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Critiques de Éric Vuillard (1125)
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14 Juillet

J'ai eu l'impression de lire un recueil de BMS romancé. Ce n'était pas pour me déplaire, je fais pas mal de généalogie et il m'arrive souvent d'essayer d'imaginer quelle avait pu être là vie de tel ou tel village en lisant la liste de noms, métiers et dates qui s'enchainent. Là, Vuillard a superbement donné vie à de simples noms oubliés, il a donné des visages à nos révolutionnaires du 14 juillet, qu'on peine à imaginer avec tous ces livres d'Histoire qui ne décrivent jamais aussi bien la foule qui s'est révoltée. Bravo pour le travail, c'est remarquable.
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14 Juillet

Il est paradoxal pour un auteur de s'attaquer à ce sujet tant visité ! Un monument historique, alors qu'apporter ? Certes il y a le style Vuillard avec ses 1000 personnages bien décrits ou simplement présentés, il y a sa foultitude habituelle de détails et de brèves anecdotes, mais on reste sur sa faim, car même si le ton y est, on a le sentiment de redites, de déjà lu et cela gâche le plaisir. Restez dans votre originalité habituelle, Mr Vuillard, elle vous réussit mieux et à nous aussi :)
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14 Juillet

Dans ce livre intitulé 14 juillet, Eric Vuillard nous décrit les événements qui ont secoué Paris et son peuple, qui se sont soulevés pour prendre la Bastille en ce jour de 1789. Au milieu de personnes comme vous et moi et non les grands de ce monde, l'auteur vous fait vivre cette journée de révolution de manière bien plus intimiste. Grâce à une liste sur laquelle les personnes inscrivaient leur nom, leur métier, parfois même l'endroit d'où ils venaient, on découvre réellement ces gens qui ont fait la révolution. Bien sur, tout cela est romancé, mais l'effet est là : plongé dans la foule, oppressé par tout ce monde, on vit cette révolution avec eux. Attention tout de même, certaines scènes sont très crues, détaillées par de courtes phrases chocs.
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14 Juillet

L'histoire commence le 28 avril 1789 avec la destruction de la folie Titon, à Montreuil, somptueuse demeure de Réveillon, petit industriel fabricant de papiers peints prospère et qui vit dans son monde sans voir que le peuple à faim. Tout bascule lorsque la foule vient dévaster cette demeure, saccager, voler, bruler, par révolte, par faim, par dégoût.

Dans ce roman étonnant de vie alors qu'il parle si souvent de mort, Eric Vuillard a préféré nous parler des hommes, de tous ceux qui ont convergé vers la bastille ce jour de 1789, peu d'hommes célèbres et de noms connus, plutôt des hommes et des femmes du peuple. de tous ceux qui par hasard ou par conviction, par faim ou par amitié, s'en vont, armés de bâtons et de pavés ou d'un canon tiré d'un musée, abattre le symbole que représente cette prison. Tous sont porté par l'élan de la révolution qui gronde, combattants aux barricades ou aux octrois, ouvriers, menuisiers, gargotiers, marchands de bestiaux, journaliers, ils convergent souvent par hasard vers l'Histoire. Il les énumère, citant leurs noms, leurs métiers, et ce faisant il sort de l'anonymat de la multitude ceux qui ont fait l'histoire.

Beaucoup d'entre eux vont mourir, et l'auteur leur donne vie un instant, à cet instant où justement l'on se souvient de tout, des bonheurs et des douleurs, de la vie et de ceux qu'on aime, de ceux qu'on laisse aussi à regrets. Il nous les rend terriblement humains, parfois fragiles ou au contraire très forts, révolutionnaires ou opportunistes, simple curieux, venus là pour soutenir un ami, un voisin, emportés par l‘élan de la foule qui gronde et qui agit, au-delà de toute conscience politique ou révolutionnaire parfois. C'est beau ou c'est stupide de mourir dans ces conditions, tout dépend d'où l'on regarde. Il y a de scènes assez dures, car la mort n'est ni un jeu, ni un plaisir. Mais, grâce à un travail rigoureux d'étude de tous ces registres dans lesquels on a inscrit un nom, un métier, l'auteur les restitue et leur permet de rentrer dans l'histoire, violente, dure, sanglante, ils sont enfin bien réels.

