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Citations de Vladimir Volkoff (228)


Lorsque la Bosnie est tombée dans l'escarcelle de Globocop, il n'y avait pas de doute possible : le tour du Kosovo viendrait bientôt. Quiconque s'intéressait aux affaires yougoslaves n'avait aucun doute là-dessus.

Maintenant, il est assez clair que la Macédoine, où les Américains font déjà la loi, à qui ils ont tout simplement interdit de fermer sa frontière, d’où partent et où rentrent leurs commandos, et dont les réfugiés albanais ont fait une espèce de Kosovo numéro deux, sera appelée à devenir l'une des têtes de pont turques en Europe et tant pis pour elle si elle manque d’enthousiasme.

Il semble que la Grèce aussi court des dangers, non seulement à cause de ses relations tendues avec la Turquie, que les Etats-Unis favoriseront toujours, mais parce qu'elle possède, avec Salonique, le plus grand port de la région, et que, étant orthodoxe et proserbe, il sera facile de lui chercher querelle. Qui voudrait défendre la Grèce ? Lord Byron est mort depuis longtemps et Victor Hugo n'est plus là pour s'attendrir sur l'enfant grec qui ne veut pour cadeau que « de la poudre et des balles ».
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L'intuition de Boris était juste. Lui-même, garçon d'honneur de la tsarine, Vassily Chouïsky, garçon d'honneur du tsar, David Belsky, Mikhaïlo Saltykov, les deux tsarévitchs et Ivan Vassilitch qui venait de se joindre à eux formaient un groupe comme le destin s'amuse rarement à en composer : il y avait là deux traîtres, quatre tsars, un prince qui n'accéderait jamais au trône qui lui était dû, un régicide, un homme qui allait tuer son propre fils et un autre qui assassinerait le fils de son souverain.
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Mais le plus impitoyable de ses juges, c'était lui-même, et l'idée de citer à décharge les cinquante-huit mille trois cents jeunes Français dont certains lui devraient peut-être la vie ne lui venait même pas, parce qu'il ne s'agissait pas pour lui d'une culpabilité qui se mesure - forte ou nulle ou mitigée - mais de l'irrémédiable qu'il avait commis deux fois en une seule nuit : jamais plus il ne serait un officier chrétien impollu, jamais plus il ne redeviendrait vierge. Les deux taches qu'il s'était faites à l'âme n'étaient pas seulement deux péchés (à tout péché mmiséricorde) : c'étaient deux transgressions qui ne pourraient jamais être défaites. C'était, en somme, un changement de nature : lui, qui se voulait, qui se croyait, différent des autres, supérieur aux autres, était devenu comme tout le monde. Quelle honte ! Il essayait de dire « Chef, aime-moi» et de nouveau il ne pouvait pas, ce qui était encore une autre honte, car il savait bien que Dieu l'aimait toujours : c'était lui qui, du fond de sa bassesse, n'était plus capable de répondre à cet amour, qui, pour tout dire, le rejetait.
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Albino Luciani fut élu pape le 26 août 1978, prit le nom de Jean-Paul Ier, fut sacré le 3 septembre, mourut le 28.

Le 6, il donna audience à l'archevêque Nikodim, métropolite de Leningrad. Ils s'entretinrent seul à seul, apparemment en français, la seule langue qui leur fût commune.

L'archevêque mourut inopinément dans les bras du pape qui lui donna l'absolution. Après quoi, Jean-Paul Ier déclara : « Jamais je n'avais entendu d'aussi belles paroles sur l'Église ; je ne puis les répéter ; cela reste un secret. »

La relation entre les deux décès semble avoir bizarrement échappé aux journalistes comme aux historiens, ce qui ne les a pas empêchés d'émettre des hypothèses sur la mort du pape, certains formulant des accusations injustifiées, d'autres escamotant des faits troublants.

Le métier du romancier est différent : il consiste non pas à découvrir l'inconnu, mais à imaginer le vraisemblable.

