S'il est un livre à retenir dans l'ancestral silence.
S'il est un livre piédestal de la littérature.
S'il est un livre souverain, invincible.
Ce livre, le voici : «
La fille du sculpteur » de
Tove Jansson, traduit du suédois par
Catherine Renaud.
L'olympien au garde-à-vous dans l'ampleur d'une écoute spéculative, «
La fille du sculpteur » est un classique à l'aube-née.
On aime cette voix enfantine conter l'heure sacrée de sa vie passée sur une île celle de Nyttisholmen dans l'archipel de Porvoo. Rarement un livre a une telle grâce. Dans cette capacité hors norme d'octroyer au lecteur le chemin labyrinthique vers sa propre intériorité. Ce récit est une fleur éternelle.
« Ensuite grand-père et grand-mère ont construit une grande maison avec un toit mansardé, de nombreuses pièces, fleurs et arbres, jusqu'à ce que la prairie devienne un jardin d'Éden. » « En vérité, en vérité, je te le dis, a déclaré Karin. Les élus seront toujours couronnés. »
Cette fillette qui s'éveille dans un antre privilégié est l'espace même de nos espérances. L'île de l'archipel de Porvoo :
« C'était comme un aquarium brillant dans la nuit, c'était la mangeoire de Bethléem ou la plus grande émeraude du monde. » « Et alors mon iceberg s'est éloigné de moi en glissant doucement. »
Temps de règne, quintessence, l'enfant observe, touchante et intuitive. Florinna (c'est son prénom) tient en main le plus beau parchemin pour s'émanciper, l'art en diapason.
« Maman dessinait chaque jour dans la véranda et envoyait ses illustrations à Borgà par le bateau qui vendait des harengs. » « Papa l'a regardée, puis est allé inspecter le hangar à bateaux. Pour finir, il s'est rendu en ville récupérer sa selle de sculpteur, sa caisse d'argile, les armatures de fer et tous ses outils à modeler. »
Florinna s'épanouit. Éveil formateur, paraboles, cette fillette approuve le langage d'un imaginaire exalté.
Tove Jansson dépeint plus qu'une famille, une île, mais les mouvements et les contre-chants, les merveilles de la création et l'amour encerclant cette idiosyncrasie regain et salvatrice. A l'instar d'un respect pour les uns et les autres et, dans cette joie pleine, l'aube façonnée de ses mains se renouvelle subrepticement.
« Les samedis, Fanny était la personne la plus importante de toute la baie, et c'est pour cela qu'elle chantait pour elle-même avec une voix monotone et aiguë. » « Les hiboux ont volé et les lutins ont traversé la scène. »
Voyez cette intrinsèque trame, cette écriture flamboyante et posée qui m'a bouleversée et fait pleurer sous la sève de beauté absolue. Assignée à cet espace-monde où Florinna gravite, marche après marche l'apothéose des sculptures symboliques : « de grandes femmes blanches ». Ce qui est délicieux, c'est l'imprévisibilité des regards de cette enfant poète et perspicace. Cette constance d'élévation, la satisfaction de ressentir le glacé de la pierre à tailler. Métaphorique sens à fleur de main. Une créature à édifier pour le champ du monde.
« Les sculptures de papa se déplaçaient doucement autour de nous dans la lumière du feu. »
Écriture millénaire, Porvoo essentialiste, ce texte magistral est le modèle même du summum vital. Retenir cet hédonisme chantant, cette enfant lumineuse.
« Mieux vaut ne pas trop y penser, mais dès que possible tout régler avec une bonne action. » « Je veux dire, n'importe qui peut laisser s'échapper le danger, mais l'astuce consiste alors à le déplacer. »
Transcendant, bleu nuit, solaire, «
La fille du sculpteur » est culte. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.