Voilà un livre étonnant, difficile de dire un roman, et pourtant, difficile de le qualifier de récit, et l'on s'y laisse assurément prendre. J'ai été emportée par les mots, les énumérations, les suites de noms, de phrases, qui donnent justement un rythme et une puissance au récit et qui donne vie et réalité aux anonymes.


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14 Juillet

Comme l'indique le titre, ce roman raconte le 14 juillet. Cette journée est détaillée par ceux qui l'ont vécue.



Ce livre n'est pas un roman historique. Cette journée devenue aujourd'hui un emblème national et républicain n'est pas perçue par le prisme de la contextualisation. A aucun instant, Eric Vuillard tente de placer des figures connues ou attendues. Il met en scène ceux qui ont attaqué la Bastille, ceux qui l'ont abbattue, ceux qui ont vu la chute de cette prison. L'auteur arrive à s'accaparer le 14 juillet et nous le raconte par bribes. Grâce aux archives, il réussit à mettre des prénoms et des noms sur les évènements de la journée. Nous suivons pas à pas l'évolution de la situation. Tout cela nous est décrit avec beaucoup de détails. L'auteur se veut proche de ces êtres, héros d'un moment et aujourd'hui oubliés. Très simplement, le lecteur devient spectateur de cette révolte. A quelques moments, Eric Vuillard se permet d'imaginer des paroles et des gestes là où les archives sont restées muettes. C'est là que le roman naît, loin des mythes et plus proche des improvisations de la journée. Rien n'est écrit le matin de la journée. C'est la détermination d'hommes et de femmes qui fit tomber la Bastille. Avec un souffle incroyable et un ton citoyen convaincu, Eric Vuillard nous fait vivre cette journée, au début banale et devenue exceptionnelle.
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14 Juillet

On a beaucoup parlé du 14 juillet cette année, bien malheureusement. Ce livre sort à peine quelques mois après les événements de Nice, mais revient, lui, sur le 14 Juillet 1789.



Pas vraiment un roman ni un essai historique, il retrace la prise de la Bastille et les quelques jours et événements qui l’ont précédé. Il n’y a donc pas réellement un héro ou une intrigue dans ce livre, mais plutôt un panorama, un hommage à tous ces gens presqu’anonymes (on sait au mieux leur nom, leur âge et ou leur profession; mais ils ont été depuis longtemps oublié par l’Histoire) qui ont commencé la Révolution. Les quelques uns qui ont eu un destin après cette journée, la plupart qui sont morts, qui ont été blessé.



Ce livre est très court, assez prenant malgré les énumérations des gens, il est « foule » et veut se souvenir de tous, redonner la vraie dimension à la prise de la Bastille, ardente et sanglante, bien loin de nos gentillets feux d’artifice de commémoration !



Est-ce que vous allez le lire ?
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14 Juillet

Eric Vuillard poursuit sa quête des oubliés de l'histoire, après les peuples d'Amérique et d'Afrique ensevelis anonymement sous la dalle funèbre du colonialisme occidental, il s'attaque à ceux qui, par leur formidable sens collectif, ont marqué notre histoire lors de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Il n'hésite pas, tel Diderot dans Jacques le Fataliste, à mettre en jeu son narrateur pour empêcher que le lecteur ne s'immerge trop dans une sorte de vérité historique. C'est ce qui est merveilleux dans ce récit, et c'est ce qui est merveilleux dans la littérature, c'est que les mots donnent existence à ce qui n'est pas. Les récits donne chair au néant. Eric Vuillard fait vivre les oubliés de l'histoire officielle, mais avec l'honnêteté de nous dire qu'il s'agit d'une fiction. Une fiction qui ne joue pourtant pas avec les faits avérés, mais avec les vides laissés par la Grande Histoire.
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14 Juillet

Découverte de cet auteur avec ce livre et c'est une belle rencontre je dois dire. Eric Vuillard parle des petits gens, il évoque bien entendu les grands noms de l'histoire mais il s'attache plus aux anonymes, à ceux qui ne sont rien et qui deviennent force quand ils s'unissent à plusieurs. Quand le trop c'est trop, le peuple se rebiffe, mais cette foule compacte est composée d'individus, à part entière, avec un nom, une famille un métier. Il évoque dans cet ouvrage le contraste entre le train de vie de la cour et le peuple a qui on demande encore et encore de faire des sacrifices. J'avais en tête que Louis XIV avait instauré de tout ce protocole autour de lui mais j'avais oublié que Louis XVI faisait pareil. le nombre impressionnant de personnes qui gravitaient autour de lui pour exercer une action toute aussi bénin de de remonter la montre du roi. Je pense que je vais poursuivre mes lectures avec d'autres livres de Mr Vuillard car j'ai vraiment beaucoup la façon qu'il a de mettre en avant les petits gens.
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14 Juillet

