AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Upton Sinclair (81)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La jungle

j'ai relu ce livre ce weekend. J'avais aimé à l'époque, mais depuis j'ai lu le roman d'Upton Sinclair.

Finalement, le principal intérêt de cette adaptation est de m'avoir fait découvrir l'oeuvre d'Upton Sinclair. De la construction dramatique du roman de Sinclair, de l'ineluctabilité de la tragédie (plutôt de la succession de tragédies qui frappent Jurgis), il ne reste qu'un empilement de péripéties à peine évoquée et pas toujours d'une grande clarté. Le style de Kuper fait diversion, mais j'ai presque l'impression d'un compte-rendu de lecture illustré. Au moins Kuper ne tombe pas dans le misérabilisme larmoyant, mais en si peu de pages, il ne peut pas exprimer grand chose de construit ou d'intéressant formellement.

Au moins, grâce à Peter Kuper, j'ai découvert Upton Sinclair. C'est déjà ça.
Commenter  J’apprécie          20
La jungle

Il y a clairement du Zola et du Dickens dans les faits relatés par Upton Sinclair dans La jungle. Mais ici, c'est aux côtés d'une famille d'immigrés Lituaniens que nous découvrons l'Amérique du début du XXe siècle, dans l'univers des abattoirs de Chicago.

Outre les détails souvent sordides de la vie quotidienne, on perçoit l'évolution de l'état d'esprit du héros principal, Jurgis ; à son arrivée sur le nouveau continent, chargé d'espoir, Jurgis est persuadé qu'en travaillant il s'en sortira, lui et sa famille, "je travaillerai encore plus", lance-t-il lorsque les difficultés s'accumulent. Il ne comprend d'ailleurs pas pourquoi les ouvriers des abattoirs ne sont pas contents de leur sort et pestent contre les cadences inhumaines... N'ont-ils pas un travail après tout ?

Mais au fil du temps, le solide lituanien et sa famille sombrent lentement mais inexorablement dans une misère que l'auteur décrit en détails, parfois insoutenables. Le système broie les hommes aussi surement que les carcasses de boeufs, avant de les mettre au rebut pour les remplacer par d'autres.

Les malheurs arrivent, et Jurgis ne pourra peut-être pas garder sa maison, voire son emploi...

Une roman très dur, à lire absolument, et dont bon nombre de réflexions sont encore, et malheureusement d'actualité.
Commenter  J’apprécie          272
La jungle

C'est le premier livre que j'ai lu... lorsque j'étais ado... (houuuuu, il y a tellement longtemps que je ne saurais vous dire la date) mais... je me souviens parfaitement qu'il traite de la condition humaine dans cette Amérique que certains de mes camarades cherissaient tant... et que je ne pouvais manifestement "déjà" plus entrevoir comme un El Dorado.



Vision d'ado: mais ho combien réaliste!



A lire absolument!
Commenter  J’apprécie          10
La jungle

Dans le style d'un Zola ou d'un Steinbeck, ce roman, désormais classique nous plonge dans la machine broyeuse qu'est la pauvreté. En l'espèce, celle des travailleurs immigrés du secteur de la viande à Chicago dans les années 1900. C'est certes maintenant de l'histoire, et heureusement, nous n'en sommes plus là. Pourtant ces débuts du capitalisme sont instructifs. Les questions ne se posent aujourd'hui, dans nos pays occidentaux, plus de façon vitale, mais l'importance de l'éducation, de la connaissance des droits, des rapports de pouvoir et la dureté de la loi du marché sont toujours d'actualité. Si ce livre montre le chemin parcouru, il interroge aussi sur celui qui reste à parcourir et demeure de ce point de vue toujours actuel, même si la réponse socialiste collectiviste qui termine le livre a un peu vieilli. Pratiquement, le style est clair, l'histoire prenante et la lecture agréable.
Commenter  J’apprécie          160
La jungle

La vie est trop belle ? Ras-le-bol de vous lever avec la banane et de chanter « What a wonderful world » sous la douche ? Vous vous dites qu’avec un peu de vaillance et d’optimisme on peut gravir, voire déplacer des montagnes ? Vous adorez les burgers juteux et le lard scintillant ?

LISEZ « LA JUNGLE », ça va vous calmer.



Ce récit est l’histoire d’une famille lituanienne qui part pour la Terre promise et arrive en ENFER. Et rien, ni l’amour, ni le courage, la solidarité, le travail acharné ou même l’espoir, ne parviendra à sauver Jurgis, Ona et leur famille de l’Ogre qui les attend à Packingtown ; vaste quartier de Chicago où se trouvent les « habitations » des malheureux destinés à « nourrir » les abattoirs de la ville.



