Messine, 27.864
Murs toits sols parois
avec chaux avec papier peint
fer bois verre ciment
laiton mortier béton armé
plomb zinc tuiles tuyaux pierres
briques carrelage, vingt-sept
mille huit cent soixante-quatre bombes
sur chiens chats turcs chrétiens,
blocs tas morceaux fragments
poussière débris fumées
tessons éclats grumeaux de mémoire
un incendie au phosphore tenace.
Tels étaient nos
cailloux rochers et gravier
le sable éblouissant
notre plage la mer.
/ traduit de l’italien par Giulia Camin et Benoît Casas
Demain
Demain nous ouvrirons l’orange
le monde orange dans le vert demain,
le nuage lointain se posera
avec des pattes prudentes de colombe
sur le toit de vieilles tuiles
sur le temps rouillé de pluie,
je laisserai sur ta poitrine cette odeur
d’orange vive, de vert demain.
p.20
/ traduit de l’italien par Giulia Camin et Benoît Casas
L’agave
Abandonne le sable sicilien, la musique et le miel
des Arabes et des Grecs,
brise les doux liens, ce lait
inerte des racines,
descends dans la mer reine somnolente
verte bête avec des bras de douleur
comme qui se tient sur la brèche ; dans les grandes
villes, dans les neiges, dans le bois, dans le désert
des caravanes marchent sans cesse ;
voyage avec l’âme
froide des mouettes
avec le cœur fécond avec le poisson gravide
qui plus loin enrichit le filet
et la main si lente de Dieu
venue en plein vol d’un nid de brouillard.
p.22
/ traduit de l’italien par Giulia Camin et Benoît Casas
Vaisseaux vieux et azurs
Vaisseaux vieux et azurs, couleurs des îles,
batailles des lampadaires résignés dans la brume…
Nous lisons des automnes morts, des manuscrits
de braise et de silence.
Maussade et brune bouteille, suie sur la mer,
pourquoi cette flottille
avait-elle un gracile profil de neige ?
p.21
/ traduit de l’italien par Giulia Camin et Benoît Casas
Sicile
2
Une lumière aride
mine
son calme
le calme pèse
sur les yeux
Le sommeil
de trop de lumière
On voit des fantômes
les sordides et somnolents
figuiers de barbarie
Même pas attentifs
à leurs pauvres fleurs
Les couleurs scintillantes
les joies atténuées
nos affaires étalées
sont pour les trains bruyants
qui arrivent de loin
regardent anxieux
et repartent
Moi dans le cœur
j’ai la Sicile
qui est une mère
désolée
p.17/18
/ traduit de l’italien par Giulia Camin et Benoît Casas