Eric Vuillard nous raconte les jours qui ont précédé la prise de la Bastille. Avril 1789 Réveillon, un propriétaire d'une manufacture propose une baisse des salaires alors que le peuple a faim, bien des familles mendient pour vivre, les finances du Royaume sont vides, mais les princes ne se refusent rien. En mai des bandes se forment autour de la capitale, tous les campagnards venus chercher pitance à Paris sont là. Et le 13 juillet c'est une multitude, armée de piques, de sabres rouillés, de fourches , de vieux fusils et même des tournevis, qui monte des barricades. L'auteur imagine et raconte ce qui n'a jamais été écrit, il fait revivre toutes ces petites gens du chômeur à l'artisan, de l'étudiant au petit commerçant, de la prostituée à l'ouvrier, tout ce petit peuple qui se révolte. Et puis l'assaut du 14 juillet partit de nulle part et de partout. Par une succession de noms, une énumération de métiers, l'auteur nous entraîne avec talent dans l'action de la prise de cette forteresse qui deviendra le symbole de la Révolution. Les phrases courtes donnent un rythme effréné à ce récit.
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14 Juillet

Si je n'avais pas lu les avis enthousiastes de Clara et de Keisha, je ne serais sans doute ps allée spontanément vers ce roman...D'autant qu'en ce moment, et après dix jours sans ouvrir un livre, je me sens pour la première fois depuis longtemps assez peu concernée (et enthousiasmée) par la rentrée littéraire...

Pourtant ça aurait été dommage de passer à côté de ce petit bijou romanesque qui redonne vie au petit peuple de Paris, aux "sans dents" qui ont été les premiers à manifester leur ras-le-bol et à déclencher l'immense vague qui a destitué la royauté.

Ça commence presque comme un inventaire à la morgue, des gens de rien alignés au sol, morts dans l'immense ruée qui a fait tomber la Bastille ; cordonnier ou rémouleur, saunier ou prostituée, ils crèvent de faim, et la surenchère de luxe et de dépenses de la cour à Versailles a jeté leurs voisins dans la rue, armés de gourdins et d'armes de pacotille.

Des "gens du caniveau", des silhouettes, de ceux qui ne figurent pas dans les livres d'histoire (d'ailleurs, l'absence de sources et de références permet de penser que ces personnages pourraient être imaginaires alors qu'ils ont, par la magie de la narration, une existence propre, réelle), Eric Vuillard tisse avec intelligence des parrallèles avec notre époque (mélangeant expressions contemporaines et vocabulaire plus classique) et 1789.

La conclusion de ce (presque trop) court roman laisse songeur :

"Il faudrait de temps à autre, comme ça sans le prévoir, tout foutre par-dessus bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le cœur nous soulève, lorsque l'ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Elysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir, et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher, la nuit, sous les cuirasses, la nuit comme un souvenir."

Un chouette roman que je recommande !
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14 Juillet

Les romans historiques ne sont pas ma tasse de thé aussi un livre avec pour titre 14 Juillet n'avait rien pour m'attirer. Il y a eu sur Facebook une conversation sur ce livre et cet auteur mais j'étais toujours en résistance. Et Delphine (Dialogues) m'en a parlée mais surtout elle m'a fait lire des passages. Et l'écriture d'Eric Vuillard m'a soufflée.



"Il faut écrire ce qu'on ignore. Au fond, le 14 Juillet on ignore ce qui se produisit. Les récits que nous en avons sont empesés ou lacunaire. C'est depuis la foule sans nom qu'il faut envisager les choses. Et l‘on doit raconter ce qui n'est pas écrit."

Eric Vuillard n'a pas l'intention de nous raconter le 14 Juillet et ses événements d'un point de vue formaté. Non, lui ce qui l'intéresse c'est le peuple.

Avril 1789, la cour du Roi a beaucoup joué et s'est amusée de fanfreluches et de caprices. le peuple meurt de faim et grogne de mécontentement. Réveillon patron d'une manufacture veut baisser les salaires des ouvriers. C'est la goutte d'eau qui fait déborder de vase. Des émeutes suivent, la folie Titon est saccagée et malgré les morts, il n'y a pas de retour au calme.

