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Citations de Élisabeth Filhol (60)


Bornée sur trois côtés par des terres, à l'ouest, à l'est et au sud, la mer du Nord enfle dous l'effet des basses pressions. Et la force du vent qui la contient en surface, qui l'empêche de lever une houle comme on lève une armée, qui la casse, la maintient durant quelques heures dans un état contre nature, avec des vagues brèves, des crêtes blanches, l'eau et l'écume qui précèdent chacune, cette puissance du vent ne peut rien contre sa dilatation , sa déformation, rien contre une mer en crue, prête à quitter son lit;
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L'espace immense du sable et de la mer est balayé, des voiliers filent au large. Et des enfants marchent pieds nus et les orteils rouges dans le sable glacé pendant des kilomètres, ceux qui cherchent l'ambre au bord de l'eau comme après les tempêtes pour en faire le commerce mais là juste pour le plaisir, et ceux qui ne cherchent rien, qui profitent du calme, de la douceur de l'air et du ciel bleu, de tous les bienfaits de l'anticyclone qui a bien voulu quitter ses quartiers d'hiver et descendre de Sibérie en Ukraine, partout l'envie d'exposer sa peau nue et blanche, sous le soleil du dernier dimanche d'avril.
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« On pourra marcher tant qu'on veut, respirer à pleins poumons, ça ne se nettoie pas »
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Sur la question de savoir si je dois payer pour ça, à cinq autour de la table, les avis sont partagés. En acceptant, tu tires un trait sur tous nos acquis. Quels acquis ? Ne l'écoute pas, il parle comme un fonctionnaire. C'est normal, il a trente-trois ans de maison. Je disais ça pour vous, moi je ne me plains pas, j'ai Areva derrière, c'est Areva qui paie, mais pour les intérimaires ou les gars à durée de chantier qui changent d'employeur tous les mois, concrètement il n'y a plus personne, en acceptant d'y être de votre poche, vous justifiez le régime actuel, EDF encaisse les profits, vous encaissez les doses, au milieu quelques patrons de sous-traitance tirent leur épingle du jeu et le tour est joué, les années passent, à tous ceux qui font des économies sur votre dos, vous leur donnez de bonnes raisons de ne surtout rien changer
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La fission nucléaire, si simple dans son principe. [...] elle dit surtout de la maîtrise acquise par l'homme des lois de la matière et de la manière d'en libérer l'énergie. Une énergie colossale contenue, tout est là, dans un confinement qui ne demande qu'à être rompu pour donner toute sa mesure. [p.101]
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Quand des données existent mais en ordre dispersé , quand tout reste encore à construire pour un quadrillage serré par les sismographes du sous-sol de la mer du Nord , une mise en commun et un partage des connaissances; puisque la Nature a ses propres lois, que le pire adviendra tôt ou tard , qu'on puisse au moins le voir venir et s'y préparer.
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Le bassin de la mer du Nord prolifique et menaçant , la structure aux deux visages, tel le lieu antique Janus, sa face lumineuse et sa face obscure, repérables quand on superpose les deux calques, la carte des champs d'hydrocarbures et la carte de la sismicité .
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Dans son livre, Clement Reid émet pour la première fois l’hypothèse d’un territoire émergé à l’est du Yorkshire, entre l’Angleterre et le Danemark, qui permettait, dans son extension maximale, d’aller à pied sec de l’un à l’autre. Avec le réchauffement climatique et la fonte de la calotte polaire au Mésolithique, ce territoire s’est réduit comme une peau de chagrin. Au lieu des quarante jours et quarante nuits comptabilisés par le Déluge, ce sont six mille ans de montée progressive des eaux qu’il a fallu. Mais le résultat est le même, avec un avant et un après.
