AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782251454023
200 pages
Les Belles Lettres (03/02/2023)
4.3/5   10 notes
Résumé :
Sur fond de retour de la guerre en Europe, ce livre d’entretiens retrace la trajectoire intellectuelle de l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau, dont l’oeuvre a contribué à transformer notre vision de la Première Guerre mondiale et à renouveler en profondeur notre approche du fait guerrier et des violences combattantes.
Dialogue à bâtons rompus entre deux spécialistes, laissant apparaître accords et désaccords, La Part
d’ombre souligne la difficulté poin... >Voir plus
Que lire après La Part d'ombre : Le risque oublié de la guerreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Je ne connaissais pas Stéphane Audoin-Rouzeau il y a deux-trois mois, avant d'écouter le À voix nu qui lui est consacré sur France Culture. J'avais trouvé cet historien de la Grande Guerre très intéressant et de plus éminemment sympathique, c'est le mot. Aussi, quand j'ai vu ce livre dans la dernière masse critique Babelio, j'ai tenté ma chance. (Et entre temps je suis rentré dans une libraire, ai vu ce livre et l'ai acheté, prenant le pari que je ne gagnerai pas deux fois de suite : perdu.)

La part d'ombre, c'est la part violente de l'homme, celle qui se révèle et s'épanouit dans la guerre, celle que beaucoup refuse de voir en face. Dans ce livre d'entretiens avec Hervé Mazurel, qui a le naturel d'une conversation entre amis, d'où une lecture très agréable malgré un certain jargon universitaire, Stéphane Audoin-Rouzeau retrace son parcours intellectuel et personnel.

Historien majeur, il a contribué à un profond renouveau de l'historiographie de la Grande Guerre en introduisant notamment la notion de « consentement » à la guerre. Cela ne qui ne se fit pas sans heurts : c'est la fameuse querelle des historiens qui dura de nombreuses années avant de s'apaiser. Une querelle au final assez largement idéologique entre, pour simplifier, les tenants du « consentement » contre ceux de la « contrainte », chaque camp estimant celui de l'autre dominant.

Il ressort de ce livre le portrait d'un homme érudit mais humble, critiquant souvent son propre travail, ses limites, voir ses préjugés comme sur la question du génocide rwandais, qu'il ne su pas voir ni comprendre malgré une spécialisation qui aurait du l'y prédisposer (il s'est bien rattrapé depuis).

L'histoire que pratique Stéphane Audoin-Rouzeau est une histoire à hauteur d'homme, marqué par l'anthropologie. Ce qui l'intéresse, ce ne sont pas les grands dates, les grandes batailles ou la grande politique mais l'histoire culturelle, l'histoire de mentalités, au plus près de ce que vivent les hommes en guerre, dans leurs esprits comme dans leurs corps. Une belle découverte qui me remet en pleine lumière mon ignorance et qui m'amènera assurément à lire cet historien.
Commenter  J’apprécie          191
Stéphane Audouin-Rouzeau est un historien spécialiste de la Première Guerre Mondiale, président de l'Historial de la Grande Guerre de Péronne, dans la Somme. Il était très présent sur les plateaux de télévision au moment des commémorations du centenaire de ce conflit, a publié de nombreux ouvrages savants sur le sujet, mais aussi des livres de vulgarisation comme "14 - 18, retrouver la Guerre" avec Annette Becker, disponible en Folio, et le désormais classique "La Grande Guerre" chez Découvertes Gallimard, bien connu des lycéens français. Il a, semble-t-il, porté récemment son attention sur le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Cet homme est donc un intellectuel français de premier plan, un historien de référence, une sommité.

Les autobiographies d'historiens sont désormais un genre à part entière, on pense par exemple à Mona Ozouf, Paul Veyne, Pierre Nora. Ces ouvrages rencontrent un succès considérable auprès d'un vaste public, au-delà des cercles d'érudits et d'historiens, plus encore probablement depuis le succès d'Indiana Jones au cinéma. Qu'ont à dire nos historiens sur eux-mêmes, sur leur vocation, leurs travaux, leur amour de l'histoire, qui sont-ils quand ils se risquent en dehors de leur bibliothèque, salle de classe, université ?

Ici, seule la dernière partie de "La part d'ombre" est biographique, l'essentiel est un dialogue par mail entre deux historiens spécialistes. Une forme de maïeutique, souvent très éclairante, tant les questions posées par l'historien Hervé Mazurel sont pertinentes. L'ensemble forme un tout cohérent, fort intéressant, parfois très technique, qui me donne très envie de lire les publications de cet auteur que je n'ai pas lues.