L'auteur identifie les dix-huit victimes et leur redonne vie.



Et le récit continue, les journées précédant le 14 juillet naissent sous nos yeux avec cette foule: "On dirait que Paris vient d'être frappée par une immense baguette de sourcier ; de toutes parts, ça s'écroule, entre les murs jaunis, à travers les jardins et le long des fosses. Il y a des gens partout. Il faut imaginer ça. Il faut imaginer un instant le gouverneur et les soldats de la citadelle jetant un oeil par-dessus les créneaux. Il faut se figurer une foule qui est une ville, une ville qui est un peuple. "



On se passe le mot, l'embrasement se propage. Les anonymes sont des noms, des personnes et ce sont eux les acteurs. On est immergé dans cette foule. Ca crie, ça revendique, on se bouscule ou on s'aide, de simples curieux à ceux qui ont des convictions ou non.

"Qu'est-ce que c'est, une foule ? Personne ne veut le dire. Une mauvaise liste, dressée plus tard, permet déjà d'affirmer ceci. Ce jour-là, à la Bastille, il y a Adam né en Côte-d'Or, il y a Aumassip marchand de bestiaux né à Saint-Front-de Périgueux il y a Béchamp, cordonnier (…)... c'est étrange les noms, on dirait qu'on touche quelqu'un. Ainsi, même quand il ne reste rien, seulement un nom, une date, un métier, un simple lieu de naissance, on croit deviner, effleurer. Il semble qu'on puisse entrevoir un visage, une allure, une silhouette. Et, entre les mâchoires du temps, on croit parfois entendre des voix, (..). "



C'est vivant et fiévreux comme l'écriture. Elle nous happe par sa fougue, elle suscite des émotions, une frénésie contagieuse. A certains passages, cette écriture joue aussi délicieusement avec l'insolence.

Changement de ton pour la dernière page magistralement belle, Eric Vuillard nous rappelle que l'on peut changer le cours de l'Histoire et "forcer les portes de nos Elysées dérisoires".

Un livre formidable et généreux avec une écriture qui m'a conquise !
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14 Juillet

La Révolution française vue par le petit bout de la lorgnette, du côté du petit peuple car ‘’ c’est depuis la foule sans nom qu’il faut envisager les choses ».

Ce livre est uniquement narratif, aucun dialogue, une succession d’événements vécut par le peuple parisien. Il semble y avoir eu un gros travail de fait dans les archives pour donner la vie au peuple très souvent oublié ou alors abordé ‘’en masse’’, les individualités étant noyées dans le groupe. Ici chacun prend vie le temps d’une action, les artisans, les femmes, replacés dans leur milieu social et professionnel. La misère du quotidien, leur ressenti, vis-à-vis de la haute société. Et les clichés qui tombent. Le peuple misérable est voleur. Non, les parisiens veulent se faire entendre et cesser de crever de faim. Saccager la folie de Réveillon, décrit ici comme un acte fondateur de la Révolution Française le 28 avril 1789 est un acte politique et sociale. Les hommes qui y furent tués n’avaient rien dans les poches, alors que le juge aurait voulu trouver des objets volés.

Loin des Robespierre, Danton et autres grands noms de la Révolution, vous trouverez ici peu de célébrités, c’est la Révolution des petits et des oubliés, la Révolution des noyés dans la masse qui prend vie sous nos yeux.

Cependant, employer uniquement du récit, sans dialogue ni rupture de rythme m’a un peu lassé, et j’ai fini par trouver ce livre un peu monotone à lire.

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14 Juillet

Une journée si particulière en immersion dans cette foule parisienne aux accents multiples, aux espérances folles, aux envies de justice.

Une journée avec Rousseau allumeur de réverbère, Cholat marchand de vin, Pigeau sculpteur, Thirion ébéniste, Chorier tapissier.... tous ces noms écartés de l'Histoire mais suintants dans les archives. le peuple de Paris - dont une très grande partie de provinciaux attirés par les attraits économiques de la capitale - acteur et nous introduisant par la petite porte dans l'évènement.

Et surtout, Eric Vuillard nous entraine au début du livre dans les évènements qui dès avril se succédèrent pour culminer ce 14 juillet.

