AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Éric Chevillard (333)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Craintif des falaises

Le craintif des falaises. Quel est cet animal ? C'est à se demander si Chevillard et Killoffer n'ont pas composé leur livre du haut des falaises d'Étretat. Les phrases vacillent et la composition flanche pour l'un, le dessin tremble et les formes se décomposent pour l'autre. On est en pleine poésie acrophobique. C'est vertigineux.
Commenter  J’apprécie          70
L'explosion de la tortue

Je n'avais déjà pas été vraiment emballé par l'histoire de cette pauvre Rose-Ronce abandonnée par son père cambrioleur, dans le précédent bouquin de Eric Chevillard, mais alors là, "L'explosion de la tortue" bat tous les records de niaiseries !



Comment peut-on se passionner, s'émouvoir, voire se bidonner, en lisant le récit de cette malheureuse tortue d'eau, abandonnée par ses propriétaires partis en vacances, et qui n'en finit pas d'éclater ?



Lamentable !



Commenter  J’apprécie          70
Le vaillant petit tailleur

Eric Chevillard a le don d'irriter de nombreux lecteurs. Ses romans dérangent. D'ailleurs sont-ils bien des romans? Ce Vaillant Petit Tailleur est-il un roman? Cette tentative de détournement d'un conte populaire, entrecoupée (que dis-je, interrompue!) constamment par les digressions d'un auteur aussi bavard que Diderot dans Jacques le Fataliste ou Sterne dans Tristam Shandy, ne peut pas être un roman!

Mais un écrivain du XXIe siècle doit-il encore écrire comme Balzac, comme Zola, comme Diderot, comme les frères Grimm? Un artiste doit-il peindre encore comme Raphaël, Le Caravage ou Delacroix?

Eric Chevillard fait partie de ses auteurs qui écrivent avec une conscience aiguë de la langue, de l'histoire littéraire et de l'intelligence humaine. Pas sûr qu'il plaise à la majorité des grands lecteurs qui goûtent avant tout la non-littérature.
Commenter  J’apprécie          70
Prosper à l'oeuvre

Vous connaissez Prosper Brouillon ? Non ? Ne me dites pas que vous n'avez pas lu son dernier roman, Les gondoliers, si joliment défendu par Eric Chevillard dans son non moins célèbre Défense de Prosper Brouillon... Après avoir pris son parti face au scepticisme et aux moqueries d'un certain milieu germanopratin toujours prompt à s'ériger en parangon de vertu et à décréter ce qu'est la "vraie littérature", Eric Chevillard nous offre une expérience totalement inédite : une immersion dans le processus créatif de Prosper. L'opportunité de mieux saisir comment ce génie des lettres agence les mots, construit des phrases qui ne ressemblent à aucune autres (ça, il y tient, Prosper, hors de question de risquer la platitude...), une obsession qui le poursuit jusque dans son sommeil.



Dès le début, le ton est donné avec les écrivains cités en exergue, et sous l'égide desquels il se place. Je vous laisse découvrir par vous-mêmes mais je vous préviens, on commence déjà à ricaner et ce n'est que la première page. Cette fois, Prosper Brouillon a décidé d'écrire un polar... ou peut-être un roman d'aventure... il ne sait pas bien encore, mais comme toujours il fait confiance à l'inspiration qui vient si régulièrement le visiter.



"Quelle histoire ? Prosper Brouillon se demande en effet comment poursuivre. Le début est prometteur (il est derrière lui), la fin sera formidable aussi (invitations à la télévision, négociations avec les producteurs de cinéma, placards publicitaires dans le métro) : entre les deux, c'est le moment qu'il n'aime pas beaucoup, la corvée du coffrage, du remplissage".



On retrouve dans cette suite tout ce qui faisait la saveur du premier opus, à commencer par la perfide méchanceté du regard de l'auteur, nourrie par des années de lecture et de critique littéraire. Mais attention, cette férocité n'a rien de gratuit. Si Eric Chevillard s'autorise tous les excès, il n'en pointe pas moins une réalité qu'il est difficile de nier. Prosper cumule à lui tout seul toutes les tares liées à l'évolution du milieu littéraire, que les passionnés n'auront aucun mal à reconnaitre. J'ai beaucoup ri, je l'avoue. Les situations sont si réalistes, les suggestions si finement relevées qu'il est impossible de ne pas se surprendre à glousser méchamment à l'évocation des notes que Prosper inscrit religieusement dans son petit carnet noir (oh là là, ce florilège !) afin de piocher des expressions lorsqu'il en aura besoin. Car Eric Chevillard prend bien soin de faire cohabiter au cœur du processus créatif littérature et marketing, si interdépendants désormais nous explique-t-il ainsi.



