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EAN : 9782070147632
192 pages
Gallimard (26/03/2015)
5/5   2 notes
Résumé :
L'amour et la vénération du Prophète sont au centre de la vie spirituelle des musulmans, dans les dévotions populaires comme dans les enseignements mystiques. Fondée sur les sources scripturaires, développée dans des milliers de poèmes et dans un immense corpus de traités savants, cette piété intense, souvent dénoncée par des oulémas qui choisissent d'y voir une atteinte au pur monothéisme, est attestée par les innombrables observations recueillies par les ethnologu... >Voir plus
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
J’ai déjà eu l’occasion, dans un chapitre précédent, d’évoquer longuement la doctrine du salut universel chez Ibn Arabî et ses fondements scripturaires. Nombreux sont les écrits où ils examine cette question, décisive à ses yeux, et si tous convergent vers l’affirmation d’une certaine forme de félicité, à plus ou moins long terme, pour tous les hommes sans exception – l’idée essentielle commune à tous ces textes étant que la miséricorde de Dieu l’emportera, en définitive, sur Sa juste colère –, l’argumentation qui les sous-tend n’est rien moins que répétitive. Chacun d’eux envisage en effet ce triomphe final de la rahma, la « miséricorde divine », selon une perspective différente et qui, toujours, se déploie à la lumière de tel verset ou, comme c’est le cas ici, de tel hadîth et dans la méditation desquels Ibn Arabî puise cette certitude que « Dieu fera miséricorde à tous » (...) Ibn Arabî le dit à maintes reprises et le répète encore dans ce passage, la « Communauté » du Prophète c’est, d’un certain point de vue, l’humanité toute entière, dans la mesure où le Prophète a été envoyé vers « tous les hommes », conformément à ce que proclame la Révélation ; il a exercé son mandat de manière invisible dans un premier temps, par l’intermédiaire des prophètes qui l’ont précédé et qui étaient des « substituts » (nuwwâb), et de manière manifeste ensuite, à partir du moment où il fut suscité parmi les hommes. Ainsi, « la umma de Muhammad s’étend depuis Adam jusqu’au dernier homme qui sera ; tous sont inclus, de ce point de vue, dans le Communauté de Muhammad. Tous obtiendront donc la bénédiction des ahl al-bayt et tous seront heureux ».

Celui qui aime Dieu en toute sincérité, affirme Ibn Arabî dans le long chapitre des Futûhât consacré à l’amour, celui-là est maqtûl, « tué », anéanti. Ainsi en va-t-il des saints muhammadiens, ceux qui appartiennent de plein droit à la « Maison prophétique » et marchent dans les pas de l’Envoyé. « Purs serviteurs », ils se sont départis, par amour pour Dieu, et de leur ego et de toute chose jusqu’à devenir « sans nom et sans qualité ». Une mort volontaire offerte en holocauste au « Seigneur des mondes » et en échange de laquelle ces « âmes simples et anéanties » ne réclament rien, mais en vertu de laquelle Dieu s’engage à leur verser le « prix du sang » (al-diya) : la promesse qu’en récompense de leur exemplaire sainteté nul n’encourra éternellement la colère divine. (pp. 159-160)
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Dans la perspective qui est celle de la tradition mystique musulmane, ce n’est qu’en assumant pleinement sa condition de « serviteur de Dieu » (‘abd), qui est sienne de toute éternité, que l’homme est à même d’actualiser ce théomorphisme que lui confère, à l’état virtuel, son statut originel d’imago Dei et, partant, de réaliser le plus haut degré de sainteté, celui où il est véritablement le miroir sans tache en lequel Dieu contemple Ses Noms. La palingénésie, autrement dit la restauration de l’Homme Primordial, impose en effet le renoncement le plus radical à toute volonté propre, à toute prétendue autonomie jusqu’à dissiper toute trace de l’ego qui, en l’homme déchu, fait écran au « Je » divin.

C’est donc dans l’obéissance la plus nue aux prescriptions divines qu’éclôt la théomorphose. Asservi de tout son être à la Loi divine qui, à chaque instant et en toutes circonstances, lui dicte sa conduite, le saint assume en acte les « nobles caractères », lesquels ne sont rien de moins que les caractères divins que tout homme a reçus en partage à l’aube de la Création et dont le Prophète est, selon les maîtres du tassawuf, l’épiphanisation pleine et entière. « Son caractère, c’était le Coran », affirmait à son propos son épouse A’isha. D’où Ibn Arabî conclut : « Celui qui, n’ayant pas vécu à l’époque du Prophète, désire le voir, qu’il contemple donc le Coran, car il n’y a aucune différence entre le fait de le contempler le fait de contempler l’Envoyé de Dieu. C’est comme si le Coran avait pris une forme corporelle sous le nom de Muhammad b. Abd Allâh. » En d’autres termes, ce que le Coran, parole de Dieu, exprime sous forme de Livre, le Prophète le signifie en sa personne, l’incarne dans son exemple, celui de la servitude la plus absolue en vertu de laquelle il est khayr al-anâm, « la meilleure des créatures ». (pp. 93-94)
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Que la fonction sotériologique du Prophète embrasse indistinctement tous les hommes, musulmans ou non, croyants ou non, Ibn Arabî en voit, par ailleurs, la preuve scripturaire dans le verset qui proclame : « Et Nous ne t’avons envoyé si ce n’est comme une miséricorde pour les mondes(1) » :

Dieu a envoyé le plus parfait des envoyés, celui dont l’autorité est la plus illustre, dont la mission est la plus globale, « comme une miséricorde pour les mondes », sans spécifier tel ou tel monde. Ainsi, celui qui obéit comme celui qui désobéit, celui qui croit comme celui qui mécroit, celui qui affirme l’unicité de Dieu comme celui qui Lui associe [d’autres dieux] sont inclus dans cette parole qui est désignée comme le monde.

[…] Sa miséricorde englobe le monde, car c’est par elle qu’il a été envoyé parce que Dieu a dit : « Et nous ne t’avons envoyé si ce n’est comme une miséricorde pour les mondes. » Dieu a donc informé qu’Il l’avait envoyé afin qu’il soit miséricorde pour le monde, sans spécifier tel monde plutôt que tel autre.

L’auteur des Futûhât n’est d’ailleurs pas le premier à relever la portée générale que recouvre l’expression « pour les mondes ». Sulamî, dans son tafsîr, cite un propos d’Abû l-Husayn al-Fârisî (ob. 370/981) qui va dans le même sens, ainsi qu’une sentence d’Abû Bakr al-Abharî (ob. 330/941) déclarant que tout l’être du Prophète est une miséricorde pour les créatures. Pareillement, Abû l’Abbâs al-Mursî (ob. 686/1287) affirmait, quelques décennies après Ibn Arabî : « Tous les prophètes ont été créés à partir de la miséricorde. Notre Prophète, lui, est l’essence même de la miséricorde [‘ayn al-rahma]. »

(1) Cor. 21:107 (pp. 79-80)
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