Et que dire de cette écriture haute en couleurs, gouailleuse, fleurie, précise, chantante et ronronnante comme la foule se massant aux pieds des tours de la Bastille.

Quel bonheur.
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14 Juillet

En refermant ce livre, je ne peux que faiblement réaliser le travail de recherche qu'a certainement réalisé l'auteur (et j'aurais bien aimé savoir à la fin dans quelles archives il a risqué ses poumons et ses yeux). Le 14 juillet, prise de la Bastille, tout ça, on croît connaître, et on connaît un peu , rassurez-vous. Juste assez pour suivre l'auteur sans efforts, pas assez pour ne pas être ébloui par la masse d'informations nouvelles (à moins d'être un spécialiste ou un fan de l'époque). C'est le 14 juillet au plus près, pressé par la foule des émeutiers. Une foule qui ne reste pas 100% anonyme, Eric Vuillard égrenant leurs noms et professions, si connues. Une plongée dans le petit peuple, celui qui a faim, a du mal à joindre les deux bouts, loin des fêtes et gaspillages d'une minorité. "Beaucoup de parisiens ont à peine de quoi acheter du pain. Un journalier gagne dix sous par jour, un pain de quatre livres en vaut quinze. Mais le pays, lui, n'est pas pauvre. Il s'est même enrichi. Le profit colonial, industriel, minier, a permis à toute une bourgeoisie de prospérer. Et puis les riches paient peu d'impôts; l'Etat est presque ruiné, mais les rentiers ne sont pas à plaindre. Ce sont les salariés qui triment pour rien, les artisans, les petits commerçants, les manœuvres. Enfin il y a les chômeurs, tout un peuple inutile, affamé. C'est que, par un traité de commerce, la France est ouverte aux marchandises anglaises, et les riches clients s'adressent à présent à des fournisseurs étrangers qui vendent à meilleur prix. Des ateliers ferment, on réduit les effectifs."

Heu ah oui, on est en 1789, je dois me frotter les yeux.



Donc nos gens du peuple sont là, Legrand, concierge, Legros, capitaine, Legriou, monteur en pendule, Lesselin, manouvrier, Masson, cloutier, Mercier, teinturier, Minier, tailleur, Saunier, ouvrier en soie, je donne juste une tranche, tous pour la plupart jeunes, très jeunes.Des métiers disparus, souvent.



Sous la plume d'Eric Vuillard, l'Histoire est drue, vivante, échevelée parfois. Je n'en dirai pas plus, jetez-vous sur ce court (200 pages) récit absolument éblouissant.



"Mais il n'y a pas que Louis et Aubin à jouer les équilibristes, il y a huit ou dix autres hussards sur ce toit. Il faut être attentif à ces vagues présences, contours, profils, à ces locutions dont tout récit se sert pour mener son lecteur. Gardons-les encore contre nous un instant, ces huit à dix autres, par la grâce d'un prénom personnel, comme de tout petits camarades, puisqu'eux aussi ils courent sur le toit, ils font peut-être les marioles, ils dansent sur l'horizon. Tournay est dans la cour, et là, ils disparaissent, on les abandonne définitivement, on ne les reverra plus jamais. Ce sont les petits bonhommes de Brueghel, ces patineurs que l'on voit de loin depuis l'enfance, ombres familières aperçues au fond d'un tableau, sur la glace.Ils nous font pourtant un curieux effet de miroir depuis leur brime. On se sent plus proches d'eux que de ceux qui campent au premier plan. Ce sont leurs silhouettes que l'on scrute, que nos yeux supposent, que le brouillard mouille.Et si nous rêvons, il n'y a plus qu'eux."
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14 Juillet

Une rumeur s’est emparée du monde des blogs : il faut lire « 14 juillet » d’Éric Vuillard. Emportée par l’enthousiasme de Keisha, de Dasola de Sandrine et bien d’autres, (excusez-​moi je n’ai pas le talent d’Éric Vuillard pour rappeler tous les noms qui permet­tent de créer un événe­ment) je n’ai pas résisté à cet élan répu­bli­cain. Les quatre cocardes trico­lores en disent long sur mon plaisir de lecture et saluent un livre dont le projet est très original malgré mes réserves sur le message final. L’auteur n’a pas fait qu’une oeuvre d’historien, il a voulu mettre tous les procédés de langue dont il dispo­sait pour rendre compte d’une émotion qui a soulevé tout le peuple de Paris ces quel­ques jours de juillet 1789. Son texte nous permet de ressentir la peur, l’exaltation, le déses­poir, la joie de la victoire, tout cela dans des odeurs de sueur, de larmes, de poudre, de sang et de cada­vres en décom­po­si­tion. On passe deux jours, heure après heure avec le petit peuple de Paris, réduit à un misère noire par des gens incons­cients que leur mode de vie pouvait être menacé par un trop plein d’injustices. On espère avec eux, on tremble pour eux, et on se réjouit quand enfin, le symbole de la royauté est envahi. La Bastille est prise par un peuple affamé que rien ne pouvait plus arrêter.