"Par bonheur, à l'instar de nombre de ses plus talentueux collègues et amis et cependant invasifs et très surestimés écrivains à succès, Prosper Brouillon a justement fourbi sa plume dans la publicité. C'est sans conteste la meilleure école de lucrative writing".



Franchement, un antidépresseur pareil, ça ne se refuse pas. Quand la situation est si désespérée, mieux vaut prendre le parti d'en rire. Et rien n'est meilleur qu'une méchanceté bien troussée. A commencer par la quatrième de couverture : "Prosper Brouillon n'écrit pas pour lui. Il ne pense qu'à son lecteur, il pense à lui obsessionnellement, avec passion, à chaque nouveau livre inventer la torture nouvelle qui obligera ce rat cupide à cracher ses vingt euros". Je vous garantis par contre que vous, vous ne regretterez pas les quinze euros que vous débourserez pour cette lecture au très bel écrin.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          70
Ronce-Rose

Ronce-Rose m'évoquait un récit médiéval (tiens, je me demande bien pourquoi...). Cela n'a rien a voir, bien que Chevillard s'amuse dans ce court roman à créer des liens avec les contes qui nourrirent notre enfance. Tout nous est présenté à travers la voix d'une jeune fille qui tient régulièrement un journal. On est happé immédiatement par le caractère très original de la vie de Ronce-Rose (Chevillard oblige!) et de son entourage, qui se réduit à deux ours intrépides aux activités peu conventionnelles, à un unijambiste, une sorcière et quatre mésanges.
Commenter  J’apprécie          70
L'Auteur et Moi

Chevillard est sacrément hilarant. Ses personnages, ses histoires et ses digressions sont extraordinaires. Tout dans ce roman est jeu, notamment la littérature et l'univers qui l'entoure: sa communauté, son économie, son histoire.
Commenter  J’apprécie          70
L'autofictif doyen de l'humanité

N’adorant pas l’autofiction, et encore moins les titres de livres obscurs, je n’aurais sans doute pas jeté mon dévolu sur ce petit livre si Sandrine n’avait pas eu la bonne idée de mettre à l’honneur les éditions de L’Arbre Vengeur en ce mois de janvier.

Je parcours parfois les chroniques d’Eric Chevillard dans le Monde des livres, mais ce n’est pas de ce genre de chroniques qu’il s’agit ici. L’autofictif, qui en est à son huitième tome, est un recueil quotidien d’aphorismes, de poésies courtes, de mots d’enfants, de réflexions, de retours sur ses activités « critiques », à raison de trois par jour.

Et c’est drôle, réjouissant, jamais lassant.

L’auteur a d’abord semé ses petites phrases sur son blog, et elles ont été ensuite réunies chaque année en un petit volume. J’ai noté une bonne vingtaine de pages dont je voulais partager avec vous un petit morceau.

Parfois, on dirait du Jules Renard.

Je me souviens toujours avec délices de ses Histoires naturelles. J’avais reçu à huit ou neuf ans ce livre, dans une version à illustrer soi-même par des collages, des dessins, et j’avais autant aimé le texte que la possibilité de m’exprimer !

J’ai maintenant la version « à deux euros » des extraits de son journal, et j’en relis volontiers quelques lignes de temps à autres.

Mais retournons à notre contemporain.

L’auteur délire sur le doyen de l’humanité, recueille les mots de Suzie et Agathe, presque 5 et 7 ans, ne tarit pas d’éloges (je plaisante !) envers quelques confrères écrivains, se regarde dans le miroir, s’attarde aux terrasses des cafés pour observer les passants et leur téléphone portable, s’interroge sur le temps qui passe et commente des réclames ou des phénomènes de mode.