C'est pourquoi tous les personnages de ce roman sont imaginaires, même s'ils ont tel trait en commun avec des personnages réels. En particulier, si Mgr Ilia meurt bien dans les bras du pape, ni son caractère ni sa biographie ni son âge ne correspondent à ceux de Mgr Nikodim. La seule figure partiellement empruntée à la réalité est celle du pape lui-même, parce que l'auteur eût trouvé de mauvais goût de présenter un pape de fantaisie, surtout aussi récent. L'humour, l'humilité, l'obsession de la justice sociale sont donc ceux de Jean-Paul Ier ; mais ce n'est pas un pape qui est présenté ici, c'est LE PAPE.
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Des veilleuses rouges luisaient paisiblement sur des pierres tombales. Des icônes méditaient sur d'autres. Des croix de bois s'abritaient sous des toits pentus. Et les noms s’alignaient, en caractères latins ou cyrilliques, et les titres de noblesse, et les ordres de chevalerie, et les décorations, et les regiments dans lesquels les morts avaient servi, énumérés avec tant d'attendrissement et de minutie qu'on eût cru qu'ils y servaient encore. Ce cimetière, c'était un manuel d'histoire, c'était un armorial, et Sergo eût pu n'y voir que les témoignages du dernier orgueil de ceux à qui plus rien n'appartient et qui se consolent en pensant qu'eux du moins ont appartenu, mais il perçut qu'il s’agissait de bien autre chose : ces princes, ces évêques, ces généraux, et, dans les tombes plus récentes, ces cornettes et ces midships de quatre-vingts ans, ne se voulaient inséparables de leurs distinctions que parce qu'ils se préparaient à rendre compte de l'usage qu'ils en avaient fait. On devinait, sous terre, le bourdonnement de ces guerriers vaincus et désormais invincibles, qui attendaient impatiemment le premier coup de trompette de la parousie pour surgir de terre en tenue de parade. Cette Sainte-Geneviève-des-Bois, c'était déjà la vallée de Josaphat.
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Le 18, il fit toilette, c'est-à-dire qu'il prit soin de ne pas se raser et vérifia si son blouson de similicuir ne faisait pas trop neuf, si son jean n'avait pas l’air délavé de la veille, si ses tennis n'étaient pas un peu trop propres. Ce n'était pas que Serge fût sale sur lui, au contraire, il était plutôt du genre à s'astiquer, ce qui contredisait l'impression crado de gauche, qu'il aimait à donner, pour aller avec son style faux jeune, un peu journaliste, un peu photographe, anar-écolo, pas babacool, mais enfin, bon.

Il prit sa Mobylette.
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Mon hypothèse à moi, dans ces chroniques, c’est que vos milices angéliques constituent les services spéciaux du bon Dieu. Comme le faisait, dans le temps, le Secret du Roi, ils permettent au Roi des rois de court-circuiter l'administration ordinaire de la création, toujours un peu routinière. Sauf les Séraphins à quatre faces et six ailes et les Chérubins semés d’yeux qui, tout entiers tournés vers le Père, ne font que chanter sa gloire et palpiter dans la lumière émanant de lui, les anges, tes pareils, quel que soit leur grade, sont orientés vers les hommes dont ils poursuivent le salut, par des méthodes quelquefois insolites et que bien des théologiens dogmatiques réprouveraient.
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Samson ne comprenait pas tout ce qui se disait : la différence des accents lui troublait l'oreille, mais il perçut le complexe de supériorité des quatre Anglo-Saxons.

Celui des deux Anglais était cocasse mais savoureux : s'étant fait rosser par les Américains pendant la guerre d'Indépendance et mettre au pas par eux après la Seconde Guerre mondiale, ils tiraient un orgueil paradoxal de ces échecs et croyaient régner sur le monde par procuration. La constatation « avec les Américains, nous sommes les plus forts » ne s'encombrait pas pour eux de considérations éthiques.