Éric Vuillard souligne avec insis­tance combien les parti­ci­pants à cette insur­rec­tion ne possé­daient rien, et comment leurs noms sont immé­dia­te­ment tombés dans l’oubli. Alors que les nantis nobles ou pas sont restés dans les mémoires et sont le sujet de nombreux chapi­tres des histo­riens comme Michelet par exemple. S’il est vrai que le gouver­neur de Launay fut tué ce jour là et sa tête mise au bout d’une pique, Vuillard rappelle que sa veuve reçut une pension de trois mille livres, alors que Marie Bliard veuve de l’allumeur de réver­bère ne reçoit qu’un pauvre papier lui signi­fiant la mort de son compa­gnon. Ces deux poids deux mesures choquent tant l’auteur qu’il fait tout pour retrouver le nom et la vie des obscurs parti­ci­pants à cet acte fonda­teur de notre Répu­blique. Le livre se termine par un vibrant appel à mettre le feu aujourd’hui à toute la bureau­cratie qui étouffe selon lui la société fran­çaise. Hélas, je ne suis abso­lu­ment pas sûre que ces solu­tions violentes puis­sent servir au mieux vivre de notre société certes sclé­rosée. Si certains aime­ront ce livre pour son message, je l’apprécie, quant à moi, pour son style.
Lien : http://luocine.fr/?p=6958
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14 Juillet

Comment se fait-il qu’il ne soit jamais venu à l’idée de personne de s’emparer d’un tel sujet ? Avant Éric Vuillard, il semble en effet qu’aucun romancier ne se soit avancé sur le chemin de l’un des actes fondateurs de notre histoire puisqu’il est devenu notre fête nationale : la prise de la Bastille le 14 juillet 1789.

Rendons un triple hommage à l’auteur de Tristesse de la terre. D’abord celui d’avoir creusé les archives et, faisant œuvre d’historien, de nous détailler ce qui s’est vraiment passé ce jour historique ainsi que sa genèse.

Ensuite pour le ton avec lequel il nous restitue cet épisode aussi dramatique que glorieux. En accumulant les verbes et les adjectifs, il donne un mouvement incroyable à l’événement, si bien que l’on se sent littéralement entraîné par cette foule immense aux pieds de cet impressionnant monument.

Enfin, chapeau bas pour avoir redonné vie au peuple de France, à ces pauvres gens qui se sont improvisés en armée et qui ont fini par renverser la montagne qui se dressait face à eux. Pendant que les Robespierre et autre Mirabeau théorisaient la République une et indivisible, les sans-grade allaient au charbon. On serait presque tenté d’écrire allaient se faire tuer joyeusement tant ils mettaient d’entrain – ou d’inconscience – dans leur combat.

Tout a donc commencé par une grande famine. Comme les récoltes avaient été mauvaises, la population ne parvenait plus à se nourrir et attaquaient les greniers à grain et pillaient les magasins. De partout la colère grondait. À Paris, les gardes-françaises répriment les manifestations dans le sang avant de se rallier aux émeutiers.

Le peuple s’accapare la capitale aux cris de «Mort aux riches!». Les bourgeois, inquiets se réunissent à l’Hôtel de Ville. « Ils montent un comité et décident la création d’une milice armée. À la même heure, le roi part à la chasse. Son cheval galope dans les bois, ses gens rameutent les chiens, ça jappe, le cerf coure entre les fourrés. Seul le temps change les hommes, mais certaines distances semblent chargées de siècles; à vingt kilomètres de Paris, on vit dans un autre monde. La reine est au Trianon, elle cueille des capucines. »

