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313 pages
Dentu Éditeur (12/06/1876)
4/5   1 notes
Résumé :
Publié en 1861 sous le titre "Un Drame d'Amour".
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Époque de révolutions et d'alternances politiques, le XIXème siècle vit se succéder deux monarchies, deux empires, et deux républiques. Près de la moitié de ces dix décennies étant placées sous l'autorité d'un roi, la monarchie y eut donc une importance cruciale, et une image de constance non seulement héritée des siècles passés, mais apportant un sens nouveau au sein d'une France qui changeait de régime politique pratiquement tous les quinze ans.
de ce fait, la littérature du XIXème siècle est souvent ouvertement royaliste, et d'ailleurs, même quand elle ne l'est pas, elle a tendance à juger, face aux expérimentations de son siècle, que la monarchie est la base culturelle du patrimoine français. C'est en partie pour cela que les écrivains ouvertement républicains, comme Victor Hugo, Émile Zola, Eugène Sue ou Jules Vallès attireront bien plus l'attention, et sembleront plus "modernes".
Contre ces plumes féroces et contestataires, les monarchistes eux-mêmes sont souvent allés au charbon, comme on dit, et ce ne sera pas sans une légitime surprise que l'on constatera que le roman-feuilleton, genre populaire par excellence, fut assez souvent signé par des plumes de très haute naissance, les plus célèbres étant Ponson du Terrail (auteur de la série des « Rocambole », d'où fut tiré l'adjectif "rocambolesque") et Xavier de Montépin, tous deux de véritables bourreaux d'écriture, ayant laissé chacun pas loin de 80 romans.
Xavier de Montépin, pour autant, n'a pas toujours été un feuilletoniste : ce fils d'officier de la garde royale et neveu d'un pair de France, eût très tôt une vocation pour le journalisme. Il se lança en littérature en 1847, démarrant une carrière qui va s'étaler sur 55 ans, et atteindre son paroxysme avec « La Porteuse de Pains » (1884), un roman-fleuve qui sera un des best-sellers du genre, et a été très fidèlement adapté en feuilleton à la télévision française en 1973, pour fêter les 150 ans de l'écrivain.
Durant la fin de la Monarchie de Juillet et tout le Second Empire, Xavier de Montépin publie surtout de petits romans historiques ou des drames sentimentaux. Il se fait néanmoins taper sur les doigts pour son inclinaison à une certaine sensualité assez libre – jugée obscène en son temps -, puis après s'être tu quelques années après la chute du Second Empire, il entame la dernière partie de son oeuvre à partir de 1873, qui se résumera essentiellement à une production frénétique de romans-feuilletons vantant les valeurs traditionnelles et monarchistes.
Pour autant, Xavier de Montépin est une belle plume, qui partage quelques unes des qualités d'Alexandre Dumas,lequel fut vraisemblablement son premier modèle. C'est un talentueux conteur, habile à dessiner des personnages de caractère, même s'ils sont soumis à un certain nombre de clichés un peu désuets de nos jours. Les méchants y sont vraiment très méchants, les gentils très gentils, les jeunes filles y sont très pures, les traîtres très traîtres. Xavier de Montépin n'a guère révolutionné le genre, mais il s'est montré un contributeur efficace et prolifique.
Sa bibliographie n'en est pas moins chaotique et difficile à appréhender, en partie parce que durant les années 1870-1880, Xavier de Montépin fit rééditer tous ses romans des années 1850-1860 sous des titres différents. Avait-il un conflit avec son premier éditeur ou bien était-ce une simple course au gain ? La question demeure entière, car en dépit de ses origines nobles et de son excellente éducation, Montépin était connu pour user de méthodes pas toujours très élégantes, et notamment de plagier d'autres auteurs, souvent républicains, en allant jusqu'à reprendre le titre de leur ouvrage, afin de créer une confusion et de s'approprier un roman plébiscité par le public, tout en étouffant le message républicain d'origine. Il est donc loin d'être impossible que Montépin ait changé les titres de ses propres ouvrages, à la seule fin de les refourguer aux mêmes lecteurs.
Ainsi, ce roman-ci, publié en 1861 sous le titre « Un Drame D'Amour », fut réédité à partir de 1876 sous le titre « Une Passion ». C'est un roman relativement anecdotique, mais il a le mérite de présenter les "deux" Xavier de Montépin : le jeune dramaturge du Second Empire, et le futur feuilletoniste un brin pompier de la IIIème République.