À l’aube du XXe siècle, le marché de la bidoche est en plein boom aux USA, et les assommoirs à bétail poussent comme des champignons. Adieu veaux, vaches, cochons, rats (et, parfois même, ouvriers « Sergeï ! T’as pas vu Vytautas ?) et bonjour les poulardes, les rôtis, les saucisses, les pâtés de cerf et les porcelets !



Sauf que :



« Dans les boutiques, ces produits étaient vendus sous différents labels, de qualité et à des prix variés, mais tous provenaient de la même cuve. Sortaient aussi de chez Durham […] du pâté de jambon qui était préparé à base de rognures de viande de bœuf fumé trop petites pour être tranchées mécaniquement, de tripes colorées chimiquement pour leur ôter leur blancheur, de rognures de jambon et de corned-beef, de pommes de terre non épluchées et enfin de bouts d’œsophages durs et cartilagineux que l’on récupérait une fois qu’on avait coupé les langues de bœuf. »



Des « amuse-bouche, qui mettent en appétit » comme dirait Godefroy…



Animaux et humains, brisés, malades, souvent plus morts que vifs entrent dans la gueule du monstre pour y laisser tous leurs biens ; tant matériels qu’immatériels.

Et pareilles à des mouches prises dans une toile, les forçats, leurs femmes et leurs enfants se débattent pour finir vidés de leurs substances et broyés comme les bêtes qu’ils estourbissent, écorchent, saignent, et découpent, par milliers, chaque jour, pour assouvir l’appétit démesuré d’un capitalisme sauvage et impitoyable.



Pourquoi s’infliger une telle dose d’horreur et de désespoir, me direz-vous ?

Peut-être pour savoir ce qui se passait et donc s’interroger sur ce qui se passe sans doute encore (merci L214).



Et surtout pour rendre hommage au pouvoir des livres et à la ténacité de l’auteur dont l’excellent récit (qui, lui, se dévore) a changé les choses.



Upton Sinclair, bien que menacé de mort, parvint à faire éclater la vérité ; il fut reçu à la Maison-Blanche et la condition des travailleurs dans les abattoirs s’améliora significativement. Ce Zola made in USA est un héros qui sauva, sans doute, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants avec son art et pacifiquement.

Et ça, ça vaut bien 5 étoiles.

Commenter  J’apprécie          329
La jungle

« On utilise tout dans le cochon, sauf son cri » : telle est la devise capitaliste chez Brown and Company. En racontant ce qui se passe à Packingtown, ce vaste quartier de Chicago comprenant les parcs à bestiaux, les abattoirs et les logements des ouvriers, Upton Sinclair va connaître son premier grand succès littéraire. L’auteur, qui rendra fous de colère les cartels, mais que son envie de réforme porte au combat, sera même reçu par Roosevelt à la Maison-Blanche.



La Jungle s’ouvre sur le mariage d’Ona et de Jurgis : on s’amuse, on danse, on mange… Mais la fête a coûté d’importants sacrifices et la liesse cache quelque chose de douloureux et de misérable.



Dans cette scène inaugurale, antithèse de ce que sera la vie des personnages, l’auteur annonce la tragédie d’une famille lituanienne qui se débattra pour ne pas sombrer dans le malheur total. Comme dans un roman naturaliste, Upton Sinclair nous narre l’histoire de Lituaniens, qui vendent tout ce qu’ils possèdent pour partir, espérant sortir de la misère et vivre le rêve américain. Ils sont douze à prendre le bateau pour cette nouvelle terre : Jurgis, Antanas (son père), Ona (sa fiancée) Elzbieta (belle-mère d’Ona), Jonas (frère d’Elzbieta) et les six enfants de celle-ci. Ils quittent leur pays natal le cœur rempli d’un espoir qui sera long à s’éteindre. Dès leur arrivée, ils sont freinés par la barrière de la langue. Heureusement, ils trouvent sur place des compatriotes qui les aident autant qu’ils le peuvent, leur donnent de quoi dormir et manger en attendant d’obtenir du travail.



À Chicago, à la fin du XIXème siècle, l’industrie de la viande est en pleine expansion : des abattoirs à perte de vue, des conserveries, une machine à tuer des milliers de bêtes par jour ! Lorsqu’on entre dans l’usine, on croirait lire la description de ce qui se déroule de nos jours dans les élevages industriels et les abattages à la chaîne, tels qu’on en a vu récemment grâce aux vidéos de L214, avec des ouvriers qui considèrent les animaux comme de la marchandise. Chacun est assigné à sa tâche : il y a celui qui assomme, celui qui écorche, celui qui balaie les boyaux, etc. La première fois que Jurgis et sa famille pénètrent au cœur des abattoirs pour une simple visite, ce ne sont que stupeur et dégoût.