Le point de vue de l'Américain était différent. Il attribuait la toutepuissance des Etats-Unis à des raisons morales : « C'est parce que nous sommes les plus purs, les plus vertueux, les plus idéalistes, les plus démocratiques, que nous écrémons le monde de ses meilleurs cerveaux et de ses plus grands hommes. Ainsi sommes-nous les plus puissants. En résumé, nous le méritons. » II y avait là une croyance à la justice immanente et au progrès que Samson ne partageait pas, mais il s'amusait, non sans amertume, de cette assurance que les faits semblaient justifier. On pouvait ne pas être d'accord avec la doctrine américaine, mais on ne pouvait pas résister à la puissance américaine, ce qui permettait aux Américains d'affirmer que leur doctrine était la meilleure sans crainte de contradiction, puisqu'ils avaient le pouvoir d'anéantir les contradicteurs. Bref, l'Américain calme et pondéré ne laissait au reste du monde qu'une alternative : se laisser séduire ou se faire violer.
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« Merci, détestables petites vieilles qui découragez les flammes mais entretenez les braises. » Saint Paul dit que l'Esprit vivifie tandis que la lettre tue ; elle ne tue pas toujours, la lettre : quelquefois, tout usée, tout érodée, toute flageolante, elle garde encore incarnée une parcelle de l'Esprit qui, sans cela, n'aurait plus eu qu'à s'envoler au ciel en laissant la terre orpheline.
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Ce faisant, les agents de Dieu brillent généralement (oui, bien sûr, ils brillent) par une discrétion exemplaire : c’est le métier qui veut ça et c'est pourquoi, dans certaines de mes chroniques, à peine si on saisira la scintillation de tes frères, à peine si l'on entr'apercevra un de leurs reflets dans le filigrane du texte.

Dans d'autres chroniques, au contraire, nous essaierons de nous mettre à leur place, pourvu que tu consentes à me donner une idée de la façon dont vous remplissez vos missions.

Car, si je ne veux rien commettre qui soit contraire à la saine doctrine, je ne veux rien omettre non plus par couardise spirituelle. « Osez ! » est un commandement qui me plaît assez. Travaillons donc ensemble, mon Ange Gardien, comme le dit ma prière, pour le salut de mon âme et pour ton réconfort.
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- Vous êtes-vous jamais demandé combien l'Eglise chrétienne compte de martyrs, depuis les premiers jusqu'à nos jours ? C'est difficile à évaluer, mais on s'accorde en général sur une trentaine de milliers, tout compris : Néron, Dèce, Dioclétien, l'Islam, le Japon, les Indiens, l'Afrique, la Révolution française, la guerre civile espagnole. Je ne parle pas des guerres de religion en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, je ne parle que de chrétiens tués par des non-chrétiens. Savez-vous combien de martyrs la Russie a perdus, ou plutôt gagnés, sous le régime communiste je veux dire de martyrs martyrisés pour leur foi ?

Ilia secoua la tête.

Le patriarche dégustait toujours son kissel.

- Savez-vous combien il y avait d'évêques en Russie à la fin de l "Ancien régime ?

Ilia secouait toujours la tête.

-Cent soixante-trois. Savez-vous combien, sur ces cent-soixante trois, sont morts assassinés, torturés, affamés, déportés ?

Ilia ne savait pas.

Cent trente. Pas un de plus, pas un de moins. Et le chiffre total de chrétiens orthodoxes morts pour leur foi, depuis 1917 jusque vers la fin des années vingt, est de 300 000. Approximativement. Trois cent mille, environ dix fois plus que le nombre total de martyrs chrétiens depuis la crucifixion de Jésus-Christ. Vous ne pensez pas que cela signifie quelque chose au sujet de l'Êglise russe ? « Nous devons nous réjouir de ce que le Seigneur nous ait fait vivre à une époque où nous pouvons avoir à souffrir pour vous. » Savez-vous de qui sont ces paroles ? De monseigneur Ambroise, du couvent de Sviajsk, Sviajsk où les communistes ont élevé un monument à Judas. Monseigneur Ambroise a été retrouvé percé de coups de baïonnette, les bras et les jambes disloqués.
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Avoue que c'est étrange.

