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EAN : 9782747537285
88 pages
Editions L'Harmattan (01/02/2003)
3/5   1 notes
Résumé :
Si l'on a plus ou moins misé toute sa vie sur cet insaisissable : la poésie (on l'appelait jadis la création), c'est par refus de se soumettre aux seules contraintes de l'existence et pour ne pas avoir à intégrer le quotidien cortège des masses travailleuses… Voici un aperçu des textes de l'un des plus grands poètes roumains contemporains.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Découverte de Constantin Abăluță poète, prosateur, dramaturge et traducteur roumain, né à Bucarest en 1938. Il exerça en tant qu'architecte jusqu'en 1969. Depuis, il se consacre entièrement à l'écriture. Son premier volume de poèmes parait 1964 et à partir de cette date, il a publié plus d'une quarantaine de titres.

Poésie surréaliste, voire hyper-surréaliste qui m'a moyennement plu, malgré quelques belles images. Les poèmes choisis ici donnent l'impression d'un journal intime, voire d'un journal de bord (présence de la mer dans le dernier poème « Failles du temps à Rhodes») tenu par un poète (omniprésence du « je ») qui navigue souvent dans des eaux troubles et qui revendique sa condition solitaire de créateur. Se reporter ainsi notamment au n°26 du long poème « Les Parois » dédié à Carino Bucciarelli (« je suis poète/ de même que la paroi et blanche »).

La traduction du roumain me semble être de très bonne facture et elle est l'oeuvre commune de Gina Argintescu-Amza, Annie Bentoiu, Nichi Jurascu, Béatrice Libert et Gérard Augustin.

Dans sa préface intitulée « La paresse du poète », certainement à cause de cette revendication assez récurrente exposée ouvertement à la page 37 :

« Parfois je veux qu'on me laisse du temps pour ne rien faire
pour traîner au hasard parmi les choses
pour collaborer aux paysages

pour rester silencieux comme la pendule détraquée
pour tourner le loquet avec le zèle fortuit
d'une bourrasque soudaine
pour être complice du fil de l'araignée
qui coupe en deux le miroir

parfois je veux qu'on me laisse du temps pour ne rien faire
et que l'ombre d'un arbre
me tienne lieu de cerveau »

Petr Král nous ouvre les portes de cet univers particulier. Je cite la fin de sa préface, car elle offre un éclairage particulier sur cette poésie somme toute riche en images réalistes (sic !) :

« On remarquera, certes, que ces poèmes sentent bien les lointaines régions d'Europe d'où ils proviennent, avec leur somnolence en marge de l'Histoire et leur retard sur l'inexorable avancée de notre modernité performante. On pourra de même relever le style de vie bourgeois que reflète l'univers du poète, du vieil immeuble silencieux et spacieux, au large escalier, où on l'imagine habiter à ses manières de rentier habitué aux services rituels de son facteur, de son buraliste ou de son laitier, et attaché au charme d'établissements à l'ancienne – café ou salon de coiffure – tel qu'il peut survivre, justement dans certains pays périphériques. Et c'est vrai, la désinvolture de cette poésie, sa disponibilité même, sont bien celle d'un fils de bourgeois ; seulement d'un de ceux, ai-je envie de dire, qui incarnent le bourgeoisie dans sa splendeur. À tout le moins, un rentier inspiré comme celui-ci nous récompense heureusement des mornes technocrates actuels. Et nous rappelle que si les chapeaux que nous ont légués ses pères sont moins respectables que risibles, ils peuvent aussi faire ressortir, au-delà de leur bosses, toute la belle inutilité du ciel… »

Toutefois, le poète évoque internet (p. 65 « le grand web », p. 81 « l'internet du soleil tropical ») comme un sorte d'incongruité ambivalente. La modernité pointe timidement du nez dans ce foisonnement d'images grouillantes de vie et de mort.

Dans le poème « Le veston bleu » est évoquée sa relation avec Gellu Naum, poète surréaliste notoire et traducteur en roumain de René Char :

« Toujours lorsqu'il voyage
par des lieux qui n'a jamais vus
je le sens plus mou plus velouté
peut-être la vocation de l'amitié
peut être l'innocence de la fuite
vide contre vide
entre Gellu et moi
un livre autrefois rejeté par la censure
était-il le moi ? était-il de lui ?
mots qui n'ont plus troublé le papier
ils ont glissé dans l'herbe
engloutis par une tortue
toujours en vie quelque part » (p. 61)

Je retiens également la fin du poème « L'instant où je suis né » dédié à Nora Iuga (cf. p. 15) :

« l'instant où je suis né, ô Seigneur,
demeure l'unité d'un ouvrage surnaturel
bloc que j'arrondis et polis sans cesse
comme pour le rendre singulier
pour l'oublier ensuite négligemment sur la table d'un café
parmi des journaux ouverts des bruits de voix des chapeaux
et des sourires s'entrecroisant dans l'air calfeutré »




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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
31.
Je suis poète
par tout ce que je ne fais pas
la peau de mes joues est fine
comme l'air pulmonaire des suicidés
ma flamme est illusoire
tel le phare mis aux enchères
et abattu par la tempête la nuit même de la vente
comme une banale allumette
je suis poète
seulement lorsque je ne fais rien
regardant le vent qui vient enterrer
les parois de ma vie
en des fosses différentes

(p. 48)
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40.
Contemporain du rien
j'étire mon corps à la clarté des parois
dès que j'arrive chez moi les chaises
crient de leurs pieds tuméfiés
tel le coureur du marathon
un briquet scintille dans un coin
mais il n'y a aucune cigarette à la maison
dans la salle de bain un bout de savon glisse d'une étagère
je le recueille ressentant la solitude sur toute ma peau
à part la mince surface
de ma pomme qui le tient

(p. 57)
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Je suis las de ne rien faire
avec la nonchalance d'un parachute qui ne peut s'ouvrir
rapprochant la mort humaine de l'inutilité gracieuse
d'une chute de feuilles.
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22.
Je traduis des poètes belges
leurs vers me plongent dans la nuit
c'est comme une transfusion
dans une pleine à la lueur lunaire
des ombres et nous meurtrissons nos ongles
aux racines des peupliers
en criant le nom de nos mères
qui de leurs dents nous ont coupé le cordon ombilical
nous ont léchés
nous ont baignés dans leur salive tiède
en nous murmurant bouche-à-bouche
des mots infinis

(p. 39)
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21.
À je ne sais quel étage
une femme lave une vitre
elle traduit les poèmes du soleil en langage usuel
ses rythmes
ont la prégnance des grandes poètes
puis une nuit l'aigu
enrouement de ses os la saisit
dès lors la langue muette d'un peuplier
se glisse entre le soleil et la vitre

(p. 38)
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