S’ensuit une description de la roue à laquelle les animaux sont pendus avant d’être saignés. Mais, comme tous les autres, les spectateurs s’habituent, ravalent leur peur, passent leur chemin. Malgré des pages très fortes et brutales sur le sort réservé aux bêtes, le roman d’Upton Sinclair n’est pas réellement engagé sur cette question. En tant qu’écrivain-journaliste, s’il dénonce ces horreurs, c’est pour mieux mettre en lumière les rudes conditions de travail des hommes, exploités par des patrons sans foi ni loi et cupides. La cruauté envers les animaux n’est qu’une métaphore de l’existence pitoyable des travailleurs. En 1906, la conscience de ce que leur fait subir l’être humain n’a pas éclos. Upton s’intéresse à la condition de l’homme, à la grosse mécanique qui le happe et le broie : qu’il patauge dans le sang ou respire les phosphates des usines à engrais, c’est son malheur qui est mis en valeur, comme le fait qu’il puisse, déjà à cette époque, manger n’importe quoi.



(...)

La suite sur Le Salon littéraire.


Lien : http://salon-litteraire.lint..
Commenter  J’apprécie          12
La jungle

Jurgis Rudkus, le personnage principal, et sa famille quittent leur pays natal, la Lituanie, pour traverser l'Europe et l'Atlantique et venir s'établir en Amérique comme tant d'immigrés à l'époque. Ils atterrissent à Chicago et trouvent tous du travail chez Durham et Compagnie, le trust de la viande qui n'hésite pas à employer pour des salaires de misère, hommes, femmes et enfants.

Ils découvrent très vite que la vie en Amérique est beaucoup plus chère que prévu et que leur salaire à tous ne suffira pas pour vivre. Les enfants ne pourront pas aller à l'école et ils resteront au bas de l'échelle malgré leur ardeur quotidienne à la tâche.

De plus les conditions de travail sont déplorables, l'été il fait une chaleur étouffante dans les locaux, l'hiver les mains et les pieds gèlent, les cadences sont infernales et les accidents quotidiens (gelures, coupures, intoxications, évanouissement, morts). Le lecteur découvre effaré et choqué, les conditions de travail déplorables y compris pour les enfants, l'absence d'hygiène y compris pour les consommateurs futurs, rien n'étant jeté y compris la viande avariée ou celle des animaux malades...tout est transformé et mis sur le marché. Et je ne parlerai pas de la cruauté insoutenable qui règne dans les lieux.

La famille décide d'acquérir une petite maison que l'agent immobilier prétend neuve ce qui leur permettrait d'être chez eux un jour. Ils ne savent pas que cela précipitera leur perte, en cas de non paiement, la maison leur sera retirée sans compensation des sommes versées. Ils ne parlaient pas un mot d'anglais et donc c'était facile pour les exploiteurs de les tromper.

Il n'est pas étonnant que dans de telles conditions et devant les drames que doivent vivre la famille de Jurgis, celui-ci craque, se batte avec un supérieur qui a abusé de sa femme, et se retrouve en prison précipitant la famille dans la misère. Se retrouvant sur liste noire, il est impossible désormais pour lui de retrouver du travail à sa sortie. Il fera pourtant tout ce qui est en son pouvoir, partira sur les routes, tentera sa chance tout en essayant de survivre.

Les ouvriers ne peuvent dans ces conditions se rebeller car ils perdent tout, les femmes se prostituent, les enfants croulent sous la pénibilité du travail.

Pourtant malgré la déchéance physique, la perte de l'espoir, des solutions se profilent, appartenir soi-même à la mafia dirigeante ou au contraire se tourner vers cette nouvelle idéologie montante que l'on appelle le socialisme ? Jurgis devra choisir pour retrouver un sens à sa vie et sauver peut-être ce qui peut l'être.



Je suis restée abasourdie par cette lecture choc, dure et tellement réaliste que l'on se demande comment un tel monde a pu exister et malheureusement existe encore de nos jours avec les conséquences de la mondialisation, plus d'un siècle après l'écriture de ce livre qui a fait scandale lors de sa sortie en 1906.

