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EAN : 9782918490791
200 pages
Wildproject Editions (10/05/2019)
3.6/5   5 notes
Résumé :
Une grande fresque de l’anthropocène « … Ayant accumulé la documentation suffisante à réifier mon imaginaire post-apocalyptique, je m’attendais à devenir le témoin d’une catastrophe sublime. Pline ordonnant aux marins de Misène de s’approcher davantage de l’éruption du Vésuve afin d’en être un chroniqueur plus précis… Je me figurais aussi que la Nature s’invitant ainsi à la porte de l’Histoire des humains, toute en majesté, devait faire un sérieux tapage. » Les delt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce récit géographique, géologique, botanique, zoologique, entomologique, anthropologique propose une vision holistique et dynamique de l'écologie. Il souligne le grand écart entre la minutie d'un grain de sable et les milliers de km de charriement, entre les minuscules pichenettes minérales et la langueur des ères géologiques. L'auteur y appose avec une grande vigueur le tampon présentant la situation d'aujourd'hui, dans toute sa vivacité et sa cruauté. Il regarde le dérèglement climatique par le prisme des deltas du Mississipi et du Rhône, point de rencontre des terres et océans et lien de passage des alluvions, sédiments, transportant les conséquences de l'activité humaine et transformant les paysages, encombrés de résidus chimiques et d'artificialisations.

A mi-chemin entre science, technique et poésie, sous le regard des espères locales, animales ou végétales, à la fois spectres, disparues, résidentes, encore présentes, sentinelles, lanceuses d'alerte, et voyantes projetés vers le futur, l'auteur brode ses observations quelquefois politiques en décryptant dans les observations d'aujourd'hui, les catastrophes de demain.

L'élégie technico-poétique finale illustre de toute son implacable tristesse la situation que nous vivons, à cause de nous et bien malgré nous, cet enchevêtrement de cause et de conséquences, mêlant toutes les branches du vivant, du mort, du minéral, de l'animal et du végétal.

J'ai trouvé une oeuvre fine, intelligente, et néanmoins accessible et fluide. J'ai relu quelques passages, faisant à chaque fois monter ma compréhension d'une marche, pour autant, chaque lecture restait viable. Je sens l'érudition de l'auteur, et je vais régulièrement chercher dans le dictionnaire la compréhension de mots inconnus que je rencontre. J'ai fini par abandonner, me satisfaisant d'une lecture forcément incomplète. Heureusement que j'ai lu Pennac avant sinon, j'aurais culpabilisé.

J'ai vécu cette lecture un triathlète fatigué, j'y ai couru, puis je me suis arrêté, j'y ai plongé et ai pausé pour reprendre mon souffle, j'ai voulu accélérer et rattrapé par l'humilité provoquée par la richesse de l'écriture, j'ai adapté mon rythme de lecture à mes capacités digestives. J'ai dû à certains moments me forcer à la pause, baladé entre l'envie de continuer à engloutir le texte et les cris de mon cerveau implorant le repos.

Dans la forme, la lecture est agréablement dynamique, découpée en très courts récits. Des encres ponctuent le livre, mais pour ma part ne m'ont pas enrichi la lecture, malgré leur monochrome spontané qui souligne bien le propos du récit.

Ce livre est un voyage, profond et métaphysique qui prendrait encore une autre dimension si je l'avais accompagné d'une petite coupelle d'ayahuasca.
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_Lu dans le cadre de l'opération Masse Critique littérature de janvier 2021_

Avant de critiquer le contenu, j'aurais bien aimé comprendre le choix de la couverture, parce qu'entre les minuscules, les couleurs, la police et la disposition du texte, je la trouve dissonante ... du genre pas jolie, mais fait-exprès... (?)

Concernant le récit, je ne dirais pas qu'il a transcendé mon esprit, loin de là. Mais plutôt qu'il m'a amené à certaines réflexions et certains chemins de pensées. Je n'ai pas eu l'impression de me "forcer" à le finir, car l'enchaînement des différents tableaux se fait assez bien et rend le tout fluide, mais j'ai quand même repéré quelques longueurs, à force. Il y a certaines répétitions entre les 31 récits, qui parfois créent un lien bienvenu et permet une histoire globale, et parfois sonnent un peu redondantes.