Lien : https://lettresexpres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          72
Juste ciel

Toujours une belle idée de départ mais, hélas!, la même manie ( ou fatalité?)de délayer une sauce bien courte qui ne prend pas. Malgré quelques pages sautillantes et cocasses, on tombe et retombe vite dans l'ennui d'un "cul-cul" assez indigeste. Chevillard excelle dans le court et ne sait peut-être plus faire long!

Commenter  J’apprécie          70
Du hérisson

N°1780– Septembre 2023



Du hérisson – Eric Chevillard – Les éditions de Minuit.



L’écrivain veut écrire sa propre biographie. Pourquoi pas, et on n’est jamais mieux servi que par soi-même et on peut régler ainsi ses propres comptes et formuler ses propres explications à ses nombreuses contradictions, formuler ses confessions, dire des choses intimes jusque là jalousement cachées...Il a même déjà le titre « Vacuum extractor » et pas mal de notes. C’est important. Il s’installe donc à son bureau avec tous les outils traditionnels nécessaires à l’écriture... et avec un hérisson « naïf et globuleux » suivant sa propre expression. Que fait-il là et surtout comment est-il arrivé là; Là aussi pourquoi pas si cet improbable animal favorise sa démarche comme d’autres ont besoin d’un chat pour aiguillonner leur inspiration. Sauf que ce n’est pas exactement ce qui se produit et ce hérisson va perturber la démarche créatrice de l’écrivain en bouleversant son univers immédiat au point que ce dernier va brûler ses notes et laisser cette bête manger sa gomme (mais pas ses crayons) au point de ne nous parler que de ce hérisson, de sa naissance, sa vie amoureuse, son régime alimentaire, son quotidien, de ses prédateurs, de sa mort… mais d’autobiographie, rien, à part quelques rares réminiscences.



Le titre lui-même est archaïque (Du hérisson) et ressemble à ceux usités jadis pour parler d’une étude scientifique ou philosophique, mais ce livre est annoncé comme un roman, c’est à dire qu’il est du domaine de l’imaginaire et donc apparemment à l’opposé d’une biographie, ce qui peut dérouter le lecteur désireux d’en apprendre davantage sur un auteur quasiment inconnu. Il y a bien des confidences et même de douloureux secrets, parfois inattendues comme le viol du narrateur alors enfant par un prêtre, mais cela donne tout de suite dans l’absurde et donc dans le non crédible. Pourtant ce texte, par ailleurs assez déconcertant (mais avec Chevillard nous commençons à avoir l’habitude), me paraît personnellement révélateur de ce qu’est le phénomène créatif. Au départ l’auteur a un projet mais, rapidement et sans qu’il sache pourquoi, les choses ne s’articulent pas comme il en avait le projet et le texte part dans un autre sens, le personnage principal (le hérisson) s’impose dans un contexte différent.. Ici le hérisson qui dévore les pages symbolise, à mon avis, ce phénomène qui brouille la démarche créatrice et transforme le projet initial, la biographie, en quelque chose d’impossible à écrire et qui échappe à l’auteur. Il y a vraiment là de quoi le perturber, et accessoirement le lecteur, et explique, peut-être, ses nombreuses et néanmoins coutumières divagations et vaticinations qui, plus souvent qu’on ne le croit, polluent l’écriture, C’est un peu comme si ce hérisson était toujours resté tapi dans l’inconscient de l’auteur et, profitant de cette envie qu’il a d’écrire sa propre biographie se manifeste d’une manière à bousculer ce projet et d’imposer sa présence. C’est de lui qu’il faut parler et pas d’autre chose ; Du coup l’auteur se demande si d’autres hérissons n’ont pas existé.auparavant mais ne sont pas morts à cause du défaut de volonté de l’auteur, de son manque de disponibilité au regard de l’écriture. Je me trompe peut-être mais c’est comme cela que je vois les choses, à moins que ce ne soit tout simplement son imagination débordante. :.



Commenter  J’apprécie          60
L'explosion de la tortue

J'ai eu grand mal avec ce livre. L'explosion de cette tortue ne m'a pas ému.

Le côté cyclique du livre m' a paru très pauvre comme des assertions comme le cancer disparaît comme une toux si l'on est dans de bonnes dispositions psychologiques.

Le pompon est quand il nous dit qu'il n'écrit pas la dame aux camélias.

Je trouve ça fat, vain, pas rigolo, pas inspiré, bête par moments.

Un grand non pour moi.

