Citations de Tove Jansson (161)
Si on marche dans la mousse une fois, cela forme un trou profond qui ne se referme pas pendant une semaine. Si on marche dessus une deuxième fois, on fait un trou pour toujours. La troisième fois qu’on marche sur la mousse, elle meurt.
Un copain peut dire des choses blessantes, mais le lendemain, c’est oublié. Un copain ne pardonne pas, il oublie simplement. Une femme pardonne tout, mais n’oublie jamais. C’est comme ça.
Vous connaissez la différence entre un premier amour et le dernier ? On pense toujours que le premier sera le dernier et que le dernier est le premier...
- C’est quoi vraiment, le devoir ?
- Faire ce que tu n’as pas envie de faire.
Le papa et la maman Moumine recevaient tous leurs nouveaux amis avec le même calme : ils se contentaient d'agrandir un peu la table et d'installer quelques lits en plus. Ainsi la maison des Moumine était-elle devenue une maison très fréquentée où chacun faisant ce qui lui passait par la tête et où l'on se souciait rarement du lendemain. Naturellement il s'y passait parfois des choses scandaleuses et même terribles, mais personne n'avait jamais le temps de s'ennuyer. (C'était là l'essentiel.)
La grand-mère n'était pas toujours très logique. Elle avait beau savoir qu'il ne faut pas se faire de mauvais sang pour les petites îles qui prennent soin d'elles-mêmes, elle s'inquiétait toujours quand arrivait la sécheresse. Le soir, elle trouvait une excuse pour descendre jusqu'au marais où elle avait caché un arrosoir sous les aulnes, et avec une cuillère à café elle écopait jusqu'à la dernière goutte. Elle faisait ensuite le tour de l'île, versait un petit peu d'eau ça et là sur ses plantes préférées, et remettait l'arrosoir dans sa cachette. A l'automne, la grand-mère recueillait des graines sauvages dans des boîtes d'allumettes, et le dernier jour, avant de quitter l'île, elle allait faire un tour et les plantait, mais personne ne savait où.
Helga avait un appareil photo avec lequel elle immortalisait tout ce que sa cheftaine vénérée entreprenait.Elle collait ensuite les photos dans un cahier qu'elle ne montrait à personne.C'était son trésor secret, une protection contre le monde dangereux qui l'entourait.
( Livre de poche, 2023/ La Peuplade, 2019)
La solitude, dit la grand mère, certes, c'est un luxe.
Si enrichissant, n'est ce pas ? Dit Malander.
Oui,dit la grand mère, mais on peut aussi la trouver en compagnie des autres, bien que ce soit plus difficile.
-Tout va bien. Je pensais que nous devions commencer notre nouvelle vie en nous levant tôt.
-Mais pour quoi faire ?
-Je ne sais pas… c’est un principe, coucher tôt, lever tôt.
-Pourquoi pas lever tard et coucher tard ?
-Je ne sais pas, mais ce n’est pas vertueux…
Sniff se réveilla un instant en sentant quelque chose contre son museau. C'était le petit chat. Il l'entoura de sa patte et ils s'endormirent ensemble.
Une île peut être vraiment terrible pour quelqu'un du dehors. Tout est établi, chacun tient obstinément sa place, calmement, avec assurance. Entre les limites de leurs rivages, tout fonctionne selon des rituels devenus immuables à force de se répéter et, en même temps, ils parcourent leurs journées de façon capricieuse et fortuite, comme si le monde prenait fin à l'horizon.
La grand-mère pensait à cela avec une telle intensité qu'elle en oublia les pommes de terre et Bérénice!
L'atelier est plein de sculptures, de grandes femmes blanches qui ont toujours été là. Elles sont partout, les mouvements de leurs bras sont indécis et timides et elles regardent au loin parce qu'elles sont indifférentes et tristes, mais pas comme mes anges. Certaines ont des chiffons d'argile sur la tête et la plus grande, une corde à linge autour du ventre. Les chiffons sont mouillés et, quand on passe à côté, ils caressent votre visage comme des oiseaux blancs et froids dans l'obscurité. Ici, il fait toujours sombre le soir. (page 157)
Quand un tibou doit rassurer et protéger une demoiselle, que tout devient différent, magique, irréel !
"En fin de matinée, papa s'énerve, car il prend Noël très au sérieux et a du mal à supporter tous les préparatifs. Il redresse chaque bougie et nous met en garde contre le risque d'incendie. Il se précipite dehors pour acheter du houx, une minuscule brindille qui est plus belle que des roses ou des orchidées et qu'il faut accrocher au plafond. Il ne cesse de demander si c'est absolument sûr que tout est prêt et trouve soudain que la disposition de Bethléem ne convient pas du tout. Puis il boit un coup pour se calmer. Maman écrit des vers et sort les restes de rubans dorés et de papiers cadeau de l'année précédente".