Je ne suis pas tout à fait sûr que tu existes (ne te vexe pas, je ne suis pas tout à fait sûr d'exister moi-même), et pourtant je t'invoque tous les jours. Solennellement. En slavon. Je te dis : « Ange Gardien de par le Seigneur à moi envoyé, pardonne-moi tout ce par quoi je t'ai chagriné la journée passée et aide-moi à commencer la prochaîne pour ton réconfort et le salut de mon âme. » Ma mère a composé cette prière : elle m’en remplace une autre que l'Eglise orthodoxe recommande de dire tous les matins.
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C'est que l’Eglise chrétienne, aussi bien orthodoxe que catholique ou protestante, avec toutes les religions monothéistes, croit fermement en vous autres anges : les juifs croient en vous, les musulmans croient en vous, les bons chrétiens croient en vous. Si certains d'entre eux se permettent de douter de votre existence, c'est respectueusement. Il n'y a que les descendants de M. Homais, civils ou ecclésiastiques, qui vous ont carrément radiés des rôles avec une désinvolture qu'ils prennent pour la marque d'esprits supérieurs.
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À Paris, la campagne anti-Boyards atteignait des dimensions qui, dans un autre pays, auraient paru bouffonnes, mais pas en France, où l'on avait déjà gobé, comme autant de belons japonais, les charniers de Timisoara, les 500 000 morts du Kosovo, les atrocités françaises en Algérie, et quelques autres serpents de mer du même calibre ; personne ne s'étonnait et même, on en redemandait. Les Boyards, c'étaient à la fois les pogroms, le général Dourakine, le knout, Ivan le Terrible, les villages Potemkine, les mangeurs de chandelles, Catherine et ses amants, le « mystère enveloppé dans une énigme dissimulée dans une devinette », la « grande plaine riche en blé habitée par un peuple barbare », le « pouvoir absolu qui pourrit absolument », le servage, la vodka servie dans un samovar, la Sibérie, les bagnes, les meutes de loups, l'orthodoxie déloyale, un sous-marin récemment perdu sans que le président ait rien fait pour le sauver, la mafia, le goulag, et même, surtout dans la bouche d’anciens compagnons de route du communisme, « les horreurs du stalimsme qui prouvent que rien ne change jamais en Russie ».
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- Vous avez déjà pensé que sans votre père et votre mère, vous ne seriez pas ? Donc, sans vos grands-pères et vos grand-mères, vous ne seriez pas non plus. Et cette espèce de filet s'étend jusqu'au fond de l'histoire, jusqu'aux Slaves, jusqu'aux Vikings, jusqu'aux Grecs, jusqu'à Néanderthal... Et vous, vous êtes un résumé de tous ces gens qui ont vécu votre vie avant vous, vous leur devez la moindre des cellules de votre peau. Pour un huitième de moi, je suis lui. Vous avez pensé à ça ? répéta-t-elle.

Non. Il n'y avait pas pensé. En comptant de la sorte, un quart de lui était Basile Psarsky, le bâtard, le transfuge, le héros bolchevique. Basile mort était encore vivant en lui. Sergo, à qui on avait appris que les morts devaient être passés par profits et pertes, ne s'attendait pas à ce genre de confrontation au-dessus de cette tombe faite de terre de France, caillouteuse, griffée par le froid, mais renfermant un Volodia qui, de son temps, avait senti, pensé, joui, souffert, et qui laissait en héritage un huitième d'Ouirko, autant que son demi-frère Basile en laissait de lui, Sergo.
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Le Trêtre a paru pour la première fois en 1972, sous le pseudonyme de LAVR DIVOMLIKOFF. A cette époque, mon cousin, le patriarche de Moscou Alexis (Simansky) était encore vivant, et, sans le connaître ni même avoir d'opinion sur lui, je ne voulais rien faire qui pût le compromettre auprès du César qu’il avait accepté sinon choisi. C'était déjà bien assez qu'un autre de nos cousins qui, lui, l'avait rencontré, se fût trouvé mêlé en 1962 à l'affaire du colonel Penkovsky, cet officier des «organes» soviétiques passé par idéalisme au service du monde dit libre.

On m'a souvent reproché d'avoir inventé un pseudonyme un peu compliqué. Je voudrais du moins en expliquer la signification. D'abord il s'agit d'une anagramme de mon vrai nom. Ensuite, si le prénom ne constitue qu'un hommage fortuit au saint patron des chevaux, le nom de famille contient une profession de foi, aussi bien religieuse qu'artistique.

En effet, dans la mesure où l'artiste est créateur, il est un imitateur de Dieu dans sa fonction patemelle. « L’inspiration, écrit magnifiquement le peintre Lanskoy, est une invitation à participer à la création du monde. » Dans ce sens, toute œuvre d'art porte nécessairement une empreinte divine, et peut par là être comparée à la véronique, ce linge avec lequel une femme essuya le visage du Christ au calvaire, et sur lequel l'image de la Sainte Face demeura, dit-on, imprimée.