Commenter  J’apprécie          60
L'explosion de la tortue

Eric Chevillard est un adulte (quel scoop!). Mais un adulte qui semble s'agacer de l'esprit de sérieux de ses pairs. Il n'a pas perdu le plaisir du jeu de l'enfance et l'exploite (son éditeur se permet de vendre son dernier livre 18€, rendez-vous compte ma bonne dame (cf. la critique de Litteraflure)!) pour mieux exposer nos travers et notre bêtise. S'incarnant dans un narrateur hypocrite, couard, cupide et idiot, il joue avec ses lecteurs, avec les clichés littéraires et avec la langue française.
Commenter  J’apprécie          60
Choir

C'est une plongée dans l'Enfer que nous propose Chevillard avec Choir, une île absurde et cauchemardesque pour ses habitants, un roman où s'entrecroisent plusieurs voix, un chroniqueur, un vieux récitant de la geste du grand Ilinuk, un poète, un prieur. On y mène des vies de malheurs et d'ennuis, où la seule solution pour échapper au réel est le récit, le rêve, le mythe, la poésie, la littérature. Le lecteur se rend compte alors qu'il est un habitant de Choir et comprend pourquoi il a très souvent un livre entre les mains.
Commenter  J’apprécie          60
Ronce-Rose

Qui est Ronce-Rose ? Une petite fille, sans doute. On lui donne huit ans, à peu près, car elle sait lire. Elle vit avec Mâchefer et Bruce, son ami costaud. On ne sait pas trop quels liens les unissent. Et puis Mâchefer a un drôle de travail : surtout la nuit, dans les banques, les bijouteries… et puis des fois il se déguise. Jusqu'au jour où il disparaît. Alors Ronce-Rose met des culottes propres dans son sac et part à sa recherche.

Drôle de petit roman, où on côtoie un unijambiste, une sorcière, des oiseaux… On est dans un conte de fées, avec une belle écriture, et une drôle de fin. Ce livre est un petit bijou, qui se lit d'une traite, et qui, comme les contes de fées, vous laissent un drôle d'impression… Mais qui est Ronce-Rose ?
Commenter  J’apprécie          60
Juste ciel

Jamais peut-être l’expression «à mourir de rire» n’a mieux convenu que pour ce roman délicieux même s’il ne tient pas forcément ses promesses. Car en refermant le livre, on continue à ses perdre en conjectures sur « comment furent créés le monde, la vie, comment tout cela prendra-t-il fin, quelle est la fonction du Mal… »

En revanche, je peux vous promettre que vous passerez un très agréable moment à lire les réflexions post-mortem d’Albert Moindre, spécialiste des ponts transbordeurs (autre espèce en voie de disparition).

Il vous sera par la même occasion donné de réfléchir sur des notions telles que l’intuition, le destin (c’était écrit), le libre arbitre, voire même sur la vie après la mort. Autrement dit, derrière cette joyeuse fantaisie, on finit par toucher ces choses essentielles qui font de l’homme un roseau pensant.

Mais avant cela, il aura bien fallu comprendre par quel concours de circonstances on est passé de vie à trépas et en quoi consiste cette «nouvelle vie». Quiproquo, voire incompréhensions ne sont alors pas inhabituelles, surtout lorsqu’on ne trouve pas d’interlocuteur capable d’apporter les bonnes réponses aux questions légitimes qui se posent : « Albert ne s’attendait pas à toute cette bureaucratie. On se croirait au dernier étage du gratte-ciel, dans les locaux vitrés d’une administration tatillonne. »

Voilà qui change des représentations du paradis laissées par les écrits religieux ou par des peintres ne manquant pas d’imagination. Même si le narrateur se demande si en fait, nous aimerions vraiment passer l’éternité dans des « vallons herbus, entouré d’oiseaux blancs, d’agnelets et de buissons fleuris. »

N’oublions pas l’aspect inéluctable d’un décès. Du moins, c’est ce que l’on peut penser avant d’atteindre la page 140. Là, suivant le point de vue, les choses se compliquent ou s’éclaircissent. On y apprend que notre héros est en fait déjà mort plusieurs fois, mais que son caractère et son savoir-faire allaient devoir encore servir.