Nous sommes le 14 juillet, au moment où près de la moitié de la population de Paris converge vers la forteresse de la Bastille. Il y a là les ouvriers, les petits commerçants, les artisans, les pauvres, les déserteurs, les brigands et même quelques bourgeois. Ils sont rassemblé tout ce qui de près ou de loin pouvaient servir comme armes, allant chercher des canons dans des musées, des épées dans des théâtres. « Il faut imaginer ça. Il faut imaginer un instant le gouverneur et les soldats de la citadelle jetant un œil par-dessus les créneaux. Il faut se figurer une foule qui est une ville, une ville qui est un peuple. Il faut imaginer leur stupeur. »

Humble, l’auteur reconnaît qu’au fond, on ignore ce qui se produisit vraiment. Mais cela lui donne la liberté d’imaginer et son récit n’en est que plus «authentique». Il énumère les noms de cette foule bigarrée, voit les jeunes hommes intrépides – ou inconscients – nous retrace des morceaux de leur biographie, le pays ou la région d’où ils viennent. Nous parle de Sassard le couillon, Scribot le cul-terreux, Servant, l’employé, Serusier, le marchand de légumes et puis Vattier, dit Picard, Cholet, dit le Bien-aimé et tous les autres, les pères et les fils. «C’est dingue ce qu’un faubourg contient de vies». Bien entendu, il n’oublie pas les femmes dont la détermination est tout aussi grande.

Les premiers coups de feu sur les assaillants donnent soudain à leur avancée une dimension plus dramatique. « Assassins ! Assassins ! » hurle la foule qui reprend sa marche en avant. Et voilà que la fronde et la colère se transforme en un opéra, une « grande guerre de gestes et de mots », que la fiction se transforme en réalité, que le 14 juillet est incarné. Place à la Fête Nationale !
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14 Juillet

Je ne prétends pas vous raconter le contenu de ce roman, il est probable que quelques profs d’histoire aient déjà, en leur temps, défloré un peu (on ne disait pas encore « spoilé ») ce qui se passa à cette date. Voilà donc, une journée, pas des moindres, devenue un mythe national, décrite du point de vue du petit peuple de Paris par Eric Vuillard. Il a laissé parler les documents d’archives, les rapports de police, les récits de première main que certains émeutiers ont fait après coup. Et il a tiré de ces documents un récit très vivant, une accumulation tout sauf accablante de détails qui placent le lecteur au cœur de l’action, de Versailles aux Invalides, des bas-fonds de Paris aux fossés de la Bastille.

Ce qui m’a plu dans ce roman : le parti-pris de donner la parole au peuple, pas seulement parisien comme je l’ai dit plus haut, mais venant pour certains des alentours, ou de régions plus éloignées comme le Limousin ou la Bretagne.

J’ai surtout aimé le style, les énumérations de noms propres, métiers, âges et même habillements, le tout donnant vie aux insurgés, j’ai aimé les mots inusités qui se comprennent dans le contexte, l’absence de clichés ou de formules passe-partout. Seuls les changement de temps, passant du présent au passé dans un même paragraphe, me restent assez incompréhensibles, je n’ai pas compris leur logique, ni même s’il y en avait une.

Les documents d’archives se laissent voir, ou plutôt deviner, derrière le texte d’Eric Vuillard, on sent la matière qu’il a utilisée pour composer son roman et pourtant ce texte est tout à fait personnel, et vraiment littéraire. Vous devez donc vous rendre compte que j’ai plutôt bien aimé ce livre, que j’adhère aux avis positifs lus ici et là, et qu’il n’y a donc guère besoin d’en dire plus !
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14 Juillet

Un diablotin est sorti du décor conventionnel de nos livres d'Histoire de France pour animer les invisibles, ce petit peuple de Paris enragé de misère qui mit à terre une royauté décadente.



Dans un récit baroque et déchaîné de fureur, Eric Vuillard nous invite au jeu de rôle, nous laissant nous attribuer celui qui nous convient. Porté par une frustration de ne pas en avoir été, il en reconstitue minutieusement les minutes à travers les rues de la capitale et nous oblige à imaginer le décor. Il torpille au passage certaines vérités historiques inscrites dans le marbre par ses aînés.



Ca hurle, ça s'excite, ça s'énerve dans tous les patois, ça se bouscule sous une chaleur écrasante, et ça finit par tout casser. Paris est au peuple, le bruit est énorme, fait de tocsin et de hurlements, dans la mitraille et la fumée. C'est à la fois canaille et joyeux, violent et colérique. La foule est monstrueuse et l'assaut final de la vieille Bastille est un tel chaos qu'on finit par se perdre soi même dans la mêlée.