En russe le mot lik signifie FACE, et le mot divom (cas instrumental de divo), PAR MIRACLE. Divom-lik évoque donc cette
« imprimerie miraculeuse » qui me paraît être le secret de l'art humain.

Quant au titre le Trêtre, amalgame peut-être trop audacieux de traître et de prêtre, il est là pour témoigner de l'ambiguïté essentielle du personnage central, Grigori, qui se révèle incapable de renoncer à des allégeances absolument contradictoires. Dans la mesure où, sous ce rapport, Grigori est monstrueux, c'est-à-dire unique dans son genre, il fallait bien le désigner par un mot que personne n'eût jamais utilisé. Donc, en forger un.
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Par courriel, Robin envoya sa maigre moisson de renseignements à son mentor.

La réponse ne tarda pas.

Kirsten 0. Kirsten à Robert C. Chastow III par courriel :

Ambrose Bierce dit : « Un conservateur est amoureux des maux qui existent tandis que le libéral cherche à les remplacer par d'autres. » Vos gars m'ont l'air de maudits conservateurs. Voyez à les rendre utiles comme tels.

Robin referma son ordinateur et descendit prendre un verre au bar Hemingway.
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- Ça se prononce Lavilio, mon colonel, fit remarquer le lieutenant Robert Lavilhaud au colonel Roland Fauberge commandant le secteur de Bourmont, qui venait de lui dire «Asseyez-vous, Lavilo».

Depuis que l'archange Lucifer s'était rebellé contre Dieu le Père, il n'y avait guère eu pareil outrage à une autorité. Mais le colonel devait être de bon poil. Ses yeux bleus, pointés comme des caronades par-dessous les épis blonds des sourcils, ne firent que pétiller, et sa lèvre inférieure, charnue et luisante de salive - une lèvre de séducteur -, s'avança dans une moue bon enfant :

- Oui, oui, d'accord, ça va. Asseyez-vous.
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Lorsque, pour la première fois ce jour-là, Grigori ouvre la porte royale et s’incline devant l’assistance, il se sent encore plus fermement encerclé qu’au moment où il est entré dans l'église. Non seulement les saints l'entourent et le menacent de leurs attributs : armes, livres ou banderoles ; non seulement les anges piquent sur lui du haut du plafond ; non seulement l'Agneau et son armée de petits morceaux de mie le prennent à revers, mais, face à lui, soixante êtres vivants, figurant l'humanité tout entière, paraissent marcher sur lui, le repousser vers l'autel, par leurs prières, leurs signes de croix, leurs prosternations. Cette moisson de prosternations, cette forêt de croix entrecroisées que dessinent œs mains — mains étranges, que l'humilité rend rebelles, mains terribles, qui ne cessent dans leur mouvement régulier du front à la poitrine, de l’épaule droite à l'épaule gauche, de vouer ceux-là mêmes auxquels elles appartiennent à la crucifixion... — cette masse de ferveurs puérilement additionnées, Grigori en aurait presque peur.

Il regarde ces yeux illuminés, regarde ces doigts rituellement noués, et dit :

— Paix à vous.

De sa main à lui, de sa main coupable, il fait le signe de la croix, mais sur eux, non sur lui-même. Par ce signe il leur envoie la paix et en même temps il pense :

— Que votre Christ soit avec vous, vous ne méritez pas autre chose.
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Le manichéisme

Comme nous l'indiquions plus haut, la désinformation vise presque toujours à créer deux camps, les bons et les mauvais. je me rappelle qu'enfant, apprenant à l'école communale l'histoire des Armagnacs et des Bourguignons, je n'arrivais pas à comprendre lesquels étaient les mauvais et lesquels les bons. Or, je ne doutais pas que dans, tout conflit, il n'y eût nécessairement des bons et des mauvais. Finalement, je décidai de prendre comme " bons" les Armagnacs parce que leur nom me paraissait plus joli.
L'opinion publique est une grande enfant et procède à peuprès de même, avec l'aide d'un souffleur : le désinformateur.
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