« Rien ne sera jamais définitif tant que nous n’aurons pas aboli la dimension temporelle dans laquelle s’inscrivent toutes ces histoires. » Comme dans le meilleur des romans de H.G. Wells, « on » a choisi de remonter le temps avant la morsure de vipère fatale, voire même avant la cérémonie des obsèques.

Du coup, l’histoire n’est plus la même. Ni pour Albert, ni pour ses proches, ni pour Miss Colorado 1931, ni même pour le lecteur. Qui peut ainsi continuer à se régaler de ce roman tout simplement vertigineux !


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          60
Juste ciel

Qui ne s’est jamais demandé ce qui se passait une fois qu’on venait de mourir ? Éric Chevillard propose de nous le raconter à travers le personnage d’Albert Moindre. Il vient de succomber d’un accident de voiture et s’étonne d’avoir encore une conscience dans l’au-delà… Il se met à raconter ce qu’il voit et ce qu’il « vit »….

Une fois le livre refermé, un sentiment mitigé m’habite. Je suis déçue, je m’attendais à une fin différente (promis je ne vais rien spoiler), à une vraie plongée dans un « ailleurs ». Mais hélas, ma soif d’imagination est restée inassouvie. Je n’ai pas été assez embarquée dans l’histoire de l’auteur, même si au début c’est assez tentant et l’œil est relativement neuf. Mais de fil en aiguille, c’est trop… comment dire… plat.

Malgré tout quelques surprises, un récit éloigné des clichés (paradis = anges blancs ; enfer = flammes avec des diablotins cornus à queue) qui tente de nous montrer qu’on existe dans l’au-delà débarrassé de son enveloppe charnelle (pour ne citer que ça). Des moments drôles, un style assez soutenu mais il a manqué l’étincelle.



Difficile d’être plus prolixe sur ce livre dans dévoiler l’intrigue et ses ficelles.

Lisez-le ! Après tout, tout le monde est concerné par la mort alors autant essayer d’imaginer ce qui pourrait advenir après le trépas !
Commenter  J’apprécie          60
Préhistoire

Le narrateur de «Préhistoire», un ancien archéologue nommé gardien et guide de la grotte de Palus suite au décès de son prédécesseur, traîne des pieds, multiplie les manœuvres dilatoires pour repousser sa prise de fonction et la réouverture du site, en commençant par demander un uniforme à sa taille pour remplacer celui du précédent gardien Boborikine dont il a hérité, à l’instar du romancier enchaînant les digressions pour échapper à la fiction réaliste, répétition infinie de la même histoire, et pour retarder le risque de face à face avec les sentiments d’impuissance et d’imposture de l’écrivain.



«On me réplique aussi sec de là-haut qu’un uniforme n’a besoin de personne, sinon pour tenir debout, et que telle poignée de son vaut bien telle autre dans le ventre de la poupée, Boborikine ou moi, peu importe, que ma requête est irrecevable et repose même sur un sens des valeurs complètement perverti puisque ce serait plutôt à moi de m’adapter, en toute logique, de prendre du poids et de descendre un peu de ma hauteur afin de me couler dans l’uniforme de Boborikine, que cette manière de m’en échapper par tous les bouts pourrait bien être considérée comme un manquement à la discipline, déjà, une faute grave, un refus d’obéissance, que je suis grotesque ainsi, dans cet uniforme, que je le déshonore, portant préjudice du même coup à la profession tout entière, qu’il va falloir que je change et vite si je veux éviter des sanctions, voire une mise à pied définitive, que mon attitude est inqualifiable et que je ne suis pas en mesure de rien réclamer, surtout pas un uniforme, quand on voit la façon dont je les porte, me suis-je bien regardé, cette désinvolture, ce débraillé, comment osais-je prétendre en obtenir un neuf ?»



Ce gardien-narrateur, préoccupé d’abord de son apparence, va agir avec constance en dépit de ce qu’on attend de lui, et en même temps nous faire visiter la grotte de Pales, raconter en un seul livre des dizaines de récits, sur l’imaginaire associé à l’époque préhistorique, aux grottes et aux peintures rupestres, sur des événements microscopiques transformés en péripéties considérables comme la mort d’un moucheron, sur la vie de Nicolas Appert car il est beaucoup question de conservation dans ce livre, multipliant à l’excès les récits brillants, incongrus et burlesques, pour réussir à créer en différant toujours le début du récit.