Talentueux exercice d'écriture et bel hommage historique aux anonymes.

À lire d'une traite, le déplacement temporel n'en est que meilleur.

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14 Juillet

14 juillet 1789, prise de la Bastille. Une date que tous les écoliers français apprennent depuis leur plus jeune âge. Une date qu’on n’oublie pas, vu qu’on en a fait notre fête nationale. Mais, au-delà de ces mots énoncés presque machinalement, que s’est-il exactement passé ce jour-là ?

C’est cela que nous raconte Eric Vuillard. Il ne nous présente pas la prise de la Bastille comme un événement organisé et planifié. Non, nous sommes mis au même niveau que les participants, anonymes perdus dans la foule qui ne se rendent pas compte de l’importance que cette journée prendra par la suite. C’est le peuple qu’on nous présente, dans toute sa diversité, dans tous ses métiers, toutes ses conditions, toutes ses destinées.



Ce petit livre se lit plutôt rapidement et offre une perspective originale sur cet événement tellement connu qu’on en oublie que ce sont des personnes en chair et en os qui y ont pris part, et pas une foule idéalisée. Je n’ai pas vraiment accroché au style de l’auteur amis j’ai trouvé cette lecture vraiment intéressante.
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14 Juillet

Il y a des lectures qui, certains jours ont une résonance particulière. Outre la puissance de l'écriture, ce 14 juillet est un rappel bienvenu de la puissance du peuple quand il décide de changer les choses. En redonnant vie et fureur à cet épisode essentiel de l'histoire de France que l'on pense - à tort - bien connaître, Eric Vuillard nous tend un miroir dans lequel se reflètent de curieux parallèles entre passé et présent. C'est extrêmement troublant.



"Ainsi, durant toute la période qui précède la Révolution, on assiste à de curieuses manoeuvres sur les deniers d'Etat. La dette publique ne cesse de croître et le peuple à faim. On spécule en Bourse sur les emprunts. La France est presque banqueroutière."



C'est un récit fantastique que nous livre l'auteur, une sorte de reportage au coeur de l'action réalisé par un journaliste qui serait aussi un talentueux écrivain. Un récit qui s'intéresse à ceux dont personne ne parle. "Des morceaux de foule", ceux qui composent "le peuple" et sont demeurés anonymes dans les livres d'histoires, des noms qu'il faut exhumer de sombres archives où pourrissent des listes de patronymes oubliés et même jamais connus. C'est extrêmement émouvant ce que fait Vuillard. Il donne des visages, des odeurs, des couleurs et de la voix à ceux que l'on agrège dans cette multitude appelée "le peuple", il recrée leurs identités, leurs vies pauvres et trop courtes. Il dessine le mouvement de toutes ces individualités unies vers un même but, sans vraiment de concertation et il dresse le portrait de ces acteurs oubliés, morts pour un idéal dont ils ignoraient toute la portée. C'est passionnant. Une leçon d'histoire bien plus efficace qu'un cours magistral. Qui replace les choses dans leur contexte. Qui rappelle ce qu'était la France alors, ce qu'était Paris, le chômage, les émigrés et les apatrides... tiens tiens.



"Ainsi la sédition. Elle surgit dans le monde et le renverse, puis sa vigueur faiblit, on la croit perdue. Mais elle renaît un jour. Son histoire est irrégulière, capricante, souterraine et heurtée. Car il faut bien vivre, il faut bien mener sa barque, on ne peut pas s'insurger toujours ; on a besoin d'un peu de paix pour faire des enfants, travailler, s'aimer et vivre."



Oui, il y a des livres qui tombent à pic. Mais il faut le talent d'Eric Vuillard, son écriture magnifique, son souffle épique pour en faire un excellent moment de lecture et un objet que l'on a envie de conserver pas trop loin de soi, pour y revenir. Se replonger dans l'histoire pour mieux appréhender l'avenir ?



"On devrait plus souvent ouvrir nos fenêtres. Il faudrait de temps à autre, comme ça, sans le prévoir, tout foutre par-dessus bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le coeur nous soulève, lorsque l'ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Elysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir, et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher, la nuit, sous les cuirasses, la lumière comme un souvenir."
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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