L'histoire, assez succincte, se déroule en 1829 au château de Talmay, en Côte d'Or, et raconte la tragique destinée du comte Henri de Tarnay et de son épouse Marie, née de Longecourt. Il faut préciser que ce château existe réellement, il fut construit au XVIIème siècle, et il est encore un haut lieu touristique de la Côte d'Or. Néanmoins, ce château porte le nom de la commune en bordure de laquelle il a été édifié, non celui d'une prestigieuse famille qui y aurait vécu ou qui l'aurait fait construire.
La comtesse de Tarnay s'ennuie dans son château aux côtés d'un mari qui est très fier de s'exhiber aux bras d'une aussi ravissante créature, mais qui, en dehors de cela, ne s'en occupe pas, ni conjugalement, ni autrement, ayant plutôt le goût de la chasse, des affaires et des amitiés politiques. Il s'efforce de distraire sa femme comme l'on distrait un enfant, par des voyages, des sorties, des cadeaux conventionnels et de très nombreuses soirées mondaines qui rassemblent toute l'élite patricienne de la région. Il tolère également en ses murs la baronne Sylvanaire, la tante de la comtesse Marie, vieille cocotte un peu fantasque et volontiers nymphomane, qui ne porte guère dans son coeur l'austère comte de Tarnay, et incite sa nièce à prendre un amant. Mais la comtesse Marie n'est pas en recherche d'étreintes, domaine dans lequel le comte Henri n'est pourtant pas plus ardent qu'ailleurs, mais plutôt d'amour, d'affection, de tout ce qu'elle attendait d'un mariage qui n'avait rien d'arrangé, et qui s'est fait à la demande empressée d'Henri de Tarnay, dont le patrimoine était supérieur aux Longecourt.
En réalité, Henri de Tarnay n'était nullement amoureux, c'est un sentiment qui le dépasse, il n'avait vu en Marie qu'une jeune femme d'une extrême beauté qu'il comptait ajouter à son standing, comme il l'aurait fait d'un statuaire ou d'un meuble de prix. C'est aussi ce qui l'amène à faire de très nombreuses réceptions au château de Tarnay, par simple orgueil de pouvoir exhiber une aussi charmante épouse et de susciter bien des envies.
Il y parviendra, hélas pour lui, au-delà de ses désirs, car la beauté triste de Marie frappe au coeur un des invités réguliers des réceptions de Tarnay, Georges de Commarin.
Nobliau à peu près ruiné, tant par les privations que la République infligea jadis à sa famille que par un mode de vie de jouisseur un peu désordonné. Georges de Commarin est en effet l'exact opposé d'Henri de Tarnay : c'est un hédoniste qui s'est abandonné à tous les plaisirs de l'existence, avec un souci de partage et une générosité qui ont accéléré sa ruine. Il est soudainement pris d'une passion mortelle et définitive pour la comtesse Marie de Tarnay, dont il perçoit peut-être inconsciemment le chagrin et l'ennui, et il se dévoue à concrétiser cette romance avec cette détermination farouche et quasi suicidaire commune à tous les libertins en quête de rédemption. Il s'efforce de faire passer des lettres brûlantes à Marie de Tarnay, en corrompant les domestiques du château, mais Marie de Tarnay, outrée du procédé et connaissant la désastreuse réputation de Georges, jette toutes ses lettres au feu sans les ouvrir. Cette action digne d'une vertueuse épouse causera néanmoins sa perte.
Car la dernière lettre parvenue à la comtesse annonçait que Georges, fatigué de ne recevoir aucune réponse, même négative, avait décidé, le soir même, profitant de l'absence du comte Henri parti pour une longue chasse de plusieurs jours, d'entrer par effraction dans le château de Tarnay et y donnait rendez-vous, à 22h dans le hall d'entrée, à la comtesse pour une explication de vive-voix. Ignorante du rendez-vous qui lui est adressé, Marie de Tarnay, prise d'une petite faim au moment de se coucher, et ne voulant pas réveiller les domestiques pour si peu, décide de descendre elle-même aux cuisines, ce qui nécessite de passer par le hall d'entrée. Quelle n'est pas sa surprise et sa terreur de trouver devant elle Georges de Commarin, qui, le plus sérieusement du monde, pense que la jeune femme est descendue pour son rendez-vous.
Hélas, Georges de Commarin a été aperçu. le comte Henri et ses veneurs sont finalement rentrés plus tôt, ayant leur content en gibier, et alors qu'ils s'approchaient du château, ils ont clairement aperçu une silhouette y pénétrant par effraction. Aussitôt, les chasseurs se déploient et ne tardent pas à cerner le château tout en exhortant le voleur à se rendre.