De formation classique, un de nos brillants élèves, Stéphane Audouin-Rouzeau a passé un prestigieux concours de l'Éducation Nationale, l'agrégation d'histoire : on mesure ce que ceci suppose de bachotage et de formatage intellectuel. Il affirme d'ailleurs qu'au sortir du concours, il "ne savait rien". L'un des enjeux de cet ouvrage est de définir quelles influences ont ensuite orienté sa trajectoire intellectuelle : la pratique d'autres sciences sociales, l'anthropologie notamment, la rencontre d'historiens français et étrangers. Une évolution qui le conduit à revendiquer, au-delà de ses grades, diplômes universitaires et vastes éruditions, la compétence de "spécialiste des phénomènes de violence".

L' historien se présente aussi comme pratiquant d'arts martiaux, probable tentative de s'incarner comme un "baroudeur", une forme d'affirmation d'une expérience du combat, ce qui fera sourire un lecteur qui, par exemple, aurait côtoyé les soldats français de l'opération Turquoise de retour du Rwanda. Cet intellectuel s'aventure donc parfois hors de son université, sur les tatamis.

Le lecteur découvre un homme attachant, animé du goût de la provocation et de la transgression. Il disserte sans ambages sur les mesquineries et vives polémiques (par exemple, autour des termes de "consentement" et de "brutalisation") qui caractérisent son milieu de chercheurs universitaires sur la Première Guerre Mondiale. Il critique ses propres productions et évoque tel ou tel chapitre qui serait aujourd'hui à réécrire, tant la connaissance du sujet a évolué.

L'influence de l'anthropologie sociale française, inspirée par Claude Lévi-Strauss, semble capitale. Mais aussi celle de tel ou tel film de Bertrand Tavernier ou des "Champs d'honneur" de Jean Rouaud.
J'ai trouvé le rôle qu'il assigne à la cruauté dans les violences de guerre particulièrement pertinent, tout comme son explication de pourquoi la Grande Guerre a servi de référence ultime lors de la pandémie de Covid-19.

Les éclairages sur l'actualité sont en effet nombreux, par exemple sur le rapport Duclert demandé par le président Macron sur le Rwanda. Intéressantes révélations sur la mission compliquée assignée à l'armée française lors de cette guerre civile en Afrique.

Cet historien qui a su humaniser les faits de guerre est donc lui-même très humain. Un livre important au moment où l'Europe est confrontée à une guerre qui évoque furieusement la Grande Guerre. Ce livre rappelle aussi à quel point les compétences de nos chercheurs universitaires seront précieuses pour décrypter le conflit en Ukraine. A minima, un livre à glisser sur les bureaux de toutes nos têtes blondes qui s'interrogent sur leur orientation avant Parcoursup. Oui, le métier d'historien est exaltant, et Stéphane Audouin-Rouzeau le communique formidablement bien.

Livre reçu dans le cadre de l'opération "Masse critique" non-fiction de février 2023. Merci de me l'avoir envoyé, un choix heureux, j'ai beaucoup apprécié cet ouvrage.
Commenter  J’apprécie          10
Voici le “passage à confesse” d'un honnête homme, tel qu'on les appelait au siècle des lumières. Sa modestie n'a d'égal que la profondeur de ses connaissances et l'éventail des sujets abordés. En filigrane, on devine combien il est difficile par les temps qui courent (c'était moins le cas au début de sa carrière quand l'université était noyautée par la doxa communiste) de traiter de sujets qui ne sont pas dans la ligne du parti du Monde et des autres épiceries de la “pensée comme il faut”. Libre à chacun de ne pas partager tous ses points de vue, son texte laisse penser que l'auteur s'en réjouirait !
Commenter  J’apprécie          40
Ce livre d'entretiens revient sur la trajectoire intellectuelle et personnelle de Stéphane Audoin-Rouzeau, spécialiste de la Première Guerre mondiale et de sa violence. À travers les questions de son ancien élève Hervé Mazurel, l'historien revient sur ses travaux et les principaux concepts qui les traversent. En particulier celui du corps, longtemps un angle mort d'une grande partie des travaux historiographiques sur cette période.

De manière plus générale, Stéphane Audoin-Rouzeau évoque l'ambition qu'il a fait sienne de mettre en lumière le vécu des acteurs sociaux lors de ces cinq années de conflit. A contrario de nombreux travaux d'historiens qui mettaient la focale sur les « grands » qui ont fait l'histoire (les homme politiques, les généraux, les Etats, etc...), lui s'est attaché à étudier les soldats eux-mêmes, leur vécu, leur violence, leur cruauté parfois, mais aussi leur douleur, leur souffrance, et le deuil que tout cela engendre.