Impossible de s'habituer à voir une telle souffrance animale ou humaine...un tel désespoir face à l'avenir et à l'effondrement de tant de vies d'immigrés gâchées pour toujours, qui ont cédé à l'attrait d'un monde meilleur. C'est un récit effroyable mais qui fait écho à l'actualité, à la montée de la pauvreté, au racisme ambiant, aux immigrés qui se noient en méditerranée et à notre monde où l'argent prime sur l'homme, et où les plus riches méprisent encore et toujours ceux qui leur ont permis d'acquérir leur richesse et de vivre leur vie de nantis et je ne parle pas de la classe politique corrompue.

Ce livre poussera le président des Etats-Unis de l'époque (Roosevelt) à enquêter sur les installations et les conditions d'hygiène et à créer une loi sur l'inspection sanitaire, mais aussi à enquêter sur les conditions de travail ce qui a permis à des réformes du droit du travail de voir le jour.

Certes, nous savons à présent que les conditions de vie des ouvriers ont évolué et que les millions d'hommes et de femmes, grâce aux grèves gigantesques de 1920, sont arrivés à faire entendre leur voix. Mais tout cela ne peut que nous mener à une terrible constatation, trop peu de choses ont changé dans certains pays.


Lien : https://www.bulledemanou.com..
Commenter  J’apprécie          171
La jungle

Le voici enfin! Le livre que nous attendions depuis tant d'années! "La Case de l'oncle Tom" de l'esclavage du salariat! L'ouvrage du camarade Sinclair, "la Jungle", et, ce que la "Case de l'oncle Tom" a fait pour les esclaves noirs, "la Jungle" a de grandes chances de le faire pour les esclaves du salariat d'aujourd'hui.

C'est essentiellement un livre actuel. (...) Il est vivant, plein de chaleur. Plein de vie, jusqu'a la brutalité. Il est écrit de la sueur, du sang, des gémissements et des larmes. Il décrit, non pas l'homme tel qu'il devrait être, mais comme il est contraint d'être dans notre monde du vingtième siècle. Il décrit notre pays, non pas tel qu'il devrait être, tel qu'il semble être dans l'imagination des orateurs éloquents célébrant l'anniversaire du 4 juillet, c'est-à-dire la patrie de l'égalité des chances; mais il le dépeint tel qu'il est en réalité, la patrie de l'oppression et de l'injustice, un cauchemar de misères, une géhenne de souffrances, un enfer pour l'homme, une jungle de bêtes féroces.

Jack London

Commenter  J’apprécie          30
La jungle

Passionnant historiquement parlant et bouleversant humainement parlant
Commenter  J’apprécie          10
La jungle

C’était le bon vieux temps… Ambiance folklorique oblige, La jungle s’ouvre sur une cérémonie lituanienne de l’acziavimas. Un défilé de personnages s’anime sous nos yeux : Teta Elzbieta apporte les mets du banquet, la grand-mère Majauszkiene complète avec le plat débordant de pommes de terre, Tamoszius Kuszleika remplit la salle des mélodies endiablées et joyeuses qu’il tire de son violon, faisant danser les invités au nombre desquels on découvre Jurgis et Ona, tandis que Marija Berczynskas, infatigable, se démène d’un bout à l’autre de la salle pour assurer le bon déroulement de la cérémonie, veillant à ce que les règles et les traditions soient appliquées selon le bon ordre. On ne s’ébroue pas dans la richesse mais enfin, il y a des pommes de terre, du jambon, de la choucroute, du riz bouilli, de la mortadelle, des gâteaux secs, des jattes de lait et de la bière ; et puis surtout, les retrouvailles sont joyeuses et animées ; elles consolident un peu plus une communauté déjà chaleureuse.





C’était le bon vieux temps, et il faudra se souvenir de cette cérémonie dans le pays comme le dernier épisode heureux vécu par Jurgis et Ona. Les deux jeunes personnes ont à peine la vingtaine lorsqu’elles décident de prendre le bateau, de traverser l’Atlantique et d’atteindre les Etats-Unis. Il paraît qu’ici, le travail se trouve facilement, que les salaires sont élevés, et que les logements et les institutions modernes permettent à n’importe quel individu méritant de s’installer confortablement dans le bonheur d’une existence aisée. Pour ce qui est du mérite, Jurgis et Ona, accompagnés de quelques autres membres de leurs familles, n’ont pas de soucis à se faire. Ils ont été élevés à la dure et ne chôment jamais. Les Etats-Unis n’ont qu’à bien se tenir.





