De ce superbe objet en 2 tomes contenant le fac simile du recueil illustré des Klänge (Résonnances) de
Kandinsky ainsi qu'une étude de l'oeuvre par
Philippe Sers et une description, gravure par gravure, des oeuvres inspirées ou ayant inspiré le maître, j'avais retenu l'oeuvre peinte (qui soi dit en passant mériterait bien plus que les 5 étoiles, cote maximale accordée par Babelio pour les ouvrages lus et critiqués) mais avais, honte sur moi !, passé par dessus les poèmes de
Kandinsky.
Était-ce négligence, distraction ou peur de ne pas trouver le texte (traduit de surplus) au niveau de la peinture de celui qui m'a amené à aimer la peinture abstraite et même à m'y essayer.
Cette fois-ci je parlerai du texte. Et seulement du texte.
Ce qu'on y lit d'abord ce sont des couleurs, des formes qui génèrent le texte, des vers descriptifs qui se muent discrètement en récits car les formes cachent des histoires, insignifiantes, de petits riens qui s'animent - car, vous le saviez, les peintures de Wassily s'animent de même façon.
"Le nuage orange disparut. le ciel d'un bleu aigu. La ville jaune à pleurer. "
Vision est le maître mot, la poésie de
Kandinsky réside dans son étonnante capacité à déduire à partir des formes colorées une vie en mouvement, une expressivité de petits détails, une vivacité des lignes pures qui se font sujets d'historiettes cadencées. Car il y a un rythme dans cette prose poétique, rythme induit des répétitions mais surtout des éléments visibles qui se combinent et explosent en un imaginaire débridé et décomplexé.
À l'abstraction lyrique de ses estampes, gravures et peintures correspond cette poésie que l'on peut qualifier de dada sans tordre l'histoire de l'art. Je vois dans dada et l'art abstrait la même volonté d'exprimer jusque dans ses derniers retranchements une liberté nouvelle.
Mais à la liberté acquise se greffe une nouvelle exigence : la simplification, la règle exigeant de se débarrasser du superflu, ne garder que l'essence, trouver les lignes directrices que ce soit avec le pinceau mais surtout avec le verbe... Finies les rimes, la versification, finies les métaphores et finis surtout les symboles, rien que les mouvements minimaux de personnages, d'éléments de décor (montagnes, arbres, ciel, nuages...) en quête de leur vérité première.
"Vous, quatre fenêtres carrées avec au milieu une croix.
Vous, fenêtres de la salle vide, du mur blanc contre lequel personne ne s'est appuyé. Vous, fenêtres qui racontent en soupirant imperceptiblement.
Vous paraissez froides à mon égard: vous n'êtes pas construites pour moi."
Ces thèmes, ces couleurs et d'autres éléments de récits disparates se répondent et résonnent tout au long de l'ouvrage comme la porte grise ou celles qui se ferment, les tours qui apparaissent dans le paysages, de petits personnages insignifiants ou encore les chevaux... ces chevaux si importants en 1913 pour le peintre et ses amis du Blaue Reiter.
Des résonnances donc, faites d'un vocabulaire simple, d'une syntaxe résumée à son minimum accompagnées d'un graphisme qui ne montre bien souvent que son squelette, ses lignes directrices et quelques taches mouvantes avant de disparaître.
"Qui sait quand commence le silence ?"