« Prendre l’argent d’un autre n’est excusable que quand on peut le faire fructifier et le rendre en un partage équitable. » (p. 64)
- Mais c'est le printemps! dit Sophie. Ils ne meurent pas maintenant, ils sont tout nouveaux et viennent à peine de se marier, c'est toi-même qui l'as dit.
- Certes, dit la grand-mère, mais cela n'empêche pas qu'il vient de mourir.
- Comment est-il mort alors? hurla Sophie.
Elle était très en colère.
- D'amour inconsolable, expliqua sa grand-mère. Il a chanté et "gaglé" toute la nuit pour sa cane, mais un autre est arrivé et la lui a volée, alors il a plongé la tête sous l'eau et s'est laissé emporter par le courant.
- Ce n'est pas vrai, cria Sophie, et elle se mit à pleurer. Les hareldes ne peuvent pas se noyer. Raconte comme il faut.
Alors la grand-mère raconta qu'il s'était tout simplement heurté la tête contre un rocher, il chantait et "gaglait" si fort qu'il ne regardait pas où il allait et cela lui était arrivé juste au moment où il était le plus heureux.
- C'est mieux, dit Sophie. On devrait peut-être l'enterrer?
- C'est inutile, répondit la grand-mère. A la marée haute, il s'enterrera lui-même. Les oiseaux de mer doivent être enterrés comme les marins.
Nous marchions le long de la plage, toujours lui devant et moi derrière. Quand il s'arrêtait, je m'arrêtais et je me tenais immobile à le regarder frapper, mais pas trop près. Il n'avait pas beaucoup de temps à me consacrer. Parfois, quand il se retournait et qu'il m'apercevait, il faisait semblant d'être terriblement surpris. Il se penchait en avant, plissait les yeux et essayait de m'examiner avec sa loupe, puis secouait la tête comme s'il était impossible que quiconque puisse être aussi petit que moi. Enfin il me voyait tout de même, il reculait de surprise, prétendait tenir quelque chose de très petit dans ses mains, et nous riions alors tous les deux.
Il était une fois un tibou qui vivait tout seul dans une maison isolée.
Il avait tellement peur que quand venait la nuit, il allumait toutes les lampes, se glissait dans son lit et geignait doucement, caché sous son duvet.
Oui, il était encore plus seul qu'il ne le croyait.
De leur pas lourds, les hémules arpentaient les ténèbres chaque soir.
Au loin, le terrible hurlement de la maura retentissait dans le noir.
Partout les portes étaient fermées et les lumières allumées chez tous les petits êtres terrifiés, réunis pour se réconforter.
Mais qui va rassurer le tibou et lui expliquer calmement que la nuit, tout paraît toujours plus effrayant que ça ne l'est vraiment ?
P-S : J'ai lu quelque part que les textes écrits au feutre devenaient illisibles au bout d'une quarantaine d'années. Qu'en dis-tu ?
Séduisante perspective, en fait.
A moins que tu n'envisages d'écrire tes mémoires ...
(…) Plus loin, sur une pierre plate dans l’eau, gisait un harelde. Il était trempé et mort et ressemblait à un sac de plastique froissé. Sophie déclara que c’était une vieille corneille, mais sa grand-mère ne la crut pas.
– Mais c’est le printemps ! dit Sophie. Ils ne meurent pas maintenant, ils sont tout nouveaux et viennent à peine de se marier, c’est toi-même qui l’as dit.
– Certes, dit la grand-mère, mais cela n’empêche pas qu’il vient de mourir.
– Comment est-il mort alors ? hurla Sophie.
Elle était très en colère.
– D’amour inconsolable, expliqua sa grand-mère. Il a chanté et « gaglé » toute la nuit pour sa cane, mais un autre est arrivé et la lui a volée, alors il a plongé la tête sous l’eau et s’est laissé emporter par le courant.
– Ce n’est pas vrai, cria Sophie, et elle se mit à pleurer. Les hareldes ne peuvent pas se noyer. Raconte comme il faut.
Alors la grand-mère raconta qu’il s’était tout simplement heurté la tête contre un rocher, il chantait et « gaglait » si fort qu’il ne regardait pas où il allait, et cela lui était arrivé juste au moment où il était le plus heureux.
– C’est mieux, dit Sophie. On devrait peut-être l’enterrer ?
– C’est inutile, répondit la grand-mère. À la marée haute, il s’enterrera lui-même. Les oiseaux de mer doivent être enterrés comme les marins.