Le désenchantement commence sitôt arrivés dans les quartiers pauvres de Chicago. Grisaille et misère se conjuguent avec l’aspect déshumanisé d’un monde industriel qui a aboli toute ressource naturelle. Les paysages verdoyants de la Lituanie semblent ne pas pouvoir trouver d’égaux, jusqu’à ce que Jurgis découvre les abattoirs, dont le système de production ingénieux rivalise avec les prodiges de la nature. L’installation est gigantesque : entièrement mécanisée, elle permet d’abattre huit à dix millions d’animaux chaque année. Pour cela, l’usine emploie trente mille personnes. Elle fait vivre directement deux cent cinquante mille personnes ; indirectement un demi-million. Ses produits submergent le marché mondial et nourrissent une trentaine de millions de personnes. Nous sommes en 1906 et les prémisses catastrophiques d’un monde industrialisé, sans âme, perdu dans les affres du bénéfice, ont déjà germé : la déchéance est imminente.





La jungle semble d’abord accueillante. Elle fournit du travail à tous nos lituaniens nouvellement arrivés et leur offre un salaire plus généreux qu’ils ne l’auraient espéré. Malheureusement, le coût de la vie aux Etats-Unis est également plus élevé que prévu. On leur promet la propriété puis on les roule en leur faisant payer des charges mensuelles et annuelles qui les éloignent sans cesse davantage de l’acquisition définitive. Les enfants doivent bientôt se mettre au travail pour permettre à la famille de subsister. Pour une journée entière de labeur, ils ramènent quelques cents, une somme dérisoire. Passe encore lorsque les parents ont du travail mais bien souvent, après la frénésie productive qui précède les fêtes de fin d’année, les usines ferment sans préavis et laissent à la rue des milliers d’employés affamés et abrutis par la fatigue. Il faut alors trouver du travail ailleurs –même si toutes les entreprises du coin appartiennent à la même famille-, vivre d’expédients, envoyer les enfants faire la manche dans la rue, grappiller quelques repas en échange d’un verre d’alcool. Très rapidement, la force vitale d’Ona et de Jurgis s’éteint. On se souvient de l’émerveillement naïf, de l’énergie intarissable et de la joie pure qui les animait encore en Lituanie. On constate que tout cela a commencé à s’éteindre après quelques mois aux Etats-Unis, avant de disparaître complètement au bout de quelques années. On comprend que la misère et la fatigue seules ne sont pas responsables de leur déchéance. Le mal est plus sournois : derrière des apparences accueillantes, il désolidarise les individus, les isole dans un mur de silence et les empêche de trouver du réconfort en faisant briller sous leurs yeux des promesses de richesse et d’ascension sociale plus attirantes que l’assurance d’un foyer uni, se satisfaisant à lui-même.





Si la Jungle désigne métaphoriquement cette vie tournant autour des abattoirs de Chicago, les abattoirs constituent quant à eux la métaphore terrible de la destinée humaine :





« On dirigeait d’abord les troupeaux vers des passerelles de la largeur d’une route, qui enjambaient les parcs et par lesquelles s’écoulait un flux continuel d’animaux. A les voir se hâter vers leur sort sans se douter de rien, on éprouvait un sentiment de malaise : on eût dit un fleuve charriant la mort. Mais nos amis n’étaient pas poètes et cette scène ne leur évoquait aucune métaphore de la destinée humaine. Ils n’y voyaient qu’une organisation d’une prodigieuse efficacité. »





Les animaux aussi bien que les êtres humains sont à la merci des abattoirs. Sophistiqués comme jamais, ils émerveillent encore, alors qu’aujourd’hui ils répugneraient aussitôt. C’est que tout leur potentiel d’hypocrisie, de manipulation –pour ainsi dire de sordide- n’a pas encore été révélé. Qu’est-ce qui tue vraiment les employés des abattoirs ? Outre le travail inhumain, on soupçonne la perfidie des moyens.





La Jungle nous révèle que la déchéance moderne a déjà une longue expérience derrière elle. La pourriture de l’hyper-industrialisation que l’on connaît aujourd’hui existait déjà au début du 20e siècle aux Etats-Unis. Ce qui nous différencie des lituaniens ignorants de ce roman tient à peu de choses : eux pensaient vraiment que la société capitaliste permettrait l’épanouissement des individus tandis que nous sommes bien peu nombreux à le croire encore –mais dans les deux cas, les individus sont bernés. La tactique début du 20e siècle pour juguler le mécontentement consistait à épuiser les travailleurs, à les désolidariser, à leur faire perdre toute dignité humaine. La duperie ne pouvait cependant pas fonctionner éternellement et Upton Sinclair nous décrit la constitution progressive des forces opposantes socialistes s’unissant pour faire face aux débordements de l’entreprise Durham. Dans cette dernière partie de la Jungle, la tension rageuse accumulée tout au long du livre trouve un exutoire dans le discours et l’action politiques. Si les socialistes finissent par remporter les élections locales, la victoire reste cependant fragile : « Les élections n’ont qu’un temps. Ensuite, l’enthousiasme retombera et les gens oublieront. Mais, si vous aussi, vous oubliez, si vous vous endormez sur vos lauriers, ces suffrages que nous avons recueillis aujourd’hui, nous les perdrons et nos ennemis auront beau jeu de se rire de nous ! ».