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On la prenait de haut jusque-là. Elle ne faisait pas rêver. Elle n’était pas, la mer du Nord, cette poule aux œufs d’or qu’elle est devenue depuis, une manne financière tombée du ciel qui justifie qu’on fasse abstraction du reste, de sa mauvaise réputation, vite rattrapée à l’épreuve des faits, le froid, la pluie, les coups de vent à répétition. Et même si la manne devait un jour se tarir, son image a changé. À son tour, comme ses maîtres avant lui, Marc Berthelot tente de communiquer aux jeunes qu’ils côtoient la passion de la prospection, des méthodes d’exploration et d’exploitation toujours plus pointues. Il n’y a rien de plus humain que cette passion-là. À la croisée de toutes les compétences de notre cerveau, analytiques, déductives, prédictives, jusqu’à l’intuition qui n’est pas pour rien dans bon nombre de découvertes, qui n’est que l’autre nom d’une impossible synthèse des connaissances à faire de manière consciente et qui émerge alors sous une forme ramassée, fulgurante, dans un télescopage qui élude les étapes du raisonnement pour ne garder que l’essentiel, la conclusion définitive, qui s’impose d’abord à l’état brut, sans la rigueur attendue, et devra ensuite être validée par l’expérience. Marc Berthelot a confiance dans son intuition. Elle l’a guidé dans son travail d’ingénieur. Elle le guide aujourd’hui dans ses nouvelles fonctions chaque fois qu’il doit s’extraire de la routine et prendre du recul. Or ce qu’il sent, ce qu’il pressent, c’est que la pression monte en mer du Nord. Que des tensions en sous-sol sont à l’œuvre, que de vieilles blessures, enfouies sous des millions d’années de sédiments et mal cicatrisées, sont en train d’être rouvertes. Dans le travail de sous-traitance pour les compagnies pétrolières ou l’éolien offshore, au gré des missions de Margeos à travers la mer du Nord, il entend ce qui ne sera pas restitué dans les rapports, une rumeur, un bruit sous-jacent au silence officiel sur la sismicité de la zone.
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Les goûts et les couleurs. N'empêche, on se sent proche de quelqu'un, et comme ça, brutalement, sur un détail, un fossé s'ouvre.
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Dans le domaine particulier des procédures d'urgence, aucun technicien, aucun ingénieur, même le plus inventif, ne viendra à bout du challenge qui consiste à tirer d'une situation toutes les conséquences en termes de risques, à envisager le pire pour en limiter l'impact, le pire dans l'univers des possibles n'étant pas une figure statique, facile à saisir, bien au contraire, en matière de pire on peut toujours faire mieux, et la réalité des incidents qui est riche et complexe est toujours une leçon d'humilité. Quant au risque nucléaire, le circonscrire à l'enceinte de confinement, idéalement on aimerait bien, on tend vers ça, pour finalement dans la pratique s'en remettre aussi aux statistiques, la probabilité que ça arrive ou que ça n'arrive pas, l'incertitude, son seuil de tolérance, etc., on imagine, des heures et des heures passées à dresser la carte des cas connus et répertoriés ou prévisibles, qui s'enrichit du retour d'expérience, et le reste, l'impondérable, les taches blanches, qu'on ne se représente même pas. Quand l'incident se produit, c'est grave ou c'est moins grave, sur l'échelle INES notée de 1 à 7 de la sûreté nucléaire, ça peut être grave collectivement ou de façon isolée pour un travailleur ou deux, les statistiques intègrent ça aussi, le bien du plus grand nombre et la quantité négligeable.
(p. 34)
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Il se tient debout au bord de la piscine, vide. Il se tient debout en combinaison étanche, heaume ventilé et masque à gaz sous le heaume, incapable de franchir le pas qui lui permettrait d'agripper la rampe, de pivoter, puis de poser son bottillon droit en caoutchouc blanc et semelle crantée sur le premier barreau de l'échelle, en prenant bien garde de ne pas s'enrouler ou entortiller le cordon d'alimentation, une fausse manœuvre qui couperait net l'arrivée d'air au mauvais moment, une fois atteint le fond de la piscine; pour l'instant en cas d'urgence ou sur un coup de tête, il peut encore agir, arracher le heaume et le masque et respirer librement, mais quinze mètres plus bas, ce qu'un homme sans tenue complète de protection est surtout libre de respirer, ce sont les gaz et aérosols radioactifs libérés par les parois, tritium, cobalt césium,etc. Il entend la voix derrière lui, à travers le heaume qui lui donne l'ordre pour la deuxième fois de descendre. Il ne réagit pas.