Marie et Georges sont terrifiés : on va les surprendre ensemble, et l'honneur de la comtesse sera définitivement flétri à cause de l'imprudence de Georges. Celui-ci ordonne à la comtesse de vite remonter dans ses appartements. Mais les domestiques ayant entendu les cris au-dehors sont déjà dans les escaliers. Marie n'a d'autres choix que d'aller se perdre dans la cave du château où, à bout de forces et d'émotion, elle tombe évanouie. Georges de son côté s'applique à faire croire à une tentative de cambriolage, pénétrant dans le bureau privé du comte Henri, et vidant frénétiquement les tiroirs au sol. Il en est encore là quand Henri de Tarnay et ses veneurs le surprennent dans cette action désespérée. Plus tard, Henri retrouvera sa femme, toujours évanouie dans la cave.
Georges se rend sans difficulté, explique l'état calamiteux de ses finances, son besoin irrépressible d'argent et un coup de folie assurément stupide qui l'avait poussé à vouloir voler son ami, et dont il est prêt à assumer jusqu'au bout les conséquences.
Lors d'un procès quelques semaines plus tard, Georges de Commarin est condamné à dix ans de prison pour tentative de cambriolage, peine qu'il accepte en laissant entendre qu'elle est méritée. Mais le comte Henri de Tarnay n'est pas dupe de cette condamnation : il lui semble bien que Georges de Commarin a cherché son argent dans des tiroirs où il y avait peu de chances d'en avoir, avec un souci ostensible de provoquer du désordre. de même, il trouve suspect d'avoir retrouvé Marie dans les caves du château. Ses soupçons sont renforcés par l'attitude soudainement dépressive de Marie, à la fois émue par la grandeur du sacrifice de Georges et accablée d'être indirectement responsable de sa condamnation. Certain d'avoir en réalité surpris un adultère et furieux de ne pas pouvoir le prouver, le comte Henri de Tarnay va désormais exercer sur sa femme une emprise cruelle et tyrannique, à la seule fin sadique de la pousser au trépas…
Dix ans plus tard, Georges de Commarin est sorti de prison et a commencé une nouvelle existence à Genève sous un nom d'emprunt, celui de Commarin étant à jamais déshonoré. le hasard le met en présence du comte et de la comtesse de Tarnay, de passage dans la capitale suisse. Georges est horrifié par l'aspect de la comtesse : amaigrie, décharnée, claudiquant, Marie porte sur son visage les marques de dix années de mauvais traitement et de cruauté quotidienne. Révolté, Georges de Commarin décide de sauver la femme qu'il aime coûte que coûte, quel qu'en soit le prix. le comte Henri de Tarnay en est secrètement réjoui, il entend bien que Georges de Commarin pénètre à nouveau en son château afin d'avoir le droit légitime de le tuer lui aussi…
« Un Drame d'Amour - Une Passion » est un condensé quelque peu désuet, mais tout à fait instructif du talent multiforme de Xavier de Montépin. Volontiers truculent au départ, en partie grâce au personnage de la baronne Sylvanaire et de sa domestique, toutes deux semblant sorties d'un récit de Paul de Kock, le roman évolue très vite vers un mélodrame romantique assez poignant, pour finir, dans sa dernière partie, dans une apothéose feuilletonesque tout de même un peu ridicule (Georges parvient à tuer le comte Henri d'un coup de poignard, mais avant de mourir, celui-ci se réjouit, par sa mort, d'entraîner son meurtrier sur l'échafaud, aussi Marie, qui est agonisante, parvient à se traîner jusqu'au cadavre de son mari et enroule ses doigts autour du manche du poignard, rendant ainsi l'âme sur le corps encore chaud de son époux, et innocentant Georges aux yeux de la police).
Relativement court (313 pages), ce roman annonce, par ses changements d'humeurs narratifs et par son abondance de verbiage, la vocation authentiquement feuilletoniste de Xavier de Montépin, près d'un quart de siècle avant qu'il ne triomphe avec « La Porteuse de Pain ». C'est en tout cas une bonne introduction à l'oeuvre abondante de cet écrivain, dont l'univers souvent tourmenté annonçait le Grand Guignol et témoigne ici, à une époque encore relativement sereine de notre histoire, la fascination pour les désordres de l'esprit qui seront une des grandes préoccupations de la littérature du XXème siècle.
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