«La fin de la préhistoire fut précipitée par l’apparition de l’écriture. Plus exactement, on considère que l’apparition de l’écriture marque la fin de la préhistoire, que celle-ci en somme s’achève lorsque le récit commence. Présent sur la terre depuis trois millions d’années, et fatigué sans doute d’être lui-même, on le serait à moins, immuable en dépit de transformations morphologiques qui l‘éloignaient peu à peu du singe sans l’apparenter au tigre pour autant, l’homme devint alors ce personnage de fiction dont les aventures extraordinaires se poursuivront de livre en livre jusqu'à la disparition de l’écriture, un jour ou l’autre, car ces aventures finiront par lasser tant il est vrai que leur succession rapide et ininterrompue décrit la plus parfaite figure de l’immobilité que l’on ait connue depuis les grandes glaciations du quaternaire.»



Frustrant par moments du fait de son objet même, un surplace ironique et brillant dans la pré-histoire.
Commenter  J’apprécie          60
L'œuvre posthume de Thomas Pilaster

Où l'on apprend que le gazon est le petit de la gazelle et où les notes de bas de pages en disent beaucoup beaucoup beaucoup...
Commenter  J’apprécie          60
Du hérisson

L’écrivain seul et industrieux à sa table de travail, prêt à l’abdication de son ambition littéraire, est sur le point de démarrer l’écriture d’un roman réaliste et autobiographique - sous le savoureux titre de Vacuum extractor - dans lequel il dévoilera tous ses petits secrets. Alors il aperçoit, dans l’angle de cette même table, un hérisson naïf et globuleux.



Et donc tout en brûlant ses manuscrits inédits dans l’antre de sa cheminée, au lieu de suivre son projet initial, Éric Chevillard nous sert Du hérisson, petit animal forcément affublé des adjectifs naïf et globuleux. Et donc le hérisson naïf et globuleux, objet et pensée perturbatrice, et l’histoire personnelle que l’auteur voulait écrire, se disputent l’énergie de l’écrivain et l’espace de la page, dans un texte d’une intelligence, d’une fantaisie et d’une drôlerie sans limites, où l’ensemble du monde tout à coup se mesure, à l’aulne d’un hérisson naïf et globuleux.



« Mon hérisson naïf et globuleux me regarde sans peur. On connait mal sa tête. C’est dommage. Comme si on ne le voyait que de dos, ou de haut. Les Celtes le nommaient l’affreux (gráineóg). Tant pis pour eux. Son histoire est celle de Peau d’Âne. Sous la pelisse grossière se trémousse une belette souple et fluette. L’homme fait sans cesse affront à l’animal, ainsi par exemple au crabe, nettoyeur des plages, multiple comme une main de coiffeur dans la frange de la mer, pacifique habitant des eaux calmes



devenu le symbole du cancer. On me permettra aussi de déplorer que le virus de l’immunodéficience humaine affecte plus ou moins dans nos représentations la forme du hérisson naïf et globuleux. Certes, ce dernier aspire à se rendre effrayant et cette modélisation prouve qu’il y parvient au-delà de ses espérances. Mais ne symboliserait-il pas mieux encore la santé, le triomphe d’un système défensif et immunitaire à toute épreuve ? C’est à peine si le venin de la vipère trouble son sang. Il faut le frapper avec une pelle pour le contusionner et si l’on ne disposait pas de témoignages, fort peu nombreux au demeurant, émanant de chauffeurs de poids lourds, on pourrait croire qu’il ne saigne jamais du nez. »



Le hérisson est tour à tour petite chose, forteresse et titan, fantaisie métaphysique et rempart infranchissable contre le réalisme et l’ennui d’une œuvre littéraire qui raconterait une vie vide de sens.



Lors d’une soirée magique à la librairie Charybde, Pierre Jourde qui officiait ce soir-là comme libraire invité, a parlé d’Eric Chevillard comme de l’écrivain absolu. Je veux donc rendre grâce à Pierre Jourde, qui au-delà de l’auto fictif m’a fait plonger avec jubilation dans le monde enchanté du langage de Chevillard.