La suite de l’histoire reste en suspens. Pendant ce temps, la Jungle sera traduite en dix-sept langues et entraînera les menaces des cartels mais aussi l’approbation de la masse populaire. Des enquêtes viendront confirmer la véracité des propos rapportés par Upton Sinclair avant que le président Theodore Roosevelt ne le reçoive à la Maison-Blanche pour entamer une série de réformes touchant l’ensemble de la vie économique du pays. La conclusion n’est pas joyeuse pour autant. Plus d’un siècle vient de passer mais le roman entre encore en écho avec la déchéance industrielle de notre époque. Certes, aux Etats-Unis ni en Europe, plus personne ne meurt d’épuisement physique, plus aucun enfant n’est exploité et tout employé peut bénéficier –en théorie- des protections sociales et sanitaires de base. Mais nous sommes-nous vraiment échappés de l’abattoir ? Il semblerait plutôt que le mal se soit déplacé –peut-être même a-t-il carrément retourné sa veste pour s’emparer de ce qui manquait alors cruellement aux personnages du roman : le confort. Les coups, les mutilations, le froid destructeur, la chaleur vectrice de maladies, les engelures, les brimades, la tuberculose, les noyades –toutes ces violences physiques faites aux corps des habitants du premier monde deviennent des métaphores vénéneuses des violences morales faites aux habitants du deuxième monde. A bien y réfléchir, notre situation est tout aussi désespérée : nous ne savons plus que nous sommes victimes car notre corps ne se désagrège plus –ou si peu- au fil des saisons. Nous ne savons pas, et nous sommes comme ces porcs que l’on conduit à l’abattoir :





« Chacun d’entre eux était un être à part entière. Il y en avait des blanc, des noirs, des bruns, des tachetés, des vieux et des jeunes. Certains étaient efflanqués, d’autres monstrueusement gros. Mais ils jouissaient tous d’une individualité, d’une volonté propre ; tous portaient un espoir, un désir dans le cœur. Ils étaient sûrs d’eux-mêmes et de leur importance. Ils étaient pleins de dignité. Ils avaient foi en eux-mêmes, ils s’étaient acquittés de leur devoir durant toute leur vie, sans se doute qu’une ombre noire planait au-dessus de leur tête et que, sur leur route, les attendait un terrible Destin. »





Le socialisme a changé la couleur des murs de l’abattoir. On aimerait pouvoir dire qu’il a œuvré davantage mais ce n’est certainement pas le cas car la lecture de la Jungle, plus d’un siècle après sa première publication, est encore saisissante et ne laissera pas de remuer des plaintes sourdes qui signifient que le massacre ne s’est pas arrêté.
Lien : http://colimasson.over-blog...
Commenter  J’apprécie          287
La jungle

Commenter  J’apprécie          00
La jungle

Ce livre nous plonge dans l'enfer de l'industrie de la viande, dans les Etats-Unis du début du XXéme siècle. Une famille d'immigrés va déchanter en découvrant l'envers du décor du rêve américain. Ils découvrent un système capitaliste qui broie l'humain dans sa chair et son esprit.

C'est très bien écrit, la description d'une société, le Chicago laborieux des années 1920, est réaliste et vraiment prenante. Car si ce livre est un plaidoyer il nous raconte surtout l'histoire d'un homme. A la fois documentaire et romanesque.



Amateurs de romans historiques ou de récits à la Zola foncez !
Commenter  J’apprécie          10
La jungle

A lire pour se rendre compte des conditions de travail d'une autre époque. Terrifiant!

Le héros s'enfonce dans le drame. Sur la fin du livre, l'auteur oublie le héros de son roman au profit de ses idées politiques. J'aurai aimé une fin plus construite ...
Commenter  J’apprécie          10
La jungle

Contrairement à son roman ''Pétrole!'', le roman ''La jungle'' de l'auteur Upton Sinclair est un roman coup de poing.