Une chose est sure, ce livre ne va pas vous faire aimer les humains. On en revient souvent à la nature destructrice de l'homme et à sa volonté de tout dominer. Ça m'a plombé le moral mais je crois que c'était un peu le but, de dénoncer nos agissements et leurs répercussions sur la planète. Et c'était très intéressant d'aborder cette influence au travers des sédiments et des cours d'eau.
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Les sédiments recèlent de nombreux secrets. Ils sont une « lecture du monde ». « Voyages en sol incertain » a émergé d'une enquête sur les deltas du Rhône et du Mississippi. Une enquête sur les sols et les empreintes de l'Homme sur ces derniers, les sédiments étant aussi le fait des pratiques humaines.

« Ce que l'on pensait voir et entendre, ce que l'on croyait devoir être manifeste et bruyant cède alors la place à des sensations ténues, ainsi qu'à une lente infusion, dans la perception, de réalités éthérées et muettes. On a affaire à des spectres, pas à des icônes. On abandonne alors les panoramas grandiloquents et, pour autant que l'on accepte d'être déconcerté un temps, on s'essaye à pister ces fantômes, à reculons. Rebrousser mes pas dans le mystère des deltas. »

Deux deltas, 31 récits. Il en émane la fascination et la sensibilité évidente de l'auteur pour ce qu'il observe et étudie. L'écriture est profonde et nous fait déambuler à travers une grande toile de paysages contemporains. Elle en appelle à la philosophie, même à la poésie. C'est une lecture qui donne à penser.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Les couches sédimentaires ne sont pas des objets mais des relations entre des objets disparates, lithiques et aqueux, solides et fluents. L'empirie qui consiste à y deviner un enregistrement stratigraphique ne réduit pas tant cet assemblage qu'elle ne cherche un marqueur susceptible de synthétiser la relation entre une durée et des phénomènes géologiques. Ainsi la haute proportion d'isotopes radioactifs dans les roches de surface à l'échelle de la planète est-elle aujourd'hui en bonne place pour "marquer" l'Anthropocène. Mais les radionucléides sont intriqués avec de nombreuses autres matières et granulats anthropiques et sont par ailleurs, plus profondément, indissociables du contour général et complexe des relations des humains à la Terre, lesquelles peuvent se traduire très diversement selon que l'on privilégie la croissance démographique, les systèmes économiques, les transferts techniques, l'exploitation du sol, la géopolitique des Nords et des Suds, le complexe militaro-industriel ... Il y a de multiples occasions par lesquelles les humains conspirent malgré eux et quotidiennement à devenir des fossiles.
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Les signaux évidents de subsidence des deltas sont apparus dès les années 1930. Le delta du Mississippi, comme celui du Fleuve Jaune, est héritier du flux sédimentaire de l'Holocène et subit à présent les effets combinés des rétentions, de la réduction des défluents et du compactage des substrats. Du fait des levées artificielles sur le fleuve, ce sont trois cent soixante mille tonnes de sédiments qui se déversent chaque jour dans le golfe du Mexique sans nourrir le delta. Les marais côtiers, qui étaient et demeurent encore la meilleure protection contre les tempêtes tropicales (ils absorbent l'onde provoquée par l'ouragan), rétrécissent inéluctablement, et le delta du Mississippi s'enfonce par subsidence à rythme élevé, donnant de plus en plus de prise à l'érosion maritime. Cette subsidence dépasse en effet en intensité et rapidité l'accroissement du niveau de la mer du fait du réchauffement climatique. A Grand Isle, sur les côtes de la Louisiane, la montée relative du niveau de la mer est ainsi de 9,2 millimètres par an, l'un des ratios les plus élevés au monde.