«Écrire, je croyais que c’était cela



pourtant, précipiter le monde dans une formule, tenir le monde dans une formule, court-circuiter les hiérarchies, les généalogies, ce faisant produire des éclairs, recenser les analogies en refusant la comparaison trop facile du hérisson naïf et globuleux et de la châtaigne dans sa bogue malgré la tentation permanente et sa démangeaison insupportable, créer du réel ainsi en modifiant le rapport convenu entre les choses ou les êtres, élargir le champ de la conscience, en somme, au lieu de le restreindre à nos préoccupations d’amour et de mort ou comment se porte mon corps



ce matin ? Mais non, décidément, je suis seul sans doute à penser cela. Me serais-je trompé sur la nature et l’enjeu de la littérature ?»



Éric Chevillard n’est pas totalement seul mais ils sont tout de même assez peu nombreux, à refuser ainsi toute banalité, à faire preuve d’une exigence absolue, d’une telle puissance de la fantaisie et de l’imagination, et à nous donner une telle jubilation.

Commenter  J’apprécie          60
L'autofictif croque un piment : Journal 201..

Sur son blog, l'auteur écrit quotidiennement des textes courts, publiés ensuite. Celui-ci est le quatrième volume, courant du 18 septembre 2011 au 17 septembre 2012, période durant laquelle sera publié son dernier roman L'auteur et moi.



Fort agréable à lire par petits bouts, idéal pour les courtes attentes de la vie que l'on veut traverser intelligemment. Parfois ça fait mouche, parfois moins, selon le lecteur et l'humeur, supposons-le. Très addictif cependant, et déjà je songe à emprunter d'autres opus à la bibli.



Quelques exemples

"Je suis de ceux qui tiennent que la Terre n'est pas une sphère mais un disque. Et non, elle ne tourne pas non plus autour du soleil - quelle absurdité!- mais ricoche dans l'éther : quand elle s'enfonce au-dessous, elle plonge dans l'obscurité - c'est la nuit- et, quand elle en émerge pour planer au dessus, elle reçoit la lumière du soleil - c'est le jour. Que la science astronomique se cabre encore devant de telles évidences a de quoi laisser pantois."



"La rotation de notre planète demeurait pour moi une énigme. Puis je pris de la hauteur et je repérai, arcbouté au globe terrestre, un bousier."



"Un sévère régime alimentaire s'impose. J'ai trop de triglycérides dans le sang: j'opte donc pour aujourd'hui pour une belle saucisse de Morteau (nul sucre). Puis, comme mon taux de cholestérol explose également, je m'en tiens sagement pour suivre à une grosse meringue nappée de caramel (nulle graisse).





"Penser à racheter des Post-it, ne savait-il où noter."



"Il passa son existence enfermé chez lui à lire des romans à suspense, des thrillers haletants, puis SOUDAIN ... la mort survint."



"Le jeune enfant disperse en courant la nuée des pigeons. Quatre-vingt ans plus tard, comme pour remettre en ordre avant de disparaître tout ce que sa présence sur la terre aura perturbé, avec les miettes de son repas, il la reforme."



"Mon boomerang est bien revenu. Mais je n'étais plus là."



"Chaque seconde de sa convalescence à la fois l'éloigne et le rapproche de sa mort."



"Le monde n'est pas à ma convenace; et par exemple, j'aurais pour ma part fixé deux ou trois centimètres plus à droite le manche de la casserole."



Interviennent aussi les deux fillettes de l'auteur, marchant sur les traces du papa:



"-Agathe, tu ne manges pas un peu trop de ces chips?

- Non, que beaucoup."



Quelques textes sous forme de poèmes

"Le vent arrache par violence

aux arbres des révérences

aux volets des applaudissements"



Quelques apartés sur les livres et la lecture

" Le livre dans la liseuse électronique n'existe que le temps de la lecture, puis il disparaît, comme effacé, ou siphonné. Nous fréquentions aussi l'objet, jadis (et naguère encore). Cétait une présence physique, avec ses caractéristiques familières, une compagnie.Certains volumes étaient de vrais crampons, certes, des incrustés, des parasites, mais d'autres nous accompagnaient comme des fétiches, de déménagement en déménagement. Ils partageaient notre vie. Sans vouloir blesser ces purs esprits, nous les aimions aussi pour leur physique... Leur contenu était associé à leur aspect dans notre mémoire oublieuse et il nous suffisait d'en regarder certains sans même les ouvrir pour très exactement et en un éclair les relire. Voilà tout de même une chose irremplaçable qui va se perdre si la tablette absorbe la bibliothèque."