Un roman sur la condition ouvrière. Ce n'est pas réellement un roman d'éducation, excepté vers la fin. C'est plutôt un roman : «Je te colle le nez dans ta merde» (pardonnez-moi les termes utilisés). Ainsi, on aime ''la jungle'' et ''Pétrole'' pour des raisons assez différentes. Le premier consiste à montrer à la face du monde plusieurs chemins de vie possible d'un ouvrier (peu reluisant) tandis que le deuxième cherche à éduquer son lecteur par rapport au monde qui l'entoure. En d'autres termes, un roman coup de poing versus un roman qui fait appel à la raison et à l'intellect.



Upton Sinclair, quelquefois appelé le Zola américain, à fait son roman à partir d'un travail journaliste sur les conditions de travail dans les abattoirs. Il a parcouru quelques abattoirs, un sceau à la main pour se fondre dans le décor et à lui-même assisté au travail acharné des ouvriers.Il a également assisté à des scènes de la vie quotidienne. À ce titre, son roman est une image des conditions de vie et de travail des ouvriers de cette époque pas très lointaine.



Toutefois, il est difficile de donner une note parfaite. Il a trop voulu faire vivre d'expériences à son personnage principal. Ainsi, il est ouvrier dans plusieurs départements, chômeur (jusqu'ici, ça va), , vagabond, gangster, responsable politique mineure, contremaître corrompu et finalement, à nouveau, ouvrier éclairé par une éducation socialiste. Tout cela, il aurait pu le séparer entre quelques personnages ou au moins, deux. Mais, il a voulu montrer plusieurs facettes, peut-être trop.



Cela dit, le livre est excellent. L'écriture n'est pas rebutante pour celui qui voudrait avoir une vue partielle sur ce que pouvait être la vie d'un ouvrier au début des années 1900.
Commenter  J’apprécie          50
La jungle

J'ai lu ce livre en 1969 ou 1970. J'étais alors au lycée et je l'avais emprunté à une bibliothèque. Il s'agissait d'une édition Suisse (éditions Rencontre à Lausanne). Il n'existait pas à ce moment d'édition française sur le marché. Ce livre m'avait mis une telle "baffe" que j'avais envisagé de ne pas le rendre ! J'avais même préparé pendant des heures un compte rendu de lecture que je voulais faire en classe en le proposant à mon prof de français afin d'éveiller l’intérêt de mes camarades et les inciter à le lire. Cet exposé ne s'est finalement pas fait. Mais pendant des années j'ai surveillé une éventuelle édition française, puis j'ai laissé tomber. Quand j'ai découvert par hasard, tout récemment qu'il en existe une édition française en livre de poche, je me suis rué chez mon libraire pour le commander.

En fait, s'il s'agit d'un roman, ce n'est pas essentiellement un roman. C'est avant tout une enquête, un travail de journaliste d'investigation. Car il faut dire qu'Upton Sinclair a donné de sa personne ; il n'a pas fait que recueillir des témoignages auprès de ceux qui vivaient cette forme d'esclavage ; il s'est fait embaucher aux abattoirs de Chicago ; il a vécu ce qu'il décrit dans son roman ; il a "mis les mains dans le cambouis" ; il a mouillé sa chemise !

C'est parce qu'il y a travaillé et a vu les choses de l'intérieur que son roman a tant de force et a eu tant de retentissement à l'époque. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi il est si peu connu de nos jours !

En tous cas, je le place au panthéon de mes livres !
Commenter  J’apprécie          10
La jungle

Un livre étonnement moderne, au final le monde n' a pas tellement changé depuis plus d' un siècle tant les parallèles que l' on peut faire avec notre époque sont nombreux.
Commenter  J’apprécie          00
La jungle

Prenant! poignant! un livre qui ne laisse pas indifférent parce que nous pourrions être cet homme aspiré dans un monde dont il ne connaît aucun des rouages et des pouvoirs qui le dirigent .Dans ce livre , pas d'angélisme, pas de pathos, seulement une humanité qui espère, ploie, cède et reprend espoir....C'est à la fois terrible et magnifique à chaque fois que l'espoir surgit à nouveau.J'ai appris beaucoup sur l'Amérique de cette époque et j'ai une multitude d'annotations de l'auteur à approfondir!
Commenter  J’apprécie          00
La jungle

Le livre ultime sur la question sociale et l'immigration.



Actuel?
Commenter  J’apprécie          10
La jungle

La Jungle s'ouvre sur un mariage et se referme sur une naissance. Le mariage d'Ona et Jurgis Rudkus avec ses traditions folkloriques lituaniennes : l'acziavimas et la vesejila. Leur union est à marquer d'une pierre blanche car elle symbolise l'un des derniers moments de bonheur du jeune couple.



