne, si bien qu'ils ne s'attendent à rien, ils ne te demandent pas de leur tenir la main - et, à la fin, c'est toi qui as besoin qu'ils serrent la tienne. Face aux enfants, tu ne peux compter que sur toi.