"Puis tous les livres furent numérisés. On cessa de publier des volumes de papier. On brûla la plupart de ceux qui restaient, pour faire de la place. Les autres finirent par tomber en poussière. Alors se produisit le fameux bug."



Et il sait égratigner certains collègues

"Je me flatte d'avoir vécu une expérience rare pour un écrivain - qui atteste aussi une certaine force de caractère, ayons l'humilité de l'admettre: j'ai voyagé dans le Transsibérien sans en rapporter un livre! "



Des nouvelles express

Emplie d'émotion et de gratitude, elle épousa l'homme qui lui avait sauvé la vie en la tirant en arrière par sa capuche alors qu'un bus allait la percuter et qui aussitôt l'enferma dans cette haute tour de la fenêtre de laquelle, après trente ans, elle s'est jetée ce matin.

Ajoutons que dans le bus se trouvait un jeune médecin sans attache sentimentale, charmant, tendre et sensible, spécialisé en traumatologie routière.

Qu'il passa sa vie seul et connut peu de joies, hanté par l'obscure sentiment d'avoir un jour frôlé le bonheur.



"Encore une magnifique histoire d'amour. Elle n'était pas ponctuelle. Il n'était pas patient. Jamais ils ne se rencontrèrent."
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
Commenter  J’apprécie          60
Démolir Nisard

Ainsi donc, c'était, et c'est toujours hélas, de là qu'ils venaient, qu'ils viennent encore hélas, tous nos maux. Désiré Nisard, voilà donc le nom qui explique tout. Eric Chevillard a trouvé où se cachait celui que l'on nommait métaphoriquement la bête immonde, le diable ou le Mal, et il se donne pour projet pharaonique de le démolir, d'écrire enfin un livre sans Nisard, ce livre tant désiré que nous cherchons tous sans le savoir. Le lecteur, qui entre dans le jeu en se léchant les babines, veut bien qu'on le démolisse, cet ignoble individu dont il voit se développer au fil des pages hilarantes du bouquin les méfaits les plus ignobles, qui vont des faits divers les plus sordides au triste Convoi de la laitière, livre insignifiant qui aggrave encore le diagnostique cruel de la puissance de choc de Désiré Nisard. Hommes, mes semblables, mes frères, nous sommes parasités, Nisard pose sa grosse patte velue sur nos corps et nos cerveaux (Chevillard en rajouterait, il ferait, pour décrire l'ennemi, dans l'hyperbole nauséabonde, rajouterait maintes verrues et pustules à la patte nisardienne, il le faut, le bouc émissaire doit dégoûter même les plus dégoûtants des gâteux ; je ne fais que pâlement, sans style, refléter sa hargne). Unissez-vous, gens de tous les pays, armons-nous, armons-nous, armons-nous, enfants de l'Helvétie, le temps est venu (il est trop tard hélas) de démolir Nisard. Chevillard a dressé la liste des supplices, à nous d'en rajouter, de notre cru, et de tous nous y mettre, car Nisard détruit les couples, les élans innocents, les ambitions généreuses et tout ce qui rend le bonheur possible sur cette terre infectée. Nisard, rappelons-le, est la cause de cette statistique bouleversante : "On compte qu'en moyenne, à chaque instant, dans le monde, quatre doigts sur cinq sont fourrés où il ne faut pas". Rejoignons donc l'infortuné Chevillard, allons consoler Métilde, sa veuve, victime de la toute puissance nisardienne, qui a fini par démolir le martyr qui avait voué sa vie à la démolition de Nisard en ne trouvant pour cela qu'un seul moyen, se détruire lui-même en devenant Nisard, car, et c'est là la tragédie de notre pauvre humanité vieillissante, on ne peut, même en le haïssant de toute nos forces, que désirer Nisard.

Commenter  J’apprécie          60




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Éric Chevillard (983)Voir plus

Quiz Voir plus

star wars

Quel jedi est allé le premier sur la planète Kamino ?

Anakine skywalker
Mace Windu
Yoda
Obi-wan kenobi

10 questions
192 lecteurs ont répondu
Thèmes : fantastiqueCréer un quiz sur cet auteur

{* *}