Mais revenons quelques mois en arrière, nous sommes au début des années 1900, quand Jurgis et Ona, accompagnés de leur famille ( douze personnes au total, six adultes et six enfants), débarquent à Chicago après avoir fui l'infortune lituanienne. Dans ce pays de cocagne où tout semble possible, pour qui veut bien travailler durement et servilement , ils espèrent trouver un avenir meilleur. Ils vont vite perdre leurs illusions et le rêve américain tourne au désenchantement. Une fois en Amérique, ils se rendent compte d'une cruelle réalité : "si les salaires étaient élevés dans ce nouveau pays, les prix l'étaient tout autant et un pauvre étaient aussi pauvre ici que n'importe où d'ailleurs sur cette terre". Sans parler de la corruption et des escroqueries en tous genres qui plongent la famille dans la tourmente. Désormais un seul mot d'ordre : survivre !



A Chicago, si l'on veut du travail, il faut se rendre à Packingtown, le quartier des abattoirs, propriété des trusts de la viande. Jurgis, notre colosse Lituanien, n'a aucun mal à se faire engager à la chaîne d'abattage. Malgré toute sa bonne volonté et sa force de travail, son maigre salaire ne suffit pas à nourrir tout le monde. Les membres de la famille, adultes et enfants, se mettent en quête d'un travail afin de subvenir à leurs besoins élémentaires. De la douce et délicate Ona, en passant par le vieil Antanas à la toux incessante ou au jeune Stanislovas, qui ment sur son âge, tous se retrouvent dans l'enfer de Packingtown.



A travers le destin tragique de Jurgis et de sa famille, Upton Sinclair nous plonge dans les abîmes du capitalisme du début du XX siècle. Il nous montre le quotidien de ces milliers de gens qui constituent les rouages indispensables de la gigantesque machine industrielle. Le travail d'abattage à la chaîne aux cadences infernales est un supplice effroyable pour les ouvriers qui tuent et dépècent les animaux, été comme hiver, dans l'atmosphère confinée et suffocante des ateliers remplis d'une odeur putride de sang et de crasse. Les accidents sont très fréquents, un coup de lame maladroit qui entaille une main et c'est l'infection, un chariot qui sort de sa trajectoire et c'est la mort. Les usines qui ferment du jour au lendemain, pour plusieurs mois, laissant ces travailleurs dans le dénuement le plus total.

Et tout ça au nom de quoi ? Du profit, de l'appât du gain, du capitalisme à outrance au mépris de toute humanité.

Comme évoqué en préambule, ce roman s'achève sur une naissance : celle du socialisme, qui donne une touche d'optimisme et un peu d'espoir à Jurgis et ses camarades.



Lors de sa parution en 1906, ce roman "coup de poing" fait grand bruit et pousse le président Theodore Roosevelt à engager une commission d'enquête sur les conditions de travail dans l'industrie de la viande et à faire mener des réformes du droit du travail et de la réglementation en matière de production alimentaire.

La Jungle fait partie de ces livres qui ont fait l'Amérique ! Un grand roman social.
Commenter  J’apprécie          130
La jungle

Les Misérables au pays de l'oncle Sam.

Alors que les champions du capitalisme prônent depuis maintenant deux siècles le laisser faire, et les bienfaits de la main invisible théorisés par Adam Smith (remember le ruissellement macronien ?), Upton Sinclair en dénonce dès 1906 ses principes. Le récit de Jurgis Rudkus immigré lituanien fraîchement débarqué sur le sol américain avec sa famille sera l'occasion d'une démonstration implacable de l'ignominie de ce système économique et culturel véritable "spectre invincible", qui brise l'esprit, déshumanise, avili les plus faibles et enrichi les biens-nés (scoop).

Au fil des pages le lecteur navigue entre le naturalisme cher à Zola et l'étude sociologique dans un climat apocalyptique.

Alors oui, pour servir son propos, le père Sinclair y va fort dans le pathos, mais cette oeuvre est d'utilité publique. Le style est certes désuet, mais le thème abordé reste cruellement d'actualité.

Les choses ont-elles vraiment changé ?
Commenter  J’apprécie          20




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Upton Sinclair (501)Voir plus

Quiz Voir plus

Le Passage du Diable en Quizzine

Comment se nomme le personnage principal ?

Daniel Cuningahm
Daniel Cunningham
Daniel Cunningahm
Daniel Cuningham

10 questions
76 lecteurs ont répondu
Thème : Le passage du diable de Anne FineCréer un quiz sur cet auteur

{* *}