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Un temps sans flèche, réversible, on croit encore pouvoir inverser le cours de l'histoire et remonter quelques quatre cent soixante-dix kilomètres plus tôt, quand la 306 s'est engagée sur la bretelle de la voie express, en fait non, à y réfléchir ça se joue avant, on remonte d'un cran supplémentaire, jusqu'au moment qu'on estime être à la croisée des chemins où on s'est fait remercier par la DRH de l'usine, baisse d'activité dans l'automobile, et la prime de précarité qu'elle nous grappille en jours de congé posés par elle arbitrairement pour nous tous en fin de mission, sauf que des congés à quelques jours des grandes vacances, inscription et pointage obligatoires, on n'en demandait pas tant, mais bon, c'est comme ça, le prix à payer aujourd'hui pour le diplôme hier qu'on n'a pas eu, en électrotechnique, quej'aurais pu avoir, vu que BTS électrotechnique c'était bel et bien un choix personnel, va t'en savoir pourquoi, à la croisée des chemins, à ce moment-là ou quelques années plus tôt, peu importe, à y réfléchir de trop près, ça nous échappe.
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Chair à neutrons. Viande à rem. On double l'effectif pour les trois semaines que dure un arrêt de tranche. Le rem c'est l'ancienne unité, dans l'ancien système. Aujourd'hui le sievert. Ce que chacun vient vendre c'est ça, vingt millisieverts, la dose maximale d'irradiation autorisée sur douze mois glissants. Et les corps peuvent s'empiler en première ligne, il semble que la réserve soit inépuisable.
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Margaret était en passe d’obtenir sa licence, après trois années d’un tronc commun en Sciences de la Terre, elle était confrontée à la situation qu’elle avait tenté de repousser aussi longtemps que possible, se projeter dans l’avenir, réfléchir à ce qu’elle voulait faire, choisir une spécialisation. Elle entrait dans cette ligne droite particulière de la vie de jeune adulte, où s’ouvrir une voie et acquérir une autonomie, c’est tailler à la serpe dans le champ des possibles et prendre le risque d’avoir des regrets.
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« Quand on s’est connus, se souvient Margaret, j’avais vingt-trois ans, tu en avais vingt-quatre. Je réalise à quel point on était jeunes. A peine plus âgés que ne l’est David aujourd’hui. Et tout aussi démunis, toi et moi, j’imagine, face à l’autre. Face à la complexité de l’autre. Sans être capables d’en prendre la mesure, de s’en préoccuper mutuellement, de se fournir les clefs nécessaires.»
Elle se souvient. Il était double. Il était sombre.
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Les gens comme moi se mettent souvent en mouvement pour de mauvaises raisons. En danger d'être rattrapés s'ils restent immobiles. ce sont moins les difficultés et les obstacles qui nous minent que l'inaction. Le pire étant d'avoir une représentation devant soi, sous les yeux, une vision claire de ce qui va arriver. Voir, savoir, et au prétexte qu'on ne sera pas entendu, rester les bras ballants.
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En essayant d'y mettre les formes, elle explique que des scientifiques peuvent effectivement s'atteler à la tâche, tenter d'anticiper le cours que prendra l'évolution, sachant qu'on est là au coeur même de l'imprévisible , dans ce qui dépasse l'entendement et l'imagination qui est bien le seul enseignement qu'on puisse tirer du passé, contrairement aux processus géologiques qui répondent à des principes bien moins aléatoires, le devenir du vivant nous échappe, on peut toujours tenter d'imaginer l'inimaginable, ça ne sert pas à grand-chose, c'est même du temps perdu -elle dit ça autrement.
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Et que ce soit précisément un territoire enfoui, un espace submergé et rendu momentanément à l'air libre qui ait été sa passion élective et sa planche de salut, ne l'étonne pas; qu'elle ait pu, de surcroît , en faire son metier, le rassure.
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INCIPIT
Il y a huit mille ans, une grande île s’étendait au milieu de la mer du Nord, le Doggerland. Margaret en a fait son objet d’étude. Marc aurait pu la suivre sur cette voie, mais c’est le pétrole qu’il a choisi. Il a quitté le département de géologie de St Andrews, pour une vie d’aventure sur les plateformes offshore. Vingt ans plus tard, une occasion se présente. Ils pourraient la saisir, faire le choix de se revoir. On dit que l’histoire ne se répète pas. Mais les géologues le savent, sur des temps très longs, des forces agissent à distance, capables de réveiller d’anciens volcans, de rouvrir de vieilles failles, ou de les refermer.

