Je dois avouer mon ignorance en ce qui concerne la guerre continue entre Israël et la Palestine. Ce roman m'a beaucoup éclairée sur la situation. Fin 1992, je me suis rendue en Israël, en voyage professionnel, et j'ai visité un kibboutz situé à la frontière libanaise. Il était entouré de miradors avec des soldats qui surveillaient tout. A l'époque, j'avais été impressionnée par le calme des habitants vivant sous la menace permanente d'être attaqués. Et, pour être tout à fait honnête, je les ai plaints, comme s'ils étaient des victimes. Bien-sûr je savais qu'Israël avait été créé de toutes pièces, en chassant les palestiniens de leurs maisons et terres, mais en lisant ce roman j'ai été horrifiée par toutes les exactions et massacres commis. Et cela en étant convaincus qu'ils en avaient le droit parce qu'ils étaient des rescapés de la Shoah. le droit !
C'est l'exemple parfait de la façon dont un ouvrage a le pouvoir nous informer et de changer nos opinions.
Jénine est une ville palestinienne située au nord de la Cisjordanie occupée. le nom désigne également le camp de réfugiés palestiniens.
Amal est née dans ce camp. Comment sa famille s'est retrouvée là ? Comment vont-ils s'adapter à cette nouvelle vie et surtout, vont-ils survivre ? Qu'auront-ils à offrir à leurs enfants ?
Le récit est puissant et on ne peut que s'attacher à chaque membre qui tantôt nous émeut, tantôt force notre admiration en faisant montre d'un incroyable courage.
La présentation de l'éditeur est assez complète, je n'en dirai pas plus pour ne pas « divulgâcher ».
Le style est tout simplement parfait et souvent très poétique, malgré le contexte. Des poèmes sont parfaitement insérés dans le texte (surtout de
Khalil Gibran, poète libanais 1883-1931), comme ici :
Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles du désir de
la Vie pour elle-même.
Ils passent par vous, mais ne viennent pas de vous,
Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées, Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez loger leurs corps, mais pas leurs âmes, Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même en rêve.
Vous pouvez vous efforcer d'être semblables à eux, mais ne cherchez pas à les rendre semblables à vous.
Car
la vie ne revient pas en arrière et ne s'attarde pas avec le passé.
(
Le Prophète – 1923)
Mais l'autrice doit aussi parler de massacres et ne rien épargner au lecteur afin qu'il prenne la mesure de ce que les palestiniens ont subi. Dans cet extrait, un gamin vient d'être abattu, sans aucun motif :
J'ai entendu et utilisé moi-même « par exemple » d'innombrables fois. Pourtant, un mot aussi insignifiant, aussi banal, envahit soudain les jours heureux de ma jeunesse et me vole le souvenir d'avoir joué au foot avec Jamal, ce Jamal dont les Juifs font un « exemple » sous mes yeux. Je vois
la vie s'écouler par la blessure d'un « exemple » âgé de seize ans, et je m'étonne en constatant que des choses anodines, voire de simples mots, deviennent odieuses et impitoyables en gagnant en force, et ce malgré la raison et l'histoire.
Je vous donne aussi cet extrait qui nous éclaire parfaitement sur l'inexorable enchaînement de violences, au nom de la vengeance.
Nous étions le 31 mars 2002. le 20 mars, un attentat suicide avait fait sept victimes israéliennes en
Galilée. Cet attentat voulait venger les trente et un Palestiniens tués par les Israéliens le 12 mars, à titre de représailles après la mort de onze Israéliens le 11 mars, abattus pour venger quarante Palestiniens tués le 8 mars, et ainsi de suite.
A lire absolument.