Il évoque aussi un autre de ses objets de recherche : le génocide rwandais. Devenu aujourd'hui l'un des spécialistes français, il était à l'époque, pourtant, passé complètement à côté de cet événement majeur. Lui, le spécialiste de la guerre et de la violence, n'avait alors pas pris conscience de l'ampleur du dernier génocide du XXème siècle.

Ouvrage sans doute trop court tant les sujets à creuser semblent particulièrement nombreux, on entendra, en pointillés au fil des pages, revenir un concept peut-être pas suffisamment creusé, mais ô combien important : celui du déni de guerre.

À l'heure où la guerre est aux portes de l'Europe, il semble particulièrement opportun d'entendre la voix d'un historien de la violence qui nous rappelle ce qu'est la guerre, profondément. Et nous permet de sortir de ces « impensés » de la guerre propres à nos sociétés pacifiées.

Merci aux éditions des Belles Lettres et aux équipes de Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la Masse Critique non fiction de février 2023. Une très belle découverte !
Lien : https://mon-imaginarium.wixs..
Commenter  J’apprécie          20
Dans ce livre, S. A-R médiatise les deux notions maîtresses de sa pensée d'historien, grâce aux quesrions fines de son disciple Mazurel :
Premièrement, la notion de consentement : les élites intellectuelles d'un pays "construisent une image de l'ennemi qui justifiera sa destruction", et les soldats, ensuite, mobilisés par cette image construite, consentent à guerroyer contre cet ennemi, puisque c'est quand les soldats consentent pleinement à la guerre que la contrainte de la guerre est la plus forte.
Deuxièmenent, l'idée de "guerre transmise" : Encore aujourd'hui en France, lorsqu'on traverse une crise qu'il faut combattre tout en lui donnant du sens, on convoque le lexique et l'imaginaire de la première guerre mondiale.
Commenter  J’apprécie          10


critiques presse (1)
LeMonde
20 mars 2023
Que connaissons-nous de la réalité des choses, et de quelle manière ? La question est ancienne comme la métaphysique, et elle en définit la promesse, celle « de nous dire de quoi le monde est fait et quelle y est notre place », résume Claudine Tiercelin.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Un grand psychiatre n'aimait pas l'expression "stress post-traumatique" parce qu'elle mélange cette réaction adaptative face au danger qu'est le stress avec le trauma authentique dans lequel il voyait un phénomène tout différent : il s'agissait pour lui d'une effraction brutale dans la psyché, à partir de laquelle cessait pour le sujet cette "illusion d'immortalité" sans laquelle nous ne pouvons tout simplement pas vivre. Le sujet, en effet, "s"est vu mort" et de cette initiation il ne peut se remettre. 98.
Commenter  J’apprécie          120
Alain Corbin reste à mes yeux, le plus grand historien français actuel. Ses objets sont d'une audace extrême. Il ne rédige pas ; il écrit, et c'est tout différent.
Cest une sorte de médium, un voyant capable de faire basculer ses lecteurs d'un monde dans un autre. Il serait donc bien prétentieux de mettre mon propre travail en regard d'une œuvre comme la sienne.
p. 32.
Commenter  J’apprécie          20
Il faut un soubassement idéologique au déploiement des atrocités de guerre : un système de représentations leur est toujours nécessaire, et qui passe nécessairement par le langage.
Commenter  J’apprécie          10
Le temps de guerre est autre, radicalement autre, il modifie de fond en comble les comportements sociaux, les manières de penser et d'agir, les représentations de soi et du monde.
Commenter  J’apprécie          10
Je suis persuadé que la guerre, et dans la guerre le combat et sa violence intrinsèque, constitue l'épreuve collective la plus importante que puisse traverser un acteur social.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Stéphane Audoin-Rouzeau (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Stéphane Audoin-Rouzeau
Thomas de la librairie le Divan partage ses lectures : "Ne passez surtout pas à côté de cet ouvrage, tout aussi important et éclairant que nécessaire."
Notre mot sur , 1994 : , écrit sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, Samuel Kuhn, Jean-Philippe Schreiber et publié aux éditions Gallimard : https://www.librairie-ledivan.com/livre/9782073056764
Tous nos conseils de lecture : https://www.librairie-ledivan.com/
autres livres classés : histoireVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (31) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3186 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}