Margaret
Ils l’ont vue naître, émerger du néant en mer d’Islande. Ils ont assisté subjugués à son éclosion, nichée au creux de son lit dépressionnaire, engendrée par un air humide subtropical égaré aux frontières de l’océan Arctique. Et maintenant elle explose, une bombe. Comme dans un film en avance rapide, il n’y avait rien, et elle est là. Plus proche de Xavère que de Xavier dans sa prononciation, avant d’être une catastrophe, Xaver est un bel objet. Justifiant, à l’initiative des météorologues européens, cette distinction d’un nom de baptême. Suffisamment soudaine, imprévisible et spectaculaire pour ça.
Ils l’ont vue surgir au sud-est du Groenland, s’extraire de sa gangue en un temps record, au nez et à la barbe des modèles numériques de prévision dépassés par la rapidité et l’ampleur du phénomène. Ils l’ont vue se lover, s’enrouler dans un mouvement ascendant de convection et accroître son diamètre en accéléré dopée par une chute vertigineuse des pressions à cet endroit ; il n’y avait rien et brutalement elle est là, d’entrée pleinement elle-même et hors norme, à peine au monde et déjà active, en possession de tous ses moyens, la voilà qui s’anime au-dessus de l’Atlantique Nord et crève l’écran, qui s’observe de but en blanc dans une forme aboutie telle Athéna sortie casquée et bottée du crâne de son père ; elle grossit, croît et se développe à une vitesse exponentielle, entame sa course d’ouest en est, s’élargit au fil des heures, en lignes isobares toujours plus nombreuses et serrées, et eux assis derrière leurs écrans traitent, analysent, évaluant à sa juste mesure l’accumulation extraordinaire de paramètres favorables qu’il a fallu, et se préparent au pire.
À ce stade aucun avis officiel n’a été diffusé. Mais déjà les fonctionnaires des agences de météorologie, ceux du Met Office, du Deutscher Wetterdienst, de Météo-France ou du Meteorologisk Institutt, sont sur le pied de guerre. Car ce que les modèles des supercalculateurs alimentés en temps réel prédisent à présent qu’on n’a plus besoin d’eux pour l’anticiper, que l’ampleur de la situation s’évalue de visu, est sans équivalent pour beaucoup de prévisionnistes, on n’avait pas observé un tel phénomène depuis vingt ou trente ans. Les yeux rivés sur les images satellites, ils n’en reviennent pas de ce qui est en cours, de ce qui se déroule à l’écart des projections à trois jours, pour les plus jeunes d’entre eux, du jamais vu. Elle grandit et se déploie telle une puissance mythologique, mi-concrète mi-abstraite, par capteurs, balises, transmissions satellites et simulateurs interposés, ni tout à fait réelle dans ce temps intercalaire où elle souffle sur les eaux de l’Atlantique sans aucun témoin, ni tout à fait théorique. Ils l’admirent pour ce qu’elle est, exceptionnelle dans ses paramètres, par leur conjonction comme un alignement de planètes dont on n’est spectateur qu’une à deux fois dans sa vie, émerveillés par sa rapidité d’évolution et son potentiel de croissance, tandis que les données défilent, réactualisées en permanence, et ce n’est qu’un début. Ils anticipent la deuxième phase, à l’approche du jet-stream, un courant de haute altitude lancé à 320 km/h autour de la Terre en vitesse de croisière ; parmi tous les scénarios qui font consensus dans une gamme étroite de variantes d’un service à l’autre, c’est la version haute qui sortira au tirage dans moins d’une heure, la plus impressionnante par un transfert maximum d’énergie au passage du courant-jet au-dessus de Xaver, renforçant la convection, décuplant sa vitesse de rotation, transformant instantanément la dépression en bombe météorologique ; partout dans les agences à travers l’Europe du Nord et de l’Ouest, ingénieurs et techniciens sont mobilisés, en collaboration étroite entre eux, en contact direct avec les autorités et les centres de gestion de crise, car ce qui se prépare est énorme, ils le savent, donnera à la tempête sa vraie dimension et sa catégorie, à partir de quoi, seront lancés conjointement et dans toutes les langues, les bulletins d’alerte.
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