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Locke Breaux Oak était si haut, si ample et vénérable qu'il fut élu "président" de la "Société des chênes". La Société des chênes est un club fondé en 1934 et toujours actif. Leur président est nommé à vie. Les statuts stipulent que "pour devenir membre de la Société, un chêne doit avoir une circonférence au moins égale à deux mètres et demi". Toutefois, Locke Breaux Oak n'a pas survécu à l'implantation voisine de Dow Chemical. La pollution de l'air et de la nappe phréatique ont eu rapidement raison de lui et l'arbre a été dynamité en 1968. On lui a donc trouvé aussitôt un successeur. L'actuel président est toujours le Seven Sisters Oak à Lewisburg, au bord du lac Pontchartrain, face à La Nouvelle Orléans. On lui prête mille cinq cents ans. A ce qu'il semble, il n'y a guère d'usine chimique sur des kilomètres à la ronde.
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Ce dont je suis persuadé, c'est que nous - et ce nous fait en lui-même problème - avons trop aisément troqué notre expérience de la terre contre la représentation de quelque chose comme "la nature" et que tout, à commencer par le goût du paysage et la politique de l'aménagement de nos milieux de vie, a été contaminé par ce postulat d'un horizon commun et neutre sur une toile de fond inerte ou presque.
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Je ne peux croiser sur mon chemin la ligne tendue d'un canal, d'une roubine, sans me poser la question de sa fonction dans ce grand réseau de pouvoir. Assainissement, ressuyage du sol, irrigation, drainage, vidange ? Après la crue du Rhône de 1856, qui causa d'énormes dégât, Napoléon III fit construire des digues sur le fleuve et décréta l'aménagement de ces territoires à l'aide de roubines et d'égouts ; les sauniers, les éleveurs, les viticulteurs et les céréaliers investirent et composèrent. Ils le font encore. Ces diplomates s'étendent aux milieux "naturels" et à la profusion d'espèces qui les habitent. Une grande sympathie écologique lie tous ces êtres, ou plus modestement, une solidarité forcée, car les attachements ne sont pas forcément convergents.
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Vidéo de Matthieu Duperrex
Penser la catastrophe et les conséquences de l'emprise de l'humain sur la nature est au coeur des débats scientifiques depuis que l'Anthropocène a fait son entrée dans la pensée contemporaine. Rien d'étonnant à ce que les écrivains y participent, à l'image de Thomas B. Reverdy dont le dernier roman, Climax, une fiction écologique qui se situe au-delà du cercle polaire, pense la fin de notre monde à l'aune du réchauffement climatique et de la disparition des ours. Oh les beaux jours! a souhaité faire dialoguer l'écrivain avec Matthieu Duperrex. Philosophe, ce dernier s'intéresse aux effets de la crise environnementale et climatique à travers de passionnantes enquêtes de terrain. Ainsi celle qu'il a menée dans les deltas du Rhône et du Mississippi, théâtre d'intenses enjeux écologiques, historiques, industriels, sociologiques et politiques. Entre théorie et narration, l'essai qu'il en a tiré invente une forme d'écriture originale. Rencontre entre deux auteurs curieux du monde pour une de ces frictions entre littérature et sciences humaines que nous adorons!
___ Une rencontre avec Matthieu Duperrex (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/41286-2/) et Thomas B. Reverdy (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/thomas-b-reverdy/) animée par Sophie Joubert (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/sophie-joubert/) et enregistrée en public en mai 2022, au théâtre de la Criée à Marseille, lors de la 6e édition du festival Oh les beaux jours !.
__ À lire
Matthieu Duperrex, Voyages en sol incertain, Wildproject, 2019. Thomas B. Reverdy, Climax, Flammarion, 2021.
__ Montage : Clément Lemariey Voix : Nicolas Lafitte Musique : The Unreal Story of Lou Reed by Fred Nevché & French 79 Un podcast produit par Des livres comme des idées (http://deslivrescommedesidees.com/). Photo : Nicolas Serve
__ La 7e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/) aura lieu à Marseille du 24 au 29 mai 2023.
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